LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé à compter du 21 avril 2008 par la société Cibetanche en qualité de conducteur de travaux, coefficient 100, catégorie cadre ; qu' il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 26 mai 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une certaine somme au titre de la prime d'intéressement sur les résultats de l'agence, l'arrêt retient que la société en juin 2009 et novembre 2009 avait payé au salarié des primes d'un montant respectif de 2 500 euros et 1 500 euros, expressément qualifiée « d'intéressement » tandis que dans le même temps un autre collègue de travail était gratifié des sommes de 18 500 euros et 23 000 euros, que le salarié cite de manière très précise la formule mathématique de calcul de l'assiette des primes d'intéressement des agences à partager avec une moitié pour le président-directeur général, l'autre moitié étant divisée entre les salariés de l'agence, qu'outre les sommes déjà citées cet autre collègue de travail a touché au titre de la prime d'intéressement les montant suivants : mai 2008 : 4 255 euros, juin 2008 : 28 200 euros, octobre 2008 : 7 412 euros, novembre 2008 : 25 250 euros, décembre 2008 : 9 550 euros, que tout ce qui précède fait ressortir des présomptions précises et concordantes établissant la réalité de l'usage du bénéfice duquel le salarié se plaint justement d'avoir été évincé, que la société sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 75 000 euros qui a été avec pertinence déterminée à partir des sommes versées de ce chef à l'autre conducteur de travaux ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser le caractère constant du versement de la prime d'intéressement, ni la fixité de son montant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Cibetanche au paiement de la somme de 75 000 euros au titre du rappel de la prime d'intéressement, l'arrêt rendu le 4 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Cibetanche
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Cibetanche à payer à M. X... la somme de 75.000 euros au titre de rappel de prime d'intéressement ;
AUX MOTIFS QUE s'agissant des effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur les premiers juges ont exactement rappelé les principes gouvernant la matière ; qu'à cet égard c'est vainement que l'appelante croit pouvoir y ajouter que le bien fondé des prétentions de ce chef émises par le salarié serait subordonné à la preuve qu'il aurait dans un délai de prévenance suffisant présenté antérieurement des réclamations audit employeur ayant pour objet les comportements qu'il entendait lui imputer à faute ; qu'il doit seulement être recherché - ainsi que l'ont fait les premiers juges - si le salarié établit que l'employeur a effectivement commis les manquements allégués et que ceux-ci s'avèrent suffisamment graves ; qu'en l'état des moyens qui leur étaient soumis, les premiers juges ont relevé - et à ce titre leur constat est exact - que la prime d'intéressement n'avait pas été contractuellement prévue, et sur ce seul fondement ils ont écarté la demande ; que devant la cour, une argumentation juridique nouvelle étayée par la production d'éléments de M. X... a pu obtenir de la SA, justifie en réformant le jugement d'accueillir la demande ; qu'en effet il appert suffisamment du tout que la SA, de manière fixe et constante - ce qui caractérise l'usage dont M. X... réclame le bénéfice - gratifiait tous les salariés d'une même catégorie professionnelle, en l'espèce les conducteurs de travaux d'une prime d'intéressement sur les résultats de l'agence ; que l'examen des bulletins de paye pour toute la période d'embauche de M. X..., des salariés qui étaient ses collègues, à l'agence de REIMS, M. Y... directeur d'agence, et M. Z... conducteur de travaux fait ressortir que ceux-ci ont perçu des primes dénommées intéressement ; que si M. Y... avait une classification supérieure à celle de M. X... comme directeur d'agence, tel n'est pas le cas de M. Z... classé coefficient 100 conducteur de travaux, et ceci même après que son salaire avait été augmenté ; que le contrat de travail de ce dernier, qui a été produit aux débats, comme celui de l'intimé, ne contient pas de clause instaurant ladite prime au profit de celui-là ; que la SA en juin 2009 et novembre 2009 -et ce sont les seules fois- avait payé à M. X... des primes d'un montant respectif de 2.500 € et 1.500 €, expressément qualifiée « d'intéressement » tandis que dans le même temps M. Z... était gratifié des sommes de 18.500 € et 23.000 € ; que face à la différence de traitement de deux salariés ayant le même coefficient et exécutant les mêmes fonctions la SA argue seulement de leurs anciennetés dans l'entreprise qui n'étaient pas les mêmes ; que M. X... cite de manière très précise la formule mathématique de calcul de l'assiette des primes d'intéressement des agences à partager avec une moitié pour le PDG, l'autre moitié étant divisée entre les salariés de l'agence ; que face à cette allégation dont elle possédait les données pour la contredire, l'appelante reste taisante, n'essayant même pas de faire connaître les modalités qui aboutissaient à gratifier très largement les salariés de la même agence que l'intimé ; qu'outre les sommes déjà citées M. Z... a touché au titre de la prime d'intéressement les montants suivants : mai 2008 : 4.255 €, juin 2008 : 28.200 € ; octobre 2008 : 7.412 €, novembre 2008 : 25.250 €, décembre 2008 : 9.550 € ; que tout ce qui précède fait ressortir des présomptions précises et concordantes établissant la réalité de l'usage du bénéfice duquel M. X... se plaint justement d'avoir été évincé ; que la SA sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 75.000 € qui a été avec pertinence déterminée à partir des sommes versées de ce chef à l'autre conducteur de travaux ;
1°) ALORS QU'en se bornant à affirmer « qu'il appert suffisamment du tout que la SA, de manière fixe et constante - ce qui caractérise l'usage dont M. X... réclame le bénéfice - gratifiait tous (...) les conducteurs de travaux d'une prime d'intéressement sur les résultats de l'agence » sans viser, ni a fortiori analyser, même sommairement, les pièces sur lesquelles elle s'est fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en dehors de toute disposition contractuelle ou conventionnelle, une gratification devient un élément normal et permanent du salaire et cesse d'être une libéralité dès lors que cette gratification devient un usage est général, fixe et constant ; qu'en se bornant à relever, d'une part, que la société Cibetanche, « en juin 2009 et novembre 2009 -et ce sont les seules fois- avait payé à M. X... des primes » et, d'autre part, qu'elle avait versé la prime d'intéressement à M. Z... aux mois de mai, juin, octobre, novembre et décembre 2008, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le caractère constant du versement des primes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°) ALORS QU'en dehors de toute disposition contractuelle ou conventionnelle, une gratification devient un élément normal et permanent du salaire et cesse d'être une libéralité dès lors que l'usage est général, fixe et constant ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que M. X... avait bénéficié, en juin 2009 et novembre 2009, de « primes d'un montant respectif de 2.500 € et 1.500 €, » et que M. Z... avait « touché au titre de la prime d'intéressement les montants suivants : mai 2008 : 4.255 €, juin 2008 : 28.200 € ; octobre 2008 : 7.412 €, novembre 2008 : 25.250 €, décembre 2008 : 9.550 € », ce dont il résultait que la prime d'intéressement n'était pas fixe, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS, QU' en se bornant à affirmer que « M. X... cite de manière très précise la formule mathématique de calcul de l'assiette des primes d'intéressement des agences à partager avec une moitié pour le PDG, l'autre moitié étant divisée entre les salariés de l'agence », et d'autre part que « l'appelante reste taisante, n'essayant même pas de faire connaître les modalités qui aboutissaient à gratifier très largement les salariés de la même agence que l'intimé », sans préciser cette formule mathématique, ou caractériser la fixité des éléments de calculs de la prime d'intéressement sur les résultats de l'agence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5°) ALORS QUE le principe « à travail égal, salaire égal » implique que les salariés comparés soient placés dans une situation identique et effectuent un travail de valeur égale ; que sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; que des salariés n'ayant pas une ancienneté ou une expérience comparable ne sont pas placés dans une situation identique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que M. X... et M. Z... n'avaient pas la même ancienneté, ce dernier ayant une ancienneté supérieure de près de dix années, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le principe « à travail égal, salaire égal »;
6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT QUE le principe « à travail égal, salaire égal » implique que les salariés comparés soient placés dans une situation identique et effectuent un travail de valeur égale ; que le juge doit se livrer à une analyse comparée de la situation du salarié avec celle des autres salariés occupant des fonctions identiques ; que le simple constat que les salariés comparés ont le même coefficient et les mêmes fonctions ne suffit pas à caractériser un travail de valeur égale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs inopérants que M. Z... était classé coefficient 100 conducteur de travaux et qu'il exerçait les mêmes fonctions que M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe « à travail égal, salaire égal ».