LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 janvier 2013), que M. et Mme X... ont vendu à M. et Mme Y... un immeuble à usage d'habitation ; que les acquéreurs, ayant constaté l'état de décomposition du colombage en bois formant la structure du bâtiment, ont, après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire, assigné leurs vendeurs en paiement du coût de la démolition-reconstruction de la maison d'habitation et de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation de leurs écritures, que M. et Mme Y... ne se prévalaient pas d'une différence entre les caractéristiques de l'immeuble livré et celles prévues au contrat et qu'ils arguaient de graves désordres rendant l'immeuble impropre à son usage d'habitation, la cour d'appel, qui a retenu que seule l'action en garantie des vices cachés leur était ouverte, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, abstraction faite d'un motif surabondant, retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu'il n'était pas établi que Mme Z... veuve X... était de mauvaise foi et qu'elle avait connaissance des désordres affectant l'immeuble vendu, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y... de leur action en non-conformité pour manquement de leur vendeur, Mme X..., à son obligation de délivrance,
AUX MOTIFS QUE « L'obligation de délivrance définie aux articles 1604 à 1624 du code civil, renvoie à l'idée de transmission de la maîtrise essentiellement matérielle de la chose s'entend, également, de la délivrance de la chose conforme aux prévisions contractuelles. La conformité peut concerner la quantité de chose vendue, la surface pour un immeuble, ou la qualité, la conformité de la chose en elle-même pour un corps certain. La non-conformité sanctionne la différence entre la chose contractuellement promise et la chose livrée. En l'espèce, M. Jérôme Y... et Mme Marie Laure Y... n'invoquent aucune non-conformité au contrat. Ils ne se prévalent pas d'une différence entre les caractéristiques de l'immeuble livré et celles qui faisaient l'objet des stipulations contractuelles. En arguant de graves désordres rendant l'habitation non conforme au but recherché, M. Jérôme Y... et Mme Marie Laure Y... ne sont pas légitimes à agir sur le fondement de la non-conformité de l'immeuble. Seule l'action en garantie des vices cachés, qui protège l'acquéreur contre les défauts de la chose qui en empêchent l'usage leur est ouverte. »,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Dans son rapport, M. A... expose que l'ensemble de la structure porteuse en bois (notamment les piliers d'angles et les montant verticaux de l'ossature) est entièrement dégradée par la pénétration des eaux de pluie par les façades. Il précise ne pas être en mesure de déterminer la date d'apparition de ces désordres mais souligne qu'ils sont relativement anciens, M. B..., expert, les mentionnant dans un précédent rapport du mois de mars 1997. Enfin, il indique que la seule solution économiquement réaliste consiste dans la démolition-reconstruction de l'immeuble, et ce pour un coût de 320 000 EUR. Aux termes de leurs écritures, les consorts Y... soutiennent que les époux X... ont manqué à leur obligation de délivrance telle que celle-ci est édictée par l'article 1604 du code civil. Il est de principe, en application de l'article 1641 du code civil, que le défaut de la chose vendue qui la rend impropre à l'usage auquel elle est destinée constitue un vice caché et non un manquement à l'obligation de délivrance (voir en ce sens Civ 3-8 juin 2010). En l'espèce, il est acquis aux débats que les graves désordres relevés par M. A... dans son rapport rendent l'immeuble impropre à son usage d'habitation, sa démolition s'imposant. Dès lors, les consorts Y... ne pourront qu'être déboutés de leurs demandes, formées au titre de l'article 1604 du code civil, en paiement de la somme de 320 000 EUR correspondant aux frais de démolition-reconstruction de l'immeuble et de la somme de 10 000 EUR à titre de dommages et intérêts. »,
ALORS D'UNE PART QUE les juges du fond ne doivent pas dénaturer les conclusions d'une partie ; qu'en constatant, pour débouter les époux Y... de leur action en non-conformité, que ceux-ci ne se prévalent pas d'une différence entre les caractéristiques de l'immeuble livré et celles qui faisaient l'objet des stipulations contractuelles quand ils soutenaient expressément dans leurs conclusions d'appel que l'immeuble étant inapte à l'utilisation et l'habitation, cela constitue un manquement par le vendeur à son obligation de délivrance conforme, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile.
ALORS D'AUTRE PART la conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles se révèle par comparaison entre ce qui avait été contractuellement promis, et ce qui a été livré ; que le vendeur est tenu de délivrer à l'acquéreur un bien conforme aux stipulations de l'acte de vente quant à sa destination ; qu'en considérant que seule l'action en garantie des vices cachés était ouverte aux époux Y... tout en constatant que la maison vendue à usage d'habitation avait sa structure porteuse en ossature de bois entièrement dégradée au point que la solution consiste en une démolition-reconstruction, ce qui la rend non conforme à la stipulation de l'acte de vente prévoyant la vente « d'une maison d'habitation comprenant un salon, un séjour, une cuisine, deux chambres, salle de bains, wc, cave, cabane bois avec terrain attenant », la cour a violé l'article 1604 du code civil par refus d'application et l'article 1641 du code civil par fausse application.
ALORS ENFIN QU'en tout état de cause, en se bornant, pour débouter les époux Y... de leur action en non-conformité, d'affirmer que ceux-ci n'invoquent aucune non-conformité au contrat et qu'ils ne sont pas légitimes à agir sur le fondement de la non-conformité de l'immeuble, la cour a statué par des motifs péremptoires et généraux impropres à justifier légalement sa décision au regard de l'article 1604 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y... de leur action en garantie des vices cachés exercée à l'encontre de leur vendeur, Mme X...,
AUX MOTIFS QUE « La garantie des vices cachés est due, sur le fondement de l'article 1641 du code civil, par le vendeur lorsque la chose présente un vice qui la rend impropre à l'usage auquel l'acheteur la destinait. Les vices affectant l'immeuble acquis par M. Jérôme Y... et Mme Marie Laure Y... ne sont pas contestés par les parties. Ils résultent clairement du rapport d'expertise de M. A... qui précise que la maison est constituée, pour sa structure porteuse d'une ossature en bois qui est entièrement dégradée par la pénétration des eaux de pluie par les façades. Ces vices sont tels que l'expert estime que la réparation est techniquement envisageable, sous réserve d'un doute très important sur l'état des structures porteuses horizontales en bois, mais économiquement irréaliste et que solution consiste en une démolition-reconstruction. Ces vices ont été, à tout le moins en partie, cachés ainsi que cela ressort des constatations de l'expert qui indique que la structure principale de la maison constitué de l'ossature en bois a été en grande partie recouverte par un enduit ciment sur les parties courantes, les pieds de poteaux de structures dans la hauteur du rez de chaussée ayant été complètement pris dans la maçonnerie. Mme Mafalda Z..., veuve X... oppose au appelants, en premier lieu, la tardiveté de leur action. Toutefois, si M. Jérôme Y... et Mme Marie Laure Y..., qui ont découvert le vice quelque mois après l'acquisition en janvier 2007, ont saisi au fond le tribunal de grande instance de Valence par une assignation du 9 novembre 2009, le délai de deux ans a été interrompu par l'assignation en référé qui a donné lieu à la désignation de l'expert A.... En second lieu, Mme Mafalda Z... veuve X... se prévaut de la clause contenue à l'acte de vente du 3 janvier 2007 qui prévoit que l'acquéreur prend le bien vendu dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison soit de l'état des constructions, de leurs vices même cachés. M. Jérôme Y... et Mme Marie Laure Y... prétendent que Mme Mafalda Z... veuve X... était au courant du vice en s'appuyant sur un courrier qu'ils ont adressé à leur vendeur le 21 juin 2007, ce qui est inopérant s'agissant d'une preuve constituée à soi-même. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise que les désordres sont relativement anciens. Ils sont mentionnés dans un rapport établi en mars 1997avant l'acquisition de la maison par Reseau Ferré de France, celui-ci faisant ressortir que l'ossature bois est en mauvais, voire très mauvais état sur l'ensemble des façades. De plus l'expert A... précise que la pose de l'enduit ciment qui a recouvert le colombage a été réalisée avant que RFF ne devienne propriétaire et qu'elle ne constituait pas un inconvénient, celui-ci ne le devenant que lorsque la maçonnerie qui recouvre les poteaux en bois se fissure en laissant passer les eaux de pluie entraînant les dégâts constatés. Il s'en déduit que Mme Mafalda Z... veuve X... ne saurait être considérée comme étant de mauvaise foi. Non seulement il n'est pas établi qu'elle avait connaissance des désordres. Mais encore elle n'a pas fait réaliser les enduits susceptibles d'avoir caché les vices qui n'étaient pas en eux-mêmes destinés à les dissimuler mais à protéger les colombages. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. Jérôme Y... et Mme Marie Laure Y... de leur demande d'indemnisation. »,
ALORS QUE le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en écartant, pour débouter les époux Y... de leur action en garantie des vices cachés, le courrier du 21 juin 2007 que ces derniers avaient adressé à leur vendeur, et dont ils se prévalaient pour démontrer la connaissance du vice par le vendeur, au motif qu'il est inopérant, « s'agissant d'une preuve constituée à soi-même », la cour a violé l'article 1315 du code civil.