LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, salarié de la société Everite (la société) du 6 juillet 1964 au 31 décembre 1986, M. X... a formulé, le 4 janvier 2004, une déclaration de maladie professionnelle pour un épaississement pleural avec calcifications, dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse avec un taux d'incapacité permanente partielle de 35 % ; que par un jugement du 3 juin 2005, la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue, la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ayant été déclarée inopposable à la société Everite et opposable à ses assureurs ; que par un arrêt du 14 juin 2007, la cour d'appel de Bordeaux a fixé le préjudice personnel de M. X... ; qu'après notification d'un nouveau taux d'incapacité porté à 50 % à compter du 21 novembre 2011, l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en complément d'indemnisation ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la caisse :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors qu'il a été statué sur les indemnisations complémentaires dues à l'assuré à raison de la faute inexcusable de l'employeur, la décision ainsi rendue fait obstacle à ce que ces mêmes préjudices puissent donner lieu à une nouvelle action en réparation ; que tel était le cas en l'espèce dès lors qu'il a été statué à l'occasion de la précédente procédure sur les préjudices complémentaires de M. X... ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que dès lors qu'il a été statué sur les préjudices complémentaires, une nouvelle demande est irrecevable et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont à tout le moins violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
Mais attendu que la victime d'un dommage imputable à la faute inexcusable de son employeur ou ses ayants droit en cas de décès sont recevables à exercer une nouvelle action en réparation du préjudice résultant de l'aggravation de l'état de la victime, dès lors qu'il n'a pas déjà été statué sur la réparation de ce préjudice complémentaire qui n'était pas inclus dans la demande initiale ;
Et attendu qu'après avoir constaté que la caisse avait notifié un nouveau taux d'incapacité permanente partielle de 50 % alors que le taux antérieur était fixé à 35 %, la cour d'appel, qui a pu retenir que cette augmentation constituait une aggravation de l'état de l'intéressé imputable à l'asbestose présentée à la suite de son exposition à l'amiante, dont les préjudices afférents à cette aggravation n'avaient pas déjà été réparés par une décision antérieure, en a exactement déduit que les demandes en indemnisation complémentaires de la victime étaient recevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Everite, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de condamner la caisse au paiement d'une somme au titre du préjudice d'agrément résultant de l'aggravation de l'état de la victime, alors, selon le moyen, que le préjudice d'agrément s'entend de la privation d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à l'accident qui n'est pas déjà réparé au titre du préjudice fonctionnel ; qu'en allouant la somme de 3 000 euros au titre de la réduction de la possibilité de pratiquer les activités de promenades à pied ou à vélo, déjà réparée par la rente, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la société avait soutenu que M. X... n'avait pas été privéd'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure ne se trouvant pas déjà réparée au titre du préjudice fonctionnel ;
D'où il suit que le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable ;
Mais sur le moyen unique du même pourvoi, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte des trois premiers de ces textes que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que sont réparables en application du quatrième de ces textes les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;
Attendu que pour allouer des sommes en réparation de la souffrance physique et morale de la victime, l'arrêt retient qu'il est justifié que l'aggravation de l'état de M. X... depuis la fin de l'année 2011, par la réduction sensible de sa capacité pulmonaire déjà limitée, a généré des douleurs physiques (notamment difficultés de respiration nocturnes) et morales (notamment d'obligation d'inactivité et d'angoisse d'une nouvelle aggravation sous d'autres formes) ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les souffrances physiques et morales ne se trouvaient pas déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d'accident du travail majorée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse à payer à M. X... des sommes à titre de dommages-intérêts pour souffrances physiques et souffrances morales, l'arrêt rendu le 20 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, demanderesse au pourvoi principal
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré recevable la demande de Monsieur X... et alloué à celui-ci des indemnités complémentaires au titre de l'aggravation apparue postérieurement à la précédente procédure ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les .débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a dit qu'il est constant que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur est recevable à exercer une nouvelle action en réparation de son préjudice résultant de l'aggravation de son état lorsque la précédente décision fixant la réparation des préjudices n'a pas déjà statué sur la réparation de ce préjudice complémentaire qui n'était pas inclus dans la demande initiale ; que la CPAM de la Gironde a notifié à M. X... un nouveau taux d'IPP de 50 % à compter du 21 novembre 2011 alors que son taux antérieur était de 35 %, ce qui constitue une aggravation, imputable au vu des pièces médicales à l'asbestose dont il est atteint à la suite de son exposition à l'amiante, et il n'est pas cohérent de la part de la CPAM, alors qu'elle est à l'origine de la reconnaissance de l'aggravation de l'IPP et a ajusté à due concurrence le montant de la rente, de contester la recevabilité des autres incidences de l'aggravation, quand bien même, en raison de l'inopposabilité, de son fait, de la reconnaissance de la maladie professionnelle, elle en supportera seule les conséquences ; que l'aggravation du taux d'IPP peut être la cause d'une aggravation des autres préjudices indemnisés dans le cadre de la faute inexcusable de l'employeur, sous réserve de la démonstration de cette aggravation par la victime » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il ressort du jugement rendu par le tribunal des affaires sociales de la Gironde le 3 juin 2005 que la maladie professionnelle de Monsieur X... est due à la faute inexcusable de son employeur la société EVERITE ; que sur appel du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociales de la Gironde le 4 avril 2006, la Cour d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 14 juin 2007, infirmé le jugement et fixé l'indemnisation du préjudice de Monsieur X..., ayant une incapacité permanente partielle fixée à 35 %, à la somme de 35 000 ¿ ; qu'il est constant que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de son employeur est recevable à exercer une nouvelle action en réparation du préjudice résultant de l'aggravation de son état dès lors que la précédente décision fixant la réparation des préjudices prévus à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale n'a pas déjà statué sur la réparation de ce préjudice complémentaire qui n'était pas inclus dans la demande initiale ; qu'il ressort de la notification de rente par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à Monsieur X... en date du 20 décembre 2011, que son taux d'incapacité a été fixée à 50 % à compter du 21 novembre 2011 suite à l'aggravation de l'abestose dont il souffre » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, dès lors qu'il a été statué sur les indemnisations complémentaires dues à l'assuré à raison de la faute inexcusable de l'employeur, la décision ainsi rendue fait obstacle à ce que ces mêmes préjudices puissent donner lieu à une nouvelle action en réparation ; que tel était le cas en l'espèce dès lors qu'il a été statué à l'occasion de la précédente procédure sur les préjudices complémentaires de Monsieur X... ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, dès lors qu'il a été statué sur les préjudices complémentaires, une nouvelle demande est irrecevable et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont à tout le moins violé les articles 480 du Code de procédure civile et 1351 du Code civil.Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Everite, demanderesse au pourvoi incident
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Caisse d'assurance-maladie de la Gironde à payer à Monsieur Max X... à titre de dommages et intérêts à raison de l'aggravation de son préjudice les sommes de 3 000 ¿ au titre de ses souffrances physiques ; 14 000 ¿ au titre de ses souffrances morales ; et 3 000 ¿ au titre de son préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'au vu des pièces médicales et des nombreuses attestations produites émanant du milieu familial et amical, il est justifié que l'aggravation de l'état de M. X... depuis la fin de l'année 2011, par la réduction sensible de sa capacité pulmonaire déjà limitée, a généré des douleurs physiques, notamment difficultés de respiration nocturnes, morales, notamment l'obligation d'inactivité, d'angoisse d'une nouvelle aggravation sous d'autres formes, et a réduit la possibilité de pratiquer les activités de loisir de vélo et de marche auxquelles il se livrait ;
ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU'il ressort du jugement rendu par le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de la Gironde le 3 juin 2005, que la maladie professionnelle de Monsieur X... est due à la faute inexcusable de son employeur, la société EVERITE ; que, sur appel du jugement rendu par le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de la Gironde le 4 avril 2006, la Cour d'Appel de Bordeaux a, par arrêt du 14 juin 2007, infirmé le jugement et fixé l'indemnisation du préjudice de Monsieur X..., ayant une incapacité permanente partielle fixée à 35 %, à la somme de 35 000 ¿ ; qu'il est constant que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de son employeur est recevable à exercer une nouvelle action en réparation du préjudice résultant de l'aggravation de son état dès lors que la précédente décision fixant la réparation des préjudices prévus à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale n'a pas déjà statué sur la réparation de ce préjudice complémentaire qui n'était pas inclus dans la demande initiale ; qu'or il ressort de la notification de rente par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à Monsieur X... en date du 20 décembre 2011, que son taux d'incapacité a été fixé à 50 % à compter du 21 novembre 2011 suite à l'aggravation de l'asbestose dont il souffre ; qu'il s'en suit que compte tenu de l'indemnisation déjà allouée, et compte tenu de la majoration de son insuffisance respiratoire qui ressort du courrier du Docteur Y..., repris dans le rapport médical de révision du taux d'incapacité, du Docteur Z... en date du 5 décembre 2011, et de son impossibilité de se livrer à son activité de cycliste, il convient de fixer l'indemnisation complémentaire de Monsieur X... à 9 000 ¿ au titre des souffrances physiques et morales endurées et à 1 000 ¿ au titre de son préjudice d'agrément ;
1°) ALORS D'UNE PART QUE le préjudice lié aux souffrances et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément ; qu'en allouant à la victime la somme de 3 000 ¿ au titre de ses souffrances physiques et 14 000 ¿ au titre de ses souffrances morales, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la Sécurité sociale ;
2°) ALORS D'AUTRE PART QUE le préjudice d'agrément s'entend de la privation d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à l'accident qui n'est pas déjà réparé au titre du préjudice fonctionnel ; qu'en allouant la somme de 3 000 ¿ au titre de la réduction de la possibilité de pratiquer les activités de promenades à pied ou à vélo, déjà réparée par la rente, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la Sécurité sociale.