La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2015 | FRANCE | N°14-14473

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juillet 2015, 14-14473


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 janvier 2014), qu'engagé le 23 juillet 1996 par la société Cybermania et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable des achats, M. X... a été licencié pour motif économique par lettre du 22 février 2010 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen, que le li

cenciement a une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 janvier 2014), qu'engagé le 23 juillet 1996 par la société Cybermania et occupant en dernier lieu les fonctions de responsable des achats, M. X... a été licencié pour motif économique par lettre du 22 février 2010 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des dommages-intérêts à ce titre, alors, selon le moyen, que le licenciement a une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que la réorganisation de l'entreprise, qui entraîne une suppression d'emploi, est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que, s'il appartient au juge, tenu de contrôler ce caractère réel et sérieux, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise, le juge ne pouvant étendre son contrôle à l'opportunité d'une mesure de gestion économique ayant conduit à une suppression d'emploi ; que la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que le poste du salarié avait été supprimé et que la société était confrontée à des difficultés économiques et, par motifs adoptés, que ces mêmes difficultés justifiaient qu'il soit procédé à une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité ; qu'en se fondant, cependant, sur la seule considération selon laquelle la société ne justifiait pas de ce qu'en tant que telle, la suppression du poste du salarié était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et que le maintien de ce poste ait constitué une menace pour celle-ci pour en conclure que le licenciement ne reposait pas sur une cause économique réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est substituée à l'employeur quant au choix effectué par lui pour faire face à la situation économique de l'entreprise et a étendu son contrôle à l'opportunité de la mesure de gestion qu'il avait prise, en violation des articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés que l'employeur ne démontrait pas que la suppression du poste occupé par le salarié résultant de l'arrêt de l'activité de vente aux particuliers était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, ni que le maintien de ce poste constituerait une menace pour celle-ci, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir le grief du moyen, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cybermania aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Cybermania
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. Denis Claude X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'avoir condamné son employeur, la société CYBERMANIA, au paiement de 45.000,00 ¿ d'indemnité sur ce fondement ;
Aux motifs propres que : « aux termes de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être motivée, doit viser expressément les difficultés économiques et indiquer sommairement en quoi elles consistent.
Si la lettre de licenciement mentionne un autre motif que la réorganisation de l'entreprise, le juge doit vérifier si cette réorganisation est justifiée par les difficultés économiques.
Il résulte du motif visé par la lettre de licenciement que la suppression du poste de responsable des achats occupé par Monsieur X... a été supprimé en raison de la diminution de fréquentation du magasin due à l'augmentation de la concurrence d'internet, de la grande distribution et à la baisse continuelle des prix, situation motivant l'arrêt de l'activité auprès des particuliers et un déménagement de la société dans d'autres locaux, la nouvelle activité devant s'exercer hors magasin.
Il est précisé en outre que le poste de responsable des achats n'est plus requis puisque le nombre de commandes et leur complexité seront grandement diminués.
Monsieur X... expose qu'il a été verbalement licencié avant même d'être destinataire de la lettre de licenciement, qu'il a été convoqué à un premier entretien préalable qui s'est déroulé le 22 Janvier 2010, puis à un deuxième le 2 Février 2010, que, dès l'entretien, la décision de le licencier avait déjà été prise, que le licenciement verbal est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce d'autant que l'employeur s'est refusé à fournir la moindre explication chiffrée et détaillée sur les difficultés économiques invoquées, ce qu'a confirmé dans son rapport Monsieur Y..., le conseiller qui l'assistait.
Il fait valoir que les difficultés économiques évoquées par l'employeur ne sont pas justifiées, que la seule baisse d'activité ne constitue pas un motif économique, que les éléments financiers fournis par l'employeur ne démontrent pas que la société se trouve dans une situation préoccupante et que l'analyse des comptes complets des sociétés du groupe qu'il a lui-même réalisée le confirme.
Il ajoute que le poste qu'il occupait n'a pas été supprimé, que la société Cybermania ne peut se passer d'un personnel chargé des achats, que, quand bien même l'activité de vente aux particuliers aurait cessé, la vente aux professionnels perdure, ce qui implique des achats aux fins de revente et qu'en réalité, c'est son assistant qui a repris son poste et ses fonctions.
Il soutient en outre que l'employeur n'a pas fait face à son obligation de reclassement, qu'aucune proposition de reclassement satisfaisante et loyale répondant aux conditions légales et jurisprudentielles, que la société Cybermania a volontairement limité ses recherches en externe, que la lettre du 16 Février 2010 lui a été adressée 6 jours seulement avant la notification du licenciement sans qu'il ait pu examiner les propositions qui lui ont été répercutées.
La société Cybermania affirme que le chiffre d'affaires et les résultats comptables ont été en baisse au cours des exercices 2007, 2008 et 2009 et que le résultat d'exploitation arrêté au 30 Juin 2010 a été largement négatif (- 242 124 ¿).
Elle indique qu'eu égard à cette situation, elle était fondée à procéder à une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité, et ainsi prévenir les difficultés à venir, liées à des évolutions technologiques et à leurs conséquences sur l'emploi.
Elle précise que cette réorganisation a consisté à cesser l'activité visant les particuliers, à fermer le magasin et à concentrer son activité sur les seuls clients professionnels.
S'agissant de la suppression d'emploi, elle affirme qu'aucun salarié n'a été recruté contrairement aux affirmations non étayées de Monsieur X..., que son poste a bien été supprimé, que les tâches qu'il accomplissait ont été réparties sur d'autres salariés.
Il est constant que la réorganisation de l'entreprise, motif visé par la lettre de licenciement, ne peut constituer un motif économique de licenciement que si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du groupe auquel elle appartient.
Il n'est pas contestable que la société Cybermania était confrontée à des signaux économiques inquiétants, tout particulièrement une baisse croissante et importante du chiffre d'affaires concernant les exercices comptables de 2007, 2008 et 2009, le dernier bilan arrêté au 31 Décembre 2009 et apprécié au jour de la lettre de licenciement faisant apparaître un résultat négatif de ¿ 88 412 ¿.
Si ces éléments sont de nature à caractériser l'existence de difficultés économiques, la société Cybermania ne démontre pas, ni a fortiori ne justifie, que la réorganisation invoquée consistant à supprimer le poste de responsable des achats, en raison de la suppression de l'activité de vente aux particuliers, ait été nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et que le maintien de ce poste ait constitué une menace pour celle-ci.
L'employeur ne produit en effet aucun élément de nature à étayer ce lien de causalité.
La suppression du poste de Monsieur X... ne peut être que la conséquence de la réorganisation de l'entreprise mais non sa seule substance.
Le licenciement pour ce motif est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant confirmé sur ce point » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « selon l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi (¿), consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ;
¿ que selon la lettre de licenciement adressée à M. X... cette décision serait justifiée par la suppression de son poste de responsable des achats, suppression ellemême justifiée par la décision de la SAS Cybermania d'arrêter toute activité aux particuliers ;
¿ que les éléments versés aux débats attestent des difficultés économiques rencontrées par la société Cybermania, particulièrement au cours de l'exercice 2009, et qu'il n'est nullement établi que les résultats comptables produits soient la conséquence de manoeuvres destinées à péjorer volontairement ces résultats ;
¿ par ailleurs que si de telles difficultés justifiaient que la société procède à une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité, aucun élément soumis à l'appréciation du bureau de jugement n'établit une adéquation entre la situation économique de l'entreprise et la suppression du poste de responsable des achats consécutif à l'arrêt de l'activité vente aux particuliers, la SAS Cybermania n'apportant aucun élément établissant que la suppression de l'activité de vente aux particuliers était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
Qu'en conséquence le licenciement de M. X... doit s'analyser en une rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse » ;
Alors que le licenciement a une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que la réorganisation de l'entreprise, qui entraîne une suppression d'emploi, est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que, s'il appartient au juge, tenu de contrôler ce caractère réel et sérieux, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise, le juge ne pouvant étendre son contrôle à l'opportunité d'une mesure de gestion économique ayant conduit à une suppression d'emploi ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu, par motifs propres, que le poste de M. X... avait été supprimé et que la société CYBERMANIA était confrontée à des difficultés économiques et, par motifs adoptés, que ces mêmes difficultés justifiaient qu'il soit procédé à une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité ; qu'en se fondant, cependant, sur la seule considération selon laquelle la société CYBERMANIA ne justifiait pas de ce qu'en tant que telle, la suppression du poste de M. X... était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et que le maintien de ce poste ait constitué une menace pour celle-ci pour en conclure que le licenciement ne reposait pas sur une cause économique réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est substituée à l'employeur quant au choix effectué par lui pour faire face à la situation économique de l'entreprise et a étendu son contrôle à l'opportunité de la mesure de gestion qu'il avait prise, en violation des articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-14473
Date de la décision : 09/07/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2015, pourvoi n°14-14473


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14473
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award