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09/06/2015 | FRANCE | N°14-12311

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juin 2015, 14-12311


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 décembre 2013), que M. et Mme X... sont propriétaires d'un appartement au sein d'une résidence dénommée " La Corniche d'Or " ; que M. Y... a fait édifier un garage en 1998 sur le terrain contigu lui appartenant ; que M. Z... a acquis le fonds de M. Y... par acte du 10 août 2004 ; que M. et Mme X..., soutenant que le garage avait été construit en violation d'une servitude de cour commune et leur causait un trouble anormal de voisinage, ont assigné MM. Y... et

Z... en démolition du garage et paiement de sommes au titre de l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 décembre 2013), que M. et Mme X... sont propriétaires d'un appartement au sein d'une résidence dénommée " La Corniche d'Or " ; que M. Y... a fait édifier un garage en 1998 sur le terrain contigu lui appartenant ; que M. Z... a acquis le fonds de M. Y... par acte du 10 août 2004 ; que M. et Mme X..., soutenant que le garage avait été construit en violation d'une servitude de cour commune et leur causait un trouble anormal de voisinage, ont assigné MM. Y... et Z... en démolition du garage et paiement de sommes au titre de leur trouble de jouissance ;
Sur le pourvoi principal :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'il ressortait de l'expertise judiciaire et des photographies que le garage édifié par M. Y... occultait assez nettement la vue sur mer depuis le balcon de M. et Mme X..., cette vue disparaissant presque totalement en position assise, et les privait d'ensoleillement, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la vue de M. et Mme X... était obstruée dans des proportions suffisamment importantes et gênantes pour que le trouble anormal soit caractérisé, a pu condamner M. Y... à leur payer une somme en réparation de leur préjudice ;
Attendu, d'autre part, que M. Y... n'ayant pas soutenu dans ses conclusions qu'il ne pouvait être condamné au titre d'un trouble anormal du voisinage après avoir vendu son bien à un tiers et sans avoir eu la faculté de remédier à ce trouble, le moyen est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le pourvoi incident :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement retenu, d'une part, par une interprétation exclusive de dénaturation que l'ambiguïté des clauses invoquées rendait nécessaire, que la servitude de cour commune figurant dans le titre de M. Z..., du 10 août 2004, qui ne comportait aucune interdiction de bâtir, ne concernait que le passage de véhicules, de piétons et de canalisations et, d'autre part, qu'il n'était ni démontré ni soutenu que la présence de ce garage, qui avait fait l'objet d'un permis de construire, serait de nature à limiter ou à empêcher l'usage de la servitude telle que mentionnée à l'acte de 2004, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de démolition du garage devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros ; rejette les demandes de M. et Mme X... et de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné M. Y... à payer aux consorts X... la somme de 5. 000 euros pour trouble anormal du voisinage ;
AUX MOTIFS QU'il ressort de l'expertise judiciaire que l'édification du garage a privé les appelants d'une partie de leur vue sur mer et de l'ensoleillement ; que si cette privation de vue et d'ensoleillement a été qualifiée de minime par l'expert, il ressort des photographies issues du constat d'huissier produit par les appelants que le garage litigieux, qui n'est pas inesthétique s'agissant d'un ouvrage revêtu de tuiles rouges respectant le style des constructions voisines, occulte cependant assez nettement la vue sur la mer lorsqu'on est debout sur le balcon de l'appartement X..., la vue disparaissant presque totalement en position assise ; que la présence de ce garage obstrue donc la vue dans des proportions suffisamment importantes et gênantes pour que le trouble anormal soit caractérisé, étant rappelé que la responsabilité pour trouble anormal du voisinage est une responsabilité sans faute, si bien que contrairement aux allégations de M. Y..., il n'y a pas lieu de démontrer l'existence d'une faute ; qu'en outre, l'ancienneté de l'expertise et le fait que l'action ait été intentée par les époux X... dix ans après l'expertise n'enlève en rien le caractère anormal de ce trouble qui n'a jamais cessé ; que l'indemnité réclamée à hauteur de 10. 000 euros sera toutefois ramenée à une somme de 5. 000 euros et seul M. Y..., qui est l'auteur du trouble, sera condamné à verser cette somme aux appelants, étant observé que M. Z... a acquis le bien après l'édification du garage, et qu'il n'a pas été informé de l'existence de la procédure de référé menée à l'encontre de son auteur, aucune mention ne figurant à ce titre dans l'acte de vente ;
ALORS, 1°), QUE la privation partielle d'une vue sur la mer au sein d'un lotissement ne constitue pas un trouble anormal du voisinage ; qu'en considérant que l'édification du garage avait obstrué dans des proportions suffisamment importantes et gênantes la vue sur la mer dont disposaient les époux X... depuis le balcon de leur immeuble situé au sein d'un lotissement de 423 logements, après avoir pourtant constaté que la privation de la vue sur la mer, qualifiée par l'expert de minime, n'était que partielle et que le garage n'était pas inesthétique et respectait le style des constructions voisines, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un trouble anormal de voisinage, a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QU'en condamnant M. Y... à réparer le trouble de jouissance subi par les époux A..., pour l'essentiel, après qu'il eut vendu son bien à un tiers et, partant, au cours d'une période pendant laquelle il avait été dépourvu de toute faculté de remédier au trouble anormal de voisinage, la cour d'appel a violé le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande de démolition du garage sur le fondement de la violation de la servitude de cour commune ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « pour que l'atteinte à la servitude de cour commune soit constituée, encore faudrait-il que le Manoir soit assujetti aux conditions particulières formées par l'administration et rappelées ci-dessus, qui obligent d'emprunter les seuls aménagements prévus pour l'accès aux garages en sous-sol, et de réaliser les raccordements à partir de ceux existants sur les copropriétés. Or ces obligations ne concernent pas le Manoir mais exclusivement les copropriétés de la Corniche d'or comme l'indique expressément l'acte de propriété, et aucun élément ne permet de considérer que l'édification du garage sur la propriété Z... empêcherait l'exercice de ces conditions. Par ailleurs, l'article L 471-1 du code de l'urbanisme auquel se réfèrent les appelants dispose que lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme, la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites de cours communes, peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret. Mais cet article, qui se réfère aux servitudes de cour commune prévoyant des interdictions de bâtir ou de dépasser certaines hauteurs, n'est pas applicable au cas d'espèce des lors que de telles interdictions ne figurent pas dans les actes et pièces produits aux débats. Il ressort en outre de l'expertise judiciaire réalisée en 2000 que la construction du garage a fait l'objet d'un permis de construire auquel aucun obstacle n'a été opposé par les services de l'urbanisme sur cette zone, si bien que la servitude de cour commune figurant sur le titre de propriété Z..., qui ne comporte aucune interdiction de bâtir ne concerne, contrairement l'analyse qu'en font les appelants, que les questions de passage de véhicules, de piétons ou encore de canalisations et à cet égard, il n'est ni démontré ni soutenu que la présence du garage serait de nature à limiter ou à empêcher l'usage de la servitude telle qu'elle est mentionnée sur l'acte de propriété de M. Z.... Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande de démolition du garage sur le fondement de la violation de la servitude de cour commune » ;
ET QUE « Il est constant que la propriété de Monsieur Eric Z... dont l'auteur est Monsieur Laurent Y..., ne fait pas partie de la copropriété la corniche d'or. II importe, de rappeler que cette maison à usage d'habitation a été expressément exclue de l'opération immobilière menée par la SA Merlin Immobilier devenue la SA QUADRAN. L'expert rappelle que le garage litigieux a fait l'objet d'un certificat de conformité accordé le 5 novembre 1999 en référence aux permis de construire délivrés par rapport au plan d'occupation des sols confirmant selon le Maire de la commune de Saint-Hilaire de Riez, la conformité de l'immeuble réalisé par Monsieur Y... par rapport aux dispositions du plan d'occupation des sols. Il est allégué que cette édification d'un garage est intervenue en violation de la servitude de cour commune. Il y a lieu de se référer au titre de propriété de Monsieur Eric Z... lequel prévoit une servitude de cour commune dont les termes ci-dessus repris visent : a) les accès pour les véhicules lesquels ne pourront s'exercer que par les aménagements prévus à cet effet (garages sous-sol.) pour les copropriétés existantes (corniche d'or I, II et III), b) les raccordements des réseaux de distribution qui devront être réalisés à partir de ceux existant sur les trois copropriétés susvisées, c) le passage piétons qui s'exercera réciproquement sur les cheminements prévus à cet effet dans les copropriétés susvisées et sur le sol non bâti de la propriété objet des présentes. En l'espèce, il n'est pas justifié que la construction en cause compromette la circulation des piétons voire même des véhicules ou des réseaux. Il y a lieu d'observer, de surcroît l'absence d'action des syndics face à la prétendue atteinte à la servitude de cour commune. En conséquence, il y a lieu de rejeter purement et simplement la demande tendant à la démolition du garage incriminé présentée par Monsieur et Madame Claude X... » ;
1°) ALORS QU'il est stipulé dans l'acte authentique du 10 août 2004 par lequel M. Y... avait cédé le bien litigieux à M. Z... que « le permis de construire délivré pour l'ensemble immobilier " LA CORNICHE D'OR " le 19 février 1998 ¿ imposent que la partie non bâtie de l'immeuble objet des présentes soit grevée d'une servitude dite de " cour commune " et qu'il en résultait que « le passage piéton s'exerce ra réciproquement sur les cheminements prévus à cet effet dans les copropriétés susvisées et sur le sol non bâtis de la propriété objet des présentes » ; qu'en affirmant néanmoins que la servitude dite de « cour commune » ne concernait pas le bien acquis par M. Z... mais exclusivement les copropriétés de la Corniche d'Or quand il résultait de l'acte authentique du 10 août 2004 que la propriété de M. Z... était grevée d'une servitude dite de « cour commune » sur la partie non bâtie de l'immeuble, la Cour d'appel a dénaturé l'acte authentique du 10 août 2004 et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le titre constitutif de la servitude peut être remplacé par le titre de propriété du propriétaire du fonds servant, rappelant l'existence de la servitude, même si le propriétaire du fonds dominant n'y a pas été partie ; qu'en affirmant qu'il ne s'évinçait pas des actes et pièces produits aux débats une interdiction de bâtir ou de dépasser certaines hauteurs bien que la preuve de l'existence d'une interdiction de bâtir sur la partie non bâtie du bien acquis par M. Z... ait résulté de l'acte du 10 août 2004, la Cour d'appel a violé les articles 691 et 695 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers et ne préjuge pas de l'existence de servitudes pouvant grever le terrain faisant l'objet de construction ; qu'en déduisant l'absence de servitude de « cour commune » grevant le bien de M. Z... de la délivrance d'un permis de construire quand ce permis de construire n'était pas de nature à exclure l'existence de la servitude de cour commune grevant le Manoir, la Cour d'appel a violé l'article A 424-8 du Code de l'urbanisme ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'acte du 10 août 2004 précisait que le bien objet des présentes était grevé d'une servitude de « cour commune » imposant des passages piétons s'exerçant sur le sol non bâti de la propriété objet des présentes ; qu'en affirmant néanmoins que la présence du garage n'était pas de nature à limiter ou à empêcher l'usage de la servitude telle qu'elle était mentionnée dans l'acte du 10 août 2004, quand une telle construction faisait nécessairement obstacle au passage des piétons sur le sol qui était alors non bâti au moment de l'acte, la Cour d'appel a méconnu l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-12311
Date de la décision : 09/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 18 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2015, pourvoi n°14-12311


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.12311
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