LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été recruté par la société Gib' Océan (la société) sous contrat à durée déterminée à temps partiel pour la période du 10 février 2007 au 30 juin 2007 puis du 19 mars 2008 pour une durée minimum de 25 jours sur un emploi saisonnier pour assurer le suivi et l'entretien d'un élevage de perdrix pendant la saison de ponte ; que la société a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire suivant jugement du 13 janvier 2010 ; que contestant la nature de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour demander la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et diverses indemnités ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1243-11 du code du travail ;
Attendu que pour dire, par infirmation du jugement entrepris, que les contrats à durée déterminée des 10 février 2007 et 19 mars 2008 ont un caractère saisonnier, que la rupture de ces contrats est régulière, et de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions, l'arrêt retient que le premier contrat de travail du 10 février 2007 prenant fin le 30 juin 2007 doit être qualifié de contrat saisonnier dans la mesure où il concerne des taches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons et du mode de vie collectif, qu'en effet le ramassage, le tri des oeufs et l'entretien du gibier en vue de la période de chasse correspondent à une saison bien déterminée et donc limitée dans le temps à savoir la saison de reproduction, de ponte et la période de la chasse, que les contrats étaient conclus dans le cadre spécifique du titre emploi simplifié (TESA) qui permet aux employeurs du secteur de la production agricole d'embaucher des salariés recrutés sous contrat de travail à durée déterminée pendant plusieurs mois en regroupant les formalités administratives liées à l'embauche et à l'emploi des salariés saisonniers agricoles, que le salarié doit donc être débouté de ses demandes relatives à une indemnité de requalification et à la rupture abusive du dernier contrat de travail du 17 mars 2008 dès lors que ce dernier a pris fin à l'arrivée de son terme ;
Qu'en se déterminant ainsi sans s'expliquer sur le moyen développé devant elle et par lequel il était soutenu que la relation de travail s'était poursuivie au-delà du terme du premier contrat à durée déterminée, fixé au 30 juin 2007, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu que selon ce texte le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps plein et en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires, l'arrêt retient que l'annualisation et la modulation des horaires prévus par la convention collective applicable ainsi que les conditions de travail liées à l' activité du salarié dans le cadre d'un contrat saisonnier autorisaient l'employeur à fixer une durée de travail mensuelle excluant ainsi toute interprétation contraire alors que par ailleurs le salarié occupait de manière permanente un logement mis à sa disposition par l'employeur et qu'il souhaitait demeurer sur le site dans la mesure où il envisageait de reprendre à son compte cette activité commerciale, qu'il n'est donc pas démontré que le salarié était dans l'obligation de se tenir à la disposition permanente de son employeur et qu'il ne pouvait pas connaître d'une manière précise et en temps utile ses horaires de travail pour, le cas échéant, exercer une autre activité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail à temps partiel ne mentionnait pas la durée du travail et sa répartition, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue, a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X... en paiement d'heures complémentaires et supplémentaires, l'arrêt retient qu'il n'est pas justifié par le salarié qu'il aurait effectué des tâches dans le cadre d'heures supplémentaires ou complémentaires alors que le cahier qu'il produit se borne à indiquer d'une manière forfaitaire un nombre d'heures sans préciser s'il s'agit des heures qu'il a personnellement effectuées ou des heures qui auraient été effectuées à deux, l'employeur contestant formellement la réalité d'heures supplémentaires effectuées au regard des tâches confiées au salarié ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Gib' Océan aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, dit que les contrats à durée déterminée des 10 février 2007 et 19 mars 2008 ont un caractère saisonnier, dit que la rupture de ces contrats est régulière, et débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE la SARL Gib Ocean avait obtenu du Tribunal de commerce du Mans la récolte des oeufs de perdrix rouges produites par l'exploitation de la société Faisanderie du Val de Loire durant la saison de ponte allant du 10 février 2007 à fin juin 2007 pour un prix forfaitaire dans le cadre de la liquidation judiciaire de ladite société ; que le premier contrat de travail signé par Monsieur X... du 10 février 2007 prenant fin le 30 juin 2007 est intitulé « contrat de travail occasionnel » et prévoit que ce dernier est engagé pour le suivi et l'entretien de l'élevage situé à Savigné sous le Lude et chargé de nourrir les oiseaux, du tri des oeufs et de veiller à l'état de santé du gibier ; que ce contrat qui précise qu'il est à durée déterminée doit être qualifié de contrat saisonnier dans la mesure où il concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons et du mode de vie collectifs ; que tant les bulletins de paie que la déclaration unique d'embauche mentionnent le caractère saisonnier du contrat de travail ; qu'en effet le ramassage, le tri des oeufs et l'entretien du gibier en vue de la période de chasse correspondent à une saison bien déterminée et donc limitée dans le temps à savoir la saison de reproduction, de ponte et la période de chasse ; que la cour relève que ces contrats étaient conclus dans le cadre spécifique du titre emploi simplifié (TESA) qui permet aux employeurs du secteur de la production agricole d'embaucher des salariés recrutés sous contrat de travail à durée déterminée pendant plusieurs mois en regroupant les formalités administratives liées à l'embauche et à l'emploi des salariés saisonniers agricoles ; qu'il convient donc de débouter Monsieur X... de ses demandes relatives à une indemnité de requalification et à la rupture abusive du dernier contrat de travail du 17 mars 2008 dès lors que ce dernier a pris fin à l'arrivée de son terme ;
1. ALORS QUE le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons, ou des modes de vie collectifs ; que l'arrêt constate que le contrat de travail de Monsieur X... prévoyait que le salarié était chargé de nourrir les oiseaux et de veiller à l'état de santé du gibier, c'est-à-dire un ensemble de tâches qui s'effectuent toute l'année ; qu'en rejetant néanmoins la demande de Monsieur X... de requalification de son contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, aux motifs inopérants que le ramassage, le tri des oeufs, et l'entretien du gibier en vue de la période de chasse correspondent à une saison bien déterminée, quand il résultait de ses propres constatations que le salarié n'était pas exclusivement affecté à ces tâches de caractère saisonnier, la cour d'appel a violé les articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail ;
2. ALORS QUE le recours par l'employeur au titre emploi simplifié agricole, qui constitue un dispositif de simplification des démarches administratives liées à l'embauche et à l'emploi des salariés saisonniers agricoles, est sans incidence sur la qualification du contrat de travail en contrat à durée déterminée; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs inopérants que les contrats de travail de Monsieur X... ont été conclus dans le cadre du titre emploi simplifié agricole, la cour d'appel a violé les mêmes textes ;
3. ALORS QUE lorsque la relation contractuelle se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes a constaté qu'il était établi que Monsieur X... avait continué à exercer ses fonctions à l'issue du premier contrat à durée déterminée et qu'il avait travaillé sans discontinuité du 10 février 2007 au 16 septembre 2008 (jugement, p.5, al.2) ; qu'en écartant néanmoins la qualification de contrat de travail à durée indéterminée, sans s'expliquer sur ce moyen qui était repris devant elle par le salarié (conclusions d'appel, p.8), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1243-11 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par infirmation du jugement entrepris, débouté Monsieur X... de ses demandes de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps plein et en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires ;
AUX MOTIFS QUE le salarié est mal fondé à se prévaloir d'un contrat de travail à temps plein alors que l'annualisation et la modulation des horaires prévus par la convention collective applicable ainsi que les conditions de travail liées à son activité dans le cadre d'un contrat saisonnier autorisaient l'employeur à fixer une durée d'heures de travail mensuelle excluant ainsi toute interprétation contraire alors que par ailleurs Monsieur X... occupait de manière permanente un logement mis à sa disposition par l'employeur et qu'il souhaitait demeurer sur le site dans la mesure où il envisageait de reprendre à son compte cette activité commerciale ; qu'il n'est donc pas démontré que le salarié était dans l'obligation de se tenir à la disposition permanente de son employeur et qu'il ne pouvait pas connaître d'une manière précise et en temps utile ses horaires de travail pour le cas échéant exercer une autre activité ;
ALORS QUE le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet ; que Monsieur X... a fait valoir que son contrat de travail ne mentionnait pas la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et qu'il devait se tenir en permanence à la disposition de l'employeur ; qu'en rejetant sa demande de requalification de son contrat en un contrat de travail à temps plein, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur l'absence de mention, dans le contrat de travail, de la répartition de la durée du travail, ni constater que l'employeur rapportait la preuve de la durée exacte du travail et de sa répartition sur la semaine ou le mois, la cour d'appel a violé l'article L.3123-14 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Monsieur X... en paiement d'heures complémentaires et supplémentaires ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas justifié par le salarié qu'il aurait effectué des tâches dans le cadre d'heures supplémentaires ou complémentaires alors que le cahier qu'il produit se borne à indiquer d'une manière forfaitaire un nombre d'heures sans préciser s'il s'agit des heures qu'il a personnellement effectuées ou des heures qui auraient été effectuées à deux, l'employeur en contestant formellement la réalité d'heures supplémentaires effectuées au regard des tâches confiées au salarié ;
ALORS QUE la charge de la preuve des heures supplémentaires ne pèse pas exclusivement sur le salarié, auquel il appartient seulement de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; que Monsieur X... a fourni au juge un décompte quotidien de ses heures de travail, signé chaque semaine par l'employeur, ainsi qu'un courrier de ce dernier du 25 juillet 2007 indiquant que la présence du salarié sur le site était indispensable 7 jours 7 et 24 heures sur 24, qui étaient de nature à étayer sa demande ; qu'en rejetant la demande du salarié aux motifs que ces pièces n'établissaient les heures supplémentaires alléguées, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.