LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Sobefi du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Color Réunion et de M. X... ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 18 octobre 2013), que la société Le Bouvet a confié à la société Groupe Sobefi (société Sobefi) la maîtrise d'ouvrage déléguée d'un programme immobilier ; que le lot peinture a été confié à la société Color Réunion, depuis en liquidation ; que cette dernière a assigné en paiement de la somme de 17 289,46 euros la société Le Bouvet qui a appelé en garantie la société Sobefi ;
Attendu que pour condamner la société Sobefi à garantir la société Le Bouvet des condamnations en paiement prononcées au profit de la société Color Réunion, l'arrêt retient que la société Sobefi, qui avait l'obligation contractuelle de tout mettre en oeuvre pour respecter le budget prévisionnel, n'en a pas tenu compte en présentant une facture supplémentaire d'honoraires de gestion, que l'existence de la procédure en paiement, antérieure à la résiliation du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée, démontre un manquement à sa mission de conclure les contrats de louage d'ouvrage, de liquider les marchés et tout ce que nécessaire à la bonne fin de l'opération ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté qu'il n'était pas établi que le prélèvement par la société Sobefi de ses honoraires pour un total de 1 647 030 euros un an avant la fin de sa mission avait empêché le maître d'ouvrage de payer un solde de facture de 17 289,46 euros compte tenu du prix de revient escompté de l'opération de 18 623 030 euros et d'un chiffre d'affaires brut TTC de 26 400 000 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne la société Le Bouvet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Bouvet à payer à la société Sobefi la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Le Bouvet ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Sobefi.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société Sobefi à garantir la société Le Bouvet des condamnations prononcées au profit de la société Color Réunion par le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion le 25 septembre 2012 ;
AUX MOTIFS QU'il résultait des pièces produites que les factures d'honoraires de gestion de la société Sobefi, du 18 mars 2008 pour 80.000 ¿, du 28 avril 2008 pour 80.000 ¿ et celle du 4 août 2008 pour 80.000 ¿, portaient la seule signature du président de la société Sobefi, que celle du 4 mars 2008 pour 80.000 ¿ ne portait aucune signature et qu'elles avaient, à l'exception de celle du 8 août 2008, été payées conformément à la pratique des parties ; que de plus, la société Sobefi avait pour mission notamment de conclure les contrats de louage d'ouvrage, « de liquider les marchés et tout ce que nécessaire à la bonne fin de l'opération » et l'existence de la présente procédure, antérieure à la résiliation du contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée démontrait un manquement de la société Sobefi à sa mission ; que s'il n'était pas exclu que d'autres éléments aient contribué aux difficultés de la société Le Bouvet, notamment des factures acquittées au profit de l'entreprise Legros, proche du maître de l'ouvrage, ainsi que relevé par l'expert Y... et développé par la société Sobefi, ces circonstances n'étaient pas de nature à absoudre la société Sobefi de ses propres manquements ou à faire disparaître sa responsabilité ; que ce manquement, s'agissant de la facture litigieuse, justifiait l'appel en garantie de la société Le Bouvet à l'encontre de la société Sobefi, même s'il n'était pas établi que le prélèvement par la société Sobefi de ses honoraires, pour un total de 1.647.030 ¿, un an avant la fin de sa mission avait empêché le maître d'ouvrage de payer un solde de facture de 17.289,46 ¿, compte tenu du prix de revient escompté de l'opération de 18.623.030 ¿ et d'un chiffre d'affaires brut TTC de 26.400.000 ¿ ; qu'il y avait donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il avait débouté la société Le Bouvet de son appel en garantie et, statuant à nouveau, de condamner la société Sobefi à garantir la société Le Bouvet des condamnations prononcées au profit de la société Color Réunion, sans qu'il soit justifié de procéder aux constats sollicités qui excédaient la présente instance (arrêt, p. 5) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE par ses dernières écritures d'appel (spéc. p. 7 al. 6, p. 9, al. 8), la société Le Bouvet s'était bornée à soutenir que la société Sobefi avait commis une faute pour avoir outrepassé son mandat en retirant sans autorisation, sur le compte de la société Le Bouvet, des fonds correspondant à sa rémunération, et n'avait pas même allégué que la société Sobefi aurait manqué à sa mission de conclure les contrats de louage d'ouvrage et de « liquider les marchés et tout ce que nécessaire à la bonne fin de l'opération » ; qu'en se fondant néanmoins, pour condamner la société Sobefi à garantir la société Le Bouvet de la condamnation prononcée contre elle au paiement du prix des prestations effectuées par la société Color Réunion, sur un prétendu manquement de la société Sobefi à ladite mission, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, DE SURCROIT, QU'en relevant d'office et sans le soumettre à la discussion des parties, un hypothétique manquement de la société Sobefi à sa mission de conclure les contrats de louage d'ouvrage et de « liquider les marchés et tout ce que nécessaire à la bonne fin de l'opération », la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS, EN OUTRE, QU'en retenant, sans autre précision ni justification concrète, que l'existence d'une action en paiement dirigée contre la société Le Bouvet caractérisait un manquement de la société Sobefi à sa mission de conclure les contrats de louage d'ouvrage et de « liquider les marchés et tout ce que nécessaire à la bonne fin de l'opération », la cour d'appel, qui a statué par un motif d'ordre général, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l'existence d'une action en paiement formée contre le mandant ne démontre pas en elle-même un manquement du mandataire qui a reçu mission de payer, cette action en paiement pouvant ne pas avoir pour origine une inexécution du mandat ; qu'à supposer qu'elle ait estimé que la société Sobefi avait reçu mission de payer le prix des travaux effectués au profit de la société Le Bouvet, la cour d'appel, en retenant que l'existence d'une action en paiement contre la société Le Bouvet démontrait un manquement de la société Sobefi à ladite mission, a violé les articles 1147 du code civil et 1192 du code civil ;
ALORS, EN OUTRE, QUE par ses dernières écritures d'appel (spéc. p. 4 al. 3, p. 9, al. 7), la société Le Bouvet s'était bornée à soutenir que la société Sobefi était la seule à pouvoir dire si les sommes réclamées par la société Color Réunion étaient dues ou pas, mais n'avait pas même allégué que la société Sobefi aurait reçu mission de payer au nom et pour le compte de la société Le Bouvet les sommes dues à la société Color Réunion ; qu'à supposer qu'elle ait estimé que la société Sobefi avait reçu mission de payer le prix des travaux effectués au profit de la société Le Bouvet, la cour d'appel, en retenant que l'existence d'une action en paiement contre la société Le Bouvet démontrait un manquement de la société Sobefi à ladite mission, a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la condamnation d'un mandataire à garantir son mandant d'une condamnation de ce dernier au paiement de sa dette à l'égard de son cocontractant suppose, non seulement un manquement du mandataire, mais également un préjudice du mandant ; qu'en se bornant néanmoins, pour condamner la société Sobefi à garantir la société Le Bouvet de la condamnation prononcée contre elle au paiement du prix des prestations effectuées par la société Color Réunion, à retenir que l'hypothétique manquement de la société Sobefi justifiait l'appel en garantie formé par la société Le Bouvet, sans caractériser l'existence d'un préjudice subi par cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'un maître d'ouvrage, en qualité de mandant, est seul tenu d'exécuter les obligations nées des contrats conclus en son nom et pour son compte par un maître d'ouvrage délégué, simple mandataire, de sorte que le paiement par le maître d'ouvrage de dettes nées desdits contrats ne constitue pas un préjudice, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de préciser ; qu'à supposer qu'elle ait estimé que la société Le Bouvet avait subi un préjudice consistant dans une condamnation au paiement du prix des travaux effectués par la société Color Réunion, la cour d'appel, en retenant un tel préjudice sans caractériser aucune circonstance particulière, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE par ses dernières écritures d'appel (spéc. p. 7, in fine, p. 9, al. 9), la société Le Bouvet s'était bornée, au soutien de son appel en garantie contre la société Sobefi au titre de sa condamnation au paiement du prix des prestations effectuées par la société Color Réunion, à faire valoir un prétendu préjudice consistant dans la disparition, du fait du prélèvement par la société Sobefi de ses honoraires, de toute trésorerie disponible permettant de faire face au paiement de ses dettes, mais n'avait pas même allégué l'existence d'un préjudice consistant dans le paiement du prix desdites prestations ; qu'à supposer qu'elle ait estimé que la société Le Bouvet avait subi un préjudice consistant dans le paiement du prix des travaux effectués à son profit par la société Color Réunion, et non dans la disparition de sa trésorerie, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la réparation d'un préjudice suppose que soit établie son existence ; que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que le prélèvement par la société Sobefi de ses honoraires sur le compte de la société Le Bouvet aurait empêché cette dernière de régler ce qu'elle devait à la société Color Réunion au titre du solde du prix des travaux effectués par celle-ci, ce dont il résultait que l'existence du préjudice invoqué par la société Le Bouvet ¿ consistant dans la disparition de sa trésorerie ¿ n'était pas établie et que l'appel en garantie formé contre la société Sobefi par la société Le Bouvet au titre de sa condamnation au paiement du solde du prix desdits travaux n'était pas justifié ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil.