LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 décembre 2013), que M. X..., désigné en qualité d'administrateur provisoire de la société d'expertise comptable KFG audit et conseils (la société KFG), a déclaré la cessation des paiements de celle-ci ; que, le 27 avril 2012, le tribunal a ouvert la procédure de liquidation judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société KFG fait grief à l'arrêt, après annulation du jugement du 27 avril 2012, d'ouvrir à nouveau une procédure de liquidation judiciaire à son égard alors, selon le moyen, que nonobstant l'article R. 640-2 du code de commerce, qui prévoit que la cour d'appel qui annule un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire peut d'office ouvrir à son tour une telle procédure, le droit à un tribunal impartial, en ce qu'il commande une stricte séparation des autorités de poursuite et de jugement, s'oppose à ce que ce soient les mêmes juges qui, au cours d'une même instance, se saisissent d'office aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et prononcent la liquidation judiciaire (rappr. Conseil constitutionnel, décision n° 2013-368 du 7 mars 2014) ; qu'en l'espèce, aucune des parties à l'instance d'appel ne sollicitait, en cas d'annulation du jugement, l'ouverture d'une nouvelle procédure de liquidation judiciaire, étant du reste observé que ni l'ancien administrateur provisoire de la société KFG, ni le mandataire liquidateur désigné par le jugement annulé n'eurent d'ailleurs eu qualité pour conclure en ce sens ; qu'il s'ensuit que la procédure de liquidation judiciaire ouverte par l'arrêt attaqué n'a pu l'être que sur saisine d'office de la cour d'appel, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui a méconnu son office au regard de l'article 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que s'il ne résulte ni du jugement du 27 avril 2012, ni des pièces produites que le tribunal ait entendu ou appelé le représentant de l'Ordre des experts-comptables conformément à l'article L. 621-1 du code de commerce, avant de prononcer la liquidation judiciaire de la société KFG, cette irrégularité affecte non l'acte de saisine de la juridiction mais la régularité de la procédure de première instance tandis qu'aucun texte ne fait obligation à la cour d'appel de se décider au vu de l'avis du représentant de cet Ordre, l'arrêt en déduit que l'absence de cette formalité doit entraîner la nullité du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui était saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, a pu, sans méconnaître le principe d'impartialité garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ouvrir elle-même la liquidation judiciaire, conformément aux dispositions de l'article R. 640-2, alinéa 1er, du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société KFG fait grief à l'arrêt d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à son égard alors, selon le moyen, que c'est au jour où elle statue qu'une cour d'appel, saisie de l'appel d'un jugement ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire, doit apprécier si le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se borne, d'une part, à faire ressortir l'état de cessation des paiements à la date du jugement entrepris et, d'autre part, à constater qu'au jour où elle statue, le passif déclaré s'élève à 861 039,04 euros cependant la valeur de réalisation des actifs serait dérisoire, ce qui ne constitue nullement une comparaison du seul passif exigible avec l'actif disponible ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements au moment où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles L. 631-1 et L. 640-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'au jour où elle statuait, le passif déclaré de la société KFG s'élevait à la somme de 861 039,04 euros, tandis qu'elle avait perdu une grande partie de sa clientèle et que la valeur de réalisation de ses actifs était dérisoire, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'état de cessation des paiements de cette société, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société KFG audit et conseils aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société EMJ en qualité de liquidateur judiciaire de la société KFG audit et conseils ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société KFG audit et conseils.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, après annulation du jugement entrepris, ouvert à nouveau une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société KFG Audit et Conseils ;
AUX MOTIFS D'ABORD QU'il ne résulte pas des énonciations du jugement critiqué, ni des pièces produites que le Tribunal ait entendu ou appelé le représentant de l'Ordre des experts-comptables, conformément à l'article L 621-1 du Code de commerce, avant de prononcer la liquidation judiciaire de la société, de sorte que l'absence de cette formalité entraîne la nullité du jugement critiqué ; que néanmoins, cette irrégularité affectant non l'acte de saisine de la juridiction mais la régularité de la procédure de première instance et aucun texte ne faisant obligation à la Cour d'appel de se décider au vu de l'avis du représentant du Conseil de l'Ordre, la Cour saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel doit statuer sur le fond des demandes ; qu'en conséquence, il convient d'annuler le jugement du Tribunal de commerce et d'évoquer l'affaire au fond ;
ET AUX MOTIFS ENSUITE QUE la société KFG soutient que lorsque le Tribunal de commerce a statué, elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements ; que le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation des paiements ; qu'au jour du jugement critiqué, l'actif disponible de la société s'élevait à 7.475 euros ; que si les salaires n'étaient payables que le 30 avril, ils devaient impérativement être provisionnés dans les jours précédents de sorte qu'au 27 avril le montant des salaires à payer pour la fin du mois, soit la somme de 16.797,32 euros, doit être considérée comme immédiatement exigible ; que les cotisations Urssaf du premier trimestre 2012, d'un montant de 28.180 euros, étaient exigibles depuis le 15 avril et non réglées ; que les cotisations AGRR du premier trimestre 2012 d'un montant de 7.529 euros, exigibles le 15 avril 2012, n'étaient pas non plus réglées au jour de la déclaration de cessation des paiements ; que le rapport amiable retient, au titre des dettes exigibles, des dettes fournisseurs d'un montant de 59.449 euros, déduction faite des factures de la société Le Berre d'un montant de 68.838,81 euros dont 14.080 euros réglés le 24 avril ; qu'enfin, venait à échéance le 30 avril 2012 un billet de trésorerie de 100.000 euros dont le renouvellement n'était pas envisageable eu égard, d'une part, à l'indisponibilité du gérant qui compromettait la poursuite de l'activité et, d'autre part, aux résultats catastrophiques révélés par le bilan arrêté au 29 février 2012 à la production duquel le banquier n'aurait pas manqué de subordonner le renouvellement de la ligne de crédit ; qu'il en résulte qu'était exigible dans un délai de deux jours, la somme minimum de 211.955 euros au rang desquelles figuraient un certain nombre de factures déjà impayées depuis plusieurs mois, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal de commerce avait retenu l'état de cessation des paiements de la société ; qu'au jour où la Cour statue, cet état est encore plus amplement caractérisé puisque le passif déclaré s'élève à 861.039,04 euros tandis que la société n'ayant pas sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement qu'elle critiquait n'a plus d'activité et a perdu une grande partie de sa clientèle, que la valeur de réalisation de ses actifs est dérisoire et qu'aucun projet de plan n'est proposé ; que Monsieur Y... n'a d'ailleurs jamais sérieusement envisagé le redressement de la société KFG Audit, évoquant au contraire dans sa lettre du 27 novembre 2012 (pièce n° 18) la création de deux nouvelles sociétés ; que la liquidation judiciaire de la société sera en conséquence prononcée, la date de cessation des paiements étant fixée au 10 juin 2012 compte tenu des dispositions de l'article L. 631-8 ;
ALORS QUE nonobstant l'article R. 640-2 du Code de commerce, qui prévoit que la Cour d'appel qui annule un jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire peut d'office ouvrir à son tour une telle procédure, le droit à un tribunal impartial, en ce qu'il commande une stricte séparation des autorités de poursuite et de jugement, s'oppose à ce que ce soient les mêmes juges qui, au cours d'une même instance, se saisissent d'office aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et prononcent la liquidation judiciaire (rappr. Conseil constitutionnel, décision n° 2013-368 du 7 mars 2014) ; qu'en l'espèce, aucune des parties à l'instance d'appel ne sollicitait, en cas d'annulation du jugement, l'ouverture d'une nouvelle procédure de liquidation judiciaire, étant du reste observé que ni l'ancien administrateur provisoire de la société KFG, ni le mandataire liquidateur désigné par le jugement annulé n'eurent d'ailleurs eu qualité pour conclure en ce sens ; qu'il s'ensuit que la procédure de liquidation judiciaire ouverte par l'arrêt attaqué n'a pu l'être que sur saisine d'office de la Cour, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble méconnaît son office au regard de l'article 12 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société KFG Audit et Conseils ;
AUX MOTIFS QUE la société KFG soutient que lorsque le Tribunal de commerce a statué, elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements ; que le débiteur qui est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation des paiements ; qu'au jour du jugement critiqué, l'actif disponible de la société s'élevait à 7.475 euros ; que si les salaires n'étaient payables que le 30 avril, ils devaient impérativement être provisionnés dans les jours précédents de sorte qu'au 27 avril le montant des salaires à payer pour la fin du mois, soit la somme de 16.797,32 euros, doit être considérée comme immédiatement exigible ; que les cotisations Urssaf du premier trimestre 2012, d'un montant de 28.180 euros, étaient exigibles depuis le 15 avril et non réglées ; que les cotisations AGRR du premier trimestre 2012 d'un montant de 7.529 euros, exigibles le 15 avril 2012, n'étaient pas non plus réglées au jour de la déclaration de cessation des paiements ; que le rapport amiable retient, au titre des dettes exigibles, des dettes fournisseurs d'un montant de 59.449 euros, déduction faite des factures de la société Le Berre d'un montant de 68.838,81 euros dont 14.080 euros réglés le 24 avril ; qu'enfin, venait à échéance le 30 avril 2012 un billet de trésorerie de 100.000 euros dont le renouvellement n'était pas envisageable eu égard, d'une part, à l'indisponibilité du gérant qui compromettait la poursuite de l'activité et, d'autre part, aux résultats catastrophiques révélés par le bilan arrêté au 29 février 2012 à la production duquel le banquier n'aurait pas manqué de subordonner le renouvellement de la ligne de crédit ; qu'il en résulte qu'était exigible dans un délai de deux jours, la somme minimum de 211.955 euros au rang desquelles figuraient un certain nombre de factures déjà impayées depuis plusieurs mois, de sorte que c'est à juste titre que le Tribunal de commerce avait retenu l'état de cessation des paiements de la société ; qu'au jour où la Cour statue, cet état est encore plus amplement caractérisé puisque le passif déclaré s'élève à 861.039,04 euros tandis que la société n'ayant pas sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement qu'elle critiquait n'a plus d'activité et a perdu une grande partie de sa clientèle, que la valeur de réalisation de ses actifs est dérisoire et qu'aucun projet de plan n'est proposé ; que Monsieur Y... n'a d'ailleurs jamais sérieusement envisagé le redressement de la société KFG Audit, évoquant au contraire dans sa lettre du 27 novembre 2012 (pièce n° 18) la création de deux nouvelles sociétés ; que la liquidation judiciaire de la société sera en conséquence prononcée, la date de cessation des paiements étant fixée au 10 juin 2012, compte tenu des dispositions de l'article L. 631-8 ;
ALORS QUE c'est au jour où elle statue qu'une Cour d'appel, saisie de l'appel d'un jugement ayant ouvert une procédure de liquidation judiciaire, doit apprécier si le débiteur est dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, la Cour se borne, d'une part, à faire ressortir l'état de cessation des paiements à la date du jugement entrepris et, d'autre part, à constater qu'au jour où elle statue, le passif déclaré s'élève à 861.039,04 euros cependant la valeur de réalisation des actifs serait dérisoire, ce qui ne constitue nullement une comparaison du seul passif exigible avec l'actif disponible ; qu'en statuant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser l'état de cessation des paiements au moment où elle statuait, la Cour viole les articles L. 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce.