LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., salariés de la société Méditerranéenne de nettoiement, appartenant au groupe Nicollin, exerçaient en dernier lieu les fonctions de conducteur enlèvement poids lourds et étaient affectés au marché de transport et de traitement des déchets de la communauté de communes de Rhôny-Vistre-Vidourle ; que ce marché dont était titulaire leur employeur a été résilié à l'amiable en 2013 ; que la communauté de communes a lancé une procédure d'attribution d'un marché de transport des déchets ; que la société Pasini a été désignée attributaire de ce marché et a indiqué, le 21 mai 2013, ne pas reprendre les contrats de travail en cours ;
Attendu que pour ordonner à la société Pasini de reprendre les salariés en application de l'article L. 1224-1 du code du travail à la date de reprise du marché et la condamner à payer à chacun une certaine somme à titre de provision sur leurs salaires des mois d'octobre et de novembre 2013, la cour d'appel énonce que l'examen des deux marchés conclus successivement par SMN Nicollin puis la société Pasini permet d'affirmer que la prestation assurée est identique, à savoir, l'enlèvement, le transport et l'évacuation des déchets collectés dans les quatre déchetteries de la communauté de communes, outre diverses prestations annexes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le marché confié à la société Méditerranéenne de nettoiement avait pour objet « l'ensemble des prestations nécessaires à l'enlèvement, au transport et au traitement des produits déposés en déchetterie hors déchets ménagers spéciaux » et que le marché confié à la société Pasini portait exclusivement sur le « transport des déchets issus des déchetteries communautaires », la cour d'appel a dénaturé les termes les termes clairs et précis des conventions en cause et violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Pasini
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné à la société Pasini l'application de l'article L.1224-1 du code du travail pour MM. X... et Y... à la date de reprise du marché sous astreinte de 200 € par jour de retard et d'avoir condamné la société Pasini à payer, d'une part, à M. X... la somme de 3.793,78 € à titre provisionnel au titre des salaires dus en octobre et novembre 2013 et, d'autre part, à M. Y... la somme de 3.862,28 € à titre provisionnel au titre des salaires dus en octobre et novembre 2013 ;
AUX MOTIFS QUE l'examen des deux marchés conclus successivement par SMN Nicollin puis la société Pasini permet d'affirmer que la prestation assurée est identique, à savoir, l'enlèvement, le transport et l'évacuation des déchets collectés dans les quatre déchetteries de la communauté de communes, outre diverses prestations annexes, et qu'il est mis à disposition le même nombre de bennes de 30 m3 et de 10 m3 et concerne la même nature de déchets pris en charge, soit les cartons, le bois, les gravats recyclables et non recyclables, les encombrants, les ferrailles et déchets verts ; qu'au sein de SMN Nicollin, il n'est pas non plus contesté que MM. X... et Y... étaient affectés exclusivement à cette tâche de « conducteur de matériel de collecte, enlèvement, nettoiement » ; qu'il est manifeste que la fonction spécialisée ne consiste pas seulement en un travail de conduite de véhicule poids lourds mais une série de tâches requièrent une spécialité, pour assurer la prestation complète, à savoir : - la mise à disposition du matériel nécessaire à la prestation (véhicules) - l'enlèvement, le transport et l'évacuation des déchets collectés vers des installations autorisées pour le recyclage, l'élimination et le stockage des déchets - l'enlèvement de la benne à fer sécurisée de la déchetterie de Vestric et Candiac en dehors des heures d'ouverture, soit avant 8h30 ou après 17h30 - le chauffeur s'assurera avant le retrait de cette benne que l'alimentation est bien débranchée - en cas de saturation d'une ou plusieurs bennes au cours de la journée, la prestation inclura la rotation du lundi au samedi des bennes sans vidage afin de retirer une benne pleine du quai et de placer une benne de passe vide, propriété de la communauté de communes ou du prestataire, à quai - le signalement de toute benne défectueuse et dont l'usure ne permettrait pas leur rotation ou leur mise en circulation en toute sécurité - le signalement de toute dégradation des bâtiments résultant de l'exécution de la prestation par le prestataire ; que la mise à disposition de bennes est inhérente au marché continué, et que la discussion sur le point de savoir si cela constitue une condition essentielle du marché est sans intérêt dès lors qu'aucune alternative n'est donnée au prestataire ; qu'enfin, l'importance du marché et de sa durée sont sans influence pour l'appréciation de l'existence d'une unité économique autonome ; qu'en cet état de fait, il apparait que, sans contestation sérieuse, l'activité litigieuse constitue une activité économique propre et clairement identifiable, possédant une autonomie d'organisation et à laquelle est affectée un personne non polyvalent et pour le fonctionnement de laquelle a été transférée la mise à disposition d'éléments corporels spécifiques et adaptés aux camions que le prestataire doit fournir pour assurer sa mission ; que dans ces conditions, et sans qu'il n'existe de contestation sérieuse, il est possible de retenir que l'activité transférée constitue une entité économique autonome de telle sorte que par l'effet de la loi le transfert du personnel affecté à cette activité s'impose ; que le refus d'assurer la reprise des deux salariés affectés et dont le transfert présente un caractère automatique constitue le trouble manifestement illicite ouvrant la compétence du juge des référés en application des dispositions de l'article R.1455-5 du code du travail, sachant par ailleurs que la situation de non travail, non indemnisé, dans laquelle se trouvent les salariés constitue une situation d'urgence avérée ; que la créance de salaires de MM. X... et Y... n'est pas discutable, au visa de leur bulletin de salaire perçu au mois d'avril et constituant sans doute possible la base du salaire qui devrait lui être appliqué, de sorte qu'en application de l'article R.1455-7 du code du travail, en présence d'une créance liquide et exigible qui n'est pas sérieusement contestable, il doit être fait droit à leur demande ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'article L.1224-1 du code du travail, selon lequel, « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur (...) tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise », tel qu'interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s'applique qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant ; qu'enfin, la simple perte d'un marché n'entre pas dans le champ d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ; qu'en affirmant que les deux marchés conclus successivement par société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN Nicollin) puis la société Pasini portaient sur des prestations identiques (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 3), cependant que le marché confié à la société Méditerranéenne de Nettoiement avait pour objet « l'ensemble des prestations nécessaires à l'enlèvement, au transport et au traitement des produits déposés en déchetterie hors déchets ménagers spéciaux » et que le marché confié à la société Pasini ne portait quant à lui que sur le « transport des déchets issus des déchetteries communautaires », la cour d'appel dénaturé les termes des conventions en cause et a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; qu'en affirmant que l'existence d'une entité économique autonome était en l'espèce avérée au regard des tâches confiées aux conducteurs de poids lourds (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 5), tout en se bornant à dresser une liste de tâches correspondant en réalité aux missions que doit accomplir tout transporteur routier en charge de convoyer des marchandises, la cour d'appel, qui n'a fait que rappeler les conditions d'exécution d'une prestation de service de transport parfaitement classique et n'a pas caractérisé l'existence d'une entité économique autonome, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE l'entité économique doit en toute hypothèse être autonome ; qu'en l'espèce, l'activité litigieuse ne présente aucun caractère d'autonomie, ni au regard de l'activité de traitement des déchets dont elle ne prend en charge qu'un aspect, en l'occurrence le transport, ni au regard de l'entreprise en charge de cette mission, qui n'a pas créé à cette fin un service spécifique ; qu'en affirmant cependant l'existence d'une entité économique autonome, sans caractériser l'autonomie de cette entité économique, à la supposer existante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1224-1 du code du travail ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE ce n'est en toute hypothèse qu'en l'absence de contestation sérieuse de l'employeur que la formation des référés peut ordonner toute mesure urgente à la demande du salarié, ou accorder à ce dernier une provision ; que se heurte nécessairement à une contestation sérieuse la demande de rappel de salaire dont l'examen du bien-fondé suppose l'appréciation de « l'existence d'une activité économique propre et clairement identifiable, possédant une autonomie d'organisation et à laquelle est affecté un personnel non polyvalent et pour le fonctionnement de laquelle a été transférée la mise à disposition d'éléments corporels spécifiques et adaptés aux camions que le prestataire doit fournir pour assurer sa mission » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 1er) ; qu'en se prononçant sur cette question et en tranchant ainsi une contestation sérieuse cependant qu'elle statuait en référé, la cour d'appel a violé les articles R.1455-5 et R.1455-7 du code du travail.