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07/05/2015 | FRANCE | N°13-25984

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 mai 2015, 13-25984


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 septembre 2013), que la société Chaudronnerie albanaise Granger (la société) a confié les travaux de couverture d'un bâtiment, à partir d'une ossature en poutres métalliques réalisée par elle-même, à la société APC Etanch' (l'employeur) qui a sous traité ce marché à la société SECB ; que M. X..., coordinateur de travaux de l'employeur, a fait une chute au cours d'une visite du chantier, le 21 juin 2007, prise en charg

e au titre de la législation professionnelle ; qu'il a engagé une action en reco...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 septembre 2013), que la société Chaudronnerie albanaise Granger (la société) a confié les travaux de couverture d'un bâtiment, à partir d'une ossature en poutres métalliques réalisée par elle-même, à la société APC Etanch' (l'employeur) qui a sous traité ce marché à la société SECB ; que M. X..., coordinateur de travaux de l'employeur, a fait une chute au cours d'une visite du chantier, le 21 juin 2007, prise en charge au titre de la législation professionnelle ; qu'il a engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur devant une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la délégation de pouvoirs est le procédé par lequel un dirigeant d'entreprise transfère à l'un de ses salariés une partie de ses fonctions ; que le salarié ayant reçu de son employeur une délégation de pouvoirs en matière de sécurité ne peut imputer à faute à son employeur ses propres manquements en matière de sécurité, lesquels lui auraient causé personnellement un préjudice ; qu'en se bornant à relever que M. X..., qui n'était pas lui-même en mesure de se substituer à son employeur, nécessairement conscient du danger auquel il exposait ce salarié sur ce chantier qui n'avait pas été analysé ni visité avec un coordonnateur SPS, ni en compagnie de celui-ci, avait recherché à bon droit la responsabilité de la SARL APC Etanch', en raison d'une faute ainsi caractérisée comme inexcusable, à défaut pour celle-ci d'avoir pris une initiative incontestablement propice au respect des mesures de prévention de la sécurité sur le chantier, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la délégation de pouvoirs consentie à M. X..., portant précisément sur le domaine de la sécurité et des conditions de travail, n'avait pas transféré à ce dernier tous pouvoirs et contrôle en la matière de sorte qu'il lui incombait d'identifier le risque et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour le prévenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ alors qu'en tout état de cause, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents qui leur sont soumis ; que le contrat de travail de M. X... prévoyait que « APC Etanch' délègue à M. X... Nicolas les pouvoirs ci-après, nécessaires à l'accomplissement de sa fonction de coordinateur de travaux. M. X... déclare accepter ces pouvoirs et disposer de la compétence pour les exercer. Les pouvoirs conférés s'exercent aux fins d'organiser l'hygiène, la sécurité, et les conditions de travail, et notamment : - assurer et faire assurer sur les chantiers suivis, par tous les intervenants d'APC Etanch', le respect scrupuleux des règlements existants en matière d'hygiène et de sécurité, de conditions de travail, et en particulier, s'il y a lieu, de la réglementation propre à l'activité d'APC Etanch' ; - assurer le respect scrupuleux de la législation en matière de droit du travail ; - veiller à la sécurité du personnel et des tiers et au respect de la méthodologie appliquée par APC Etanch' pour ces travaux ; - veiller à l'entretien du matériel d'exploitation présent sur les chantiers suivis. M. X... Nicolas prend acte des effets entraînés par la présente délégation de pouvoirs et de la responsabilité pénale que cela implique sur sa personne en cas d'infraction. » ; qu'il en résultait que M. X... devait faire appliquer la législation en matière de travail non seulement au personnel placé sous ses ordres mais également aux tiers ; qu'en affirmant, pour dire la déclaration de pouvoirs inopérante, que M. X... ne pouvait imposer le respect de la stipulation de son contrat de travail relative à la nécessité pour lui d'assurer le respect scrupuleux de la législation en matière de travail qu'au personnel placé sous ses ordres, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du dit contrat en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce qu'aucun coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé n'ayant été désigné par la société, celle-ci a été pénalement condamnée pour violation de l'article L. 253-3 ancien du code du travail, et l'employeur a bénéficié d'une exonération de sa responsabilité pénale en considération d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité des travailleurs, consentie valablement à M. X... ; qu' un coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé, obligatoire pour une opération de construction réalisée avec le concours de plusieurs entreprises, chargé de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives, avec élaboration d'un plan général de coordination en matière de sécurité de protection de la santé, aurait pu vérifier les points d'accès aux postes de travail, la possibilité pour les travailleurs de disposer à tout moment d'une prise ou d'un appui sûrs ; qu'il retient que la nomination du coordonnateur SPS devait nécessairement être envisagée avant l'ouverture du chantier et l'employeur, locateur d'ouvrage, appelé à intervenir à la suite de la société devait s'inquiéter de cette désignation, préalablement, au pire concomitamment, à la passation du marché, voire l'exiger d'emblée, de manière à garantir, dans l'intérêt de ses préposés, une prévention effective des risques inhérents à une intervention sur une charpente/couverture à plus de 3 m de hauteur, dans la mesure où il avait nécessairement pleine conscience des dangers auxquels étaient exposés les différents intervenants dans le cadre de la réalisation de travaux de couverture et d'étanchéité ; que les fonctions de M. X... ne portaient que sur la réalisation des chantiers, depuis les achats de matières jusqu'au respect des délais de réalisation, incluant la conduite des relations avec les services techniques des clients, au cours de ces chantiers seulement, aux termes de l'article 3 de son contrat de travail, sans qu'il n'ait jamais été question de lui confier des responsabilités participant de la gestion de l'entreprise ; qu'il ne pouvait exiger a posteriori du maître de l'ouvrage, auquel il n'était pas directement lié, que ce dernier s'astreigne à pallier ladite carence, la délégation de pouvoirs qui lui avait été consentie par son propre employeur s'avérant inopérante à cet égard nonobstant une stipulation relative à la nécessité pour lui d'assurer le respect scrupuleux de la législation en matière de travail, dont il ne pouvait imposer le respect qu'au personnel placé sous ses ordres suivant l'économie de l'article 4 de son contrat de travail ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a pu déduire, hors toute dénaturation, que l'accident dont M. X... avait été victime, était imputable à la faute inexcusable de son employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société APC Etanch' aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés APC Etanch' et MMA IARD ; condamne la société APC Etanch' à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quinze et signé par Mme Flise, président et par Mme Genevey, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour la société APC Etanch'.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accident du travail dont M. X... avait été victime, le 21 juin 2007, était dû à une faute inexcusable commise par son employeur, la SARL APC ETANCH'.
AUX MOTIFS QUE « Sur la caractérisation d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont Nicolas X... a été victime le 21 juin 2007 Il incombe au salarié victime d'un accident du travail déjà pris en charge comme tel par la Caisse Primaire d'assurance-maladie, qui engage une action tendant à obtenir une indemnisation complémentaire dans les conditions définies par les articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de rapporter la preuve de ce que cet accident était dû à la faute inexcusable de son employeur ou de ceux qu'il s'était substitués dans la direction, d'établir plus particulièrement qu'à défaut de respecter des règles générales ou spécifiques de sécurité applicables à un processus de production ou à la réalisation de prestations ou encore faute de mettre à la disposition du personnel de l'entreprise un matériel conforme aux normes et/ou exempt de vice apparent, cet employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, en de telles circonstances, d'une part, mais aussi de démontrer qu'il a négligé ainsi de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des salariés de l'entreprise contre les risques identifiables comme accidentogènes dans les situations existantes, en considération de l'activité développée par cette entreprise, conformément au principe énoncé à l'article L 4121-1 du code du travail. Cependant, il suffit que la faute reprochable à l'employeur soit une cause nécessaire de survenance de l'accident du travail et il importe peu qu'elle n'en ait pas été la seule cause ni la cause déterminante et même que le salarié victime d'un accident ait commis une ou plusieurs fautes qui auraient concouru à la réalisation de son propre dommage, réserve faite de la caractérisation d'une faute inexcusable ou intentionnelle de la victime susceptible de réduire le champ de l'indemnisation de celle-ci, en application des dispositions de l'article L 453-1 du code de la sécurité sociale. En l'espèce, les éléments tirés des pièces communiquées par les deux parties et plus particulièrement du jugement rendu le 27 mars 2009 par le tribunal de grande instance de Chambéry, statuant en matière correctionnelle sur l'action publique exercée à la fois contre la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE, laquelle a été condamnée pour avoir commis des infractions visées à la prévention, et contre la SARL APC ETANCH', qui a été renvoyée des fins de la poursuite, sans peine ni droit fixe de procédure, permettent de considérer comme constants les faits suivants : - la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE, qui avait la qualité de maître de l'ouvrage, conjointement avec la SCI LE SAULE ARGENTÉ, suivant les désignations figurant en tête du plan particulier de sécurité et protection de la santé émis le 18 juin 2007 (pièce n° 28 du dossier de l'appelant), en l'absence de communication d'aucune pièce constituant le permis de construire ni d'aucun marché de travaux, a édifié par ses propres moyens la structure métallique du nouvel atelier construit en vue de l'agrandissement des installations de cette entreprise sur la zone industrielle de la commune d'ALBENS, et ce, y compris une lisse métallique destinée à faire fonction de garde corps sur toute la périphérie du plan supérieur de cette structure (plan photographique représentant une vue générale de cette structure sur le feuillet n° 1 de l'annexe au procès-verbal d'enquête établi entre le 21 juin 2007, date d'intervention de cet agent de police judiciaire à la suite de l'accident du travail dont Nicolas X... a été victime en chutant du haut de ladite structure, par un gendarme de la brigade d'Aix-les-Bains, et le 29 juin 2007, date de rédaction du procès-verbal de synthèse: pièces n° 2 et 7 du dossier de la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE), - la SARL APC ETANCH' a été chargée par la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE d'exécuter ensuite les travaux de couverture et d'étanchéité sur les poutres porteuses soutenant un treillis installé sur la structure métallique, lesquels travaux devaient débuter le 18 juin 2007 pour s'achever le 30 août 2007, suivant le planning prévisionnel inclus dans le plan particulier de sécurité et de protection de la santé, mais elle a sous-traité ce marché à la SARL SECB, dont le chef de chantier a signé le plan le 18 juin 2007, conjointement avec Nicolas X... et le directeur de travaux de la SARL APC ETANCH', sur un document établi à l'initiative de cette société, laquelle n'a pas communiqué le contrat de soustraitance, - aucun coordinateur en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS) n'a été désigné par la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE, laquelle a été pénalement condamnée en raison de ce manquement caractérisant une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par l'article L 253-3 ancien du code du travail, - Nicolas X..., qui a été chargé par l'un des cogérants de la SARL APC ETANCH', en sa qualité de coordinateur de travaux salarié de cette entreprise, de contrôler le déroulement du chantier objet du contrat de sous-traitance conclu avec la SARL SECB, s'est rendu à cette fin sur le chantier, le 21 juin 2007, pour en constater l'avancement et régler les détails d'exécution avec le chef de chantier de l'entreprise sous-traitante, et, pour rencontrer ce dernier, ainsi que les ouvriers occupés à la réalisation de la couverture, alors effectuée sur un quart de la surface de la charpente environ, suivant la déposition de Nicolas X... recueillie le 30 juillet 2007 et confirmée par les clichés photographiques pris par le gendarme enquêteur, et il est alors monté jusqu'au sommet de la charpente par l'échelle coulissante placée par la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE à l'extrémité de l'un des côtés de la structure métallique édifiée par celle-ci, échelle dont la partie supérieure dépassait le bord de la poutre limitrophe d'une hauteur d'un mètre, conformément aux prescriptions de sécurité réglementaires, -en cherchant à se hisser sur cette poutre métallique, Nicolas X... s'est agrippé à la lisse qui la surmontait et qui a cédé sous son poids, faute d'avoir été fixée à son extrémité gauche sur le potelet arrimé à l'angle de la charpente, et ce, en raison d'une négligence reconnue imputable à la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE et pénalement sanctionnée à l'encontre de celle-ci par le tribunal de grande instance de Chambéry le 27 mars 2009, aux termes d'une décision par laquelle la même juridiction, en revanche, a renvoyé la SARL APC ETANCH' de la poursuite engagée à son encontre des chefs d'une abstention fautive dans la mise en oeuvre d'une protection collective contre les chutes de hauteur et de défaut de fixation de la lisse formant garde corps, et ce, au bénéfice, pour cette personne morale, d'une exonération de sa responsabilité pénale admise en considération d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité des travailleurs, qui avait été consentie valablement à Nicolas X..., lui-même, cadre présent sur le chantier, investi de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission, par référence à une stipulation précise et exempte d'ambiguïté de son contrat de travail, d'une part, et susceptible de mettre en oeuvre des équipements de protection mise à sa disposition par son employeur, d'autre part. Pour autant, l'analyse approfondie des pièces du dossier ne permet pas d'absoudre la SARL APC ETANCH' de toute faute quant à l'absence de désignation du coordonnateur SPS, dont l'intervention était légalement imposée, pour une opération de construction réalisée avec le concours de plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprise sous-traitante incluse, en l'espèce la SARL APC ETANCH' et la SARL SECB, au cours de la conception, de l'étude et de l'élaboration du projet et au cours de la réalisation de l'ouvrage, pour chacune de ces deux phases ou pour l'ensemble de celles-ci, de manière à prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives, plus particulièrement, pour, favoriser le repérage des zones présentant des dangers et prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives, de même que pour élaborer un plan général de coordination en matière de sécurité de protection de la santé, dès la phase de conception, conformément aux prescriptions des articles L 4532-2 à L 4532-8 du code du travail ; ce coordonnâtes aurait eu vocation, pour donner une pleine efficience à sa mission, à procéder avec chaque entreprise, préalablement à l'intervention de celle-ci, à l'inspection commune au cours de laquelle auraient pu être précisées, dans les conditions définies par l'article R 4532-13 du même code, les consignes à observer ou à transmettre, aurait pu formuler des observations particulières de sécurité et de santé prises pour l'ensemble de l'opération, en fonction des caractéristiques des travaux que cette entreprise s'apprêtait à exécuter, et ce, avant remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé lorsque l'entreprise était soumise à l'obligation de le rédiger ; c'est ainsi que les vérifications opérées par ce coordonnateur personnellement, puis en compagnie du représentant de chacune des entreprises, auraient pu porter sur les dispositifs de protection collective, s'intéressant notamment aux solutions de continuité affectant ces dispositifs aux points d'accès aux postes de travail, notamment du fait de l'utilisation d'une échelle ou d'un escalier, par référence aux prescriptions de l'article R 4323-65 du même code, aux conditions d'installation de l'échelle permettant d'accéder à la charpente du bâtiment, spécialement quant à l'évaluation du risque au regard de la hauteur d'ascension et à la possibilité pour les travailleurs de disposer à tout moment d'une prise ou d'un appui sûrs, suivant les dispositions des articles R 4323-83 et R 4323-88 du même code, et sur le respect des mesures appropriées pour éviter toute chute lors d'interventions sur un toit présentant des dangers de chute d'une hauteur de plus de 3 m, en application des prescriptions des articles R 4534-85 du même code. En effet, il résulte de l'économie de ces différentes dispositions que la nomination du coordonnateur SPS devait nécessairement être envisagée avant l'ouverture du chantier, notamment pour lui permettre de procéder à l'établissement d'un plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé indispensable au suivi des travaux, à la constitution du dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage, à l'ouverture d'un registre journal, et à la définition des sujétions relatives à la mise en place et à l'utilisation des protections collectives, des accès provisoires et des installations générales, conformément aux dispositions de l'article R 4532-12 du code du travail. Il s'ensuit qu'il appartenait à la SARL APC ETANCH', locateur d'ouvrage appelé à intervenir à la suite de la SARL CHAUDRONNERIE ALBANAISE et faisant elle-même appel à une entreprise sous-traitante, la SARL SECB, de s'inquiéter du respect effectif des prescriptions légales et réglementaires et de la désignation du coordonnateur SPS, préalablement, au pire concomitamment, à la passation du marché. Or, nonobstant l'absence de production de tout contrat d'entreprise et de tout contrat de sous-traitance, il relève de la plus haute vraisemblance que la négociation et la conclusion de ces contrats demeuraient incontestablement comprises dans le champ des prérogatives des dirigeants de l'entreprise, alors que Nicolas X... a qualifié son patron, désigné comme étant M. Z..., de «responsable de ce chantier», aux termes de sa déposition recueillie par le gendarme enquêteur (pièce n° 3 du dossier de la SARL APC ETANCH'), et que le plan particulier de sécurité de protection de la santé élaboré sous l'égide de la SARL APC ETANCH', à l'intention de son sous-traitant, la SARL SECB, était revêtu, à la date du 18 juin 2007, de la double signature de Nicolas X... lui-même mais aussi, précédée de l'abréviation «p o», d'un dirigeant de l'entreprise, substitué à M. Christian MORENO, directeur travaux APC Etanch' (pièce n° 28 du dossier de l'appelant). C'est donc à ce dirigeant qu'il incombait au premier chef d'interroger directement son cocontractant sur la désignation d'un coordonnateur SPS, voire même d'exiger d'emblée cette désignation, de manière à garantir, dans l'intérêt de ses préposés et/ou de son sous-traitant et des préposés de celui-ci, une prévention effective des risques inhérents à une intervention sur une charpente/couverture à plus de 3 m de hauteur, dans la mesure où il avait nécessairement pleine conscience des dangers auxquels étaient exposés ces différents intervenants dans le cadre de la réalisation de travaux de couverture et d'étanchéité et ce, quand bien même, en toute hypothèse, l'intervention du coordonnateur ne modifiait ni la nature ni l'étendue des responsabilités qui lui incombaient, suivant le principe énoncé à l'article L 4532-6 du code du travail. A contrario, ce n'était pas à Nicolas X... de mettre lui-même en demeure le maître de l'ouvrage de nommer un coordonnateur SPS, d'autant moins que ses fonctions de coordinateur de travaux, salarié de la SARL APC ETANCH', ne portaient que sur la réalisation des chantiers, depuis les achats de matières jusqu'au respect des délais de réalisation, incluant la conduite des relations avec les services techniques des clients, au cours de ces chantiers seulement, aux termes de l'article 3 de son contrat de travail en date du 7 avril 2005, dont il résultait également qu'il pourrait être amené à effectuer des travaux temporaires différents de son emploi habituel, ou d'assurer des tâches annexes ou accessoires à son emploi, sans qu'il n'ait jamais été question de lui confier des responsabilités participant de la gestion de l'entreprise, relatives plus particulièrement à la passation des marchés. Dans un tel contexte, Nicolas X... n'a pu découvrir l'absence de désignation d'un coordonnateur SPS qu'en apposant sa signature au bas du plan particulier de sécurité de protection de la santé élaboré par la SARL APC ETANCH', le 18 juin 2007. S'il est concevable qu'il lui était loisible de formuler des observations critiques sur cette carence, il est également indéniable qu'il lui était personnellement difficile, sinon impossible, d'exiger lui-même a posteriori du maître de l'ouvrage, auquel il n'était pas directement lié, que ce dernier s'astreigne à pallier ladite carence : la délégation de pouvoirs qui lui avait été consentie par son propre employeur s'avérait inopérante à cet égard, nonobstant une stipulation relative à la nécessité pour lui d'assurer le respect scrupuleux de la législation en matière de travail, dont il ne pouvait imposer le respect qu'au personnel placé sous ses ordres, suivant l'économie des dispositions de l'article 4 de son contrat de travail, d'une part, et le recours éventuel à l'exercice d'un droit de retrait pour ce cadre coordinateur de travaux ne manquait pas d'être problématique dans l'immédiat, d'autre part. En toute hypothèse, la SARL APC ETANCH' ne saurait prétendre bénéficier systématiquement de la même exonération, aussi bien pour avoir omis de contrôler la résistance aux chocs et aux tractions de l'ancrage de la lisse disposée en bordure de charpente comme équipement de protection collective, dont il était reconnu que la vérification participait de la mission directement dévolue au coordinateur de travaux de l'entreprise, en raison de la délégation de pouvoirs donnée à celui-ci, que pour avoir négligé de se préoccuper de la désignation d'un coordonnateur SPS avant l'ouverture du chantier. : ' En conséquence, Nicolas X..., qui n'était pas lui-même en mesure de se substituer à son employeur, nécessairement conscient du danger auquel il exposait ce salarié sur un chantier qui n'avait pas été analysé ni visité avec un coordonnateur SPS, ni en compagnie de celui-ci, a recherché à bon droit la responsabilité de la SARL APC ETANCH', en raison d'une faute ainsi caractérisée comme inexcusable, à défaut pour celle-ci d'avoir pris une initiative incontestablement propice au respect des mesures de prévention de la sécurité sur le chantier, quand bien même aucune poursuite n' avait pu être exercée directement contre ce locateur d'ouvrage, pour avoir omis de désigner mi coordonnateur SPS et même si cette faute inexcusable n'a pas été la cause déterminante de l'accident. Par ailleurs, il ne s'avère nullement établi que la victime puisse être convaincue d'avoir commis elle-même une faute intentionnelle privative de prestations ou indemnités, ni même une faute inexcusable, de nature à justifier une réduction de son indemnisation, pour avoir omis de porter un casque et de s'accrocher à un harnais de sécurité, a fortiori pour n' avoir pas protesté immédiatement contre 1'absence de désignation d'un coordonnateur SPS, alors que l'hypothèse d'une omission purement matérielle imputable à la SARL APC ETANCH', dans la rédaction de son plan particulier de sécurité, ne pouvait être écartée, que l'intervention d'un coordonnateur ne pouvait être définitivement exclue dès le 18 juin 2007,date de signature de ce plan particulier et que l'installation de filets de protection sous les poutres de la charpente métallique était de nature à tranquilliser, même relativement, toute personne amenée à monter sur cette charpente. En conséquence, le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Savoie doit être réformé, en ce qu'il a débouté Nicolas X... de sa demande aux fins de voir reconnaître une faute inexcusable de la SARL APC ETANCH' et de ses demandes subséquentes ; conformément à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale, la victime a vocation à percevoir une majoration des indemnités qui sont dues au titre de la législation relative aux risques professionnels, sans qu'il soit envisageable d'emblée de décider qu'une majoration de la rente devrait suivre l'augmentation du taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'aggravation des séquelles » (arrêt p. 12 à p. 17) ;
1°) ALORS QUE la délégation de pouvoirs est le procédé par lequel un dirigeant d'entreprise transfère à l'un de ses salariés une partie de ses fonctions ; que le salarié ayant reçu de son employeur une délégation de pouvoirs en matière de sécurité ne peut imputer à faute à son employeur ses propres manquements en matière de sécurité, lesquels lui auraient causé personnellement un préjudice ; qu'en se bornant à relever que M. X..., qui n'était pas lui-même en mesure de se substituer à son employeur, nécessairement conscient du danger auquel il exposait ce salarié sur ce chantier qui n'avait pas été analysé ni visité avec un coordonnateur SPS, ni en compagnie de celui-ci, avait recherché à bon droit la responsabilité de la SARL APC ETANCH', en raison d'une faute ainsi caractérisée comme inexcusable, à défaut pour celle-ci d'avoir pris une initiative incontestablement propice au respect des mesures de prévention de la sécurité sur le chantier, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la délégation de pouvoirs consentie à M. X..., portant précisément sur le domaine de la sécurité et des conditions de travail, n'avait pas transféré à ce dernier tous pouvoirs et contrôle en la matière de sorte qu'il lui incombait d'identifier le risque et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour le prévenir, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents qui leur sont soumis ; que le contrat de travail de M. X... prévoyait que « APC ETANCH' délègue à Monsieur X... Nicolas les pouvoirs ci-après, nécessaires à l'accomplissement de sa fonction de coordinateur de travaux. Monsieur X... déclare accepter ces pouvoirs et disposer de la compétence pour les exercer. Les pouvoirs conférés s'exercent aux fins d'organiser l'hygiène, la sécurité, et les conditions de travail, et notamment :-assurer et faire assurer sur les chantiers suivis, par tous les intervenants d'APC ETANCH', le respect scrupuleux des règlements existants en matière d'hygiène et de sécurité, de conditions de travail, et en particulier, s'il y a lieu, de la réglementation propre à l'activité d'APC ETANCH' ; -assurer le respect scrupuleux de la législation en matière de droit du travail ; - veiller à la sécurité du personnel et des tiers et au respect de la méthodologie appliquée par APC ETANCH' pour ces travaux ; -veiller à l'entretien du matériel d'exploitation présent sur les chantiers suivis. Monsieur X... Nicolas prend acte des effets entraînés par la présente délégation de pouvoirs et de la responsabilité pénale que cela implique sur sa personne en cas d'infraction. » ; qu'il en résultait que M. X... devait faire appliquer la législation en matière de travail non seulement au personnel placé sous ses ordres mais également aux tiers ; qu'en affirmant, pour dire la déclaration de pouvoirs inopérante, que M. X... ne pouvait imposer le respect de la stipulation de son contrat de travail relative à la nécessité pour lui d'assurer le respect scrupuleux de la législation en matière de travail qu'au personnel placé sous ses ordres, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit contrat en violation de l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, avant de statuer sur l'indemnisation des chefs de préjudice ouvrant droit à réparation au bénéfice de M. X... au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale, ordonné une expertise médicale.
AUX MOTIFS QUE « Sur l'organisation d'une expertise médicale et sur la demande tendant à l'octroi d'une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices complémentaires résultant pour la victime de l'accident du travail survenu le 21 juin 2007 Si l'application du principe suivant lequel la victime d'un accident du travail dû à une faute inexcusable de son employeur peut prétendre à l'indemnisation par celui-ci de l'ensemble des dommages non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale, suivant l'interprétation extensive des dispositions de l'article L 452-3 de ce code, apparaît a priori inconciliable avec l'organisation d'une mission d'expertise inspirée par la nomenclature DINTILHAC, laquelle est susceptible d'orienter les recherches du médecin expert vers des postes de préjudice déjà pris en charge au titre de l'assurance des risques professionnels, à l'inverse, une restriction de cette mission aux seuls postes de préjudices énumérés par l'article L 452-3 ne permettrait pas de laisser suffisamment ouvert le champ d'appréciation dans le cadre duquel la cour pourra arbitrer les différentes demandes susceptibles de lui être soumises par Nicolas X..., en considération des spécificités de sa situation et de l'interprétation évolutive à laquelle lesdites prétentions peuvent donner lieu, en l'absence de tout protocole d'indemnisation fixé de manière rigide. Par ailleurs, en l'état, il doit être tenu compte des éléments objectifs contenus dans les documents médicaux versés aux débats par Nicolas X..., souffrances physiques et morales endurées, préjudice esthétique, «gros problème génito-sexuels avec absence d'érection et absence de libido en relation avec son accident du travail», constipation très importante, (pièce n° 15 : observation médicale du 1er avril 2008), outre les difficultés persistantes dans les relations intimes, une dépression latente et indépendamment des frais de déménagement et de l'acquisition de matériels et d'un véhicule adaptés : la demande en paiement d'une provision de 10 000 ¿, à valoir sur l'indemnisation de ces différents postes de préjudices, pour une part essentielle non couverts au titre de la législation professionnelle, se justifie pleinement. En revanche, il ne peut être admis, en l'état, que l'ensemble des indemnisations éventuellement dues in fine puisse porter systématiquement intérêt au taux légal à compter de la demande en reconnaissance d'une faute inexcusable présentée à la CPAM de Haute-Savoie, alors que le principe énoncé à l'article 1153-1 du Code civil conduit à fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, aux termes duquel les indemnisations seront liquidées. » (arrêt p. 17) ;
ALORS QUE les préjudices qui sont réparés, même forfaitairement ou avec limitation, au titre du Livre IV du Code de la sécurité sociale, ne peuvent ouvrir droit à aucune action en réparation du demandeur et en peuvent donc faire l'objet d'une expertise ; qu'en ordonnant néanmoins une expertise médicale portant sur l'ensemble des préjudices subis par M. X... à savoir ceux couverts par le Livre IV du Code de la sécurité mais également ceux non couverts par le Livre IV, la Cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 13-25984
Date de la décision : 07/05/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 10 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 mai. 2015, pourvoi n°13-25984


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.25984
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