LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu le IV de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;
Attendu, selon ce texte, que si les actions prévues par l'article 327 du code civil peuvent être exercées sans que puisse être opposée la forclusion de deux ans tirée de la loi ancienne, c'est à la condition qu'à la date d'entrée en vigueur de cette ordonnance, le 1er juillet 2006, la prescription de dix ans prévue par l'article 321 du même code ne soit pas acquise ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Bernard X..., né le 25 août 1963 de Marie Y... et reconnu par Camille X... en 1973, a engagé, en décembre 2010, une action en contestation de la paternité de ce dernier et en établissement judiciaire de la paternité d'Auguste Z... à son égard ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'action en recherche de paternité, l'arrêt retient que les actions relatives à la filiation se prescrivaient, sous l'empire des textes antérieurs à l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, dans un délai de trente ans, suspendu pendant la minorité de l'intéressé, et que ce délai s'appliquait à l'action en recherche de paternité comme à l'action en contestation de paternité, de sorte qu'en l'absence de possession d'état conforme au titre, M. Bernard X... pouvait agir jusqu'au 25 août 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, M. Bernard X... étant devenu majeur le 25 août 1981, la prescription de dix ans prévue par l'article 321 du code civil était acquise au 1er juillet 2006, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. Bernard X... recevable en son action en recherche de paternité et ordonné une expertise portant sur l'examen des sangs de MM. Bernard X..., Jules et Aimé Z... et Mme Z... afin de déterminer si le père de MM. et Mme Z... est le père de M. Bernard X..., l'arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Condamne M. Bernard X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Z....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. Bernard Charles Henri X... né le 25 août 1963 au Tampon n'était pas le fils de Georges A... Lucé X..., né le 16 septembre 1926 et d'AVOIR déclaré M. Bernard X... recevable en ses contestation et recherche de paternité ;
AUX MOTIFS QUE les appelants font valoir que leur action serait recevable puisqu'elle pouvait être engagée selon eux jusqu'au 14 juillet 2011 et que l'assignation a été délivrée et enrôlée en 2010 ; l'article 311-7 du code civil prévoyait dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 juillet 2005 que toutes les fois qu'elles ne sont pas enfermées dans un délai plus court, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 30 ans à compter du jour où l'individu aura été privé de l'état qu'il réclame ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté ; ce délai était suspendu pendant la minorité de l'intéressé ; par ailleurs lorsqu'une loi réduit le délai de prescription, la prescription réduite commence à courir lors de l'entrée en vigueur de cette loi sans que la durée totale puisse excéder la prescription antérieure ; ces délais s'appliquent tant à l'action en recherche ou en contestation de paternité que tant à l'action relative à la possession ; les appelants font valoir qu'ils n'ont jamais bénéficié de la possession d'état d'enfant de M. Georges X... mais avaient la possession d'état d'enfant de M. Auguste Z... ; qu'ainsi ils pouvaient agir ainsi qu'ils le reconnaissent jusqu'à l'âge de 48 ans ; que M. Pierrot X... est né le 14 janvier 1962 ; qu'il pouvait ainsi agir jusqu'au 14 janvier 2010 ; M. Bernard X... est né le 25 août 1963 ; qu'il pouvait agir jusqu'au 25 août 2011 ; il en résulte que M. Pierrot X... est irrecevable en son action et que M. Bernard X... est recevable (¿) il résulte clairement des déclarations des consorts X... que leur père n'a jamais traité M. Bernard X... comme son propre enfant ; que celui-ci n'avait pas la possession d'état ; qu'il n'a pas été traité par leur père comme son enfant et lui-même ne l'a pas traité comme son parent ; il convient de dire que M. Bernard X... n'est pas le fils de M. Georges X... ; l'article 311-1 du code civil dispose que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indique le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il dit appartenir ; la possession d'état doit être continue ; ces principaux faits sont : que cette personne ait été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; que ceux-ci ont, en cette qualité pourvu à son éducation, son entretien ou son installation ; que cette personne est reconnue comme leur enfant dans la société et par la famille ; qu'elle est considérée comme telle par autorité publique ; qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue ; il résulte de plusieurs témoignages produits au dossier que M. Auguste Z... a fait part de sa paternité à des proches (pièces 18, 19, 20, 21) ; que cependant les éléments de la possession d'état ne sont pas réunis (« leur existence a été cachée pièce 18 ») ; que par contre ces éléments justifient qu'il soit sursis à statuer et que soit ordonnée une mesure d'expertise biologique qui est de droit en la matière ;
ALORS QU'avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, les actions en recherche de paternité devaient être exercées soit pendant sa minorité (dans les deux ans de la naissance, de la cessation de la cohabitation des parents ou de la cessation de la contribution à l'entretien de l'enfant par le père), soit dans les deux ans de sa majorité ; que ces principes étaient applicables à M. Bernard X..., né le 25 août 1963, de sorte que la prescription de son action était acquise au plus tard dans les deux ans de sa majorité, soit le 25 août 1983 ; qu'en soumettant son action à une prescription trentenaire inapplicable, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 311-7 du code civil, et par refus d'application l'article 340-4 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance susvisée.