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24/06/2015 | FRANCE | N°14-13513

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 juin 2015, 14-13513


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 décembre 2013), que Michel X... a été hospitalisé d'office au centre hospitalier Morlevat en application d'un arrêté préfectoral pris, le 31 juillet 2009, sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, au visa d'un certificat médical établi le 30 juillet 2009 et d'un procès-verbal de gendarmerie relatant une intervention après un signalement de menaces de mort du même jour, et motivé par Â

« la personnalité paranoïaque de Michel X..., le trouble à l'ordre public eng...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 décembre 2013), que Michel X... a été hospitalisé d'office au centre hospitalier Morlevat en application d'un arrêté préfectoral pris, le 31 juillet 2009, sur le fondement de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique, au visa d'un certificat médical établi le 30 juillet 2009 et d'un procès-verbal de gendarmerie relatant une intervention après un signalement de menaces de mort du même jour, et motivé par « la personnalité paranoïaque de Michel X..., le trouble à l'ordre public engendré par son agitation et le risque potentiel de passage à l'acte agressif » ; qu'invoquant l'absence de nécessité médicale de cette hospitalisation d'office, dont la mainlevée avait été ordonnée le 14 août 2009, Michel X... a assigné le centre hospitalier, son directeur et l'Agent judiciaire du Trésor aux fins d'indemnisation de son préjudice, sur le fondement des articles L. 3213-1 du code de la santé publique, 1382 du code civil et 5-1 et 5-5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'après le décès de Michel X..., sa veuve et ses trois enfants ont repris l'instance ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en réparation par l'Etat du préjudice subi du chef d'une hospitalisation d'office arbitraire ;

Attendu qu'après avoir rappelé que la régularité de l'arrêté du préfet du 31 juillet 2009 portant hospitalisation d'office n'avait pas été contestée devant le juge administratif et qu'il incombait aux consorts X... de rapporter la preuve de la faute commise tant par le représentant de l'Etat, que par l'établissement hospitalier ayant accueilli Michel X... en exécution de cette décision administrative, la cour d'appel a relevé que l'arrêté du préfet s'appuyait sur le certificat du 30 juillet 2009 faisant état de « troubles délirants paranoïdes avec agitation » et que ces troubles n'étaient pas contredits par le certificat établi le lendemain par un autre médecin, qui concluait que l'état du patient ne nécessitait pas « de soins prolongés mais simplement un certain apaisement » ; qu'après avoir ainsi apprécié le bien-fondé de la mesure d'hospitalisation d'office, la cour d'appel en a souverainement déduit que les consorts X... ne rapportaient pas la preuve de l'absence de troubles mentaux de leur auteur, au jour où le préfet avait décidé de la mesure, ni, eu égard aux considérations d'ordre public et de sûreté des personnes, du caractère arbitraire de son internement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer à l'Agent judiciaire de l'Etat et au centre hospitalier Morlevat une somme de 2 000 euros, chacun ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour les consorts X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté des ayants cause (les consorts X..., les exposants) de leur demande en réparation par l'Etat du préjudice subi par leur auteur, décédé en cours d'instance, du chef d'une hospitalisation d'office arbitraire ;
AUX MOTIFS QUE si l'autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier la nécessité d'une mesure d'hospitalisation d'office en établissement psychiatrique et les conséquences qui pouvaient en résulter, et par là même statuer sur la demande en indemnisation formée par une personne qui aurait été détenue arbitrairement, il appartenait à la juridiction administrative d'apprécier la régularité de la décision administrative prise par le préfet, représentant de l'Etat, qui ordonnait l'hospitalisation d'office ; que force était de constater que les écritures des consorts X... étaient essentiellement consacrées à critiquer l'insuffisance de motivation de l'arrêté pris par le préfet et les carences du certificat médical du docteur Y... ; que quelque pertinence qu'eût pu revêtir une telle critique si elle avait été portée devant la juridiction administrative, Michel X... puis ses héritiers avaient fait le choix de ne pas saisir la juridiction administrative de la régularité de l'arrêté préfectorale du 31 juillet 2009 ; que, dès lors, ils se devaient de rapporter la preuve de la faute commise tant par le représentant de l'Etat ayant décidé de l'hospitalisation d'office que par l'établissement hospitalier ayant accueilli Michel X..., étant rappelé que cette hospitalisation d'office résultait d'une décision motivée du préfet de la Côte d'Or - et ce quelle que fût l'appréciation de cette motivation - qui s'appuyait sur un certificat médical faisant état de « troubles délirants paranoïdes avec agitation », et ce quelle que fût là encore l'appréciation faite de ce constat posé par le docteur Y... ; qu'établir cette faute requérait de démontrer l'absence de nécessité médicale de la mesure au 31 juillet 2009 et donc d'établir qu'à cette date Michel X... n'avait pas présenté de troubles mentaux nécessitant des soins compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public ; que si, effectivement, Michel X... n'avait eu aucun traitement psychotrope au cours de son hospitalisation, il fallait relever, au vu des certificats médicaux établis par les praticiens de l'établissement hospitalier dont se prévalaient les consorts X..., que le docteur Z... n'avait pas émis dans son certificat du 31 juillet 2009 un avis aussi tranché que voulaient bien le présenter ceux-ci ; qu'en effet, le docteur Z... du centre hospitalier de MORLEVAT, après avoir rappelé que Michel X... avait été conduit au centre après traitement sédatif administré, avait précisé : « ce matin, le patient est un peu exubérant et exprime un conflit qui, semble dater avec le voisinage et la municipalité de la commune de BLESSY SOURCE SEINE. Il n'exprime pas d'activité délirante mais on perçoit des troubles de la personnalité marqués par une psychorigidité, une toute puissance et un tempérament assez revendicateur et conflictuel. Bien que perturbé sur le plan de la personnalité, on ne perçoit pas chez ce patient d'activité délirante ce jour et il ne semble pas non plus présenter d'état de dangerosité manifeste. Il ne nécessite pas de soins prolongés mais simplement un certain apaisement dans le cadre d'un conflit de voisinage » ; que ce certificat médical ne mettait donc pas à néant la condition de troubles mentaux nécessitant des soins telle que posée pour une hospitalisation d'office par l'article L.2313-1 du code de la santé publique (en réalité 3213-1) ; que les consorts X... ne rapportaient donc pas la preuve de l'absence de troubles mentaux de leur auteur, hospitalisé d'office, au jour où le préfet avait décidé de son hospitalisation d'office ; que, par ailleurs, les considérations d'ordre public et de sécurité des personnes n'étaient pas totalement absentes de la décision d'hospitalisation d'office prise à l'égard de Michel X... ; que, dans son arrêté, le préfet s'était référé au compte-rendu de gendarmerie du 31 juillet relatant l'intervention effectué le 30 juillet auprès de Michel X... sur signalement de menaces de mort que celui-ci aurait proférées ; qu'outre que les consorts X... ne pouvaient utilement critiquer l'emploi du conditionnel, respectueux de la présomption d'innocence, ils ne pouvaient prétendre que c'était la rumeur publique qui avait colporté des menaces qu'aurait adressées Michel X... ; qu'il suffisait de se reporter au document manuscrit élaboré par Michel X... lui-même pour retracer la chronologie des faits et contester (sic) le bien fondé de la mesure prise par le préfet le 31 juillet 2009 (pièce 3 des intimés, appelants incidents) ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'était pas démontré par les consorts X... le caractère arbitraire de l'internement de Michel X... décidé le 31 juillet 2009 par le préfet de la COTE D'OR, de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne pouvait davantage rechercher la responsabilité de l'agent judiciaire de l'Etat au titre de la durée de l'hospitalisation, dès lors que la mainlevée de l'hospitalisation d'office avait été donnée par un nouvel arrêté préfectoral en date du 14 août 2009 dès transmission du certificat médical du docteur A... prescrivant le 12 août, dans le certificat médical légalement exigé à quinzaine, la levée de l'hospitalisation d'office (arrêt attaqué, pp. 8 et 9) ;
ALORS QUE, d'une part, le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la nécessité d'une mesure d'hospitalisation d'office ; que le représentant de l'Etat ne peut ordonner l'hospitalisation d'office des personnes dont les troubles mentaux compromettent la sécurité des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public qu'au vu d'un certificat médical circonstancié ; qu'en refusant de se prononcer sur le caractère circonstancié du certificat médical sur le fondement duquel le préfet avait ordonné l'hospita-lisation d'office de l'auteur des exposants, pour la raison que la régularité de la décision préfectorale ressortissait au juge administratif, quand un certificat médical circonstancié est seul de nature à justifier la nécessité d'une telle mesure privative de liberté, la cour d'appel a violé les articles L.3213-1 du code de la santé publique, 1382 du code civil, ainsi que 5-1 et 5-5 de la convention européenne de sauvegarde ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, en s'abstenant d'apprécier le bien-fondé de la mesure d'hospitalisation d'office au vu du certificat médical sur le fondement duquel elle avait été ordonnée, partant de vérifier que ce certificat faisait état de troubles mentaux de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public, la cour d'appel a violé les articles L. 3213-1 du code de la santé publique, 1382 du code civil, ainsi que 5-1 et 5-5 de la convention européenne de sauvegarde ;
ALORS QUE, d'autre part, une personne ne peut faire l'objet d'une mesure d'hospitalisation d'office dans un établissement psychiatrique que si elle est atteinte de troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; qu'en affirmant que les conditions tenant à la sûreté des personnes et à l'atteinte grave à l'ordre public se trouvaient vérifiées en l'état d'un signalement de menaces de mort mentionné dans un compte rendu de gendarmerie du 31 juillet 2009 auquel s'était référé le représentant de l'Etat, quand elle constatait qu'un certificat médical établi par un médecin psychiatre le même jour attestait que le patient ne manifestait pas d'activité délirante et ne présentait pas non plus d'état de dangerosité manifeste, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L.3213-1 du code de la santé publique, 1382 du code civil, ainsi que 5-1 et 5-5 de la convention européenne de sauvegarde.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-13513
Date de la décision : 24/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 17 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 jui. 2015, pourvoi n°14-13513


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13513
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