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02/07/2015 | FRANCE | N°14-10588

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2015, 14-10588


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 novembre 2013) que Mme X..., engagée à compter du 9 septembre 1982 en qualité de secrétaire standardiste par la société coopérative agricole Charentes-Lait, qui fait partie du groupement des laiteries coopératives Charentes-Poitou, groupe Glac dénommé Terra Lacta, a été, courant 1984, mise à disposition du GIE Vallée de la Boutonne avec mission de prendre les commandes des clients du GIE, de négocier les tarifs auprès des fournisseurs de

fioul, confirmer les commandes auprès de ces derniers, établir la factu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 novembre 2013) que Mme X..., engagée à compter du 9 septembre 1982 en qualité de secrétaire standardiste par la société coopérative agricole Charentes-Lait, qui fait partie du groupement des laiteries coopératives Charentes-Poitou, groupe Glac dénommé Terra Lacta, a été, courant 1984, mise à disposition du GIE Vallée de la Boutonne avec mission de prendre les commandes des clients du GIE, de négocier les tarifs auprès des fournisseurs de fioul, confirmer les commandes auprès de ces derniers, établir la facturation clients et en suivre le règlement ; que le 8 octobre 2010 la société coopérative agricole Charentes-Lait, aux droits de laquelle se trouve la société Terra Lacta, a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avant de la licencier pour faute grave par lettre du 25 octobre 2010 ; que contestant son licenciement, celle-ci a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, que la société coopérative agricole Charentes-Lait avait déjà en sa possession, avant le 20 septembre 2010, trois documents établissant qu'elle avait pris connaissance des faits reprochés à sa salariée plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, ces documents lui ayant nécessairement été remis antérieurement ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, opérantes sur l'issue du litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, que la société Charentes-Lait produisait aux débats, pour les années 2008 et 2009, des documents comptables afin de démontrer que Mme X... favorisait un fournisseur de fioul par rapport à un autre fournisseur de fioul ; que l'exposante soutenait ainsi qu'il s'en inférait que la société Charentes-Lait avait eu parfaitement connaissance, plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, des quantités de fioul achetées par le fournisseur favorisé, puisque ces documents comptables étaient remis pour les reports de livraison au fil des mois ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, opérantes sur l'issue du litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur trois attestations émanant de M. Y..., M. Z...et M. A..., dirigeant du groupe auquel appartient la société coopérative agricole Charentes-Lait, employeur ou supérieur hiérarchique de Mme X..., le dernier ayant rédigé la lettre de licenciement de la salariée, pour démontrer l'absence de connaissance par l'employeur, avant le 20 septembre 2010, des griefs reprochés à la salariée, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
4°/ qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve des faits fautifs invoqués à l'appui du licenciement ; qu'en retenant que Mme X... « se dispense de communiquer ses déclarations de revenus, ce qui ne permet pas de vérifier comme elle le soutient, que ce complément de rémunération était officiel et exempt de dissimulation », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant analysé souverainement la portée et la valeur des éléments de preuve, laquelle est libre en matière prud'homale, et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur démontrait n'avoir eu connaissance des faits reprochés à la salariée que le 20 septembre 2010, en a exactement déduit que la prescription n'était pas acquise ; qu'elle a ensuite, sans encourir le grief d'inversion de la charge de la preuve, constaté que la réalité du système de commissionnement occulte reproché à la salariée était établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Mme X... de ses demandes tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir la condamnation de la société coopérative agricole CHARENTES-LAIT à lui verser les sommes de 913, 30 euros au titre de sa mise à pied conservatoire, 3. 223, 42 euros à titre d'indemnité de préavis, 17. 728, 81 euros à titre d'indemnité de licenciement et 38. 681, 04 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties a énoncé un grief qui sera examiné au visa de l'article L1235-1 du code du travail, le doute profitant à la salariée ; que la société coopérative agricole Charentes-lait a reproché à Mme X... d'avoir organisé avec un des fournisseurs de fuel, Atlantique fuel services, dans le cadre de ses fonctions pour le Gie la Vallée de la boutonne, un système occulte de commissions sur ventes à son profit, lui ayant permis de percevoir une somme de 2 528, 70 euros en 2009, outre d'autres sommes pour les années 2008 et 2010, ce système ayant conduit à privilégier ce fournisseur au détriment des autres et ayant détourné du Gie et des adhérents les ristournes éventuelles dont ils auraient pu bénéficier ; que Mme X... ne conteste pas l'existence de ces commissions et admet avoir ainsi perçu les sommes de 1 402, 38 euros et 204, 01 euros en 2008, 2528, 70 euros et 2242, 69 euros en 2009 et 3603, 33 euros en 2010 ; qu'en revanche, elle soutient que l'employeur était parfaitement informé du système mis en place qui n'était donc pas occulte, et permettait à la salariée de percevoir un complément de rémunération, dès lors qu'en dépit d'une ancienneté de 28 ans son salaire était limité à la somme de 1611, 71 euros brut ; que Mme X... considère ainsi que l'employeur était parfaitement informé des faits bien avant le 20 septembre 2010 et qu'il n'a pu, comme indiqué dans la lettre de licenciement, les découvrir à cette date, l'exercice de son pouvoir disciplinaire étant donc épuisé par le délai de prescription de deux mois prévu par l'article L 1332-4 du code du travail ; que l'argumentation de Mme X... lie donc l'examen de la prescription des faits reprochés à celui de la réalité du grief allégué ; que pour établir avoir découvert les faits seulement le 20 septembre 2010, la coopérative agricole Charentes-lait produit les attestations de M. Y..., M. Z...et M. A..., désormais conformes aux prescriptions formelles de l'article 202 du code de procédure civile, leur rédaction dactylografiée ayant été régularisée par une rédactions manuscrite ce qui rend vaines les critiques de Mme X... ; que dès lors que ces attestations étaient destinées à être produites en justice c'est sans pertinence que Mme X... souligne qu'elles comportent toutes les trois la même date, cette circonstance étant inopérante pour les priver de force probante ; que M. Y...précise être le directeur de la sica sa Charente Poitou, personne morale distincte de la société coopérative agricole Charentes-lait, et dont l'appartenance comme la société coopérative agricole Charentes-lait, au groupe Glac ne suffit pas écarter l'impartialité du témoignage ; que l'examen du registre du commerce et des sociétés de la société coopérative agricole Charentes-lait ne révèle pas que M. Y...est membre du conseil d'administration de la société coopérative agricole Charente-lait ; qu'il s'en déduit que le témoin est un tiers à la relation contractuelle de travail ; que M. Z...et M. A...indiquent, au titre du lien de subordination, pour le premier, être tout à la fois le président de la société coopérative agricole Charente-lait et du Gie Vallée de la Boutonne et, pour le second, être secrétaire général du Glac et contrôleur des comptes du Gie Vallée de la Boutonne ; que les témoins ne dissimulent donc pas leur qualité d'employeur ou de supérieur hiérarchique de Mme X..., M. A...étant également de manière apparente, le signataire de la lettre de licenciement, ce contexte ne suffisant pas à écarter leurs attestations, mais seulement à analyser l'objectivité de leur contenu et à vérifier leur caractère probant ; qu'en outre la sincérité des trois attestations n'a pas été mise en cause par une plainte pénale pour attestation mensongère : que M. Y...relate avoir remis en main propre, le 20 septembre 2010 à M. A..., deux documents concernant des versements d'argent à Mme X... ; que M. A...confirme ce fait et certifie n'avoir jamais été informé auparavant du système mis en place, et n'avoir découvert aucune écriture en ce sens dans la comptabilité du Gie Vallée de la Boutonne ; que M. Z...ajoute avoir été averti le 20 septembre 2010 par M. A...de la découverte de ce système de commissionnement dont il ignorait tout ; que Mme X... assimile à tort, car par simple affirmation, cette concordance des témoignages à de la « connivence » ; qu'il s'évince suffisamment des pièces produites aux débats que les deux documents visés par M. Y...concernent la commission de 2 528, 70 euros versée au titre de l'année 2009 et seule quantifiée dans la lettre de licenciement ; que le premier document mentionne un versement au profit de M. B..., domicilié chez Mme X... et le second un versement au profit de Mme X..., toujours à son adresse personnelle, rectifiant, à sa demande et à son profit, le versement envisagé au profit de M. B...; que Mme X... explique sans pertinence qu'elle envisageait initialement de rembourser une dette à l'égard de son concubin, M. B..., et qu'elle avait donc demandé le versement de la commission concernée au profit de l'intéressé, cette démarche étant suspecte, M. B...n'ayant aucun lien avec la société coopérative agricole Charentes-lait ou avec le fournisseur de fuel ; que le versement de la commission à Mme X... et à son adresse personnelle ne permettait pas non plus à l'employeur d'en avoir connaissance ; qu'il est également établi que les deux commissions 2008 ont été versées non pas à Mme X... mais à sa fille, Mlle D..., également domiciliée chez Mme X..., sans que cette dernière apporte une explication à cette autre anomalie, sa fille n'ayant aucun lien avec son employeur ou le fournisseur de fuel ; que l'employeur ne pouvait avoir connaissance de ces versements ; que la commission 2009 d'un montant de 2 242, 69 euros et les deux commissions 2010 ont été versées à Mme X... en main propre ou par chèque à son domicile personnel, l'employeur n'ayant donc aucun moyen d'en avoir connaissance ; qu'en outre, compte tenu de l'importance des sommes ainsi perçues par Mme X..., la société coopérative agricole Charentes-lait avait tout intérêt à viser l'intégralité de leur quantum dans la lettre de licenciement ce qui permet de retenir qu'elle a découvert tardivement et après enquête l'ampleur du système mis en place ; que Mme X... admet d'ailleurs que les commissions concernées ne figuraient pas sur ses bulletins de salaire, dès lors qu'il s'agissait, selon ses propres termes « d'un complément de rémunération versé en externe » et se dispense de communiquer ses déclarations de revenus, ce qui ne permet pas de vérifier, comme elle le soutient, que ce complément de rémunération était officiel et exempt de dissimulation ; qu'il est constant que les commissions versées directement à Mme X..., à son adresse personnelle, n'apparaissaient pas dans la comptabilité du Gie Vallée de la Boutonne et la salarié soutient de manière inopérante que l'employeur, parfaitement informé, ne l'a jamais mise en garde sur le caractère illicite de cette rétribution complémentaire ; qu'en effet, dès lors que Mme X... était chargée de négocier au mieux les tarifs des fournisseurs, rien n'empêchait que les tarifs attractifs de la société Atlantique fuel services la privilégient dans les commandes passées par le Gie Vallée de la Boutonne, ce dernier n'ayant pas à mettre en doute des propositions de tarifs d'apparence normale et à soupçonner le versement d'avantages indus à la salariée chargée de passer les commandes, Mme X... étant depuis 28 ans, comme elle le souligne, une « employée exemplaire » ; qu'il est manifeste que la société Atlantique fuel services, bénéficiaire d'un privilège de commandes, n'avait aucun intérêt à dénoncer au Gie Vallée de la Boutonne le système mis en place, le versement des commissions à Mme X... ou des membres de sa famille, et à son adresse personnelle démontrant suffisamment l'existence d'un arrangement direct avec Mme X... et à l'insu du Gie Vallée de la Boutonne et de l'employeur ; qu'il se déduit de ces motifs que le système de commissionnement était occulte, que l'employeur démontre en avoir eu la révélation le 20 septembre 2010 seulement, et que la procédure de licenciement a été engagée dans le délai de deux mois, le grief allégué étant réel et sérieux ; que compte tenu de l'ancienneté de Mme X..., l'employeur a exactement retenu la gravité des faits fautifs, qui s'analysent comme un manquement à la probité et à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, Mme X... ayant failli à sa mission en privilégiant, à son seul bénéfice, un fournisseur de fuel et aussi privé le Gie Vallée de la Boutonne d'éventuelles ristournes commerciales ; qu'en conséquence, le licenciement a exactement été prononcée pour faute grave et la cour infirmera la décision déférée et déboutera Mme X... de l'ensemble de ses demandes ; que la décision de la cour d'infirmer le jugement assorti de l'exécution provisoire entraîne de plein droit la restitution des sommes versées, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt, valant mise en demeure, sans que la cour ait à exiger la production de justificatifs de paiement ni à fixer le quantum des sommes à restituer ;

1°) ALORS QUE Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, que la société coopérative agricole Charentes-Lait avait déjà en sa possession, avant le 20 septembre 2010, trois documents établissant qu'elle avait pris connaissance des faits reprochés à sa salariée plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, ces documents lui ayant nécessairement été remis antérieurement (dernières conclusions de l'exposante, p. 10, in fine) ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, opérantes sur l'issue du litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions déposées et reprises oralement à l'audience, que la société Charentes-Lait produisait aux débats, pour les années 2008 et 2009, des documents comptables afin de démontrer que Mme X... favorisait un fournisseur de fuel par rapport à un autre fournisseur de fuel ; que l'exposante soutenait ainsi qu'il s'en inférait que la société Charentes-Lait avait eu parfaitement connaissance, plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, des quantités de fioul achetées par le fournisseur favorisé, puisque ces documents comptables étaient remis pour les reports de livraison au fil des mois (dernières conclusions de l'exposante, p. 11 à p. 12) ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, opérantes sur l'issue du litige, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur trois attestations émanant de M. Y..., M. Z...et M. A..., dirigeant du groupe auquel appartient la société coopérative agricole Charente-Lait, employeur ou supérieur hiérarchique de Mme X..., le dernier ayant rédigé la lettre de licenciement de la salariée, pour démontrer l'absence connaissance par l'employeur, avant le 20 septembre 2010, des griefs reprochés à la salariée, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
4°) ALORS QU'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve des faits fautifs invoqués à l'appui du licenciement ; qu'en retenant que Mme X... « se dispense de communiquer ses déclarations de revenus, ce qui ne permet pas de vérifier comme elle le soutient, que ce complément de rémunération était officiel et exempt de dissimulation », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-10588
Date de la décision : 02/07/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2015, pourvoi n°14-10588


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10588
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