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08/07/2015 | FRANCE | N°14-81020

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 juillet 2015, 14-81020


Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Chantal X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2014, qui, pour escroquerie et subornation de témoin, l'a condamnée à cinq ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve, à une interdiction professionnelle définitive, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article

567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Azema, conseiller rappo...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Chantal X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2014, qui, pour escroquerie et subornation de témoin, l'a condamnée à cinq ans d'emprisonnement, dont dix-huit mois avec sursis et mise à l'épreuve, à une interdiction professionnelle définitive, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Azema, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AZEMA, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR et de la société civile professionnelle DIDIER et PINET, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général GUEGUEN ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-2, 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a déclaré Mme X... épouse Y... coupable des faits d'escroquerie qui lui étaient reprochés et, en conséquence, l'a condamnée à un emprisonnement délictuel de cinq ans dont dix-huit mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pour une durée de trois ans avec obligation de réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, ainsi qu'aux peines complémentaires de publication de la décision et d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle de pharmacien de manière définitive et, sur l'action civile, l'a condamnée solidairement avec Mmes Z..., épouse A..., et H..., MM. B...et C...à payer à la CPAM la somme de 662 345 euros au titre de dommages et intérêts, celle de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs que le tribunal correctionnel a caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie résultant des manoeuvres frauduleuses accomplies par Mme X... qui a présenté, pour se faire remettre par la CPAM des prestations indues, des bordereaux de délivrance de médicaments contenant des prescriptions établies par des médecins sans délivrer aux assurés sociaux les médicaments ainsi remboursés dont elle ne justifie par ailleurs pas avoir été en possession au sein de l'office ; que le tribunal correctionnel a également caractérisé, par des motifs adoptés, le délit de subornation de témoin commis par Mme X... ; qu'il a encore caractérisé les délits de complicité d'escroquerie et de recel commis par M. B...qui, d'une part, a remis des ordonnances à la pharmacie et a utilisé les cartes vitales dont d'autres assurés sociaux étaient titulaires et a reçu en contrepartie de l'argent provenant des prescriptions destinées à ces assurés sociaux ; que le tribunal correctionnel a à bon droit écarté la contrainte invoquée par Mme X... qui a eu de multiples occasions de dénoncer le trafic dont elle s'estime victime, s'est abstenue de le faire alors qu'elle aurait pu, tant lors des opérations de contrôle fiscal que de celles conduites par la CPAM, que lors de ses dépositions auprès du capitaine de police au cours de sa garde à vue ainsi que de son interrogatoire de première comparution, reconnaître l'existence du travail et expliquer les circonstances dans lesquelles elle avait été amenée à l'organiser ; qu'elle a cependant attendu son premier interrogatoire sur le fond par le magistrat instructeur pour faire état de la contrainte qu'elle invoque encore devant la cour ; que la notoriété de ce trafic en rendait la dénonciation par la prévenue d'autant plus aisée, fût-ce de manière indirecte, notamment en alertant les médecins prescripteurs, tant sur l'incompatibilité des antirétroviraux prescrits par ces derniers au sujet de laquelle la contestation fermement élevée par la prévenue est inexplicable si elle s'estimait contrainte, que sur la multiplicité d'ordonnances émanant de médecins différents s'agissant d'un même patient pour lesquelles les prescriptions étaient similaires pour la même durée de traitement, notamment, en ce qui concerne MM. D...et E...; que le comportement de Mme X..., qui s'est montrée inflexible devant les multiples et précises questions posées tant en garde à vue que, plusieurs semaines après la fin de celle-ci, par le magistrat instructeur ayant placé l'intéressée en face de ses contradictions, laquelle au moins à deux reprises, a affirmé que les propos qu'on lui attribuait n'avaient pas été effectivement tenus au point de nécessiter leur authentification par le greffier assistant le juge, loin de révéler une personnalité perturbée par un état de contrainte, dépouille ses allégations très tardives de toute crédibilité ; que, par ailleurs, Mme X... n'a produit aucune pièce médicale crédible que, au regard de sa position professionnelle, il lui était pourtant facile de se procurer sans se déconsidérer socialement, relative à un prétendu état dépressif de nature à lui ôter tout discernement et à avoir fait obstacle à une alerte de sa part en direction des diverses autorités compétentes pouvant être intéressées par la révélation d'un trafic durable, notoire et gravement nuisible à la santé ainsi qu'à la sécurité publique ; qu'en outre, l'intéressée était en mesure pendant toute la durée du trafic de faciliter l'interpellation de M. B...par les services de police un lundi matin à l'officine de pharmacie, dès lors que, ainsi que le révèlent les transcriptions des enregistrements des conversations téléphoniques, celui-ci annonçait les jours et heures de ses visites, que Mme X..., qui se plaignait de ce que celui-ci venait la menacer entre 12 heures 00 et 14 heures 00 alors que ses préparatrices étaient absentes, pouvait parfaitement modifier ; que le système ainsi organisé a été conçu dès le début des années 2000 au détriment de l'assuré social G...au sujet duquel Mme X... a bien admis une escroquerie tout en minimisant sa cause qui aurait été, selon elle, le remboursement d'une dette contractée envers elle ; qu'il convient cependant de remarquer que la cible des agissements de Mme X... a été, dès cette époque, un habitant du quartier accablé par la vie ; que la circonstance qu'à l'époque des faits les comptes bancaires dont disposait l'officine mais aussi le couple X...-Y... auraient fait l'objet de la part de Mme X... de retraits en espèces non répertoriés par erreur par le capitaine de police chargée de l'enquête et portant quasiment au double le montant des retraits en espèces opérés par le pharmacien sur lesdits comptes, n'est pas établie, dès lors que, la destination finale des fonds prélevés, notamment au moyen de chèques libellés à son propre ordre (« à moi-même ») n'est pas avérée ; que cette circonstance n'est pas, dans ces conditions, de nature à étayer les prétentions de l'intéressée quant à l'état de contrainte auquel elle aurait été soumise ; qu'à cet égard, il résulte des données de l'enquête fiscale, que l'inspecteur des impôts vérificateur n'a jamais pu se faire remettre les factures d'achat des médicaments aux deux principaux fournisseurs mais seulement des récapitulatifs de celles-ci ; que la prévenue, interrogée sur ce point lors de sa comparution devant la cour, s'est contentée de répondre qu'il n'y avait aucune tenue de comptabilité en raison de la contrainte exercée sur elle par la « clique de B...» sans expliquer en quoi celle-ci y aurait fait obstacle ; qu'au contraire, l'état de contrainte invoqué par Mme X... aurait dû la conduire à procéder effectivement aux achats de médicaments visés par les prescriptions qui lui étaient remises pour provoquer rapidement un état de cessation des paiements de nature à mettre fin aux agissements dont elle se prétend la victime alors que l'absence de toute comptabilité sérieuse et la non représentation des factures d'achat révèle qu'à tout le moins une partie des sommes versées par la CPAM n'a fait que transiter par la pharmacie sans aucune contrepartie de la part de celle-ci ; qu'en conséquence le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a retenu la culpabilité de Mme X... du chef d'escroquerie ; que le tribunal a à juste titre relevé que le délit d'escroquerie a été commis par un praticien de santé au détriment de malades ; que la gravité des infractions retenues à son encontre ayant porté sur une longue période une atteinte caractérisée aux impératifs de santé et de sécurité publiques engendrée par un trafic injustifiable de la part d'un praticien confirmé, diplômé d'Etat en 1984, au mépris de toutes les règles déontologiques régissant son statut tant dans son domaine sanitaire que dans son domaine commercial, qui avait déjà fait l'objet d'une interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux d'une durée de six semaines à titre disciplinaire en 1995 en raison d'anomalies de fonctionnement de l'officine de délivrance de médicaments en dehors du cadre légal puis a été rappelée à ses obligations professionnelles par lettre du 12 mai 1997 en raison de nombreux manquements dans la délivrance des médicaments, et qui a tenté de dissimuler ses agissements par la commission du délit de subornation de témoins au détriment d'un patient qui avait pris l'initiative de dénoncer les faits, a justifié le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme que la cour élèvera à une durée de cinq ans dont dix-huit mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pour une durée de trois ans et des obligations d'indemniser les parties civiles ; que les peines complémentaires prononcées par le tribunal correctionnel seront confirmées ;
" 1°) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous la contrainte d'un tiers, dans la crainte ou sous une menace telle que sa liberté de choix en a été anéantie ; qu'en se bornant à retenir, pour exclure que Mme X... ait agi sous la contrainte, qu'elle avait eu plusieurs occasions de dénoncer le trafic en cause qu'elle n'avait pas saisie, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (v. notamment les notes d'audience, spé. p. 4 et s.) si la prévenue ne s'était pas abstenue d'alerté les différentes autorités compétentes en raison des menaces de représailles exercées par M. B...et les personnes envoyées par lui dans son officine, qui pesaient sur elle, sur sa famille et sur ses biens et qui lui avaient inspiré une crainte telle que sa liberté de choix en avait été anéantie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous la contrainte d'un tiers, dans la crainte ou sous une menace telle que sa liberté de choix en a été anéantie ; qu'en relevant, pour exclure que Mme X... ait agi sous la contrainte, que la circonstance qu'à l'époque des faits les comptes bancaires dont disposait l'officine mais aussi le couple X...-Y... auraient fait l'objet de la part de Mme X... de retraits non répertoriés par erreur par le capitaine de police chargé de l'enquête et portant quasiment au double le montant des retraits en espèces opérés par le pharmacien sur ces comptes, n'était pas établie dès lors que la destination finale des fonds prélevés n'était pas avérée, quand il résultait de l'impossibilité de justifier de la destination des fonds en cause que la prévenue avait été contrainte de remettre de l'argent sur ses deniers propres à l'auteur de menaces, ce qui mettait en évidence qu'elle avait agi sous la contrainte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une contrainte physique interne l'ayant privé de sa liberté de choix ; qu'en retenant, pour exclure que Mme X... ait agi sous la contrainte, qu'elle n'avait produit aucune pièce médicale crédible relative à un prétendu état dépressif de nature à lui ôter tout discernement et à avoir fait obstacle à une alerte de sa part en direction des diverses autorités compétentes, quand le médecin l'ayant examinée lors de sa garde à vue lui avait prescrit son traitement habituel destiné à soigner cet état (procès-verbal du 18 septembre 2007, pièce D465), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a ainsi violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 434-15 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a déclaré Mme X... épouse Y... coupable des faits de subornation de témoin qui lui étaient reprochés et, en conséquence, l'a condamnée à un emprisonnement délictuel de cinq ans dont dix-huit mois assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve pour une durée de trois ans avec obligation de réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, ainsi qu'aux peines complémentaires de publication de la décision et d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle de pharmacien de manière définitive et, sur l'action civile, l'a condamnée solidairement avec Mmes Z..., épouse A..., et H..., MM. B...et C...à payer à la CPAM la somme de 662 345 euros au titre de dommages et intérêts, celle de 5 000 euros en réparation du préjudice moral et à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
" aux motifs propres que le tribunal correctionnel a également caractérisé, par des motifs adoptés, le délit de subornation de témoin commis par Mme X... ;
" et aux motifs adoptés que la subornation de témoin sur Mme F...est également constituée ; que Mme X... s'est bien rendue avec son époux chez Mme F...pour lui faire changer son témoignage ;
" 1°) alors que le délit de subornation de témoin n'est caractérisé que s'il est établi que le prévenu a usé de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation ; qu'en se bornant à relever, par motifs adoptés, que la prévenue s'était rendue avec son époux chez Mme F...pour lui faire changer son témoignage sans établir qu'elle aurait fait usage de l'un des moyens limitativement énumérés par l'article 434-15 du code pénal caractérisant l'acte de subornation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que le délit de subornation de témoin nécessite un élément intentionnel, lequel suppose, chez l'auteur de la subornation, la conscience de l'altération de la vérité dans le témoignage qu'il recherche, et la volonté délibérée d'égarer la justice ; qu'en s'abstenant de caractériser une telle volonté de la prévenue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance, ni contradiction, d'une part, démontré que Mme X... ne s'était pas trouvée dans l'impossibilité absolue de se conformer à la loi, d'autre part, caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits d'escroquerie et de subornation de témoin dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 500 euros la somme que Mme X... devra payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit juillet deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-81020
Date de la décision : 08/07/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 16 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 jui. 2015, pourvoi n°14-81020


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.81020
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