LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 juillet 2006, Mme X..., passagère de la motocyclette conduite par son mari, assuré auprès de la société AGF, a été blessée lors de la collision de cet engin avec le véhicule de Mme Y..., assurée auprès de la société Axa France IARD ; que Mme X... a assigné en indemnisation Mme Y... et la société Axa France IARD qui lui ont opposé les effets d'une transaction signée le 17 juillet 2009 avec la société AGF ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire que la transaction intervenue le 17 juillet 2009 a l'autorité de la chose jugée en application des dispositions de l'article 2052 du code civil et de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que la loi du 5 juillet 1985 instituant un régime d'indemnisation en faveur des victimes d'accident de la circulation, d'ordre public, dérogatoire au droit commun, qualifie de transaction la convention qui se forme lors de l'acceptation par la victime de l'offre de l'assureur ; qu'en opposant à Mme X..., tenue en qualité de signataire d'une transaction dérogatoire au droit commun dans le cadre de la loi Badinter, les règles de droit commun issues de l'article 2052 du code civil, et spécialement celle selon laquelle une transaction ne peut être attaquée pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
Mais attendu que la transaction qui s'opère en application des dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 en cas d'acceptation par la victime de l'offre d'indemnisation de l'assureur, est soumise, concernant ses effets, aux dispositions de l'article 2052 du code civil ;
Et attendu qu'ayant constaté que Mme X... avait signé une transaction avec la société AGF, mandatée pour présenter l'offre d'indemnisation, la cour d'appel en a exactement déduit qu'une telle transaction ne pouvait être attaquée pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que la mention d'ordre public relative au droit de dénonciation dans le délai de quinze jours est parfaitement mise en évidence ; que la convention qui se forme entre la victime et l'assureur lors de l'acceptation de l'offre qualifiée de transaction par la loi Badinter, dérogatoire au droit commun, ne peut être remise en cause en raison de l'absence de concessions réciproques et qu'elle ne peut être attaquée pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui soutenait que la transaction était nulle en application de l'article L. 211-10 du code des assurances en l'absence d'information donnée préalablement, notamment sur le choix d'un conseil, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France IARD, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la transaction intervenue le 17 juillet 2009 entre les parties avait l'autorité de la chose jugée en vertu des dispositions de l'article 2052 du code civil et d'avoir rejeté toutes les demandes de Mme X... ;
AUX MOTIFS QUE la loi Badinter du 5 juillet 1985 a institué un régime spécifique d'indemnisation en faveur des victimes d'accident de la circulation dont les dispositions sont d'ordre public ; qu'il est ainsi prévu une offre d'indemnisation devant être effectuée selon des modalités et des délais prévis sous peine de sanctions notamment de doublement des intérêts, ladite offre devant être proposée par l'assureur garantissant la responsabilité civile du fait du véhicule terrestre lorsqu'un seul est impliqué ; que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués et qu'il existe plusieurs assureurs, l'offre doit être effectuée par un seul assureur qui est celui mandaté par les autres ; que dans le cadre de la convention professionnelle passée entre assureurs, si la victime est un passager transporté, l'offre est effectuée par l'assureur dans lequel elle se trouvait, lequel peut se retourner par la suite contre l'assureur adverse ; que c'est dans ce cadre que les AGF, assureur de la motocyclette, a proposé à Mme X... une transaction définitive, en agissant « tant en son propre compte qu'au besoin pour le compte de qui il appartiendra » ; que les courriers qui ont été échangés entre l'avocat de la victime et celui d'Axa, assureur du véhicule de Mme Y..., ne peuvent être pris en considération dès lors qu'ils ne sont pas équivalents à un acte de procédure et qu'ils sont donc soumis à la règle de confidentialité de la correspondance entre avocats tel que définie à l'article 3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat ; qu'il s'ensuit que la transaction conclue entre Mme X... et les AGF est opposable à Axa, laquelle peut invoquer l'autorité de la chose jugée ; que Mme X..., qui invoque la nullité de ladite transaction, dont un exemplaire est produit en original, ne peut sérieusement contester la signature qu'elle a apposée le 17 juillet 2009 et ne produit en tout état de cause aucun élément de comparaison permettant de douter de l'authenticité de celle-ci ; que la mention d'ordre public relative au droit de dénonciation dans le délai de quinze jours est parfaitement mise en évidence ; que la convention qui se forme entre la victime et l'assureur lors de l'acceptation de l'offre, qualifiée de transaction par la loi Badinter, dérogatoire au droit commun, ne peut être remise en cause à raison de l'absence de concessions réciproques, tel que justement rappelé par le premier juge ; qu'elle ne peut être attaquée pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion ; que le moyen de nullité doit être écarté ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les correspondances entre avocats et entre l'avocat et son client portant la mention « officielle » peuvent être librement produites à l'occasion d'un litige ; qu'en écartant des débats les correspondances de Maître Volat, avocat de la société Axa, des 12 janvier et 5 mars 2009, au motif que « les courriers qui ont été échangés entre l'avocat de la victime et celui d'AXA, assureur du véhicule de Mme Y..., ne peuvent être pris en considération dès lors qu'ils ne sont pas équivalents à un acte de procédure et qu'ils sont donc soumis à la règle de confidentialité de la correspondance entre avocats tel que définie à l'article 3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat » (arrêt attaqué, p. 3 in fine), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mention « non confidentiel » qui y était apposée ne rendait pas officiels ces courriers, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la loi du 5 juillet 1985 instituant un régime d'indemnisation en faveur des victimes d'accident de la circulation, d'ordre public, dérogatoire au droit commun, qualifie de transaction la convention qui se forme lors de l'acceptation par la victime de l'offre de l'assureur ; qu'en opposant à Mme X..., tenue en qualité de signataire d'une transaction dérogatoire au droit commun dans le cadre de la loi Badinter, les règles de droit commun issues de l'article 2052 du code civil, et spécialement celle selon laquelle une transaction ne peut être attaquée pour cause d'erreur de droit ni pour cause de lésion, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application ;
ALORS, ENFIN, QUE l'assureur qui formule l'offre d'indemnisation doit informer la victime et doit notamment lui rappeler qu'elle peut faire le choix d'un conseil ; que dans ses écritures d'appel (conclusions signifiées le 4 septembre 2013, p. 9, alinéa 3), Mme X... faisait valoir que la compagnie AGF avait été totalement défaillante à cet égard, puisqu'aucune information ne lui avait été donnée préalablement à la transaction, notamment sur le choix d'un conseil ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.