LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 janvier 2014), que, dans son mémoire de fin d'études à l'école supérieure de commerce de Toulouse, M. X... a présenté un projet de création d'entreprise dans lequel il décrivait un système, baptisé « transcompte », destiné à faciliter les transferts de fonds des étrangers, résidents en France, vers leur pays d'origine ; que, soutenant que la Société générale, à laquelle il avait présenté son projet, avait copié toutes les composantes de son concept « transcompte », M. X... l'a assignée en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire ;
Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt de déclarer M. X... recevable en son action en parasitisme et de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que seule la reprise servile d'une idée innovante peut être sanctionnée au titre du parasitisme économique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'avant que M. X... ne lui présente son mémoire de master, les clients de la Société générale avaient d'ores et déjà la possibilité de transférer, depuis leur compte ouvert en France, des sommes d'argent à destination d'un compte qu'ils avaient ouvert dans une filiale de la Société générale à l'étranger, et ce au profit de destinataires désignés par avance ; qu'en qualifiant cependant d' « innovante » l'idée évoquée par M. X... dans son mémoire de master consistant à proposer à la clientèle immigrée la création d'un compte en France et à l'étranger afin, notamment, de faciliter le transfert d'argent au bénéfice de destinataires préalablement désignés au motif que « la Société Générale, qui n'en avait perçu l'intérêt, ne mettait pas en avant cet avantage et n'en facilitait pas l'usage, le titulaire devant déjà avoir créé un compte dans son pays, sur place », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'idée du « double compte » était d'ores et déjà contenue dans les services proposés par la Société générale et que M. X... n'avait rien inventé ; qu'elle a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a également constaté que la Société générale avait déjà développé, bien avant que M. X... ne lui présente son mémoire de master, une stratégie de proximité à destination de sa clientèle immigrée, que ses filiales disposaient en France d'agences de représentation, composées de personnel étranger et que ces agences, si elles ne proposaient pas directement de services bancaires, étaient chargées de faire la promotion de la gamme de produits élaborée par la Société générale ; qu'en jugeant cependant que l'idée évoquée par M. X... dans son mémoire de master, consistant à développer une stratégie de proximité vis-à-vis de la clientèle immigrée par la création d'agences bancaires dédiées aux communautés étrangères, était « innovante », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que la Société générale avait d'ores et déjà mis en place une stratégie de proximité à destination de sa clientèle immigrée, dont la création d'agences bancaires dédiées n'était qu'une déclinaison, et que M. X... n'avait là encore, rien inventé ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que les idées sont de libre parcours ; que nul ne peut se voir reprocher, au titre du parasitisme économique, la seule mise en pratique d'une idée générique de stratégie commerciale ou de service bancaire ; qu'en considérant que la Société générale s'était livrée à des actes de parasitisme en mettant en pratique deux idées évoquées par M. X... dans son mémoire de master, consistant dans la création d'agences dédiées à la clientèle immigrée et dans le fait de proposer, depuis la France, la création d'un compte en France et dans une filiale à l'étranger, au seul motif que ces idées seraient « innovantes » puisque la banque ne les aurait jamais mises en pratique avant 2005, quand ces propositions ne constituaient que de simples idées génériques de stratégie commerciale ou de service bancaire dont M. X... ne pouvait en aucun cas revendiquer l'exclusivité vis-à-vis de la banque ou de quiconque, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
4°/ qu'en considérant que la Société générale s'était livrée à des actes de parasitisme en reprenant deux éléments du projet de M. X... au seul motif qu'ils étaient « innovants », sans s'interroger sur le point de savoir si la Société générale ne s'était pas bornée à mettre en pratique des idées génériques de service ou de stratégie commerciale insusceptibles d'appropriation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
5°/ que ne relève pas du parasitisme l'offre à la clientèle d'une banque de prestations ou produits qui relèvent des caractéristiques indispensables à la mise en oeuvre d'un service commercial propre à toute activité bancaire et sur lequel nul ne peut revendiquer d'exclusivité ; que tout établissement bancaire doit pouvoir proposer à sa clientèle étrangère ou émigrée, des services ou prestations propres qui passent nécessairement par la création d'agences dédiées et la faculté de disposer d'un « double compte » dont l'arrêt lui-même relève au demeurant qu'il est un « support indispensable à la phase épargne et investissement dans le pays d'origine ; qu'en jugeant qu'en proposant ces services, la Société générale avait commis des actes de parasitisme au préjudice de M. X..., au motif qu'il en avait le premier émis l'idée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
6°/ que le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; que l'action en parasitisme économique a pour objet de sanctionner les procédés déloyaux auxquels peuvent avoir recours les opérateurs économiques entre eux de sorte que n'est pas fondé à agir en parasitisme celui qui se borne à émettre une idée mais qui n'en fait aucun usage commercial ni même aucun usage ; qu'en reprochant à la Société générale d'avoir mis en pratique deux idées, génériques, de service et de stratégie commerciale émises par M. X... tout en constatant que l'intéressé avait fait état de ces deux idées dans le cadre d'une demande de stage, qu'il n'avait pas fait commerce ou usage de celles-ci en créant une société ou un partenariat avec d'autres banques, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que le service « I-Transfert » que proposait la Société générale, avant que M. X... ne lui présente son projet, permettait seulement d'effectuer des virements en faveur d'un bénéficiaire, déjà titulaire d'un compte ouvert dans une filiale de la banque à l'étranger, tandis que le concept de « double compte » imaginé par M. X... et repris par la Société générale dans son service « votre banque ici et là-bas », consistait en l'ouverture simultanée gratuite, à partir d'une agence en France, d'un compte en France et d'un compte dans le pays d'origine et permettait, sur simple appel téléphonique ou par internet, soit d'effectuer des transferts au profit des proches désignés dans le pays d'origine, soit de procéder à des virements sur le compte du pays d'origine aux fins d'épargne, la cour d'appel a pu en déduire que le concept de « double compte » contenu dans le projet de M. X... présentait un caractère novateur par rapport au service « I-Transfert » ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que le projet de M. X... prévoyait la création d'agences dédiées aux communautés étrangères avec des interlocuteurs maîtrisant la langue et la culture du pays, l'arrêt relève que la banque ne disposait pas, avant la présentation de ce projet, de telles agences et que l'ouverture en France d'une agence de la filiale Société générale du Sénégal était une initiative différente de la création d'agences dédiées, s'agissant pour la filiale de promouvoir directement ses services ; qu'il relève encore que la banque a, elle-même, dans différents articles publiés en 2008, présenté la création d'agences dédiées comme une nouveauté ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir le caractère innovant du projet de M. X... ;
Attendu, en troisième lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la Société générale ait soutenu, devant la cour d'appel, que le concept développé par M. X... n'était qu'une « simple idée générique de stratégie commerciale ou de service bancaire » dont il ne pouvait pas revendiquer l'exclusivité et dont la mise en pratique était insusceptible de constituer un acte de parasitisme ; qu'il s'ensuit que l'argumentation développée par la troisième branche est nouvelle et mélangée de fait et de droit et que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche, visée à la quatrième branche, qui ne lui était pas demandée ;
Attendu, en quatrième lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la banque ait soutenu, devant la cour d'appel, que la création d'agences dédiées et la faculté de disposer d'un double compte étaient des prestations ou produits indispensables à la mise en oeuvre d'un service commercial, propres à toute activité bancaire et sur lesquels nul ne pouvait revendiquer d'exclusivité ; que l'argumentation développée par la cinquième branche est nouvelle et mélangée de fait et de droit ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant constaté que M. X..., qui avait décrit un concept intitulé « transcompte » dans son mémoire de master, dans le cadre d'un projet de création d'entreprise, avait présenté ce concept, à leur demande, aux responsables de la direction de la stratégie et du marketing de la Société générale et relevé que la banque avait repris et intégré, dans son offre de services aux étrangers, deux éléments innovants de ce concept, la création d'un « double compte » et celle d'agences dédiées, l'arrêt retient, par des motifs qui ne sont pas critiqués, que la valeur économique de l'emprunt de ces éléments par la banque est établie ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que M. X..., qui n'avait tiré aucun profit du produit de ses recherches, dont l'intérêt économique était réel et qu'il ne pouvait plus valoriser, avait subi un préjudice dont il devait être indemnisé ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses troisième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la Société générale.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. X... recevable en son action en parasitisme, d'AVOIR condamné la Société Générale à lui payer la somme de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné la Société Générale aux entiers dépens de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE : « L'action engagée par M. X... est fondée sur le parasitisme, lequel se définit par le fait pour un agent économique agissant à titre lucratif, de s'inspirer sensiblement ou de copier une valeur économique d'autrui, individualisée, et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. L'action n'est pas réservée à des personnes en situation de concurrence. Elle est ainsi ouverte à toute personne qui a produit une valeur économique dont elle a ou entend tirer profit. Il convient donc en l'espèce de vérifier si, au travers du service 'votre banque ici et là-bas', seul visé par l'action de M. X..., le produit du travail intellectuel de ce dernier a été copié ou a sensiblement inspiré la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, et s'il a une valeur économique, c'est-à-dire qu'il n'est pas banal. Le concept « transcompte » décrit par M. X..., présenté pour son master à l'ESC de TOULOUSE dans le cadre d'un projet de création d'entreprise, et destiné à répondre aux attentes des résidents étrangers en provenance dans un premier temps des pays africains prévoit : - la création d'une entreprise, gérant notamment une centrale d'appel téléphonique, au centre d'un réseau interbancaire entre les banques françaises partenaires et leurs filiales africaines, - la création d'un compte bancaire « transcompte », avec code d'identification, un numéro de compte de dépôt dans le pays d'origine, et la liste de bénéficiaires de transfert de fonds dotés de codes de retrait personnel, ce système permettant soit d'effectuer des transferts au profit des proches désignés dans le pays d'origine, soit de procéder à des virements sur le compte du pays d'origine aux fins d'épargne, le tout étant possible, via un simple appel téléphonique, voire par internet, en plus du service traditionnel offert par les guichets de l'agence bancaire, - une baisse des tarifs grâce à un différé de crédit d'un mois pour les virements effectués au profit du compte du titulaire dans le pays d'origine. Sur leur demande, ce concept a été présenté par M. X... aux responsables du service direction de la stratégie et du marketing de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à PARIS. Au regard des échanges d'e-mails versés aux débats, il n'est pas établi que ce concept ait été porté à la connaissance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE avant le mois de mai 2004. Le service 'votre banque ici et là-bas' mis en place par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en 2007 et destiné aux clients d'origine étrangère, met en avant une double relation bancaire, du fait de sa présence forte dans le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, et offre quatre prestations spécifiques : - l'ouverture gratuite, à partir de la FRANCE, d'un compte dans le pays d'origine, - le service 'I-Transfert' qui permet d'envoyer de l'argent à l'étranger par simple coup de fil, - une assistance rapatriement de corps, - l'octroi en FRANCE de prêts immobiliers utilisés dans le pays d'origine. Ainsi seules les deux premières prestations sont concernées par le litige, M. X... estimant également que la création d'un service spécialisé 'département marché des migrants' avec des bureaux dédiés aux immigrés, qu'il recommande dans son projet, copie son concept. La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE justifie de ce que le service de transfert de fonds par téléphone existait dès mars 2004, soit avant que M. X... ne lui présente son projet. En effet, le système 'I-Transfert' tel qu'il résulte d'un document interne publié à cette date, permet d'effectuer, sur simple appel téléphonique à un serveur vocal, avec utilisation d'un code d'identification et d'un code confidentiel, des virements en faveur d'un bénéficiaire détenant un compte dans une filiale de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ou des virements permettant de remettre des espèces à un bénéficiaire avec enregistrement préalable de la référence d'une pièce d'identité au vu de laquelle sera effectuée la remise des fonds. Certes, rien n'interdisait que le bénéficiaire d'un transfert de compte à compte dans le cadre du service 'I-Transfert' soit le titulaire lui-même, sur un compte dans son pays d'origine, mais la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, qui n'en avait pas perçu l'intérêt, ne mettait pas en avant cet avantage et n'en facilitait pas l'usage, le titulaire devant déjà avoir créé un compte dans son pays, sur place. En revanche, il résulte tant des documents publicitaires de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE que de la présentation qu'ont faite ses responsables du service 'votre banque ici et là-bas' dans les revues spécialisées versées aux débats par M. X..., en date de 2008, que les autres outils stratégiques détaillés par celui-ci dans son projet ont été repris - la mise en place non seulement d'un service spécialisé, mais également des bureaux dédiés à certaines communautés (Maghreb, Afrique subsaharienne notamment) avec des interlocuteurs maîtrisant la langue et la culture du pays, - la création d'un compte double, plus précisément, l'ouverture gratuite, à partir d'une agence en France, d'un compte dans une filiale du pays d'origine ; la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE prétend avoir mis en place ce système dès 1997 avec le Maroc, sans cependant produire de justificatif de ce qu'elle avance ; - la présentation du service non seulement comme permettant de subvenir aux besoins de la famille restée au pays mais aussi pour constituer une épargne. La filiale SOCIÉTÉ GÉNÉRALE du Sénégal avait certes sollicité en 2002 l'ouverture d'un bureau en FRANCE, mais cette initiative est différente de la création d'agences dédiées ; il s'agissait pour une filiale de promouvoir directement ses services, et l'on ignore si des activités bancaires lui étaient autorisées en FRANCE. La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE prétend avoir des agences dédiées dès 1997 mais n'en rapporte pas la preuve. On relève d'ailleurs qu'elle présente la création de ses agences comme une nouveauté dans certains des articles versés aux débats, qui datent des années 2008. Les articles de presse témoignent du caractère innovant et du succès de l'offre globale constituée par le service 'votre banque ici et là-bas' destiné aux migrants : - la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a perçu pour ce service en 2008 le prix « European Business Awards » - la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE se vante du succès de la création des comptes doubles (entre 4000 et 5000 en 2007) qui permettent d'accroître la bancarisation dans les pays d'origine et à terme l'investissement dans ces pays, de l'accroissement corrélatif des transferts par virement sur simple coup de fil, du succès également des agences dédiées. On ne peut manquer de remarquer que la communication faite dans certains de ces articles (particulièrement celui publié dans l'AGEFI) en 2008 par le responsable du service des migrants, M. Z..., qui avait été l'un des interlocuteurs de M. X..., reprend exactement les objectifs statistiques présentés en 2005 par M. X... pour souligner l'intérêt de son projet : 5 millions d'immigrés, et une part de marché de 10%. Ainsi, il ressort de l'analyse de l'ensemble des pièces produites que le service 'votre banque ici et là-bas', qui intègre certaines prestations antérieures à la présentation par M. X... de son projet, ('I-Transfert'), qui en a ajouté d'autres à compter de 2007/2008 (prêt immobilier consenti en FRANCE pour financer une opération dans le pays d'origine, assurance rapatriement de corps) a cependant repris deux éléments innovants du projet de M. X..., à savoir la création d'agences dédiées aux communautés étrangères avec du personnel de même origine, celle-ci ayant débuté en 2005/2006 avec les Roumains, et la création du compte double, support indispensable à la phase épargne et investissement dans le pays d'origine, qui répond à une véritable aspiration de cette clientèle. La valeur économique de cet emprunt est établie au regard du succès obtenu par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et celle-ci doit indemniser M. X... du préjudice subi. M. X... peut avoir subi un préjudice même s'il n'avait pas vocation à exploiter seul son projet. Et ce préjudice existe nécessairement, puisque M. X... n'a, du fait de l'attitude de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, tiré aucun profit du produit de ses recherches dont l'intérêt financier vient d'être constaté, et qu'il ne pouvait plus le valoriser. Pour autant, cette valorisation ne lui aurait raisonnablement jamais permis de prétendre à un intéressement sur les opérations pratiquées dans le cadre de ce service, dont il faut rappeler qu'une partie seulement correspond au fruit de ses travaux. En l'état de ces constatations, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 80.000 € le montant de l'indemnité réparant son préjudice » ;
1°/ ALORS QUE seule la reprise servile d'une idée innovante peut être sanctionnée au titre du parasitisme économique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'avant que Monsieur X... ne lui présente son mémoire de Master, les clients de la Société Générale avaient d'ores et déjà la possibilité de transférer, depuis leur compte ouvert en France, des sommes d'argents à destination d'un compte qu'ils avaient ouvert dans une filiale de la Société Générale à l'étranger, et ce au profit de destinataires désignés par avance (Arrêt p. 4, in fine) ; qu'en qualifiant cependant d' « innovante » l'idée évoquée par Monsieur X... dans son mémoire de Master consistant à proposer à la clientèle immigrée la création d'un compte en France et à l'étranger afin, notamment, de faciliter le transfert d'argent au bénéfice de destinataires préalablement désignés au motif que « la Société Générale, qui n'en avait perçu l'intérêt, ne mettait pas en avant cet avantage et n'en facilitait pas l'usage, le titulaire devant déjà avoir créé un compte dans son pays, sur place », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'idée du « double compte » était d'ores et déjà contenue dans les services proposés par la Société Générale et que Monsieur X... n'avait rien inventé ; qu'elle a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ ALORS EN OUTRE QUE la Cour d'appel a également constaté que la Société Générale avait déjà développé, bien avant que Monsieur X... ne lui présente son mémoire de Master, une stratégie de proximité à destination de sa clientèle immigrée, que ses filiales disposaient en France d'agences de représentation, composées de personnel étranger et que ces agences, si elles ne proposaient pas directement de services bancaires, étaient chargées de faire la promotion de la gamme de produits élaborée par la Société Générale ; qu'en jugeant cependant que l'idée évoquée par Monsieur X... dans son mémoire de Master consistant à développer une stratégie de proximité vis-à-vis de la clientèle immigré par la création d'agences bancaires dédiées aux communautés étrangères était « innovante », la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que la Société Générale avait d'ores et déjà mis en place une stratégie de proximité à destination de sa clientèle immigrée, dont la création d'agences bancaires dédiées n'était qu'une déclinaison, et que Monsieur X... n'avait là encore, rien inventé ; que la Cour d'appel a ainsi violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ ALORS ENCORE QUE les idées sont de libre parcours ; que nul ne peut se voir reprocher, au titre du parasitisme économique, la seule mise en pratique d'une idée générique de stratégie commerciale ou de service bancaire ; qu'en considérant que la Société Générale s'était livrée à des actes de parasitisme en mettant en pratique deux idées évoquées par Monsieur X... dans son mémoire de Master, consistant dans la création d'agences dédiées à la clientèle immigrée et dans le fait de proposer, depuis la France, la création d'un compte en France et dans une filiale à l'étranger, au seul motif que ces idées seraient « innovantes » puisque la banque ne les aurait jamais mises en pratique avant 2005, quand ces propositions ne constituaient que de simples idées génériques de stratégie commerciale ou de service bancaire dont M. X... ne pouvait en aucun cas revendiquer l'exclusivité vis-à-vis de la banque ou de quiconque, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
4°/ ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en considérant que la Société Générale s'était livrée à des actes de parasitisme en reprenant deux éléments du projet de Monsieur X... au seul motif qu'ils étaient « innovants », sans s'interroger sur le point de savoir si la Société Générale ne s'était pas bornée à mettre en pratique des idées génériques de service ou de stratégie commerciale insusceptibles d'appropriation, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1382 du code civil et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
5°/ ALORS ENCORE QUE ne relève pas du parasitisme l'offre à la clientèle d'une banque de prestations ou produits qui relèvent des caractéristiques indispensables à la mise en oeuvre d'un service commercial propre à toute activité bancaire et sur lequel nul ne peut revendiquer d'exclusivité ; que tout établissement bancaire doit pouvoir proposer à sa clientèle étrangère ou émigrée, des services ou prestations propres qui passent nécessairement par la création d'agences dédiées et la faculté de disposer d'un « double compte » dont l'arrêt lui-même relève au demeurant qu'il est un « support indispensable à la phase épargne et investissement dans le pays d'origine ; qu'en jugeant qu'en proposant ces services, la Société Générale avait commis des actes de parasitisme au préjudice de Monsieur X..., au motif qu'il en avait le premier émis l'idée, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
6°/ ALORS ENFIN QUE le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ; que l'action en parasitisme économique a pour objet de sanctionner les procédés déloyaux auxquels peuvent avoir recours les opérateurs économiques entre eux de sorte que n'est pas fondé à agir en parasitisme celui qui se borne à émettre une idée mais qui n'en fait aucun usage commercial ni même aucun usage ; qu'en reprochant à la Société Générale d'avoir mis en pratique deux idées, génériques, de service et de stratégie commerciale émises par Monsieur X... tout en constatant que l'intéressé avait fait état de ces deux idées dans le cadre d'une demande de stage, qu'il n'avait pas fait commerce ou usage de celles-ci en créant une société ou un partenariat avec d'autres banques, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie.