La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2015 | FRANCE | N°13-22235

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2015, 13-22235


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée à compter du 1er février 2000 par la société La Crète de Fontenay en qualité d'ouvrière agricole, a été en arrêt maladie à compter du 13 février 2009 jusqu'au 2 septembre 2009, date à laquelle le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat selon la procédure d'urgence ; que par lettre du 22 octobre 2009, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;
Sur le

premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spéciale...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée à compter du 1er février 2000 par la société La Crète de Fontenay en qualité d'ouvrière agricole, a été en arrêt maladie à compter du 13 février 2009 jusqu'au 2 septembre 2009, date à laquelle le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat selon la procédure d'urgence ; que par lettre du 22 octobre 2009, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Attendu qu'après avoir constaté la nullité du licenciement pour harcèlement moral, l'arrêt condamne l'employeur au remboursement des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne à la société La Crête de Fontenay le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil des prud'hommes dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 31 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi et statuant de ce chef ;
DIT n'y avoir lieu à remboursement à Pôle emploi des allocations de chômage servies à Mme X... ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société La Crète de Fontenay
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré nul le licenciement de Madame Françoise X... et en ce qu'il avait condamné la société LA CRETE DE FONTENAY à lui verser la somme de 2.678,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, le réformant du chef de ses autres dispositions, D'AVOIR condamné la société LA CRETE DE FONTENAY à payer à la salariée la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice et D'AVOIR en conséquence condamné la société LA CRETE DE FONTENAY à payer à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Madame X...,
AUX MOTIFS QUE la société LA CRETE DE FONTENAY, qui exploite à FONTENAY LE MARMION une entreprise employant une trentaine de salariés de production et commercialisation de fruits, pommes principalement, a engagé Madame Françoise X... en qualité d'ouvrière arboricole à temps complet dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée qui a pris effet le 1er février 2000 ; que le 13 février 2009, Madame X... s'est vue prescrire par son médecin un arrêt de travail, lequel sera renouvelé à plusieurs reprises et ce de façon ininterrompue jusqu'au 2 septembre 2009, date à laquelle elle s'est présentée à la visite de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise dans un contexte de danger immédiat pour sa santé, précisant qu'une seule visite médicale de reprise serait réalisée et qu'aucune proposition de reclassement dans l'entreprise ne peut être formulée ; que par lettre du 22 octobre 2009, son employeur a notifié à Madame X... son licenciement à raison de son inaptitude, déclarée par le médecin du travail, à tout poste de travail existant dans l'entreprise et impossibilité de l'y reclasser sur un poste adapté à sa qualification qui soit compatible avec les conclusions du médecin du travail relatives à son inaptitude ; qu'arguant que la cause de son inaptitude, elle même cause de son licenciement, résiderait dans l'attitude à son égard de Madame Denise L., sa supérieure hiérarchique, constitutive de harcèlement moral, Madame X... a saisi le 9 décembre 2009 le conseil de prud'hommes de CAEN pour entendre dire nul son licenciement, avec toutes conséquences indemnitaires de droit ; qu'il est acquis aux débats que Madame X... travaillait, avec une quinzaine environ de ses collègues, exclusivement des femmes, au service du conditionnement de l'entreprise, lequel était celui au sein duquel étaient employés le plus grand nombre ; que c'est Madame Denise L., chef d'équipe et par ailleurs épouse de Monsieur Jackie L., responsable technique, commercial et du personnel de l'entreprise, qui dirigeait ce service ; que Madame X... était donc placée sous la subordination immédiate de celle-ci ; que Madame X..., qui allègue (page 2 de ses écritures) avoir subi à partir des années 2007-2008 des conditions de travail éprouvantes qu'elle analyse en harcèlement moral, met en cause dans celui-ci la seule Madame Y...; qu'alors que les agissements de harcèlement moral qu'elle dit avoir enduré se seraient traduits par une détérioration de son état de santé, elle met en cause la société LA CRETE DE FONTENAY son employeur en ce que, informée des dits agissements, elle n'a pas pris les dispositions pour les faire cesser et a ainsi failli à son obligation, laquelle est de résultat, d'assurer sa santé et sa sécurité dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ; que Madame L., personnellement mise en cause dans les agissements que lui impute celle qui était sa subordonnée, a toujours contesté que leurs relations professionnelles aient été constitutives de harcèlement moral ou puissent s'analyser comme tel ; que pour sa part, la société LA CRETE DE FONTENAY argue que la première dénonciation du prétendu harcèlement moral dont Madame X... se plaint d'avoir été victime lui a été faite par lettre du 27 février 2009 que lui a adressée le conseil de celle-ci, soit à une date postérieure à l'arrêt de travail, qui ne sera suivi d'aucune reprise, que lui a prescrit son médecin le 13 février 2009 et que les délégués du personnel n'ont jamais dénoncé auprès d'elle une situation de harcèlement au travail dont auraient été victimes certains salariés et Madame X... en particulier ; que sur le fond, la société LA CRETE DE FONTENAY considère, après analyse de ce qu'étaient les conditions de travail dans l'entreprise lorsque Madame X... y était présente, qu'aucun fait de harcèlement moral dont aurait été victime celle-ci ne peut être reproché à Madame Y...; que dans ces conditions et comme le lui prescrit l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient à Madame X... d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et c'est seulement si ceux-ci sont établis qu'il incombera à la société LA CRETE DE FONTENAY de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que l'attitude de Madame Y... sa subordonnée dénoncée par Madame X... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Madame X... dénonce l'attitude envers elle de Madame Y... en ce qu'elle tenait à son égard, devant ses collègues et donc publiquement, des propos malveillants, désobligeants et humiliants, qu'elle la brimait et critiquait sans cesse la qualité de son travail, lequel n'a pourtant jamais donné lieu à avertissement, qu'elle était régulièrement insultée, comme certaines de ses collègues, qu'elle était surveillée en permanence dans ses moindres faits et gestes afin de l'isoler de ses collègues et mettre en cause ses compétences, que Madame Y... lui faisait porter des caisses particulièrement lourdes lui occasionnant des douleurs dorsales alors qu'elle n'ignorait pas qu'elle souffrait du dos ; qu'afin d'établir la réalité des faits qu'elle dénonce sous la qualification de harcèlement moral, Madame X... se prévaut des éléments suivants : 1 - le 15 février 2009, soit deux jours après avoir été placée en arrêt de travail, elle a porté plainte pour harcèlement moral contre Madame Y... auprès de la police nationale (sa pièce n°7) ; qu'or, cette plainte a été classée sans suite le 19 février 2010 par le Parquet de CAEN pour infraction insuffisamment caractérisée (pièce n°36 de la société LA CRETE DE FONTENAY) ; 2 - le 19 février 2009, son mari a dénoncé par écrit à l'Inspection du travail les faits litigieux (sa pièce n° 6); qu'or, il n'est pas même allégué que cette plainte ait été suivie d'effets et notamment que le service qui en a été destinataire ait enquêté sur les faits dénoncés ;que ces deux premiers éléments ne sont donc pas de nature à les établir ; 3 - Madame v produit (ses pièces n° 3, 4, 5) les attestations écrites de trois de ses collègues ou anciennes collègues ; que l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés (article 202 du code de procédure civile). ; que la première attestation est celle de Mademoiselle Céline W..., nièce de Madame Françoise X..., se présentant comme saisonnière agricole ; qu'elle y évoque un incident de septembre 2004 à l'occasion duquel Denise Y... aurait traité sa tante de conne et Jackie Y... l'aurait humilié devant tous les employés. Elle ajoute qu'il lui était interdit de parler et que Denise Y... lui faisait porter des charges lourdes lorsqu'elle était de mauvaise humeur ; qu'elle ajoute encore avoir elle-même subi le harcèlement moral de celle-ci ; qu'or, Mademoiselle W. a travaillé comme ouvrière arboricole saisonnière du 12 septembre 2006 au 5 novembre 2006 seulement (pièce n°8 de la société) et il n'est produit aucune pièce dont il ressortirait qu'elle a travaillé à la société LA CRETE DE FONTENAY à d'autres périodes ; qu'elle n'a donc pu être le témoin de l'incident de septembre 2004 qu'elle relate, ce qu'elle ne soutient du reste pas de manière explicite ; que son témoignage n'est donc qu'une relation indirecte des doléances dont sa tante a pu faire état auprès d'elle, laquelle tante de surcroît, date seulement des années 2007-2008 le début de la dégradation de sa relation avec Madame Y...; que ce premier témoignage n'établit donc pas la réalité de ce que dénonce Madame X...; que Madame Evelyne V. relate quant à elle que Madame Y... disait à Madame X... il y a du travail, on y va et ce avec un regard méchant, qu'elle lui a fait faire des sachets dans les palox avec le dos plié en deux pendant plusieurs heures, qu'elle la faisait changer de place sur le tapis pour qu'elle ne parle pas aux filles de la station, qu'elle lui faisait porter des poubelles assez lourdes alors qu'elle savait qu'elle n'avait pas le droit ; que Madame Nicole X... relate pour sa part que lorsque Denise Y... s'en prenait à Madame X..., elle la regardait d'un air méchant, que chaque geste qu'elle faisait était contrôlé, que l'on entendait : Françoise, regarde tes pommes, Françoise ne parle pas, Françoise va plus vite etc.... et que c'était vraiment insupportable ;qu'elle ajoute que début 2008, alors que Françoise s'était plainte du dos, elle lui a fait porter une poubelle archi pleine avant de partir en lui disant tu es jeune, tu peux le faire , alors qu il a des hommes pour ces tâches ; que ce dernier témoin ajoute que les employés étaient le matin dans l'ignorance de celle qui allait être la bête noire de Madame L., ce qui dépendait de son humeur du jour, mais que c'était souvent les mêmes ; que ces deux derniers témoins relatent des agissements et paroles de Madame Y... qui sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement tel que défini à l'article L 1152-1 du code du travail qu'aurait eu à subir Madame X... ; que la société LA CRETE DE FONTENAY, qui conteste que l'attitude de Madame Y... à l'égard de Madame X... puisse s'analyser en harcèlement moral, produit pour sa part (ses pièces n°11 à 22 et 52 à 59) un grand nombre de témoignages écrits de salariées de l'équipe de Madame Y... t qui, de ce fait, travaillaient avec Madame X... ; que de manière quasi unanime, celles-ci reconnaissent qu'effectivement Madame X... était plus souvent visée par les observations orales critiques de Madame Y... que ses collègues mais, attribuant ce fait au manque d'attention habituel de Madame X... dans l'exécution de ses tâches, le triage des fruits principalement, à sa lenteur, à son manque d'initiative et à la dispersion de l'attention des membres de l'équipe par ses commentaires habituels sur sa vie intime et sur ses problèmes financiers, elles considèrent justifiés les fréquents rappels à l'ordre que lui adressait Madame Y... dont elles louent les qualités professionnelles ; que les témoins de Madame X... et ceux de la société relatent donc, à propos des relations entre la première et Madame L., les mêmes faits ; que la seule différence existante entre eux est la perception qu'ils ont de la nature de ces relations, les premiers les analysant en harcèlement, les seconds considérant qu'elles s'inscrivaient dans le cadre normal de l'exercice par Madame Y... de son pouvoir hiérarchique sur sa subordonnée Madame X... ; que des observations orales critiques faites de manière quasi quotidienne, ou à tout le moins très fréquemment, par un supérieur à son subordonné sont effectivement de nature à dégrader les conditions de travail de celui-ci, de porter atteinte à sa dignité en ce que, celles-ci lui étant faites devant ses collègues, il ne pourra que se sentir humilié vis à vis d'eux et sont de nature à altérer sa santé, mentale au premier chef ; que quand bien même ces observations faites de manière récurrente par Madame Y... à Madame X... auraient-elles été justifiées par le comportement professionnel critiquable de cette dernière, il appartenait à sa hiérarchie de la rappeler à l'ordre de manière officielle, voire la sanctionner ou à prendre toutes dispositions utiles en matière d'organisation du travail dans l'entreprise de nature à remédier aux perturbations et désordres imputables à la propre attitude de Madame X... et non pas à laisser se perpétuer une situation de nature pathogène ainsi que le médecin du travail a pu le constater le 2 septembre 2009 ; qu'il est ici constant que la société LA CRETE DE FONTENAY, employeur à la fois de Madame Y... et de Madame X..., n'a pris aucune disposition de nature à remédier aux désordres dans le fonctionnement de l'entreprise imputable à la conjonction de la propre attitude professionnelle, peut être critiquable, de Madame X..., et de la réponse inappropriée qu'y a apportée Madame L., supérieure hiérarchique immédiate de celle-ci ; que par lettre du 27 février 2009 (pièce n° 8 de Madame X...), le conseil de Madame X... a dénoncé à la société LA CRETE DE FONTENAY, les agissements de harcèlement que subissait celle-ci de la part de sa chef d'équipe Madame L., et l'état dépressif en ayant résulté, que Madame X... était effectivement alors et depuis le 13 février en arrêt de travail pour cause de maladie et il a été dit qu'elle ne reprendra ensuite pas son activité au service de la société ; que par lettre du 10 mars 2009 (pièce n° 9 de Madame X...), la présidente de la société LA CRETE DE FONTENAY a répondu à ce courrier du conseil de Madame X... que, sans doute, Madame Y... a-t-elle fait preuve d'un manque de tact dans la gestion de ses équipes, reconnaissant ainsi, a minima à tout le moins, la réalité des agissements de celle-ci dénoncés par Madame X... ; que le 2 septembre 2009, alors que Madame X... était en arrêt de travail de façon ininterrompue depuis le 13 février 2009, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise et ce dans un contexte de danger immédiat pour sa santé et a en outre estimé qu'aucune proposition de reclassement de celle-ci sur un autre poste y existant ne pouvait être formulée ; qu'aucune autre explication à l'inaptitude de Madame X... que le harcèlement que lui faisait subir Madame Y... n'est avancée par la société LA CRETE DE FONTENAY ; que son inaptitude est donc la conséquence du harcèlement moral qu'elle a subi lorsqu'elle y travaillait ; que son licenciement prononcé raison de son inaptitude est donc nul en application des articles L 1153-3 et L 1153-4 du code du travail ainsi que l'ont justement dit les premiers juges dont la décision sera sur ce point confirmée ; que le licenciement de Madame X... étant nul, elle peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis quand bien même n'était-elle pas médicalement en état de l'effectuer ; qu'en l'absence de remise en cause de la somme que lui ont allouée à ce titre les premiers juges, leur décision sera également confirmée de ce chef ; que Madame X... a travaillé neuf ans et dix mois au service de la société LA CRETE DE FONTENAY en contrepartie d'un salaire mensuel brut, primes comprises, de 1.313,29 € lorsqu'elle a quitté l'entreprise à l'âge de 48 ans ; que radiée des effectifs de l'entreprise le 14 décembre 2009, le dernier document justifiant de sa situation professionnelle et de ressources qu'elle produit est un courrier du 4 janvier 2012 de PÔLE EMPLOI lui notifiant son admission au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique à compter du 31 décembre 2011 pour un montant net journalier de 15,77 € et pour une période de six mois ; qu'en considération de ces éléments d'appréciation de son préjudice né de son licenciement nul, celui-ci sera justement réparé par l'allocation de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ; qu'il apparaît équitable de mettre à la charge de la société LA CRETE DE FONTENAY une partie des frais d'instance irrépétibles qu'a dû exposer Madame X... pour faire valoir ses droits.

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame Françoise X... évoque une dégradation de ses condition de travail se traduisant notamment par des propos malveillants et humiliants tenus à son égard par sa chef d'équipe, Madame Denise B... ; qu'à l'appui de ses dires, Madame Françoise X... verse aux débats plusieurs attestations concordantes ; (...) que Madame Nicole C..., ouvrière arboricole employée par la société défenderesse, évoque le comportement « insupportable » de Madame Y... qui exerçait des pressions verbales constantes sur Madame Françoise X... en lui disant, toute la journée : « Françoise, regarde les pommes, Françoise, ne parle pas, Françoise va plus vite » ; que cette salariée explique également qu'au cours de l'année 2009, alors que Madame Françoise X... se plaignait de douleurs dorsales, Madame Y... lui a fait porter une poubelle « archi-pleine » ; que Madame Evelyne D..., arboricultrice au sein de la SAS LA CRETE DE FONTENAY, expose que Madame Y... empêchait Madame Françoise X... de parler avec ses collègues de la station en la faisant constamment changer de place et qu'elle lui faisait porter des poubelles assez lourdes en dépit de son mal de dos ; que le 13 février 2009, Madame Françoise X... a éclaté en sanglots devant tous ses collègues ; qu'elle a été placée en arrêt maladie à la suite d'une tentative de suicide ; que Madame Françoise X... a été déclarée « inapte à tout poste dans l'entreprise dans un contexte de danger immédiat pour sa santé » par le médecin du travail, au terme d'un avis du 2 septembre 2009 ; que dans un courrier du 10 mars 2009 adressé à l'avocat de la requérante, la société défenderesse reconnaît que Madame Y... est susceptible de faire preuve d'un manque de tact dans la gestion de ses équipes ; que l'ensemble de ces éléments présume l'existence d'un harcèlement moral ; que de son côté, l'employeur ne prouve pas que les agissements dénoncés ne sont pas constitutifs d'un tek harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les attestations qu'il verse aux débats ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité et le bien-fondé des témoignages fournis par la salariée ;que l'argument selon lequel le comportement de Madame Y... est justifié par la propre attitude de Madame X... et la qualité de sa prestation de travail ne résiste pas à l'examen ; qu'il est en effet notable que cette salariée, en neuf ans de service, n'a fait l'objet d'aucun avertissement ni recadrage disciplinaire ; que de même, le classement sans suite de la plainte pour harcèlement moral déposée par la requérante auprès des services de police, le 1 février 2009, est sans incidence sur le bien-fondé des demandes telles que soumises à la juridiction prud'homale ; que force est de constater que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité-résultat, n'a pas mis en place les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser cette situation de harcèlement ; que ni les demandes succinctes d'exploitation émanant de la direction, ni les différents courriers adressés par l'employeur aux protagonistes de cette affaire ne peut être analysés comme des mesures de nature à résoudre les difficultés rencontrées par Madame X... ; que l'employeur ne peut se retrancher derrière son ignorance des faits dénoncés par la salariée pour se soustraire à cette obligation ; que le licenciement de Madame X... est consécutif à des actes de harcèlement moral ; qu'il doit être déclaré nul en vertu de l'article L. 11534 du Code du travail ;
1°) ALORS QU'en vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut légitimement adresser au salarié des observations verbales se rapportant à l'exécution défectueuse du travail ou à un manque d'attention, fussent-elles réitérées et formulées en présence d'autres salariés de l'entreprise, dès lors qu'elles ne remettent pas en cause la personne même du salarié ; que ne sauraient dès lors caractériser des actes de harcèlement moral, quel que soit le ressenti du salarié, des observations orales faites au salarié qui ne sont que la conséquence de l'exécution défectueuse par celui-ci de son travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé que « de manière quasi unanime » les salariés de l'entreprise, dont les attestations étaient produites aux débats, attribuaient les observations adressées à Madame X... « au manque d'attention habituel de Madame X... dans l'exécution de ses tâches, le triage des fruits principalement, à sa lenteur, à son manque d'initiative et à la dispersion de l'attention des membres de l'équipe par ses commentaires habituels sur sa vie intime et ses problèmes financiers » (cf .arrêt attaqué p. 5); qu'il résulte encore des deux seules attestations retenues par la Cour d'appel (attestations de Mesdames D... et C...) que les remarques adressées à Madame X... visaient à améliorer l'exécution de son travail (« Françoise, regarde tes pommes, Françoise ne parle pas, Françoise va plus vite », « il y a du travail, on y va ») ; qu'en se bornant à affirmer que « des observations orales critiques faites de manière quasi quotidienne ou à tout le moins fréquemment », faute pour l'employeur de les formuler « de manière officielle » ou de réorganiser l'entreprise pour « remédier aux désordres imputables à la propre attitude de Madame X... », sont de nature à dégrader les conditions de travail de la salariée ou à porter atteinte à sa dignité et à sa santé moral « en ce que, celles-ci lui étant faites devant ses collègues, il ne pourra que se sentir humilié », pour en déduire que le licenciement prononcé pour inaptitude était la conséquence du harcèlement moral dont avait été victime la salariée, lorsque des observations verbales, même réitérées, formulées en raison de l'exécution défectueuse de son travail par le salarié et ne remettant pas en cause sa personne même, ne peuvent suffire à caractériser des agissements de harcèlement moral, la Cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du Code du travail, ensemble les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut reprocher à l'employeur de n'avoir pas usé de son pouvoir de sanction à l'encontre d'un salarié ; qu'en affirmant qu' « il appartenait à sa hiérarchie de (¿) rappeler à l'ordre (la salariée) de manière officielle, voire la sanctionner » plutôt que d'adresser des observations orales critiques, la Cour d'appel a violé l'article L. 1331-1 du Code du travail, ensemble les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, dans le courrier du 10 mars 2009, la société CRETE DE FONTENAY commençait par exclure l'existence de tout harcèlement en rapportant les affirmations de salariées qui affirmaient « que Madame Y... leur adresse des remarques et observations, mais que ces remarques sont justifiées et ont pour objet d'améliorer la qualité du travail accompli » ; qu'elle se bornait à préciser : « toutefois, sans doute Madame Y... fait-elle d'un preuve d'un manque de tact dans la gestion de ses équipes, nous faisons le nécessaire aux fins que Madame Y... fasse preuve de modération à l'avenir dans ses instructions et remarques, ce qui sera profitable pour chacun » ; qu'en affirmant que ce courrier reconnaissait « a minima à tout le moins la réalité des agissements de celle-ci dénoncés par Madame X... » (arrêt attaqué p. 5) et « présume l'existence d'un harcèlement moral » (jugement entrepris p. 4), lorsque l'employeur ne prêtait nullement à Madame Y... des agissements de harcèlement moral, la Cour d'appel a dénaturé les énonciations claires et précises de la lettre du 10 mars 2009, en violation du principe selon lequel le juge ne peut méconnaître les éléments de la cause ;
4°) ALORS QUE dans l'avis du 2 septembre 2009, le médecin du travail se bornait à affirmer : « Mme X... est INAPTE à tout poste dans l'entreprise dans un contexte de ¿danger immédiat' pour sa santé. Une seule visite médicale sera réalisée. Aucune proposition de reclassement dans l'entreprise » ; qu'en affirmant que le médecin du travail avait constaté « une situation de nature pathogène » dans l'avis du 2 septembre 2009, lorsqu'il se bornait à constater l'inaptitude médicale de Madame X... et le danger immédiat pour sa santé, sans pour autant l'imputer à des agissements de harcèlement moral de l'employeur, la Cour d'appel a dénaturé les énonciations claires et précises de cet avis, en violation du principe selon lequel le juge ne peut méconnaître les éléments de la cause ;
5°) ALORS QU'aucun manquement de l'employeur à son obligation de prévenir des agissements de harcèlement moral ne peut lui être imputé si, en l'absence de toute connaissance de situations avérées de harcèlement moral dans l'entreprise, il a pris toute mesure générale nécessaire en établissant notamment un document de prévention des risques professionnels conformément aux exigences de l'article L. 4121-3 du Code du travail ; qu'en l'espèce, la société LA CRETE DE FONTENAY faisait valoir que ni la salariée ni les délégués du personnel ne l'avaient jamais avisée de quelconques agissements de harcèlement moral dans l'entreprise, le conseil de Madame X... ne l'ayant alertée par courrier du 27 février 2009 qu'une fois le contrat de travail suspendu pour arrêt maladie (le 13 février 2009) de façon ininterrompue jusqu'à la déclaration pour inaptitude le 2 septembre 2009 (cf. arrêt attaqué p. 2) ; que la société LA CRETE DE FONTENAY ajoutait avoir cependant pris toute mesure nécessaire pour en prévenir la survenance en établissant un document d'évaluation des risques professionnels, dont elle produisait un exemplaire aux débats (production n° 11) ; qu'en affirmant, par motifs propres, que la société LA CRETE DE FONTENAY ne pouvait se retrancher derrière l'ignorance de la situation litigieuse et qu'elle n'avait pris aucune mesure nécessaire pour prévenir cette situation de harcèlement moral, lorsque l'employeur qui ignore l'existence du harcèlement moral ne peut se voir imputer des agissements de harcèlement moral que si le juge caractérise précisément un manque de diligences dans l'organisation de l'entreprise, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-3 du Code du travail, ensemble l'article L. 1152-3 du même code du même code ;
6°) ALORS QU'à compter de la date à laquelle l'employeur est informé de l'existence de faits susceptibles de révéler un harcèlement moral, aucun manquement à son obligation de sécurité de résultat ne peut lui être imputé si le contrat de travail du salarié est suspendu pour maladie ; qu'en l'espèce, la société LA CRETE DE FONTENAY soulignait qu'après avoir été saisie de la situation litigieuse par le conseil de Madame X..., elle avait, entre autres mesures (cf. conclusions p. 13), diligenté une enquête, avait adressé à Madame Y..., le 10 mars 2009, un courrier l'invitant à faire preuve de tact et de modération et informé un délégué du personnel de la situation afin de l'inviter à lui faire part de toute difficulté (cf. courrier du 10 mars 2009) ; qu'en affirmant que ces mesures étaient insuffisantes pour mettre fin à la situation de harcèlement moral, lorsqu'il résultait de ses propres constatations que la salariée n'était en tout état de cause plus présente dans l'entreprise, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-3 du Code du travail, ensemble l'article L. 1152-3 du même code ;
7°) ALORS au surplus QU'en affirmant que les mesures prises par la société LA CRETE DE FONTENAY étaient insuffisantes pour mettre fin à la situation de harcèlement moral, sans exposer en quoi des directives adressées à l'auteur présumé d'un tel harcèlement pour y mettre fin et l'information délivrée au délégué du personnel ne pouvaient suffire à prévenir la commission d'éventuels faits de harcèlement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-3 du Code du travail, ensemble l'article L. 1152-3 du même code ;
8°) ALORS QUE (éventuelle) la société LA CRETE DE FONTENAY contestait que Madame Y... ait pu enjoindre à Madame X... de porter des objets lourds, les attestations produites par l'exposante excluant tout agissement de harcèlement moral (conclusions p. 11) ; qu'en se bornant à affirmer, par motifs éventuellement adoptés, que deux salariées (Mesdames D... et C...) attestaient que Madame Y... faisait porter à Madame X... des poubelles assez lourdes en dépit de son mal de dos, sans à aucun moment vérifier que la matérialité des instructions litigieuses était établie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4, L. 4121-1, L. 4121-2 et L. 4121-3 du Code du travail, ensemble l'article L. 1152-3 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société LA CRETE DE FONTENAY à payer à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Madame X... du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud'hommes dans la limite de six mois d'indemnités,
AUX MOTIFS QUE la société LA CRETE DE FONTENAY, qui exploite à FONTENAY LE MARMION une entreprise employant une trentaine de salariés de production et commercialisation de fruits, pommes principalement, a engagé Madame Françoise X... en qualité d'ouvrière arboricole à temps complet dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée qui a pris effet le 1er février 2000 ; que le 13 février 2009, Madame X... s'est vue prescrire par son médecin un arrêt de travail, lequel sera renouvelé à plusieurs reprises et ce de façon ininterrompue jusqu'au 2 septembre 2009, date à laquelle elle s'est présentée à la visite de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise dans un contexte de danger immédiat pour sa santé, précisant qu'une seule visite médicale de reprise serait réalisée et qu'aucune proposition de reclassement dans l'entreprise ne peut être formulée ; que par lettre du 22 octobre 2009, son employeur a notifié à Madame X... son licenciement à raison de son inaptitude, déclarée par le médecin du travail, à tout poste de travail existant dans l'entreprise et impossibilité de l'y reclasser sur un poste adapté à sa qualification qui soit compatible avec les conclusions du médecin du travail relatives à son inaptitude ; qu'arguant que la cause de son inaptitude, elle même cause de son licenciement, résiderait dans l'attitude à son égard de Madame Denise L., sa supérieure hiérarchique, constitutive de harcèlement moral, Madame X... a saisi le 9 décembre 2009 le conseil de prud'hommes de CAEN pour entendre dire nul son licenciement, avec toutes conséquences indemnitaires de droit ; qu'il est acquis aux débats que Madame X... travaillait, avec une quinzaine environ de ses collègues, exclusivement des femmes, au service du conditionnement de l'entreprise, lequel était celui au sein duquel étaient employés le plus grand nombre ; que c'est Madame Denise L., chef d'équipe et par ailleurs épouse de Monsieur Jackie L., responsable technique, commercial et du personnel de l'entreprise, qui dirigeait ce service ; que Madame X... était donc placée sous la subordination immédiate de celle-ci ; que Madame X..., qui allègue (page 2 de ses écritures) avoir subi à partir des années 2007-2008 des conditions de travail éprouvantes qu'elle analyse en harcèlement moral, met en cause dans celui-ci la seule Madame Y...; qu'alors que les agissements de harcèlement moral qu'elle dit avoir enduré se seraient traduits par une détérioration de son état de santé, elle met en cause la société LA CRETE DE FONTENAY son employeur en ce que, informée des dits agissements, elle n'a pas pris les dispositions pour les faire cesser et a ainsi failli à son obligation, laquelle est de résultat, d'assurer sa santé et sa sécurité dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ; que Madame L., personnellement mise en cause dans les agissements que lui impute celle qui était sa subordonnée, a toujours contesté que leurs relations professionnelles aient été constitutives de harcèlement moral ou puissent s'analyser comme tel ; que pour sa part, la société LA CRETE DE FONTENAY argue que la première dénonciation du prétendu harcèlement moral dont Madame X... se plaint d'avoir été victime lui a été faite par lettre du 27 février 2009 que lui a adressée le conseil de celle-ci, soit à une date postérieure à l'arrêt de travail, qui ne sera suivi d'aucune reprise, que lui a prescrit son médecin le 13 février 2009 et que les délégués du personnel n'ont jamais dénoncé auprès d'elle une situation de harcèlement au travail dont auraient été victimes certains salariés et Madame X... en particulier ; que sur le fond, la société LA CRETE DE FONTENAY considère, après analyse de ce qu'étaient les conditions de travail dans l'entreprise lorsque Madame X... y était présente, qu'aucun fait de harcèlement moral dont aurait été victime celle-ci ne peut être reproché à Madame Y...; que dans ces conditions et comme le lui prescrit l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient à Madame X... d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et c'est seulement si ceux-ci sont établis qu'il incombera à la société LA CRETE DE FONTENAY de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que l'attitude de Madame Y... sa subordonnée dénoncée par Madame X... était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Madame X... dénonce l'attitude envers elle de Madame Y... en ce qu'elle tenait à son égard, devant ses collègues et donc publiquement, des propos malveillants, désobligeants et humiliants, qu'elle la brimait et critiquait sans cesse la qualité de son travail, lequel n'a pourtant jamais donné lieu à avertissement, qu'elle était régulièrement insultée, comme certaines de ses collègues, qu'elle était surveillée en permanence dans ses moindres faits et gestes afin de l'isoler de ses collègues et mettre en cause ses compétences, que Madame Y... lui faisait porter des caisses particulièrement lourdes lui occasionnant des douleurs dorsales alors qu'elle n'ignorait pas qu'elle souffrait du dos ; qu'afin d'établir la réalité des faits qu'elle dénonce sous la qualification de harcèlement moral, Madame X... se prévaut des éléments suivants : 1 - le 15 février 2009, soit deux jours après avoir été placée en arrêt de travail, elle a porté plainte pour harcèlement moral contre Madame Y... auprès de la police nationale (sa pièce n° 7) ; qu'or, cette plainte a été classée sans suite le 19 février 2010 par le Parquet de CAEN pour infraction insuffisamment caractérisée (pièce n°36 de la société LA CRETE DE FONTENAY) ; 2 - le 19 février 2009, son mari a dénoncé par écrit à l'Inspection du travail les faits litigieux (sa pièce n°6); qu'or, il n'est pas même allégué que cette plainte ait été suivie d'effets et notamment que le service qui en a été destinataire ait enquêté sur les faits dénoncés ;que ces deux premiers éléments ne sont donc pas de nature à les établir ; 3 - Madame v produit (ses pièces n° 3, 4, 5) les attestations écrites de trois de ses collègues ou anciennes collègues ; que l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés (article 202 du code de procédure civile). ; que la première attestation est celle de Mademoiselle Céline W..., nièce de Madame Françoise X..., se présentant comme saisonnière agricole ; qu'elle y évoque un incident de septembre 2004 à l'occasion duquel Denise Y... aurait traité sa tante de conne et Jackie Y... l'aurait humilié devant tous les employés. Elle ajoute qu'il lui était interdit de parler et que Denise Y... lui faisait porter des charges lourdes lorsqu'elle était de mauvaise humeur ; qu'elle ajoute encore avoir elle-même subi le harcèlement moral de celle-ci ; qu'or, Mademoiselle W. a travaillé comme ouvrière arboricole saisonnière du 12 septembre 2006 au 5 novembre 2006 seulement (pièce n°8 de la société) et il n'est produit aucune pièce dont il ressortirait qu'elle a travaillé à la société LA CRETE DE FONTENAY à d'autres périodes ; qu'elle n'a donc pu être le témoin de l'incident de septembre 2004 qu'elle relate, ce qu'elle ne soutient du reste pas de manière explicite ; que son témoignage n'est donc qu'une relation indirecte des doléances dont sa tante a pu faire état auprès d'elle, laquelle tante de surcroît, date seulement des années 2007-2008 le début de la dégradation de sa relation avec Madame Y...; que ce premier témoignage n'établit donc pas la réalité de ce que dénonce Madame X...; que Madame Evelyne V. relate quant à elle que Madame Y... disait à Madame X... il y a du travail, on y va et ce avec un regard méchant, qu'elle lui a fait faire des sachets dans les palox avec le dos plié en deux pendant plusieurs heures, qu'elle la faisait changer de place sur le tapis pour qu'elle ne parle pas aux filles de la station, qu'elle lui faisait porter des poubelles assez lourdes alors qu'elle savait qu'elle n'avait pas le droit ; que Madame Nicole X... relate pour sa part que lorsque Denise Y... s'en prenait à Madame X..., elle la regardait d'un air méchant, que chaque geste qu'elle faisait était contrôlé, que l'on entendait : Françoise, regarde tes pommes, Françoise ne parle pas, Françoise va plus vite etc.... et que c'était vraiment insupportable ;qu'elle ajoute que début 2008, alors que Françoise s'était plainte du dos, elle lui a fait porter une poubelle archi pleine avant de partir en lui disant tu es jeune, tu peux le faire , alors qu il a des hommes pour ces tâches ; que ce dernier témoin ajoute que les employés étaient le matin dans l'ignorance de celle qui allait être la bête noire de Madame L., ce qui dépendait de son humeur du jour, mais que c'était souvent les mêmes ; que ces deux derniers témoins relatent des agissements et paroles de Madame Y... qui sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement tel que défini à l'article L 1152-1 du code du travail qu'aurait eu à subir Madame X... ; que la société LA CRETE DE FONTENAY, qui conteste que l'attitude de Madame Y... à l'égard de Madame X... puisse s'analyser en harcèlement moral, produit pour sa part (ses pièces n° 11 à 22 et 52 à 59) un grand nombre de témoignages écrits de salariées de l'équipe de Madame Y... t qui, de ce fait, travaillaient avec Madame X... ; que de manière quasi unanime, celles-ci reconnaissent qu'effectivement Madame X... était plus souvent visée par les observations orales critiques de Madame Y... que ses collègues mais, attribuant ce fait au manque d'attention habituel de Madame X... dans l'exécution de ses tâches, le triage des fruits principalement, à sa lenteur, à son manque d'initiative et à la dispersion de l'attention des membres de l'équipe par ses commentaires habituels sur sa vie intime et sur ses problèmes financiers, elles considèrent justifiés les fréquents rappels à l'ordre que lui adressait Madame Y... dont elles louent les qualités professionnelles ; que les témoins de Madame X... et ceux de la société relatent donc, à propos des relations entre la première et Madame L., les mêmes faits ; que la seule différence existante entre eux est la perception qu'ils ont de la nature de ces relations, les premiers les analysant en harcèlement, les seconds considérant qu'elles s'inscrivaient dans le cadre normal de l'exercice par Madame Y... de son pouvoir hiérarchique sur sa subordonnée Madame X... ; que des observations orales critiques faites de manière quasi quotidienne, ou à tout le moins très fréquemment, par un supérieur à son subordonné sont effectivement de nature à dégrader les conditions de travail de celui-ci, de porter atteinte à sa dignité en ce que, celles-ci lui étant faites devant ses collègues, il ne pourra que se sentir humilié vis à vis d'eux et sont de nature à altérer sa santé, mentale au premier chef ; que quand bien même ces observations faites de manière récurrente par Madame Y... à Madame X... auraient-elles été justifiées par le comportement professionnel critiquable de cette dernière, il appartenait à sa hiérarchie de la rappeler à l'ordre de manière officielle, voire la sanctionner ou à prendre toutes dispositions utiles en matière d'organisation du travail dans l'entreprise de nature à remédier aux perturbations et désordres imputables à la propre attitude de Madame X... et non pas à laisser se perpétuer une situation de nature pathogène ainsi que le médecin du travail a pu le constater le 2 septembre 2009 ; qu'il est ici constant que la société LA CRETE DE FONTENAY, employeur à la fois de Madame Y... et de Madame X..., n'a pris aucune disposition de nature à remédier aux désordres dans le fonctionnement de l'entreprise imputable à la conjonction de la propre attitude professionnelle, peut être critiquable, de Madame X..., et de la réponse inappropriée qu'y a apportée Madame L., supérieure hiérarchique immédiate de celle-ci ; que par lettre du 27 février 2009 (pièce n° 8 de Madame X...), le conseil de Madame X... a dénoncé à la société LA CRETE DE FONTENAY, les agissements de harcèlement que subissait celle-ci de la part de sa chef d'équipe Madame L., et l'état dépressif en ayant résulté, que Madame X... était effectivement alors et depuis le 13 février en arrêt de travail pour cause de maladie et il a été dit qu'elle ne reprendra ensuite pas son activité au service de la société ; que par lettre du 10 mars 2009 (pièce n°9 de Madame X...), la présidente de la société LA CRETE DE FONTENAY a répondu à ce courrier du conseil de Madame X... que, sans doute, Madame Y... a-t-elle fait preuve d'un manque de tact dans la gestion de ses équipes, reconnaissant ainsi, a minima à tout le moins, la réalité des agissements de celle-ci dénoncés par Madame X... ; que le 2 septembre 2009, alors que Madame X... était en arrêt de travail de façon ininterrompue depuis le 13 février 2009, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise et ce dans un contexte de danger immédiat pour sa santé et a en outre estimé qu'aucune proposition de reclassement de celle-ci sur un autre poste y existant ne pouvait être formulée ; qu'aucune autre explication à l'inaptitude de Madame X... que le harcèlement que lui faisait subir Madame Y... n'est avancée par la société LA CRETE DE FONTENAY ; que son inaptitude est donc la conséquence du harcèlement moral qu'elle a subi lorsqu'elle y travaillait ; que son licenciement prononcé raison de son inaptitude est donc nul en application des articles L 1153-3 et L 1153-4 du code du travail ainsi que l'ont justement dit les premiers juges dont la décision sera sur ce point confirmée ; que le licenciement de Madame X... étant nul, elle peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis quand bien même n'était-elle pas médicalement en état de l'effectuer ; qu'en l'absence de remise en cause de la somme que lui ont allouée à ce titre les premiers juges, leur décision sera également confirmée de ce chef ; que Madame X... a travaillé neuf ans et dix mois au service de la société LA CRETE DE FONTENAY en contrepartie d'un salaire mensuel brut, primes comprises, de 1.313,29 € lorsqu'elle a quitté l'entreprise à l'âge de 48 ans ; que radiée des effectifs de l'entreprise le 14 décembre 2009, le dernier document justifiant de sa situation professionnelle et de ressources qu'elle produit est un courrier du 4 janvier 2012 de PÔLE EMPLOI lui notifiant son admission au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique à compter du 31 décembre 2011 pour un montant net journalier de 15,77 € et pour une période de six mois ; qu'en considération de ces éléments d'appréciation de son préjudice né de son licenciement nul, celui-ci sera justement réparé par l'allocation de 20.000 ¿ à titre de dommages et intérêts ; qu'il apparaît équitable de mettre à la charge de la société LA CRETE DE FONTENAY une partie des frais d'instance irrépétibles qu'a dû exposer Madame X... pour faire valoir ses droits.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame Françoise X... évoque une dégradation de ses condition de travail se traduisant notamment par des propos malveillants et humiliants tenus à son égard par sa chef d'équipe, Madame Denise B... ; qu'à l'appui de ses dires, Madame Françoise X... verse aux débats plusieurs attestations concordantes ; (...) que Madame Nicole C..., ouvrière arboricole employée par la société défenderesse, évoque le comportement « insupportable » de Madame Y... qui exerçait des pressions verbales constantes sur Madame Françoise X... en lui disant, toute la journée : « Françoise, regarde les pommes, Françoise, ne parle pas, Françoise va plus vite » ; que cette salariée explique également qu'au cours de l'année 2009, alors que Madame Françoise X... se plaignait de douleurs dorsales, Madame Y... lui a fait porter une poubelle « archi-pleine » ; que Madame Evelyne D..., arboricultrice au sein de la SAS LA CRETE DE FONTENAY, expose que Madame Y... empêchait Madame Françoise X... de parler avec ses collègues de la station en la faisant constamment changer de place et qu'elle lui faisait porter des poubelles assez lourdes en dépit de son mal de dos ; que le 13 février 2009, Madame Françoise X... a éclaté en sanglots devant tous ses collègues ; qu'elle a été placée en arrêt maladie à la suite d'une tentative de suicide ; que Madame Françoise X... a été déclarée « inapte à tout poste dans l'entreprise dans un contexte de danger immédiat pour sa santé » par le médecin du travail, au terme d'un avis du 2 septembre 2009 ; que dans un courrier du 10 mars 2009 adressé à l'avocat de la requérante, la société défenderesse reconnaît que Madame Y... est susceptible de faire preuve d'un manque de tact dans la gestion de ses équipes ; que l'ensemble de ces éléments présume l'existence d'un harcèlement moral ; que de son côté, l'employeur ne prouve pas que les agissements dénoncés ne sont pas constitutifs d'un tek harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les attestations qu'il verse aux débats ne sont pas de nature à remettre en cause la sincérité et le bien-fondé des témoignages fournis par la salariée ;que l'argument selon lequel le comportement de Madame Y... est justifié par la propre attitude de Madame X... et la qualité de sa prestation de travail ne résiste pas à l'examen ; qu'il est en effet notable que cette salariée, en neuf ans de service, n'a fait l'objet d'aucun avertissement ni recadrage disciplinaire ; que de même, le classement sans suite de la plainte pour harcèlement moral déposée par la requérante auprès des services de police, le 1 février 2009, est sans incidence sur le bien-fondé des demandes telles que soumises à la juridiction prud'homale ; que force est de constater que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité-résultat, n'a pas mis en place les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser cette situation de harcèlement ; que ni les demandes succinctes d'exploitation émanant de la direction, ni les différents courriers adressés par l'employeur aux protagonistes de cette affaire ne peut être analysés comme des mesures de nature à résoudre les difficultés rencontrées par Madame X... ; que l'employeur ne peut se retrancher derrière son ignorance des faits dénoncés par la salariée pour se soustraire à cette obligation ; que le licenciement de Madame X... est consécutif à des actes de harcèlement moral ; qu'il doit être déclaré nul en vertu de l'article L. 11534 du Code du travail ;

ALORS QUE le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi ne peut être ordonné en cas de nullité du licenciement ; qu'en condamnant l'employeur à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Madame X... du jour de son licenciement au jour du jugement du conseil de prud'hommes dans la limite de six mois d'indemnités, après avoir constaté la nullité du licenciement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1235-4 du Code du travail.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 31 mai 2013


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 05 mar. 2015, pourvoi n°13-22235

RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 05/03/2015
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13-22235
Numéro NOR : JURITEXT000030328868 ?
Numéro d'affaire : 13-22235
Numéro de décision : 51500351
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2015-03-05;13.22235 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award