LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 145-51 du code de commerce ;
Attendu , selon l'arrêt attaqué (Montpellier , 3 septembre 2013), que la SCI Les Arcades a donné à bail à la société Vidéo Wood dont l'associé unique est M. X..., un local commercial, à destination de vente et location de « tout support CD compact disc » ; qu'après l'octroi d'une pension d'invalidité partielle à M. X..., la société Vidéo Wood a signé avec Mme Y... un compromis de cession de droit au bail puis a notifié à la SCI Les Arcades son intention de céder son droit au bail en application des dispositions de l'article L. 145-51 du code de commerce, avec déspécialisation des lieux en vue de l'exercice d'une activité de « bazar, alimentation générale, orientale et boucherie, tissus, vaisselle, articles de décoration, appareils et objets divers » ; que la SCI Les Arcades a assigné la société Vidéo Wood, M. X... et Mme Y... aux fins d'opposition à la cession envisagée ;
Attendu que pour accueillir l'opposition du bailleur à la cession du bail, l'arrêt retient que le caractère extrêmement large de l'activité de « bazar, alimentation générale, orientale, boucherie, tissus, vaisselles, articles de décoration et objets divers » qui permet la vente de tout bien sans restriction est de nature à empêcher la bailleresse d'accorder à l'avenir d'autres baux pour toutes activités commerciales de vente de biens au mépris de la clause de non concurrence s'imposant à l'ensemble du centre commercial sauf pour la bailleresse à prendre le risque de voir sa responsabilité engagée ;Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel devant laquelle il n'était pas contesté que les dispositions du règlement intérieur pouvaient être invoquées au titre de la destination, des caractères et de la situation de l'immeuble, qui n'a pas constaté que l' activité envisagée venait concurrencer des commerces existant au sein du centre commercial, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la SCI Les Arcades aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Les Arcades à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Vidéo Wood, M. X... et Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et autres
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement de première instance en ce qu'il avait débouté la SCI Les Arcades de son opposition à la cession du droit au bail de la société Vidéo Wood à Mme Y... et D'AVOIR débouté la société Vidéo Wood et M. X... des demandes indemnitaires qu'ils avaient formées contre la SCI Les Arcades ;
AUX MOTIFS QUE la SCI Les Arcades produit l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier dans lequel se trouve le local loué établi le 5 mai 1999 et le cahier des charges y afférent, en annexe duquel se trouve stipulée une clause de non-concurrence dans toute l'étendue du centre commercial des Arcades ; qu'aux termes de ladite clause, la SCI Les Arcades déclare prendre l'engagement irrévocable d'interdire toute concurrence dans ce centre commercial aux commerces existants sous peine de nullité de toutes les conventions pouvant déroger à cette clause ; que la SCI Les Arcades soulève l'incompatibilité de l'activité envisagée dans l'acte de cession du droit au bail convenue entre la société Vidéo Wood et Mme Y... avec cette clause de non-concurrence en ce que cette activité est de nature à entrer directement en concurrence avec un autre locataire exploitant un snack fast-food et en ce que son caractère trop large l'empêche de consentir d'autres baux commerciaux à l'avenir ; que les intimés opposent, d'une part, la prééminence des règles d'ordre public de la déspécialisation sur toute clause contraire de nature à réduire le droit des preneurs à bénéficier du dispositif prévu par l'article L. 145-51 du code de commerce et, d'autre part, la caducité de la clause de non-concurrence en l'état de son défaut de respect par le bailleur dans le cadre de différents baux consentis par lui ; qu'ils soulignent enfin qu'il existe une multitude d'activités non concurrencées par l'activité projetée ; que si l'article L. 145-51 du code de commerce est bien un texte d'ordre public, le droit du preneur qu'il consacre ne permet pas de faire échec aux règles conventionnelles régissant l'immeuble abritant les locaux loués et, en particulier, un cahier des charges alors que ce texte même énonce que la nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec sa destination et ses caractères ; que si l'activité de bazar, alimentation générale, orientale et boucherie, tissus vaisselle, articles de décoration, appareils et objets divers ne vient pas directement concurrencer l'activité de snack-restauration rapide exploitée par un autre locataire exploitant sous l'enseigne Le Mozaik, s'agissant d'activités non similaires, le fait que la SCI Les Arcades ait consenti le 20 mai 2008 un bail à un autre commerçant pour une même activité de snack et qu'antérieurement, du 1er mars 2002 jusqu'au 30 septembre 2005, un bail sur un fonds de commerce de grill, pizza pub et restaurant avait déjà été consenti, pour autant, les intimés ne sont pas fondés à solliciter la caducité de la clause de non-concurrence qui s'impose au bénéfice de l'ensemble des locataires du centre commercial ; que le caractère extrêmement large de l'activité prévue dans la cession envisagée qui permet la vente de tout bien sans restriction est de nature à empêcher la société bailleresse d'accorder à l'avenir d'autres baux pour des activités commerciales de vente de biens au regard de la clause de non-concurrence, sauf à prendre le risque de coir sa responsabilité engagée ; qu'ainsi, la bailleresse justifie d'un motif sérieux et légitime pour s'opposer à la cession envisagée de sorte que son opposition à cet acte ne caractérise pas un abus de droit susceptible de justifier l'indemnisation de la société locataire et de son associé unique en lien avec l'absence de réalisation de cette cession ;
ALORS, 1°), QUE lorsque le locataire ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification ; qu'à défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance ; que la nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ; qu'en considérant que, pour s'opposer à la cession du droit au bail, le bailleur avait pu légitimement invoquer une clause de non-concurrence dont il résultait de ses propres constatations que lui-même ne l'avait pas respectée par le passé en consentant, au sein du centre commercial, des baux portant sur l'exercice d'activités de restauration concurrentes, la cour d'appel a violé les articles L. 145-51 du code de commerce et 1134 du code civil ;
ALORS, 2°) et en tout état de cause, QU'en cas de déspécialisation du fait de la cession du bail commercial par un locataire ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, la nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble ; qu'en l'espèce, le centre commercial Les Arcades est régi par une clause qui interdit que des baux soient accordés pour des activités concurrentes ; qu'en considérant que l'activité envisagée de « bazar, alimentation générale, orientale et boucherie, tissus vaisselle, articles de décoration, appareils et objets divers » était incompatible avec cette clause de non-concurrence cependant, d'une part, qu'il ressortait de ses constatations que cette activité n'entrait en concurrence avec aucun des commerces pour lesquels des baux avaient été d'ores et déjà consentis et, d'autre part, qu'en dépit de son caractère étendu, cette activité ne faisait pas obstacle à la conclusion ultérieure d'autres baux, portant notamment sur des activités de prestations de services ou des commerces de ventes de biens spécialisés, la cour d'appel a violé l'article L. 145-51 du code de commerce.