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11/06/2015 | FRANCE | N°14-19248

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 juin 2015, 14-19248


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 31 mai 2007, pourvoi n° 06-12. 704), que Mme X... a été victime de violences volontaires dont l'auteur a été condamné par une cour d'assises ; qu'elle a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande en réparation de ses préjudices ;
Attendu que pour écarter la demande de Mme X... tendant à

l'indemnisation de la perte de gains professionnels du 1er avril 2012 au 22...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 31 mai 2007, pourvoi n° 06-12. 704), que Mme X... a été victime de violences volontaires dont l'auteur a été condamné par une cour d'assises ; qu'elle a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'une demande en réparation de ses préjudices ;
Attendu que pour écarter la demande de Mme X... tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels du 1er avril 2012 au 22 avril 2013, l'arrêt énonce que cette dernière demande son indemnisation jusqu'au 22 avril 2013 mais qu'il ressort des pièces qu'elle a produites qu'une pension d'invalidité lui a été versée à compter du 1er avril 2012 ; que bien que la cour le lui ait expressément demandé, Mme X... n'indique pas le montant de cette pension ; qu'elle ne prouve donc pas avoir subi une perte de gains à compter du 1er avril 2012 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bordereau de communication de pièces mentionnait la production de la notification rectificative d'une pension d'invalidité, qui indiquait que le montant brut annuel de la pension s'élevait à compter du 1er avril 2012 à la somme de 5 285, 89 euros, la cour d'appel a dénaturé par omission ce document et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé le montant de l'indemnité due à Mme Rebaïa X... au titre des pertes de gains professionnels à la somme de 4. 840, 90 euros et d'AVOIR débouté l'exposante du surplus de sa demande ;
AUX MOTIFS QUE Mme Rebaïa X... sollicite l'indemnisation de son préjudice patrimonial, lequel est uniquement constitué, en l'occurrence, de ses pertes de gains professionnels ; que le poste « perte de gains professionnels » correspond à la perte de revenus ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité temporaire (pour la perte de gains professionnels actuels) ou à l'incapacité permanente (pour la perte de gains professionnels futurs) de la victime ; qu'en l'espèce, dans les conclusions de son rapport d'expertise du 9 novembre 2011, le Dr Z...a indiqué : « l'état psychiatrique de Mme X... Rebaia a eu une incidence sur son activité professionnelle. L'intéressée a notamment bénéficié de deux arrêts maladie du 9 février 2006 au 28 janvier 2008 inclus ainsi que du 18 mai 2010 jusqu'à ce jour. L'état clinique actuel de Mme X... ne lui permet pas de reprendre une activité professionnelle à temps plein. A la suite de ces arrêts maladie, Mme X... a fait l'objet d'une procédure de licenciement du fait de son inaptitude à reprendre son activité professionnelle » ; que ces arrêts de travail et cette inaptitude de Mme Rebaïa X... à reprendre le travail sont, pour l'expert, incontestablement causés par l'infraction des 17/ 18 août 2000. En effet, l'expert évoque, à propos de Mme Rebaïa X... un " vécu émotionnel intense de nature traumatique et anxio-dépressive, dont l'imputabilité directe et exclusive avec les événements du 18 août 2000 m'apparaît certaine, compte-tenu de l'absence d'état antérieur » ; que la circonstance que Mme Rebaïa X... n'ait jamais travaillé avant la commission de l'infraction est indifférente. Le fait que le travail qu'elle a occupé à compter de 2004 ait dû être interrompu à cause des séquelles psychologiques découlant des faits délictueux d'août 2000 suffit à établir son droit à l'indemnisation de la perte des gains professionnels qui en est résultée ; que par conclusion du 22 avril 2013, Mme Rebaïa X... demande à la Cour de lui allouer " en réparation de la perte de chance qu'elle éprouve, une somme de 500 euros par mois sur les onze années qui viennent de s'écouler, soit au total la somme de 66 000 euros. " ; qu'il faut en déduire qu'elle sollicite l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels sur la période du 22 avril 2002 au 22 avril 2013 ; qu'il n'est pas établi qu'elle ait travaillé avant 2004, ni qu'elle ait été empêchée de travailler à cause de sa santé avant cette année-là, au cours de laquelle elle a commencé à occuper un emploi d'agent d'entretien dans une usine ; qu'elle ne peut donc se prévaloir d'aucune perte de gains avant son premier arrêt de travail qui a commencé en 2006 ; que les contrats de travail qu'elle produit sont des contrats de travail à durée déterminée, dont le renouvellement ne peut être considéré comme acquis ; que la reconduction d'un contrat de travail à durée déterminée ou le fait de retrouver un nouvel emploi à l'issue d'un CDD ne sont jamais assurés ; que Mme Rebaïa X... peut donc seulement se prévaloir du fait que sa dépression et les arrêts de travail subséquents lui ont fait perdre une chance de retrouver un autre CDD ; qu'au vu des bulletins de salaire qu'elle produit, elle a travaillé jusqu'en janvier 2006 inclus. Au cours des mois précédents, elle a travaillé environ 26 heures par semaine, ce qui lui a procuré un salaire mensuel net d'environ 900 euros ; que la perte de chance de retravailler devant être estimée à 50 %, Mme Rebaïa X... est fondée à solliciter la compensation de ses pertes de salaires jusqu'à 450 euros par mois ; que suivant les indications données par l'expert, le premier arrêt de travail causé par l'état anxio-dépressif post traumatique de Mme Rebaïa X... a duré du 9 février 2006 au 28 janvier 2008 inclus ; que la perte indemnisable qu'elle a subie pendant cette période, calculée sur la base de 450 euros par mois, est donc de 10 600 euros ; qu'elle a perçu de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Moselle, pour cette même période, des indemnités journalières à hauteur de 16 509, 30 euros ; que la perte indemnisable a donc été entièrement compensée par les indemnités journalières allouées et Mme Rebaïa X... ne peut plus rien réclamer à ce titre ; que l'expert a également indiqué que Mme Rebaïa X... s'était à nouveau trouvée en arrêt maladie à compter du 18 mai 2010. Elle demande son indemnisation jusqu'au 22 avril 2013, mais il ressort des pièces qu'elle a produites qu'une pension d'invalidité lui a été versée à compter du 1er avril 2012 ; que bien que la cour le lui ait expressément demandé, Mme Rebaïa X... n'indique pas le montant de cette pension ; qu'elle ne prouve donc pas avoir subi une perte de gains à compter du 1er avril 2012 et sa demande d'indemnisation ne peut, dès lors, concerner que la période du 18 mai 2010 au 31 mars 2012 ; que pendant cette période, son préjudice indemnisable (sur la base de 450 euros par mois) s'est élevé à 10 103 euros ; qu'elle a perçu pendant cette période des indemnités journalières à hauteur de 5 262, 10 euros, de sorte que son préjudice résiduel s'établit à 4 840, 90 euros ; que les indemnités versées au titre de la solidarité nationale (comme le RSA) n'ont pas à être prises en compte pour diminuer le préjudice économique de Mme Rebaïa X... ; que par conséquent, les pertes de gains de Mme Rebaïa X... doivent être fixées à 4 840, 90 euros ;

1°) ALORS QUE les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les responsables s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du Code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt, qu'avant application du taux de perte de chance, le préjudice subi par la victime entre le 9 février 2006 et le 28 janvier 2008 s'élevait à la somme de 21. 200 euros ; qu'ainsi, la victime, qui perçu pour cette même période des indemnités journalières à hauteur de 16. 509, 30 euros, devait se voir allouer un solde indemnitaire de 4. 690, 70 euros ; qu'en jugeant, dès lors, que Mme X... ne devait percevoir aucune indemnité complémentaire, la Cour d'appel a violé les articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31, alinéa 2, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
2°) ALORS QUE les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les responsables s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du Code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'avant application du taux de perte de chance, le préjudice subi par la victime entre le 18 mai 2010 et le 31 mars 2012 s'élevait à la somme de 20. 206 euros et à la somme de 10. 103 euros après application de la perte de chance et, par ailleurs, que Mme X... avait perçu pour cette même période des indemnités journalières à hauteur de 5. 262, 10 euros ; qu'ainsi, le Fonds devait être condamné à verser à Mme X..., en application de son droit de préférence, la somme de 10. 103 euros ; qu'en jugeant qu'elle ne devait percevoir qu'une indemnité complémentaire de 4. 840, 90 euros, la Cour d'appel a violé les articles L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31, alinéa 2, de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
3°) ALORS QUE le préjudice subi par la victime doit être évalué selon le droit commun, indépendamment des prestations éventuellement versées par les tiers payeurs ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande d'indemnisation au titre de sa perte de gains professionnels pour la période postérieure au 1er avril 2012 au motif qu'elle n'aurait pas indiqué le montant de la pension qu'elle perçoit depuis cette date (arrêt p. 6, al. 2), la Cour d'appel a violé les articles 29 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382 du Code civil ;
4°) ALORS QUE, en toute hypothèse, Mme X... produisait à l'appui de sa demande « une notification rectificative du montant d'une pension d'invalidité » expressément visée dans le bordereau de pièces, annexé aux conclusions de la demanderesse devant la Cour d'appel de renvoi, datées du 22 avril 2013 (pièce n° 12) ; qu'en limitant à la somme de 4. 840, 90 euros l'indemnisation du préjudice subi par l'exposante au titre de la perte de gains professionnels au motif qu'elle n'aurait pas indiqué le montant de la pension perçue à compter du 1er avril 2012 (arrêt p. 6, al. 2), l'arrêt attaqué a dénaturé par omission la « notification rectificative du montant d'une pension d'invalidité » susvisée et a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge qui constate qu'une pièce citée au bordereau annexé aux conclusions d'une partie ne figure pas au dossier qui lui a été versé, doit l'inviter à s'en expliquer ; qu'en relevant, pour limiter l'indemnisation allouée à Mme X... qu'elle n'aurait pas indiqué le montant de la pension perçue à compter du 1er avril 2012 (arrêt p. 6, al. 2), sans l'inviter à expliciter les raisons pour lesquelles la « notification rectificative du montant d'une pension d'invalidité » figurant au bordereau annexé à leurs conclusions ne lui était pas communiquées, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-19248
Date de la décision : 11/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 20 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 jui. 2015, pourvoi n°14-19248


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19248
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