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04/03/2015 | FRANCE | N°13-28769

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mars 2015, 13-28769


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont

présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, la preuve contraire peut être apportée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 15 mai 2010 par l'association Confluences en qualité de technicien polyvalent, son contrat de travail stipulant une période d'essai de deux mois renouvelable une fois ; qu'il a été victime d'un accident du travail le 29 mai 2010 ; que le médecin du travail l'a, le 30 août 2010, déclaré apte à reprendre son travail avec réserves ; que l'employeur a, le même jour, rompu la période d'essai ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai, la cour d'appel, après avoir dit que ladite rupture n'était pas nulle dès lors que le salarié avait été déclaré apte à la reprise du travail, retient que, même si l'employeur a, comme le salarié, le pouvoir discrétionnaire de rompre une période d'essai, il appartient au juge de vérifier si ce pouvoir ne dégénère pas en abus, et que l'absence de motifs et la conjonction entre la rupture et l'avis d'aptitude avec réserves établissent que l'association a rompu le contrat de travail de manière abusive ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses propres énonciations que les moyens oralement présentés à l'audience étaient ceux développés par les parties dans leurs écritures et que, dans celles-ci, le salarié se limitait à demander la nullité de la rupture de la période d'essai faute d'avoir bénéficié des deux visites médicales prévues à l'article R. 4624-31 du code du travail, ce dont il résulte que la cour d'appel, qui a soulevé le moyen tiré d'une rupture abusive de la période d'essai sans avoir au préalable recueilli les observations des parties, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'association Confluences à payer à M. X... la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai, l'arrêt rendu le 30 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour l'association Confluences et M. Y..., ès qualités.
IL FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'association Confluences à payer à M. X... la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai ;
AUX MOTIFS QUE, d'une part, la période d'arrêt de travail pour accident du travail à compter du 29 mai 2010 a suspendu le contrat de travail conformément aux dispositions de l'article L. 1226-7 du code du travail ; que l'examen du 30 août 2010 constitue la visite de reprise et a mis fin à cette suspension ; que M. X... avait accepté le renouvellement de sa période d'essai de sorte que l'employeur a procédé le 30 août 2010 à la rupture de la période d'essai ; que, d'autre part, l'avis du médecin du travail est un avis d'aptitude avec réserves ; qu'au vu de la fiche de poste décrivant les fonctions du salarié, la cour constate que le salarié était responsable des opérations éventuelles de montage, démontage et chargement/déchargement du matériel mais non manutentionnaire ; qu'en outre, il était chargé d'autres activités de sorte que la réserve émise par le médecin du travail ne le rendait pas inapte à son poste de travail ; que M. X... a donc été déclaré apte et non pas inapte comme il le soutient ; que dès lors, l'employeur pouvait rompre la période d'essai sous réserve que cette rupture ne procède pas d'un abus et ne soit pas un moyen de contourner son obligation de réintégration du salarié déclaré apte résultant des dispositions de l'article L. 1226-8 du code du travail ; que même si l'employeur a, comme le salarié, le pouvoir discrétionnaire de rompre une période d'essai, il appartient au juge de vérifier si ce pouvoir ne dégénère pas en abus, particulièrement lorsque la rupture intervient après une suspension du contrat pour accident du travail durant plus de trente jours ; qu'en premier lieu, la cour constate que la lettre de rupture de la période d'essai a été rédigée le jour même de la reprise du contrat de travail ; qu'ainsi, M. X... a été reçu par le médecin du travail à 9 heures, qu'il a rencontré son employeur, celui-ci évoquant un entretien le 30 août 2010 puis que ce dernier a rédigé la lettre de rupture de la période d'essai, sur laquelle il restait toutefois encore à exécuter environ un mois et demi ; qu'en second lieu, aucun élément n'est produit à l'appui de cette décision démontrant qu'au moment de la rupture du 30 août 2010, l'employeur avait reçu des plaintes concernant le travail de M. X... ; qu'ainsi, l'association produit un courrier en date du 18 octobre 2010 rédigé par Mme Souad Z..., auteur et interprète d'un texte théâtral qui s'est produite à l'espace Confluences à la fin du mois d'avril 2010 et se plaint de la prestation de M. X... ; que ce courrier est postérieur à la rupture et son auteur n'indique pas qu'elle a avisé l'employeur des difficultés rencontrées avant celle-ci ; qu'en outre, elle prend le soin de préciser que « ce courrier a été fait à la demande de la direction de Confluences » ; que le second élément produit est un écrit de M. A... en date du mars 2011, donc très tardif par rapport à la rupture, n'indiquant pas non plus avoir signalé les faits reprochés à la direction ; qu'en outre M. A... est salarié de l'association ; qu'ainsi, l'association qui disposait encore d'environ six semaines si elle voulait rompre la période d'essai, ne démontre pas qu'elle avait des motifs de rompre le contrat de travail de M. X... le jour même de sa reprise du travail après un arrêt de travail pour accident de travail et un avis d'inaptitude avec réserve ; que l'absence de motifs et la conjoncture entre la rupture et l'avis d'aptitude avec réserve après accident du travail établissent que l'association a rompu le contrat de travail de manière abusive et en contrevenant à son obligation de le réintégrer conformément aux dispositions de l'article L. 1226-8 du code du travail ; que cette rupture abusive a créé à M. X... un préjudice qu'il convient d'indemniser ; que compte tenu de son ancienneté de six mois au sein de l'association et des circonstances de la rupture survenue après un accident du travail, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 8.000 euros le montant des dommages-intérêts de nature à l'indemniser de son entier préjudice ; qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision des premiers juges sur ce chef de demande ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige fixés par les parties ; qu'en l'espèce, l'objet du litige était une demande en nullité de la rupture de la période d'essai pour absence de visite de reprise, et non une demande aux fins de faire constater un abus de droit de l'employeur dans la mise en oeuvre de cette rupture (concl. du salarié, p. 6 à 11 ; concl. de l'employeur p. 7 à 10) ; que la cour d'appel a constaté qu'à l'audience les parties s'étaient bornées à soutenir leurs conclusions (arrêt, p. 4 § 1), ce dont il résulte qu'elles n'ont pas ajouté de demandes nouvelles oralement ; que la cour d'appel a jugé que dans la mesure où le salarié avait été déclaré apte, l'employeur pouvait rompre la période d'essai (arrêt, p. 4 § 3), écartant ainsi la demande en nullité de la rupture pour absence de seconde visite de reprise ; qu'en jugeant de surcroît que l'employeur avait commis un abus de droit dans l'exercice de sa faculté de rompre le contrat de travail (arrêt, p. 4 § 3 et 8), la cour d'appel a méconnu les limites du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.
2°) ALORS QUE SUBSIDIAIREMENT durant la période d'essai, chaque partie est libre de rompre le contrat sans avoir à justifier d'un motif ; qu'en jugeant la rupture abusive, en considérant que l'employeur ne démontrait pas qu'il avait des motifs de rompre le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
3°) ALORS QU'EN TOUT ETAT DE CAUSE, il appartient au salarié de démontrer que l'employeur a commis un abus de droit en mettant un terme à la période d'essai ; que, pour déclarer abusive la rupture de la période d'essai, la cour d'appel a affirmé que l'employeur ne démontrait pas qu'il avait des motifs de rompre le contrat de travail ; qu'elle a ainsi fait peser sur l'employeur la charge de la preuve de l'abus de droit, en violation de l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-28769
Date de la décision : 04/03/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mar. 2015, pourvoi n°13-28769


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.28769
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