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04/03/2015 | FRANCE | N°14-88180

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 mars 2015, 14-88180


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Denis X...,- Mme Elisabeth X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, Margot X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 28 novembre 2014, qui, infirmant l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction, a dit n'y avoir lieu à suivre contre de M. Younnel A... des chefs de séquestration et viols ;
La COUR, statuant apr

ès débats en l'audience publique du 18 février 2015 où étaient présent...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Denis X...,- Mme Elisabeth X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, Margot X..., parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RENNES, en date du 28 novembre 2014, qui, infirmant l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction, a dit n'y avoir lieu à suivre contre de M. Younnel A... des chefs de séquestration et viols ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 février 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 224-1 du code pénal, 2, 211, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. Younnel A... du chef de séquestration ;
" aux motifs que contrairement à ce qui est retenu par le magistrat instructeur, il n'existe pas à l'encontre de M. A... de charges suffisantes du chef de séquestration ; qu'en effet, l'ensemble des témoins présents dans l'appartement, à divers moments, entre le jeudi 29 septembre et le lundi 3 octobre 2011, confirment les déclarations de M. A... selon lesquelles Margot X...l'a suivi sans y être contrainte, est restée libre de ses mouvements, a participé à diverses activités dans l'appartement, notamment festives et autres sans contrainte et s'est comportée comme « la petite amie » de M. A... ; que ces témoins indiquent qu'elle a librement consommé de l'alcool et fumé du cannabis ; que, notamment, M. Loïc B...déclare que le dimanche soir des faits il était allé chercher une bouteille de whisky chez son oncle ; qu'il avait emprunté une voiture et il était accompagné de M. A... et de Margot X...; qu'il a précisé qu'arrivé au pied du bâtiment, il était monté chez son oncle avec M. A... et que Margot X...était restée dans la voiture pendant dix minutes pour écouter de la musique ; que M. B...indiquait même qu'à un moment il avait vu Margot X..., dans la maison, jouer avec un téléphone et envoyer des textos ; que force est de constater que Margot X...ne se trouvait pas dans une situation d'emprise, qu'au contraire elle disposait d'une latitude suffisante pour partir ou faire prévenir les secours ; qu'en outre, Margot X...n'a jamais manifesté auprès des personnes présentes le désir de partir ; qu'elle ne conteste pas ce fait et reconnaît lors de la confrontation qu'elle ne donnait pas de signe qu'elle était retenue de force ; que de même, à plusieurs reprises, Margot X...est sortie de l'appartement ; qu'outre l'épisode du dimanche soir où elle a accompagné M. B...et M. A... pour aller chercher une bouteille de whisky, elle a indiqué, lors de la confrontation, que le samedi soir elle se trouvait à l'extérieur de l'appartement, sur la première marche de l'escalier, lorsque M. A... est rentré ; qu'il est aussi établi qu'elle a été à plusieurs reprises dans l'appartement avec M. C...et les enfants de celui-ci, hors la présence du mis en examen ; qu'à cette occasion, elle n'a pas manifesté la volonté de partir ni de profiter de l'absence de M. A... pour s'enfuir ; que l'argument soutenu par son conseil dans son mémoire, suivant lequel elle serait une jeune fille fragile, impressionnable et tout juste âgée de quinze ans, ne résiste pas à l'examen des faits car le comportement de Margot X...est celui d'une jeune fille qui n'a pas hésité à suivre M. A... alors qu'elle ne le connaissait pas, à aller à son domicile, à y rester dormir dans le même lit que le mis en examen et à se dévêtir pour se coucher ; que dès lors, cette peur des représailles comme étant un des éléments justifiant qu'elle reste chez le mis en examen n'est pas établie ; que, si M. A... reconnaît que lorsqu'il est sorti de l'appartement, il a fermé la porte derrière lui à plusieurs reprises en mettant la clé sous le paillasson, ses explications sont crédibles compte tenu du fait qu'il n'y avait qu'une seule clé et qu'il s'agissait d'un appartement de passage pour la communauté congolaise ; qu'enfin, le seul témoin qui constatait un état de choc était l'ami chez qui elle se rendait dans la nuit du lundi au mardi ; que toutefois ce seul élément est insuffisant à caractériser les faits de séquestration dès lors que cet état peut s'expliquer par le fait qu'elle se trouvait de nouveau sans abri et sans savoir comment rentrer chez elle puisqu'en fugue ;
" 1°) alors que l'infraction de séquestration est consommée lorsque le mis en cause a volontairement empêché la victime d'aller et venir librement ou l'a isolée du monde extérieur, pendant un temps plus ou moins long ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que M. A... « reconnaît que lorsqu'il est sorti de l'appartement, il a fermé la porte derrière lui à plusieurs reprises en mettant la clé sous le paillasson » ; qu'en disant n'y avoir lieu à suivre contre le mis en examen du chef de séquestration, tout en constatant qu'il avait à plusieurs reprises volontairement enfermé Margot X...dans son appartement, la chambre de l'instruction qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que le délit de séquestration est consommé dès lors que son auteur a eu conscience de priver une personne de sa liberté d'aller et venir, peu important le mobile qui l'a animé ; qu'en disant n'y avoir lieu à suivre contre M. A... du chef de séquestration à la faveur d'un motif inopérant selon lequel il était crédible qu'il ait volontairement enfermé la victime dans son appartement, en laissant la clé sous le paillasson, afin que des membres de la communauté congolaise à laquelle il appartient puissent pénétrer librement chez lui, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors qu'il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier s'il existe des charges suffisantes justifiant la saisine de la juridiction de jugement ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans autrement s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée par les parties civiles et le ministère public, sur le fait que les déclarations constantes de la victime, selon lesquelles le mis en examen l'avait empêché de sortir à de nombreuses reprises en l'enfermant dans son appartement, étaient confirmées en tous points par les déclarations du colocataire du mis en examen, M. C..., la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 4°) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'après avoir constaté que Margot X...était effectivement en état de choc lorsque, après avoir quitté l'appartement de M. A..., elle a été hébergée par M. F..., la chambre de l'instruction a considéré que cet état n'était pas de nature à établir la séquestration dont elle venait d'être victime durant les quatre jours précédents dans la mesure où il pouvait s'expliquer par le fait qu'elle se trouvait de nouveau sans hébergement ; qu'en affirmant ainsi que l'état de choc de Margot X..., pouvait s'expliquer par le fait qu'elle se trouvait de nouveau sans abri, quand elle constatait qu'à ce moment-là, elle était hébergée par une personne de confiance, la chambre de l'instruction a statué par des motifs contradictoires en violation des textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22-1, 222-23, 222-24 du code pénal, 2, 211, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. A... du chef de viol ;
" aux motifs qu'à titre préalable, il convient de relever que les déclarations peu crédibles de Margot X...sur les faits de séquestration doivent conduire à la plus grande prudence sur les faits de viol d'autant qu'il ressort de la procédure que Margot X...a pu transposer des épisodes passés puisqu'elle a déclaré notamment au docteur G...qu'elle a déjà été victime d'une agression sexuelle et que sa soeur aînée Charlotte a aussi subi un viol ; que, de son côté, le docteur H...met également en avant « les processus identificatoires qui la lient à sa soeur » et qui « semblent avoir organisé sa personnalité selon des modalités hystéroperverses avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l'authenticité des dires » ; qu'au-delà de cette précaution concernant Margot X..., suivant l'article 222-23 du code pénal, le viol se définit comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté l'existence de plusieurs relations sexuelles entre Margot X...et M. A... ; que de manière constante, au cours de l'instruction, Margot X...déclare que les relations ne sont pas consenties alors que M. A... soutient le contraire ; que l'information a fait apparaître qu'il n'est pas évoqué de menace ou de surprise ; que, sur la violence, Margot X...a évoqué de manière contradictoire, il ressort de l'information que toutes les personnes présentes entre le jeudi soir et le lundi soir, au domicile de mis en examen, déclarent ne pas avoir assisté à des scènes de violences ; qu'aucune trace n'a été relevée lors des examens médicaux sur sa personne ; que dans sa première audition, elle a indiqué : « il m'a foutu plein de claques. Il m'a serré le poignet et il m'a tenu la bouche comme ça », alors que lors de la confrontation, elle a répondu « je ne sais plus » ; qu'enfin, les seuls éléments objectifs relevés ont été la présence d'une « minime éraillure superficielle au niveau de la fourchette vulvaire et une autre péri anale » ; que si le médecin indique que « la fissure anale peu profonde était compatible avec une pénétration anale forcée », cette possibilité ne constitue pas une preuve formelle d'un lien entre cette fissure et une agression sexuelle d'autant que ces constatations médicales ne paraissent pas compatibles avec les déclarations de Margot X...qui décrivait des scènes de viol très violentes ; quant à la contrainte, elle doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la capacité et des moyens de résistance de la victime au regard de sa situation ; que, si au moment des faits, Margot X...était âgée de quinze ans et M. A... de vingt-sept ans, il ressort de la procédure que Margot X...a pris seule l'initiative de boire ou de consommer des stupéfiants ; qu'à cet égard, dans sa première audition, Margot X...a indiqué que M. A... était à l'origine de l'inhalation avec le déodorant, mais lors de la confrontation, elle a affirmé le contraire en exposant qu'elle avait déjà expérimenté ce procédé ; que, de même, toujours dans sa première audition, elle a indiqué qu'elle n'était pas sortie de l'appartement le dimanche matin, alors que lors de la confrontation, elle a indiqué : « je crois que je suis descendue avec lui dans le jardin » ; qu'enfin il ne peut être raisonnablement soutenu, comme il a déjà été évoqué précédemment, que Margot X...était enfermée et qu'elle ne pouvait pas sortir ; qu'il s'ensuit qu'il n'existe pas d'éléments sérieux pouvant caractériser des charges suffisantes sur un défaut de consentement ainsi caractérisé ;
" 1°) alors que caractérise le crime de viol en tous ses éléments constitutifs le fait d'imposer à la victime des actes de violence concomitants à l'acte de pénétration ; qu'en disant n'y avoir pas lieu à suivre contre M. A... du chef de viol sur la personne de Margot X...en ce que les faits de violence n'étaient pas établis, après avoir cependant constaté que le médecin avait relevé des blessures compatibles avec une pénétration anale forcée, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors qu'il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier s'il existe des charges suffisantes justifiant la saisine de la juridiction de jugement ; qu'en disant n'y avoir pas lieu à suivre contre M. A... du chef de viol sur la personne de Margot X...en ce que les faits de violence n'étaient pas établis, sans autrement s'expliquer, ainsi qu'elle y était pourtant invitée par les parties civiles et le ministère public, sur le fait que les déclarations de Margot X...concernant des rapport sexuels qui lui étaient imposés par le mis en examen était confirmées par le tee-shirt taché du sang de la victime auquel était mêlé l'ADN du mis en examen retrouvé par les services de police sur les lieux du crime, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 3°) alors que la contrainte doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime ; qu'en disant n'y avoir pas lieu à suivre contre M. A... du chef de viol sur la personne de Margot X...en ce que la contrainte n'était pas établie au motif, en réalité inopérant, que la victime avait pris l'initiative de boire et de consommer des stupéfiants mis à sa disposition par le mis en examen, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 4°) alors que la contrainte doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime ; que caractérise l'élément de contrainte morale la différence d'âge existant entre la victime mineure et l'auteur des faits et l'autorité de droit ou de fait que celui-ci a sur la victime ; qu'en disant n'y avoir pas lieu à suivre contre M. A... du chef de viol sur la personne de Margot X...en ce que la contrainte n'était pas établie, sans jamais se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée par les parties civiles et par le ministère public, ni sur la vulnérabilité de la victime compte tenu de son très jeune âge et de son isolement, ni sur son état de dépendance à l'égard du mis en examen compte tenu de l'autorité qu'il exerçait sur elle et qui était attestée par son colocataire, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour infirmer l'ordonnance entreprise et prononcer un non-lieu, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile, a exposé, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le crime et le délit reprochés, ni toute autre infraction ;
D'où il suit que les moyens, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre mars deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-88180
Date de la décision : 04/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, 28 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 mar. 2015, pourvoi n°14-88180


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.88180
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