La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/2015 | FRANCE | N°13-24428

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 avril 2015, 13-24428


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 10 juillet 2013), que Mme X... , engagée le 5 avril 2003 en qualité d'assistante de direction par la société Le Château d'Aiffres aux droits de laquelle vient la société Les Jardins du château d'Aiffres, exploitant une résidence de service pour personnes âgées et un service médicalisé, exerçait en dernier lieu les fonctions de chef d'établissement ; que le 7 décembre 2010, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été fina

lisée, le délai de rétraction intervenant le 22 décembre 2010, la fin de la r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 10 juillet 2013), que Mme X... , engagée le 5 avril 2003 en qualité d'assistante de direction par la société Le Château d'Aiffres aux droits de laquelle vient la société Les Jardins du château d'Aiffres, exploitant une résidence de service pour personnes âgées et un service médicalisé, exerçait en dernier lieu les fonctions de chef d'établissement ; que le 7 décembre 2010, une rupture conventionnelle du contrat de travail a été finalisée, le délai de rétraction intervenant le 22 décembre 2010, la fin de la relation contractuelle étant fixée au 19 janvier 2011 ; qu'à la suite d'une déclaration de la salariée dans la presse locale et d'un audit réalisé le 10 décembre 2010, l'employeur a exercé son droit de rétractation le 16 décembre 2010 et l'a licenciée pour faute lourde par lettre du 18 janvier 2011 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute lourde ou une faute grave et de le condamner à payer diverses sommes à la salariée, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait pour un salarié de dénigrer publiquement son employeur est constitutif d'une faute grave ; que la cour d'appel qui a estimé que le fait pour la salariée d'avoir dans un article de presse discrédité et jeté le doute sur les valeurs fondamentales développées par l'employeur dans l'accueil de personnes âgées vulnérables ne constituait pas une faute lourde sans préciser s'il constituait une faute grave ou seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement énonçait en des termes dénués d'ambiguïté que le licenciement était notifié pour faute lourde ; qu'en jugeant, pour dire que le licenciement de la salariée était justifié par son insuffisance professionnelle, que les griefs qui figuraient dans la lettre de licenciement relevaient par leur nature de l'insuffisance professionnelle, qui n'est pas constitutive de faute grave mais constitue le cas échéant une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1332-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant retenu, d'une part, que ceux des autres faits invoqués à l'appui du licenciement disciplinaire qui étaient établis n'étaient pas fautifs et, d'autre part, que les propos de la salariée, repris dans la presse locale, s'ils constituaient un manquement de l'intéressée à son devoir de loyauté, devaient être lus dans le contexte troublé d'un mouvement social du personnel, la cour d'appel en a déduit que le seul manquement de l'intéressée à son obligation de loyauté ne caractérisait pas une faute grave et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail a décidé qu'il constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Jardins du château d'Aiffres aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Les Jardins du château d'Aiffres.
LE MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute lourde ou une faute grave et D'AVOIR condamné la société LES JARDINS DU CHATEAU D'AIFFRES à lui payer les sommes de 22 680 € net au titre de l'indemnité de licenciement, 11 815,80 € au titre de l'indemnité de préavis et 1 181,58 € au titre des congés payés y afférents, outre la somme de 1 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement a été prononcé pour faute lourde ; il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de faits imputables à la salariée qui révèlent une intention de nuire ; la lettre de licenciement vise d'une part un grief de déloyauté constitué par l'article de presse relatif à son départ de la direction de l'établissement, d'autre part des griefs de nature technique, que le conseil de prud'hommes a retenus au titre de la faute grave, que conteste la salariée, l'employeur maintenant par son appel incident la qualification de faute lourde ; s'agissant du manquement à l'oblligation de loyauté et de discrétion, il est constant que le 10 décembre 2010, alors que la rupture du contrat de travail de madame X... n'était pas acquise et finalisée, car soumise d'une part à l'homologation de la DIRECCTE et d'autre part à la faculté de rétractation des deux parties, qui expirait le 22 décembre 2010, madame X... a dans le cadre d'une interview au journal la Nouvelle République tenu des propos qu'elle ne dément pas aux termes desquels elle avait fait le choix de négocier son départ, ne se retrouvant pas dans les choix de la nouvelle direction en termes d'accompagnement de la personne âgée et en raison de son attachement « au contact humain, à l'échange, à la convivialité » ; ces propos, qui laissaient entendre que nouvel actionnaire n'adhérait pas à ces valeurs, étaient de nature à déstabiliser les pensionnaires et leurs familles, les nouveaux clients potentiels, et le personnel, dont l'inquiétude se manifestait par des mouvements sociaux ; ils étaient d'ailleurs prématurés dès lors que le contrat n'était pas rompu ; il ne peut pour autant être considéré qu'ils aient été proférés dans l'intention de nuire au nouveau propriétaire qui avait de toute façon accepté le départ de madame X... dans le cadre d'une rupture négociée au mieux de ses intérêts puisque l'indemnité de rupture conventionnelle était strictement égale à l'indemnité de licenciement, et doivent être lus dans le contexte du mouvement social du personnel qui était à l'origine de l'article de presse et alors qu'en raison de ses congés payés, madame X... ne devait pas reprendre le travail au sein de l'établissement avant la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle ; c'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a écarté la faute lourde, et condamné en conséquence la société les jardins du château d'Aiffres au paiement de l'indemnité compensatrice des congés payés ; s'agissant du surplus des griefs, qui sont pour l'essentiel contestés par madame X..., il apparait que le conseil des prud'hommes a retenu un grief qui n'est pas visé par la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, celui consistant à ne pas avoir mmis en place des atelier d'activité pour les patients atteints de la maladie d'Alzeimer ; ce grief doit donc nécessairement être écarté, et l'employeur ne s'en prévaut à juste titre pas dans ses conclusions ; par leur nature, les griefs subsistants relèvent de l'insuffisance professionnelle, qui n'est pas constitutive de faute grave mais constitue le cas échéant une cause réelle et sérieuse de licenciement ; plus précisément, l'absence de mise à jour des classeurs ne peut être imputée à madame X..., dès lors que ceux-ci étaient centralisés au siège de la société Quiétude et ne se trouvaient pas sur place. L'embauche de personnel en contrat de travail à durée déterminée était certes fla résultante de l'impossibilité pour le chef d'établissement de procéder à des embauches en contrat de travail à durée indéterminée sans l'accord de la direction des ressources humaines mais le rapport d'audit énonce sans contradiction de l'appelante que de nombreux contrats à durée déterminée étaient irréguliers, ce qui a généré des actions prud'homales ; les salariés entendus dans le cadre de l'audit dénoncent un déficit général d'encadrement et d'organisation du travail ; l'absence de reporting mensuel depuis 2008 aurait pu être dénoncé plus tôt ; il est constant qu'il n'a pas été fait d'exercices d'évacuation incendie et de plan d'évacuation, ce qui, au regard de la vulnérabilité et de l'âge de la population de l'établissement, était de nature à générer un danger, mais ce point n'a pas été relevé part le contrôle de l'agence régionale de santé, et madame X... ne bénéficiait pas d'une délégation en matière de sécurité ; il est produit la preuve de réunions relevant du dialogue social, la dernière en date du 1er décembre 2010, de sorte que ce grief manque en fait ; il est avéré que les élections de délégués du personnel n'avaient pas été organisées à l'expiration de leur mandat début 2010 mais que les élections envisagées ont été repoussées dans le contexte de la liquidation judiciaire de la société Quiétude, puis dans l'attente des évolutions générées par le rachat par le groupe Santé action ; de façon plus générale, le contexte troublé, le souhait de la nouvelle direction de rechercher un meilleur équilibre financier, qui semble être la raison essentielle de l'audit, ont pu être à l'origine de manquements de madame X..., laquelle avance sans être contredite avoir au cours de la période entre le rachat par le groupe Santé action et la rupture de son contrat de travail, été chargée de deux autres structures privées de leur direction, ce qui réduisait nécessairement le temps consacré au Château d'Aiffres ; dans ce contexte particulier et alors que la société Les jardins du château d'Aiffres ne souhaitait pas voir se poursuivre le contrat de travail de madame X..., si le manquement à l'obligation de discrétion et de loyauté ci-dessus relevé est constitué, de même que certains aspects d'insuffisance professionnelle, ce qui est de nature à justifier le licenciement, celui-ci doit être considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave ; le jugement sera réformé et la société Les jardins du château d'Aiffres sera condamnée à payer à madame X... l'indemnité de licenciement soit 22680 € et l'indemnité de préavis égale à trois mois de salaire soit 11 815,80 € brut outre congés payés afférents ; madame X... sera en revanche déboutée de ses demandes de dommages intérêts ;
ALORS D'UNE PART QUE le fait pour un salarié de dénigrer publiquement son employeur est constitutif d'une faute grave; que la cour d'appel qui a estimé que le fait pour Madame X... d'avoir dans un article de presse discrédité et jeté le doute sur les valeurs fondamentales développées par l'employeur dans l'accueil de personnes âgées vulnérables ne constituait pas une faute lourde sans préciser s'il constituait une faute grave ou seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L 1232-1 et L 1234-1 du code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement énonçait en des termes dénués d'ambiguïté que le licenciement était notifié pour faute lourde ; qu'en jugeant, pour dire que le licenciement de Madame X... était justifié par son insuffisance professionnelle, que les griefs qui figuraient dans la lettre de licenciement relevaient par leur nature de l'insuffisance professionnelle, qui n'est pas constitutive de faute grave mais constitue le cas échéant une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L 1331-1 et L 1332-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-24428
Date de la décision : 09/04/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 10 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 avr. 2015, pourvoi n°13-24428


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24428
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award