La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2015 | FRANCE | N°14-12797

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mai 2015, 14-12797


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 3 décembre 1984, en qualité de secrétaire par M. Y..., mandataire-liquidateur, auquel a succédé la SCP Z..., a fait l'objet d'un avertissement le 8 février 2012 ; qu'elle a été placée en arrêt de maladie à compter du 19 février jusqu'au 6 avril et a repris son travail le 10 avril 2012 ; que convoquée par lettre du même jour à un entretien pré

alable et mise à pied à titre conservatoire, elle a été licenciée pour faute grave, l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 3 décembre 1984, en qualité de secrétaire par M. Y..., mandataire-liquidateur, auquel a succédé la SCP Z..., a fait l'objet d'un avertissement le 8 février 2012 ; qu'elle a été placée en arrêt de maladie à compter du 19 février jusqu'au 6 avril et a repris son travail le 10 avril 2012 ; que convoquée par lettre du même jour à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire, elle a été licenciée pour faute grave, le 3 mai 2012 ;

Attendu que pour dire la rupture du contrat justifiée par une faute grave, l'arrêt retient que les faits reprochés dans la lettre de licenciement, distincts de ceux visés par la lettre d'avertissement du 8 février 2012, sont établis, qu'ils n'ont pas été sanctionnés, qu'ils ne sont pas prescrits et qu'ils rendent impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ;

Qu'en se déterminant ainsi sans vérifier, comme elle y était invitée par les conclusions de la salariée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement sur la faute grave, les indemnités de rupture, le rappel de salaire de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents et au titre du prorata du 13e mois sur le préavis, l'arrêt rendu le 19 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Mme X... reposait sur une faute grave et de L'AVOIR déboutée de ses demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur de l'établir ; que pour échapper aux moyens tirés de la prescription et de la règle non bis in idem, la société Z... fait valoir que le comportement fautif de Mme X... lui a été révélé dans le délai de prescription soit postérieurement au 10 février 2012 et alors que l'avertissement lui avait été notifié ; qu'elle verse aux débats un rapport d'audit interne, réalisé le 15 février 2012 par M. A..., auditeur interne de l'entreprise, c'est-à-dire dans le délai de prescription, portant sur la mise en oeuvre par Mme X... du processus « gérer le passif » dont elle était responsable, dans le cadre du dossier Fondation Hôtel Dieu, entreprise en redressement judiciaire, comprenant 859 salariés ; que les conclusions de cet audit, dont Mme X... ne conteste pas la teneur, étaient les suivantes : « l'audit réalisé sur le processus « gérer le passif » sur le dossier de la Fondation Hôtel Dieu démontre que celui-ci n'est pas maîtrisé et que les objectifs n'ont pas été atteints. En effet, le délai pour le dépôt de l'état expire le 24 février 2012. Or, certaines lettres de contestation n'ont pas toujours été éditées. Par ailleurs, les réponses aux contestations n'ont pas été traitées notamment en ce qui concerne le motif « Défaut de pouvoir ». Les délais se sont écoulés et l'échéance du dépôt est désormais toute proche. Ainsi, il n'a pas été au bout de la démarche qualité dans le cadre de ce dossier afin de permettre le dépôt dans les meilleures conditions. De plus, certaines contestations n'ont pas été reprises à ce jour ou notées sur l'état de telle sorte que si des lettres de contestation devaient être générées à ce jour, le délai de 30 jours laissé au créancier pour répondre ne sera peut être pas respecté avant l'examen par M. le juge commissaire et ce, en contradiction avec l'article R. 624-1 du code de commerce. Il existe également un risque important de solliciter l'admission d'une créance qui en réalité devrait être rejetée car contestée en bonne et due forme mais dont la contestation est restée sans réponse du créancier. La vérification avant dépôt devra donc être reprise en totalité. » ; que Mme X... ne conteste pas non plus le contenu détaillé de ce rapport, se bornant à affirmer que ces reproches étaient déjà visés par l'avertissement ; que toutefois, dès lors que l'état des créances devait être déposé au greffe du tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône au plus tard le 24 février 2012, il n'était pas anormal pour Me Z..., alors que Mme X..., qui était une professionnelle habituée à établir des états de passif, ce qui justifiait qu'elle ait été chargée de ce lourd dossier, et que son employeur lui ait fait totale confiance, de n'avoir, ainsi qu'il le prétend, procédé qu'au dernier moment à la vérification du travail effectué ainsi que cela avait d'ailleurs été convenu avec elle, ce qu'indique l'auditeur et ce qu'elle ne conteste pas ; que Mme X..., lors de l'entretien ayant eu lieu avec auditeur, dont elle ne conteste pas l'existence, ne prétend pas qu'il ait eu lieu avant le 10 février 2012, a, ainsi que le rapporte l'auditeur, reconnu « ne pas avoir repris les pouvoirs » avant de transmettre le dossier à Me Z..., contrairement à ce qui avait été convenu, ce qui n'a pas permis à celui-ci de vérifier l'état du passif, quarante créanciers cités, ayant adressé leur pouvoir sans que leur contestation ait pu, à la date du rapport, être traitée ; que cette succession d'omissions dans un même dossier et alors que le travail de vérification des créances du mandataire judiciaire nécessite une attention toute particulière eu égard aux enjeux économiques en cause, ce que Mme X..., qui était salariée de l'entreprise depuis 28 ans, ne pouvait ignorer, caractérise, à elle seule un comportement fautif de sa part ; qu'à ces manquements de Mme X... relatifs à cet important dossier se sont ajoutés des non-respects des consignes relatives à la transmission des états de créances aux différents greffes des tribunaux, qu'elle ne conteste pas, ainsi que le non-respect des règles relatifs à la liquidation judiciaire simplifiée mises en place au sein de l'étude, qu'elle reconnaît et sur lequel elle s'est expliquée dans sa lettre adressée le 12 mars 2012 à Me Z... en indiquant qu'elles étaient source de perte de temps ; qu'il est, en outre, justifié par les pièces 25 à 33 versées aux débats par Me Z..., que de nombreuses factures, énumérées dans la lettre envoyée le 15 octobre 2012 par celui-ci à son conseil et retrouvées dans le bureau de Mme
X...
, n'avaient pas, au cours de l'année 2011, été traitées, ce qui, dans l'hypothèse même où l'employeur en aurait eu connaissance plus de deux mois avant d'avoir engagé la procédure de licenciement et avant la date de l'avertissement, constitue de la part de la salariée des manquements à ses obligations contractuelles dont il n'est pas interdit à l'employeur de faire état dès lors que la persistance du comportement fautif de sa salariée, que ces faits démontrent, est de nature à conférer aux fautes constatées dans le délai de prescription un caractère supplémentaire de gravité ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la preuve est rapportée par l'employeur des nombreux manquements de Mme X... à ses obligations contractuelles qui étaient de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE la lettre de licenciement du 3 mai 2012 est abondamment détaillée et énonce des motifs précis et circonstanciés, appuyés par des documents fournis dans les pièces échangées entre les parties ; que ces motifs reposent pour l'essentiel sur des faits découverts lors de l'absence pour maladie de Mme X..., donc postérieurement à l'avertissement qui lui a été notifié en février 2012 ; que : l'argument de double sanction ne saurait donc prospérer ; que Mme X... invoque en premier lieu le fait qu'elle n'est que secrétaire, et que les tâches qui lui sont dévolues dépassent largement cette qualification, d'autant qu'elle n'a pas reçu les formations nécessaires ; qu'au-delà de l'appellation secrétaire qui figure effectivement sur le bulletin de paie, Mme X... bénéfice d'un coefficient de technicien, supérieur à celui de secrétaire, et d'un salaire conforme aux prescriptions de la convention collective pour ce niveau de technicien ; que par ailleurs, elle exerce cette fonction depuis de très nombreuses années sans avoir fait d'observations sur ce point ni avoir réclamé des formations ; que l'employeur déclare, sans être contredit par la salariée, lui avoir proposé de participer à des formations annuelles que la SCP fait habituellement et que la salariée a décliné ; que cette argumentation ne peut être retenue en faveur de Mme X... ; que Mme X... invoque par ailleurs les défaillances de l'assurance qualité de la SCP Z... qui auraient permis que ses erreurs ou retards ne soient pas repérés à temps ; que pour une personne ne disposant d'aucune qualification ni autonomie-ce qui n'est pas le cas de Mme X...- la défaillance de systèmes de contrôle a posteriori ne saurait être une excuse pour du travail de mauvaise qualité ; qu'enfin et surtout, Mme X... ne conteste formellement aucun des griefs formulés dans la lettre de licenciement ; qu'eu égard à l'activité de mandataire judiciaire de la SCP Z..., certains de ces griefs (non respect des délais dans les états de créances, non envoi des chèques, etc.) sont particulièrement graves ; qu'ils peuvent remettre en cause la crédibilité de la SCP Z... à l'égard des tribunaux, et porter préjudice aux créanciers (entreprises et salariés) des entreprises dont les dossiers de liquidation ou redressement sont confiés à la SCP ;

ALORS, 1°), QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai retreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en se bornant à relever que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement dans le délai de prescription, sans vérifier, comme elle y était invitée, si la procédure de rupture avait été mise en oeuvre dans un délai restreint inhérent à toute procédure de licenciement pour faute grave, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 2°), QUE, tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent indiquer les pièces au vu desquelles ils ont forgé leur conviction ; qu'en relevant, par motifs réputés adoptés, que les griefs invoqués à l'appui du licenciement reposent pour l'essentiel sur des faits découverts lors de l'absence pour maladie de Mme X..., donc postérieurement à l'avertissement qui lui a été notifié en février 2012 de sorte que l'argument de double sanction ne saurait prospérer, sans indiquer les pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour en déduire que les griefs reprochés avaient été découverts pendant l'arrêt maladie de la salariée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°), QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions claires et précises des parties ; qu'en estimant que la salariée ne contestait pas avoir eu un entretien avec l'auditeur, quand celle-ci soutenait, au contraire, ne jamais avoir été auditée, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la salariée et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, 4°), QUE l'employeur qui notifie au salarié une sanction épuise son pouvoir disciplinaire relativement aux faits connus lors de la notification de cette sanction ; qu'en se fondant, pour considérer que les faits reprochés à la salariée n'ont été révélés à l'employeur que postérieurement à l'avertissement notifié le 8 février 2012, sur le rapport réalisé le 15 février 2012 par l'auditeur interne, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que l'avertissement avait d'ores et déjà fait état des constatations de l'auditeur interne de sorte que l'employeur, qui avait connaissance de l'ensemble des faits lorsqu'il avait notifié à Mme X... un avertissement, avait épuisé son pouvoir disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 5°), QUE l'employeur qui notifie au salarié une sanction épuise son pouvoir disciplinaire relativement aux faits connus lors de la notification de cette sanction ; qu'en se fondant, pour considérer que les faits reprochés à la salariée n'ont été révélés à l'employeur que postérieurement à l'avertissement notifié le 8 février 2012, sur le rapport réalisé le 15 février 2012 par l'auditeur interne, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce rapport n'avait pas été rédigé à cette date dans le seul dessein de fonder licenciement de la salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 6°), QU'aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; que l'employeur qui notifie au salarié une sanction épuise son pouvoir disciplinaire relativement aux faits connus au moment de cette notification ; qu'en relevant, pour retenir l'existence d'une faute grave, que s'ajoutent aux manquements concernant le dossier de la Fondation Hôtel Dieu, un non-respect des consignes relatives à la transmission des états de créances aux différents greffes des tribunaux et des règles relatives à la liquidation judiciaire simplifiée, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si ces faits n'étaient pas contenus dans la lettre d'avertissement ou, à tout le moins connus par l'employeur lors de la notification de cette sanction, de sorte que ce dernier avait épuisé son pouvoir disciplinaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1331-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 7°), QUE la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une telle faute une succession d'omissions dans un même dossier auxquelles s'ajoute le non-respect de consignes relatives à la transmission des états de créances ainsi que le non-respect de directives relatives à la liquidation judiciaire simplifiée par une secrétaire comptant vingt-huit ans d'ancienneté dans l'entreprise sans avoir fait l'objet de sanctions antérieures ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

ALORS, 8°), QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions claires et précises des parties ; qu'en tenant pour non contestée l'allégation de l'employeur selon laquelle il aurait proposé à la salariée des formations annuelles que cette dernière aurait déclinées, quand, dans ses conclusions d'appel (p. 5), la salariée soutenait au contraire avoir été systématiquement exclue des formations annuelles, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la salariée et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-12797
Date de la décision : 28/05/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 19 décembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mai. 2015, pourvoi n°14-12797


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.12797
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award