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11/02/2015 | FRANCE | N°13-26843

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2015, 13-26843


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 27 septembre 2013), que M. X..., engagé le 13 décembre 2002, en qualité de technicien, par la société Crimo France, spécialisée dans la réparation des appareils chirurgicaux et paramédicaux, a présenté sa démission par lettre du 6 septembre 2010, son préavis expirant le 6 octobre suivant ; que soutenant qu'elle avait, postérieurement à ce départ, découvert que le salarié avait, pendant son préavis et en concertation avec un autre salarié

démissionnaire, établi, signé et enregistré les statuts d'une société concurre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 27 septembre 2013), que M. X..., engagé le 13 décembre 2002, en qualité de technicien, par la société Crimo France, spécialisée dans la réparation des appareils chirurgicaux et paramédicaux, a présenté sa démission par lettre du 6 septembre 2010, son préavis expirant le 6 octobre suivant ; que soutenant qu'elle avait, postérieurement à ce départ, découvert que le salarié avait, pendant son préavis et en concertation avec un autre salarié démissionnaire, établi, signé et enregistré les statuts d'une société concurrente dénommée REP2L dont il était par ailleurs le gérant, la société Crimo France a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution du préavis ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à l'indemnisation de la perte de chance de licencier le salarié pour faute lourde, alors, selon le moyen :
1°/ que commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus le dirigeant social ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que M. X... a démissionné le 6 septembre 2010 après avoir constitué avec deux associés, le 1er septembre 2010, une société ayant le même objet social que la société Crimo France, géré par lui, dont la date de début d'exploitation était fixée par les statuts le 4 octobre 2010, soit antérieurement au terme du préavis consécutif à la démission du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ;
2°/ que commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus dirigeant social ; qu'en écartant tout manquement à son obligation de loyauté par M. X... au motif inopérant qu'il n'avait pas « accompli entre le 4 et le 6 octobre une réelle activité professionnelle pour le compte de la société » la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ;
3°/ que la clause d'exclusivité stipulée au contrat de travail de M. X... prévoyait qu'il s'obligeait à « consacrer toute son activité professionnelle à la société, l'exercice de toute autre activité professionnelle, même occasionnelle ou non rémunérée, soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, lui étant en conséquence interdit sans l'accord préalable et express de cette dernière » ; qu'en relevant que le contrat de travail de M. X... « ne lui interdisait par ailleurs pas la création d'une société », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause d'exclusivité en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus dirigeant social ; que dans ses conclusions déposées à l'audience, reprises oralement, la société Crimo France sollicitait, à titre de dommages-intérêts, que le salarié soit condamné à lui restituer les indemnités et avantages indument perçus au titre de son solde de tout compte, dès lors qu'il s'était rendu coupable d'une faute lourde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs inopérant que « la société Crimo France ne peut être suivie dans son argumentation suivant laquelle elle aurait subi, par suite d'une réticence dolosive de son salarié, une perte de chance de le licencier pour faute lourde et de ne pas lui verser les salaires qui lui étaient dus » et « que c'est en effet à compter de la seule date du 4 octobre que le manquement était constitué et le préavis expirant le 6 octobre, aucune circonstance n'aurait justifié que M. X... soit privé des sommes qui lui ont été versées et correspondant aux salaires dus jusqu'à cette date, aucun licenciement pour faute lourde n'ayant eu de chance de pouvoir être notifié avant cette date quand bien même la société aurait été avertie en temps réel du manquement de son salarié », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que, si le salarié, dont le préavis expirait le 6 octobre 2010, a, le 1er septembre 2010, constitué avec deux associés une société ayant notamment pour objet la réparation et l'affûtage d'instrumentalisation chirurgicale dont les statuts, le désignant comme gérant, ont été enregistrés le 29 septembre 2010, et en dépit d'une date d'exploitation mentionnée au Kbis comme étant celle du 4 octobre, il ne résulte d'aucun élément que l'intéressé a accompli, entre le 4 et le 6 octobre 2010 une réelle activité professionnelle pour le compte de la société REP2L ; qu'ayant ainsi fait ressortir que n'était pas caractérisé un manquement du salarié à son obligation de loyauté manifestant une intention de nuire à son employeur, seule susceptible de constituer une faute lourde engageant sa responsabilité à l'égard de celui-ci, elle a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches du moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crimo France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Crimo France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Crimo France de ses demandes tendant à voir reconnaître sa perte de chance de licencier M. X... pour faute lourde et, en conséquence, de ses demandes de condamnation de ce dernier à lui restituer les sommes de 1.800,92 euros au titre de son salaire brut du mois de septembre 2010, heures supplémentaires incluses, 101,73 euros au titre de la prime exceptionnelle du mois de septembre 2010, 108,32 euros au titre de sa prime d'ancienneté du mois de septembre 2010, 319,49 euros au titre de son salaire du 1er au 6 octobre 2010, 148,56 euros au titre de la prime exceptionnelle du mois d'octobre 2010, 19,71 euros au titre de la prime d'ancienneté du mois d'octobre 2010 et 763,69 euros au titre de son indemnité de congés payés ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a présenté sa démission par lettre du 6 septembre 2010, son préavis expirant le 6 octobre ; (¿) ; qu'aux termes de son contrat de travail, M. X... s'était obligé à « consacrer toute son activité professionnelle à la société, l'exercice de toute autre activité professionnelle, même occasionnelle ou non rémunérée, soit pour son compte soit pour le compte de tiers, lui étant en conséquence interdit, sans l'accord préalable et express de cette dernière » ; qu'il est constant que M. X... a, le 1er septembre 2010, constitué avec deux associés, une SARL REP2L domiciliée à Beaumont sur Sarthe, ayant notamment pour objet la réparation et l'affutage d'instrumentalisation chirurgicale, dont les statuts, le désignant comme gérant, ont été enregistrés le 29 septembre 2010 ; que l'extrait k bis porte les mentions suivantes : « date d'immatriculation. 5 novembre 2010. date de début d'exploitation : 4 octobre 2010 » tandis qu'une attestation notariée établit que la société REP2L a pris a bail le local correspondant à son principal établissement par un acte du 5 novembre 2010 prévoyant une prise d'effet au 15 octobre 2010 et que la déclaration unique d'embauche, confirmée par le bulletin de salaire de l'intéressé, fait état d'une embauche de M. X... par la société à compter du 7 octobre ; que quant aux comptes annuels établis par le cabinet d'expertise comptable Socotex, ils font mention, pour un exercice courant « du 4 octobre au 31 décembre 2010 », de sommes de 1 388 euros pour « avances et acomptes versés sur commandes » et 8 663 euros pour « avances et acomptes reçus sur commandes en cours », sans que pour autant soit connue la date à laquelle ont été générées ces avances, le chiffre d'affaires étant quant à lui comptabilisé comme étant de 0 ; qu'ainsi, en dépit d'une date d'exploitation mentionnée au kbis comme étant celle du 4 octobre, il ne résulte d'aucun élément que M. X... ait accompli, entre le 4 6. et le 6 octobre une réelle activité professionnelle pour le compte de la société REP2L, qui n'a possédé la personnalité morale que le 5 novembre, étant rappelé que son contrat de travail ne lui interdisait par ailleurs pas la création d'une société ; que la responsabilité du salarié n'est donc pas engagée ; qu'en toute hypothèse et à titre surabondant, il sera relevé, s'agissant du préjudice matériel prétendument subi, que la société Crimo France ne peut être suivie dans son argumentation suivant laquelle elle aurait subi, par suite d'une réticence dolosive de son salarié, une perte de chance de le licencier pour faute lourde et de ne pas lui verser les salaires qui lui étaient dus ; que c'est e effet à compter de la seule date du 4 octobre que le manquement était constitué et le préavis expirant le 6 octobre, aucune circonstance n'aurait justifié que M. X... soit privé des sommes qui lui ont été versées et correspondant aux salaires dus jusqu'à cette date, aucun licenciement pour faute lourde n'ayant eu de chance de pouvoir être notifié avant cette date quand bien même la société aurait été avertie en temps réel du manquement de son salarié ; que quant au trouble commercial, il ne saurait être indemnisé, fût-ce à hauteur de 1 euro, sur la base d'une seule éventualité dès lors qu'aucun élément n'établit que M. X... s'est, entre le 4 et le 6 octobre, présenté auprès d'une clientèle commune en qualité de gérant et associé de la société REP2L ; que la société Crimo France sera donc déboutée de toutes ses demandes et le jugement sera infirmé ;
1°) ALORS QUE commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus le dirigeant social; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que M. X... a démissionné le 6 septembre 2010 après avoir constitué avec deux associés, le 1er septembre 2010, une société ayant le même objet social que la société Crimo France, géré par lui, dont la date de début d'exploitation était fixée par les statuts le 4 octobre 2010, soit antérieurement au terme du préavis consécutif à la démission du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus dirigeant social ; qu'en écartant tout manquement à son obligation de loyauté par M. X... au motif inopérant qu'il n'avait pas « accompli entre le 4 et le 6 octobre une réelle activité professionnelle pour le compte de la société » la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil ;

3°) ALORS QUE la clause d'exclusivité stipulée au contrat de travail de M. X... prévoyait qu'il s'obligeait à « consacrer toute son activité professionnelle à la société, l'exercice de toute autre activité professionnelle, même occasionnelle ou non rémunérée, soit pour son compte, soit pour le compte de tiers, lui étant en conséquence interdit sans l'accord préalable et express de cette dernière » ; qu'en relevant que le contrat de travail de M. X... « ne lui interdisait par ailleurs pas la création d'une société », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause d'exclusivité en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°) ALORS QUE commet une faute lourde, privative des indemnités de rupture et susceptible d'engager sa responsabilité, le salarié qui manque à son obligation de loyauté en créant, en cours d'exécution du contrat de travail, une société destinée à concurrencer son employeur, dont il est au surplus dirigeant social ; que dans ses conclusions déposées à l'audience, reprises oralement, la société Crimo France sollicitait, à titre de dommages-intérêts, que le salarié soit condamné à lui restituer les indemnités et avantages indument perçus au titre de son solde de tout compte, dès lors qu'il s'était rendu coupable d'une faute lourde (concl. p. 10) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, aux motifs inopérant que « la société Crimo France ne peut être suivie dans son argumentation suivant laquelle elle aurait subi, par suite d'une réticence dolosive de son salarié, une perte de chance de le licencier pour faute lourde et de ne pas lui verser les salaires qui lui étaient dus » et « que c'est en effet à compter de la seule date du 4 octobre que le manquement était constitué et le préavis expirant le 6 octobre, aucune circonstance n'aurait justifié que M. X... soit privé des sommes qui lui ont été versées et correspondant aux salaires dus jusqu'à cette date, aucun licenciement pour faute lourde n'ayant eu de chance de pouvoir être notifié avant cette date quand bien même la société aurait été avertie en temps réel du manquement de son salarié », la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 3141-26, L. 3141-27, L. 3141-28 du code du travail et 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-26843
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 27 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2015, pourvoi n°13-26843


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26843
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