LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 8 mai 1978, Marcel X... et Yvonne Y... ont consenti à leurs deux enfants, M. X... et Mme Z..., une donation-partage portant sur des biens immobiliers, qu'Yvonne Y... étant décédée le 5 janvier 1996, laissant pour lui succéder son époux et ses deux enfants, un tribunal d'instance a ordonné le partage judiciaire de la succession ; qu'en 2007, M. Bernard X... a assigné Mme Z... en application de la sanction du recel successoral, que Marcel X..., assisté de son curateur, qui avait été appelé en déclaration de jugement commun, est décédé en cours d'instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 510 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 5 mars 2007 ;
Attendu que, pour condamner Mme Z... à rapporter une certaine somme à la succession d'Yvonne Y... et lui appliquer les peines du recel de succession, l'arrêt retient qu'il ne peut être tenu compte de l'attestation établie par Marcel X... le 11 mars 2008, à une époque où il se trouvait sous curatelle, exercée par l'UDAF, depuis le 15 novembre 2004 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'un majeur placé sous le régime de la curatelle peut valablement témoigner en justice, sauf s'il est établi que ce témoin souffrait d'insanité d'esprit au moment de la rédaction de l'attestation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner Mme Z... à rapporter une certaine somme à la succession d'Yvonne Y... et lui appliquer les peines du recel de succession, l'arrêt retient, d'un côté, que Mme Z... a dissimulé des prélèvements qu'elle a effectués sur le compte bancaire de sa mère, et, d'un autre côté, qu'elle a expliqué ces retraits dès le premier procès-verbal de débats du 15 juin 2005, à l'ouverture de la succession ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X... épouse Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Madame Marie-Thérèse X... épouse Z... devra rapporter à la succession de Yvonne Y... épouse X... la somme de 10. 481, 09 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1995 et de lui avoir fait application des peines du recel successoral ;
AUX MOTIFS QUE la matérialité des retraits opérés sur le compte n° 050250805 auprès de LA POSTE pour ce total de 12. 051, 31 ¿, entre le 6 novembre 1995 et la clôture du compte suite au décès de Yvonne Y... épouse de Monsieur Marcel X..., n'est nullement contestée ; qu'ils ont été le fait de Madame Z... titulaire d'une procuration ; Que les parties ne discutent que l'utilisation qui a été faite des fonds. Que l'intimée prétend que la somme de 4. 954, 59 ¿, retirée le 6 novembre 1995, lui revenait comme correspondant à l'indemnité de tierce personne versée à leur mère à raison de l'état de dépendance de celle-ci à qui la COTOREP avait reconnu en juin 1995 un taux d'incapacité de 80 %, ce à quoi l'appelant oppose ainsi que fait en première instance et dès le procès-verbal de débats du 11 mai 2006 l'obligation de soins pesant sur Madame Z... dont était assortie la donation-partage consentie par leurs parents en 1978 ; Que l'acte authentique du 8 mai 1978, comportant donation-partage de certains biens immobiliers par les parents X...à leurs deux enfants, prévoit une charge d'entretien, qualifiée expressément de « condition essentielle du présent partage anticipé », aux termes de laquelle les parents X...« imposent à leurs deux enfants donataires, qui s'y soumettent, la charge de les soigner en cas de maladie ou de faiblesse générale » ; qu'il y est stipulé qu'« à la demande expresse des donateurs, cette charge sera assurée par Madame Marie-Thérèse X... épouse Z..., attributaire de l'immeuble n° 64 ; celle-ci s'oblige, lorsque l'état de santé des donateurs le nécessitera, à préparer les repas, faire tous les travaux ménagers, blanchir et raccommoder le linge, en ayant pour eux les meilleurs soins et de bons égards, de leur faire donner par un médecin tous les soins que leur position pourra réclamer et de leur administrer ou leur faire administrer tous les médicaments prescrits, le tout à partir de ce jour, jusqu'au jour du décès du survivant des époux X...-Y... donateurs » ; Que le tribunal ne pouvait dans sa décision éluder cet argument, des plus pertinents, en opérant une moyenne journalière des montants retirés du compte de la défunte ; Qu'en effet, l'obligation de soins mise à sa charge par cet acte de donation et avec son consentement exclut toute possibilité de rémunération ou compensation financière que Mme Z... percevrait en contrepartie de ce qui n'est que l'exécution de cette obligation de soins, condition grâce à laquelle elle a reçu l'attribution de l'immeuble ; que peu importe dès lors l'estimation de cette charge faite dans l'acte de donation, et le fait que son frère s'en soit acquitté par imputation sur la soulte qu'il aurait dû recevoir ;
1° ALORS QUE la clause de l'acte de donation-partage faisait peser sur Madame Marie-Thérèse X... épouse Z..., au profit de ses parents, la charge de « préparer les repas, faire tous les travaux ménagers, blanchir et raccommoder le linge, en ayant pour eux les meilleurs soins et de bons égards, de leur faire donner par un médecin tous les soins que leur position pourra réclamer et de leur administrer ou leur faire administrer tous les médicaments prescrits », si bien qu'en ne recherchant pas si les soins prodigués par Madame Z... à sa mère, invalide à 80 %, et les frais exposés pour son entretien n'avaient pas dépassé les obligations mises à sa charge par la donation, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2° ALORS QUE Madame Z... faisait valoir, dans ses conclusions devant la Cour d'appel, que l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne versée par le conseil général était destinée à la rémunération de la personne exerçant effectivement cette fonction, en l'occurrence elle-même, si bien qu'en ne s'expliquant sur ce moyen, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Marie-Thérèse X... épouse Z... à rapporter à la succession de Yvonne Y... épouse de Monsieur Marcel X... la somme de 10. 481, 09 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1995 et de lui avoir fait application des peines du recel successoral ;
AUX MOTIFS QUE l'intimée prétend que les autres sommes retirées l'ont été à la demande expresse de leur père et remises à ce dernier, ce que conteste vivement l'appelant qui, notamment, fait observer qu'aucune de ces sommes n'a servi à régler les frais d'obsèques ; Qu'il ressort des extraits de compte qu'une somme de 1. 570, 22 ¿ a été retirée le 2 janvier 1996, étant rappelé que Yvonne Y... épouse de Monsieur Marcel X... est décédée le 5 janvier 1996, et que l'appelant produit en pièce n° 16 le reçu en date du janvier 1996 des Pompes Funèbres de SARRALBE d'une somme de 10. 000 francs en acompte des frais d'obsèques de Madame X... ; que le rapprochement des dates et des montants permet de considérer que ce retrait opéré le 2 janvier 1996 a bien été employé au bénéfice de la succession et non dans l'intérêt personnel de l'intimée, de sorte que cette somme de 1. 570, 22 ¿ ne peut donner lieu à rapport à la succession ; Que pour le solde des retraits, soit 5. 526, 50 ¿, l'intimée ne rend pas compte de son mandat ; qu'il ne peut être tenu compte de l'attestation établie par Monsieur X... père le 11 mars 2008 à une époque où il se trouvait sous curatelle, exercée par l'UDAF, depuis le 15 novembre 2004 ; que l'attestation de Monsieur B..., opposée par ailleurs par l'intimée, est dépourvue de toute pertinence dans la mesure où il y est rapporté des propos de Monsieur X... père sans la moindre précision de date permettant de s'assurer que celui-ci n'était pas alors soumis à une mesure de protection juridique à raison de son incapacité ;
1° ALORS QU'il résulte de l'article 508 du Code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, que lorsqu'un majeur, en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles, sans être hors d'état d'agir lui-même, a besoin d'être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile, il peut être placé sous un régime de curatelle, si bien qu'en écartant le témoignage de Monsieur X... pour la seule raison qu'il était placé sous curatelle, sans rechercher s'il présentait une altération de ses facultés mentales le rendant effectivement incapable de témoigner de faits le concernant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité.
2° ALORS QU'il résulte de l'article 510 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 mars 2007, que les actes que le majeur en curatelle ne peut faire seul sont seulement, ceux qui, sous le régime de la tutelle des majeurs, requerrait une autorisation du conseil de famille ainsi que la réception et l'emploi des capitaux ; que l'acte de témoigner de faits dont le majeur sous curatelle a eu connaissance ne fait pas partie des actes pour lesquels l'assistance du curateur est requise, si bien qu'en écartant l'attestation de Monsieur Marcel X... pour la seule raison qu'il était placé sous curatelle lorsqu'il l'a établie, la Cour d'appel a violé le texte précité.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Madame Marie-Thérèse X... épouse Z... à rapporter à la succession de Yvonne Y... épouse de Monsieur Marcel X... la somme de 10. 481, 09 euros et de lui avoir fait application des peines du recel successoral ;
AUX MOTIFS QUE l'intimée s'est indûment appropriée cette somme en dissimulant les prélèvements ; qu'elle a cherché à rompre à son profit et au détriment de son frère l'égalité de partage ; qu'en effet, elle n'ignorait aucunement les termes de la donation-partage et l'obligation de soins mise à sa charge, de sorte que le prétexte de l'indemnité tierce-personne invoqué par elle dès le premier procès-verbal de débats du 15 juin 2005 à l'ouverture de la succession n'est qu'un prétexte fallacieux démontrant amplement l'élément intentionnel du recel successoral, par ailleurs caractérisé dans son élément matériel par les retraits ci-dessus analysés ;
1° ALORS QU'en affirmant que Madame Marie-Thérèse X... épouse Z... avait dissimulé les prélèvements effectués sur le compte de sa mère tout en constatant qu'elle s'en était expliquée « dès le premier procès-verbal de débats du 15 juin 2005 à l'ouverture de la succession », la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser tant un fait positif de recel commis par Madame Z... que son intention frauduleuse, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 792 ancien du Code civil.