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10/06/2015 | FRANCE | N°14-14770

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juin 2015, 14-14770


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Fernand X..., qui avait souscrit un contrat d'assurance-vie désignant son épouse, Mme Y..., en qualité de bénéficiaire, est décédé le 25 avril 2005, laissant pour lui succéder son épouse et leurs sept enfants Catherine, Didier, Benoît, Véronique, Agnès, Bénédicte et Elisabeth ; que Mme Y... a opté pour l'usufruit de l'universalité des biens ; que des difficultés sont survenues au cours des opérations de liquidation et de partage de la succession ;
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ur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mmes Catherine et Véroniqu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Fernand X..., qui avait souscrit un contrat d'assurance-vie désignant son épouse, Mme Y..., en qualité de bénéficiaire, est décédé le 25 avril 2005, laissant pour lui succéder son épouse et leurs sept enfants Catherine, Didier, Benoît, Véronique, Agnès, Bénédicte et Elisabeth ; que Mme Y... a opté pour l'usufruit de l'universalité des biens ; que des difficultés sont survenues au cours des opérations de liquidation et de partage de la succession ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mmes Catherine et Véronique X... et M. Didier X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en déchéance, pour défaut d'entretien, du droit d'usufruit de leur mère ;
Attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que les désordres allégués constituaient des vices de structure et étaient survenus avant l'ouverture de la succession, les juges du fond ont exactement retenu qu'ils ne pouvaient justifier la sanction prévue à l'article 618 du code civil ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a aussi retenu que le défaut d'entretien superficiel de l'immeuble, tel que l'entretien du jardin ou des tuiles, ne justifiait pas la déchéance du droit d'usufruit ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche et qui, en sa seconde branche, critique un motif surabondant de l'arrêt, ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 132-13 du code des assurances ;
Attendu, selon ce texte, que les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de réintégrer dans l'actif successoral les primes versées par Fernand X... au titre du contrat d'assurance-vie qu'il avait souscrit, l'arrêt retient qu'au regard de sa situation patrimoniale et de son état de santé, ces primes ne présentaient pas un caractère manifestement exagéré ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le contrat présentait un intérêt pour le souscripteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de réintégrer dans l'actif successoral les primes versées au titre du contrat d'assurance-vie, l'arrêt rendu le 18 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme Nelly X... et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mmes Catherine et Véronique X... et M. Didier X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande tendant à voir déchoir Mme Nelly Y... veuve X... de son droit à usufruit ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article 618 du code civil, l'usufruit peut cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien ; que les appelants demandent à la cour de prononcer la déchéance de Mme Nelly X... de l'usufruit de l'universalité du patrimoine successoral, compte-tenu du dépérissement faute d'entretien des biens sis à Rosny-sous-Bois et à Oléron-sur-Mer et du défaut de remploi au profit de la propriété de Rosny-sous-Bois de l'indemnité d'assurance ; qu'ils n'apportent aucune preuve de l'état précis du bien situé à Oléron sur Mer, le seul élément produit, une attestation d'un couple d'amis de leurs parents indiquant avoir passé des moments délicieux en août 2005 dans une petites maisonnette indépendante, étant tout à fait insuffisante pour établir le défaut d'entretien qu'ils reprochent à leur mère et qui est, au demeurant, tout à fait contredit par la demande de cette dernière de remboursement de la somme de 31 812,91 ¿ au titre des travaux qu'elle y a effectués ; qu'en ce qui concerne le bien situé à Rosny-sous-Bois, les appelants ne peuvent reprocher à leur mère le défaut d'emploi de la somme de 91 391,40 ¿ réglée par l'assureur aux fins d'indemniser les désordres subis par l'immeuble, les versements ayant été opérés en trois fois, en 2001 et 2003, du vivant de leur père, de sorte que la décision de ne pas affecter l'indemnité aux réparations de la maison de Rosny-sous-Bois n'est nullement imputable à l'usufruitière dont l'usufruit n'a pris effet qu'au décès de son époux, le 25 avril 2005 ; qu'en dehors de l'absence de réparation des vices de structure du bâtiment qui ne peut, ainsi qu'il a été dit, être reprochée à Mme Nelly X..., les appelants produisent des photographies qui révèlent principalement que la végétation sur le terrain se développe ; que ce défaut d'entretien se situe dans un contexte précis, à savoir le choix de Mme Nelly X... de vivre à Oléron sur Mer et sa volonté de sortir de l'indivision en application de l'article 815 du code civil sur le bien de Rosny-sous-Bois qui est un bien commun ; qu'elle a informé ses enfants, notamment par lettre de son avocat du 5 janvier 2010, de son souhait de faire cesser l'indivision en vendant ce bien ; qu'aux termes de cette lettre, il était fait état de la proposition d'un acquéreur pour un prix de 220 000 ¿ alors que cette maison avait été évaluée en raison de son état au prix du terrain, environ 185 000 ¿ ; qu'en l'absence d'accord des appelants sur cette solution, elle a du les assigner en partage judiciaire par actes des 19 et 22 février et 1er mars 2010 ; que le statu quo quant au sort de cette maison, dont la responsabilité incombe aux appelants, s'accompagne nécessairement d'une certaine dégradation inhérente au fait de laisser inhabitée une maison particulière ; que cependant, eu égard au souhait de Mme Nelly X... de vendre ce bien qui se heurte à l'inertie des appelants, le défaut d'entretien superficiel du bien, tel l'entretien du jardin ou l'entretien des tuiles ne saurait en aucun cas justifier la déchéance du droit d'usufruit de leur mère ; qu'en conséquence, le jugement qui les a déboutés de cette demande, doit être confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte de l'article 618 du Code civil que "l'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fond, soit en le laissant dépérir faute d'entretien" ; qu'en l'espèce, il est reproché à Madame veuve X... de ne pas avoir entretenu l'immeuble de Rosny, en n'employant pas notamment les fonds versés par la compagnie d'assurance Azur entre 2001 et 2003, en réparation des désordres causés par la sécheresse de 1990 ayant fait l'objet des opérations d'expertise de monsieur A... ; qu'il ressort des comptes-rendus d'expertise que des travaux de reprise en sous-oeuvre ont été entrepris en 1994, l'expert ayant préconisé des travaux de consolidation de la structure du bâtiment lors de la réunion du 30 mai 2002, les travaux ayant été évalués à la somme de 90 026,53 ¿ TTC par l'expert ; que les parties se sont rapprochées en cours d'expertise et la compagnie Azur a versé aux époux X... : 42 671,85 ¿ en décembre 2001, 762,25 ¿ en janvier 2002 et 49.091, 08 ¿ en juin 2003 ; que s'il n'est pas contesté que l'indemnité d'assurance n'a pas été employée pour réaliser les travaux recommandés par l'expert afin de conforter l'ouvrage, il ne saurait être reproché à Madame veuve X... d'avoir manqué à ses obligations d'usufruitière puisque les sommes ont été versées bien avant le décès de monsieur X... survenu le 25 avril 2005 ; que par ailleurs, les défendeurs ne rapportent pas la preuve de l'insanité allégué à l'encontre de Monsieur X..., la très grande majorité des attestations versées aux débats décrivant ce dernier comme conscient de ses actes jusqu'à la fin de sa vie, et le dossier médical rapportant des troubles du comportement à partir de début 2004 ; que le choix des époux de ne pas entreprendre les travaux suite au dernier versement survenu en juin 2003 leur appartenait, alors que les attestations versées aux débats ont révélés que le couple de retraité résidait fréquemment dans la maison de Saint Pierre d'Oléron ; qu'en ce qui concerne cet immeuble, il est justifié de travaux entrepris par Madame veuve X... entre janvier 2005 et décembre 2009, de sorte qu'il ne saurait davantage lui être reproché un manque d'entretien des biens dont elle est usufruitière ; que dans ces conditions, il y a lieu de débouter les défendeurs de leur demande tendant à voir déchoir Madame veuve X... de son droit à usufruit ;
1) ALORS QUE l'usufruit peut cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance en laissant dépérir le bien faute d'entretien ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont constaté l'absence de réparation des vices de structure du bâtiment ; qu'en n'expliquant pas pour quelle raison cette absence de réparation des vices de structure ne pouvait être considérée comme un dépérissement de l'immeuble imputable à l'usufruitière, peu important que celle-ci ne fût pas obligée d'utiliser les sommes versées par l'assurance pour réaliser les travaux, les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard de l'article 618 du code civil, ensemble l'article 578 du même code ;
2) ALORS QUE l'usufruitier est tenu d'entretenir la chose et n'a pas le droit de la laisser dépérir, peu important, lorsqu'il s'agit d'un immeuble, qu'il n'y réside pas ; qu'en affirmant que dans la mesure où Mme Y... préférait résider dans l'immeuble situé à Saint-Pierre d'Oléron, et vendre l'immeuble situé à Rosny-sous-Bois, il était normal que cette situation s'accompagne d'une certaine dégradation inhérente au fait de laisser inhabitée une maison particulière, quand cette circonstance était impuissante à dispenser l'usufruitier de ses obligations, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article 618 du code civil, ensemble l'article 578 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande de réintégration dans l'actif successoral des primes versées au titre du contrat d'assurance-vie à hauteur de 110.000 ¿ ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon les dispositions de l'article L. 132-13 du code civil lire : code des assurances , "le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celle de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés" ; que les appelants soutiennent que le contrat Séquoia souscrit le 13 juin 2003, l'a été dans l'unique but de faire échec aux règles du droit successoral, s'agissant d'un contrat finalisé par leur mère, en vue de se gratifier à leur détriment, ce contrat ne comportant pas d'aléa, de sorte qu'il s'agit d'une donation déguisée ; que subsidiairement, ils estiment que les primes de 110 000 ¿ constituent un versement manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur et concluent à la nullité du contrat pour trouble mental ; qu'un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ; qu'à la date du 13 juin 2003, Fernand X... né en 1930, n'avait donc que 73 ans ; que s'il avait subi des accidents ischémiques cérébraux les 17 et 27 juin 2002 et le 26 juin 2003, il n'en demeure pas moins que son pronostic vital n'était nullement obéré par une maladie grave en phase terminale, sans aucun espoir de survie à brève échéance ; que de fait, il a vécu pendant presque deux ans après le versement critiqué ; que si les éléments médicaux révèlent qu'il a eu effectivement les problèmes de santé susvisés, les appelants ne démontrent nullement qu'il avait un traitement lourd, l'empêchant de vaquer aux occupations de la vie quotidienne et qu'il avait la crainte d'une fin prochaine ; que la souscription de l'assurance-vie dont il pouvait à tout instant changer le bénéficiaire, ne constitue pas une donation déguisée en ce qu'elle ne révèle nullement la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ; que par ailleurs, le versement de la somme de 110 000 ¿, par Fernand X... alors qu'il percevait une retraite mensuelle de 1396 ¿ et était propriétaire en propre du bien situé à Oléron et de la moitié de la maison de Rosny-sous-Bois, bien commun, n'apparait nullement exagéré au regard de ses facultés de sorte que les appelants doivent être déboutés de leur demande de réintégration à l'actif successoral des primes versées ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les défendeurs ont soutenu que le contrat d'assurance-vie dont Madame veuve X... a été désignée comme le bénéficiaire devait être requalifié en donation, le montant des primes versées à hauteur de la somme de 110 000¿ étant réintégré dans l'actif successoral ; que contrairement à ce qui est soutenu, ce contrat n'a pas été souscrit le 16 juin 2003, le jour où les époux X... ont reçu le troisième versement de l'indemnité d'assurance, puisqu'il est versé aux débats un relevé au 31 mars 2003 ; que si Monsieur X... avait connu des problèmes de santé en 2002, il n'est pas établi qu'il était atteint d'insanité d'esprit, de sorte que le choix d'effectuer un placement par le biais d'un contrat d'assurance-vie appartenait au couple ; que la demande tendant à voir ordonner la requalification du contrat en donation et le rapport à la succession des primes versées au titre du contrat d'assurance-vie doit en conséquence être rejetée, la preuve de la mauvaise foi de Madame veuve X... n'étant pas rapportée, de sorte que la sanction de recel ne saurait être appliquée ;
ALORS QUE les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance vie sont rapportables à la succession si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge et des situations patrimoniale et familiale du souscripteur, ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci ; qu'au cas d'espèce, pour repousser la demande de rapport à la succession des primes versées par le de cujus sur le contrat d'assurance-vie Séquoia, la cour d'appel s'est bornée, pour déterminer si les primes étaient manifestement exagérées, à considérer le patrimoine, les revenus et l'âge du souscripteur, sans s'intéresser à l'utilité que pouvait présenter le contrat pour ce dernier, qui est décédé moins de deux ans après la conclusion, privant ainsi son arrêt de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances, ensemble l'article 843 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-14770
Date de la décision : 10/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 2015, pourvoi n°14-14770


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14770
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