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15/05/2015 | FRANCE | N°14-50058

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mai 2015, 14-50058


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée ;

Vu l'avis du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en date du 10 juillet 2014, qui a écarté la responsabilité professionnelle de la SCP Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu la requête présentée par M. X... le 12 septembre 2014 ;

Attendu que M. X..., engagé par la société Electricité de France (EDF) en qualité de technicien, puis technicien

principal, a été mis d'office à la retraite à compter du 1er février 2002, à l'âge de 5...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'article 13, alinéa 2, de l'ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée ;

Vu l'avis du conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation en date du 10 juillet 2014, qui a écarté la responsabilité professionnelle de la SCP Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

Vu la requête présentée par M. X... le 12 septembre 2014 ;

Attendu que M. X..., engagé par la société Electricité de France (EDF) en qualité de technicien, puis technicien principal, a été mis d'office à la retraite à compter du 1er février 2002, à l'âge de 56 ans, en vertu des dispositions réglementaires applicables aux personnels de cette entreprise publique, au motif qu'il avait atteint l'âge de 55 ans et accompli 25 ans de service, dont 15 en service dit actif ; qu'un arrêt du 14 septembre 2009, faisant application des règles statutaires régissant les agents EDF, a rejeté ses demandes qui visaient à voir requalifier cette mise à la retraite en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement d'indemnités ; que le pourvoi en cassation, dont M. X... avait chargé la SCP Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, a été déclaré non admis selon décision du 15 décembre 2010 (Soc., 15 décembre 2010, pourvoi n° 09-43. 232) ;

Attendu que M. X... demande à la Cour de cassation de retenir la responsabilité de la SCP Y... au motif que celle-ci s'est limitée, dans le mémoire en demande qu'elle avait déposé le 11 mars 2010, à formuler un moyen unique faisant grief à la cour d'appel de ne pas avoir recherché si son emploi ne figurait pas dans la catégorie des services sédentaires définie par le statut des industries électriques et gazières, alors qu'il incombait à l'avocat d'invoquer la prohibition des discriminations liées à l'âge édictée par la directive n° 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, qui interdit les discriminations liées à l'âge, dont lui-même s'était prévalu en cause d'appel et dont la Cour de cassation a fait application par arrêts des 11 mai 2010 et 11 février 2011 ; qu'il sollicite la condamnation de l'avocat à lui verser la somme de 108 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance de voir censurer l'arrêt ayant rejeté ses demandes, avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2003 ;

Attendu que, tenu à un devoir de compétence, la SCP Y... ne pouvait ignorer, en particulier au regard des écritures d'appel de M. X..., la primauté du droit communautaire et la nécessité de se conformer au principe de l'égalité de traitement prohibant les discriminations fondées sur l'âge, principe général du droit de l'Union affirmé par la directive 2000/ 78 qui était entrée en vigueur le 2 décembre 2000 et que le juge communautaire appliquait depuis 2005, rappelant que devait être laissée inappliquée toute disposition nationale contraire à ce principe et à la directive (CJCE, 22 novembre 2005, n° C-144/ 04, Mangold ; 16 octobre 2007, n° C-411/ 05, Félix Palacios de la Villa ; 5 mars 2009, n° C-388/ 07 Age Concern England ; CJUE, 12 janvier 2010, n° C-341/ 08, Petersen ; 19 janvier 2010, n° C-555/ 07, Kücükdeveci) ; qu'il s'ensuit que l'application de la directive, imposée par la nécessaire mise en oeuvre uniforme du droit communautaire, à laquelle la Cour de cassation a procédé à partir du 11 mai 2010, ne constituait ni un revirement ni même une expression imprévisible de la jurisprudence ;

Que, dès lors, en omettant d'invoquer un moyen susceptible d'être accueilli comme s'inscrivant dans l'évolution prévisible de la jurisprudence et de conduire au succès du pourvoi, la SCP Y... a engagé sa responsabilité professionnelle ;

Attendu que la perte de chance soufferte par M. X... d'obtenir la cassation de l'arrêt ayant rejeté ses demandes et leur satisfaction devant la juridiction de renvoi, doit être évaluée à 80 %, pour tenir compte à la fois de la très forte probabilité de la censure de la décision déférée à la Cour de cassation et de la faible éventualité de voir la cour d'appel, statuant sur renvoi, estimer, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, de la directive, que la discrimination résultant de la mise à la retraite d'office d'un agent EDF actif à 100 % âgé de plus de 55 ans était justifiée par des objectifs légitimes de politique sociale, tels que ceux liés à la politique de l'emploi, du marché du travail ou de la formation professionnelle ;

Que ne sont pas contestées les bases de calcul de l'indemnité légale de licenciement (8 209, 55 euros), du différentiel de salaire pendant 38 mois (27 665 euros) et de la minoration de la retraite durant 22 ans (35 064 euros) ; qu'il n'est pas établi que M. X... aurait sollicité du juge de renvoi l'allocation d'une indemnité de préavis et la réparation de son inactivité dans la force de l'âge, demandes qu'il n'avait pas formulées devant la cour d'appel ; qu'en conséquence de la cassation de l'arrêt litigieux, il peut être admis que M. X... aurait reçu une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que le préjudice moral et les troubles dans ses conditions de vie du fait, notamment, de la minoration de sa retraite ne sont pas démontrés ;

Qu'il convient, en conséquence, d'accorder à M. X... une indemnisation globale de 59 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

PAR CES MOTIFS :

DIT que la SCP Y... a engagé sa responsabilité professionnelle envers M. X... ;

Condamne la SCP Y... à verser à M. X... une indemnité globale de 59 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

La condamne aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille quinze.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-50058
Date de la décision : 15/05/2015
Sens de l'arrêt : Acceptation de la requête en indemnisation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation, 10 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 mai. 2015, pourvoi n°14-50058


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.50058
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