LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 463 et 464 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 décembre 2013), que Mme X..., salariée de la société Adecco France (l'employeur), a été victime, le 1er février 2007, alors qu'elle était mise à disposition de la société NCS Pyrotechnie et technologies (la société utilisatrice), d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise (la caisse) ; que, sollicitant la reconnaissance d'une faute inexcusable, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ; qu'un arrêt du 27 juin 2013 a dit que l'accident a pour origine la faute inexcusable de la société utilisatrice, statué sur la majoration de la rente due à la victime, ordonné une expertise aux fins d'évaluation des préjudices et dit que la société utilisatrice devra garantir l'employeur de toute somme versée à titre d'indemnisation en principal et intérêts en réparation des préjudices personnels subis par la victime et au titre des frais de procédure versés à cette dernière ; que l'employeur a formé, devant la cour d'appel, une requête en omission de statuer ;
Attendu que pour débouter l'employeur des fins de sa requête, l'arrêt retient que, sous couvert de réparer une omission de statuer, la demande de l'employeur tend à faire modifier le dispositif de l'arrêt qui, en limitant explicitement le recours de celle-ci contre la société utilisatrice aux préjudices personnels subis par Mme X... et au titre des frais de procédure versés à cette dernière, n'a fait droit que partiellement à sa demande de prise en charge de l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable et a implicitement écarté certaines de ces conséquences et notamment la majoration de la rente ; qu'il n'y a pas lieu de compléter le dispositif de l'arrêt dans ce sens, ce qui aboutirait à remettre en cause ce qui a été définitivement jugé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, l'employeur demandant la condamnation de la société utilisatrice à le garantir de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance de la faute inexcusable, l'arrêt du 27 juin 2013 qui s'est borné à décider que la société utilisatrice devra garantir l'employeur de toute somme versée en principal et intérêts en réparation des préjudices personnels subis par Mme X... et au titre des frais de procédure versés à cette dernière, n'a pas statué sur la garantie, par l'entreprise utilisatrice, des sommes susceptibles d'être versées au titre de la majoration de rente, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Adecco France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ADECCO France des fins de sa requête en omission de statuer ;
AUX MOTIFS QUE « la requête de la SAS ADECCO, sous couvert de réparer une omission de statuer, tend à faire modifier le dispositif du jugement qui, en limitant explicitement le recours de celle-ci contre l'entreprise NCS PYROTECHNIE "aux préjudices personnels subis par Mme Samira X... et au titre des frais de procédure versés à cette dernière ", n'a fait droit que partiellement à sa demande de prise en charge de l'intégralité des conséquences financières de la faute inexcusable et a implicitement écarté certaines de ces conséquences et notamment la majoration de la rente. Il convient toutefois de rappeler : - qu'aux termes de l'article R 242-6-1 du Code de la sécurité sociale "le coût de l'accident du travail mis pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice en application de l'article L. 241-5- 1 comprend les capitaux représentatifs des rentes et les capitaux correspondant aux accidents mortels calculés selon les modalités prises en application de l'article L.242- 5", - que lorsque l'accident a été jugé entièrement imputable à la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice, sans qu'aucun manquement ne soit relevé à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, le coût de celui-ci, au sens de l'article précité, est à porter intégralement à la charge de l'entreprise utilisatrice. Toutefois, ce coût doit s'entendre du seul capital représentatif de la rente accident de travail à l'exclusion de toutes majorations ou indemnités supplémentaires. Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de compléter le dispositif de l'arrêt dans le sens souhaité par la SAS ADECCO France, ce qui aboutirait d'ailleurs à remettre en cause ce qui a été définitivement jugé. La SAS ADECCO sera en conséquence déboutée des fins de sa requête » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des articles 480 et 481 du code de procédure civile que seul le dispositif du jugement est revêtu de l'autorité de la chose jugée et dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche ; qu'il résulte des articles 463 et 606 du même code que le juge qui a omis de statuer sur un chef de demande peut compléter sa décision et que l'omission de statuer ne peut donner ouverture à cassation ; qu'au cas présent, la société ADECCO avait demandé à la Cour d'appel de VERSAILLES de « condamner la société NCS PYROTECHNIE et TECHNO ALLUMEURS à garantir la société ADECCO de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance de la faute inexcusable » ; qu'en se limitant à énoncer, dans le dispositif de l'arrêt du 27 juin 2013, que «la société NCS PYROTECHNIE et TECHNOLOGIES devra garantir la société ADECCO de toute somme versée en principal et intérêts en réparation des préjudices personnels subis par Mme Samira X... et au titre des frais de procédure versés à cette dernière », la Cour d'appel de VERSAILLES n'a pas statué sur la garantie par l'entreprise utilisatrice des sommes susceptibles d'être versées par la société ADECCO au titre de la majoration de rente ; qu'en déboutant néanmoins la société ADECCO des fins de sa requête en omission de statuer, la cour d'appel a violé les articles 463, 480, 481 et 606 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Cour d'appel de VERSAILLES a, dans les motifs de son arrêt du 27 juin 2013, énoncé que « la société NCS pyrotechnie et technologies, société utilisatrice, étant l'auteur de la faute inexcusable, il convient de faire droit au recours exercé par la société ADECCO, société de travail temporaire, et de dire que la première sera condamnée à rembourser à la seconde l'intégralité des sommes versées à Mme Samira X... en réparation des préjudices consécutifs à l'accident du travail dont elle a été victime et dans le cadre de l'introduction et de la poursuite de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette décision que la cour d'appel a constaté que l'entreprise utilisatrice était l'auteur de la faute inexcusable et a entendu faire droit aux prétentions de la société ADECCO concernant la garantie de la société NCS PYROTECHNIE et TECHNOLOGIES et qu'elle n'a, à aucun moment, entendu débouter l'exposante de sa demande de garantie relative à la majoration de rente ; qu'en estimant que la cour d'appel aurait « explicitement » entendu ne faire droit que « partiellement » aux prétentions de l'exposante et aurait « implicitement » écarté certaines conséquences notamment la majoration de rente, la cour d'appel a dénaturé l'arrêt du 27 juin 2013, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause.