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11/02/2015 | FRANCE | N°13-26015;13-26016

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2015, 13-26015 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° W 13-26.015 et X 13-26.016 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remb

oursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salarié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° W 13-26.015 et X 13-26.016 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'Ag2r prévoyance a été désignée aux termes de l'article 13 de l'avenant pour gérer ce régime et que l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; que la société Holtz et fils et M. X..., professionnels de ce secteur, ayant adhéré à un autre organisme d'assurance complémentaire, ont refusé de s'affilier au régime géré par Ag2r prévoyance ; que cette dernière, soutenant que l'adhésion était obligatoire, a saisi un tribunal d'instance de demandes en paiement des cotisations et en régularisation forcée de leur adhésion à compter du 1er janvier 2007 ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 101, 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), L. 912-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 13 et 14 de l'avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, relatif à la mise en place d'un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé ;
Attendu que pour débouter Ag2r prévoyance de ses demandes, les arrêts retiennent qu'il appartient au juge national de vérifier la compatibilité avec le droit de l'Union européenne de la clause de l'avenant du 24 avril 2006 désignant Ag2r prévoyance comme assureur exclusif du régime de remboursement complémentaire des frais de santé des salariés entrant dans le champ d'application de la convention collective ; que l'Etat n'exerce aucun contrôle effectif dans la désignation de cette société et dans les modalités de fonctionnement du régime complémentaire ; que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance est une entreprise exerçant une activité économique au sens de l'article 102 du TFUE qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose ; que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance est illicite ;
Attendu cependant que la Cour de justice de l'Union européenne a décidé, par un arrêt du 3 mars 2011 (Ag2r prévoyance c/Beaudout Père et fils SARL, affaire C 437/09), que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du TFUE ; qu'elle a jugé, par le même arrêt, que les articles 102 et 106 du TFUE ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que les articles 102 et 106 du TFUE n'imposent pas aux partenaires sociaux de modalités particulières d'attribution à un organisme de ce droit exclusif ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que la validité de la clause de désignation litigieuse n'était pas subordonnée à la mise en concurrence par les partenaires sociaux de plusieurs opérateurs économiques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, les arrêts rendus le 8 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Holtz et fils et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Ag2r prévoyance, demanderesse au pourvoi n° W 13-26.015.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté Ag2r de ses demandes tendant à voir dire que l'adhésion de la société Holtz et fils à AG2R était obligatoire et à ce que cette société soit condamnée à lui verser sous astreinte la totalité des cotisations dues depuis le 1er janvier 2007, à savoir la somme de 6.244,68 euros,
ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; que la cour d'appel, qui a statué sur les conclusions d'Ag2r visées du 22 mai 2012, bien qu'Ag2r ait déposé des conclusions récapitulatives invoquant des éléments postérieurs, et tout en visant un « mémoire récapitulatif » de la société Holtz du 14 juin 2013, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR débouté Ag2r Prévoyance de ses demandes tendant à voir dire que l'adhésion de la société Holtz et fils à AG2R Prévoyance était obligatoire et à ce que cette société soit condamnée à lui verser sous astreinte la totalité des cotisations dues depuis le 1er janvier 2007, à savoir la somme de 6.244,68 euros ;
AUX MOTIFS QUE « il est constant que l'avenant n°83 à la Convention Collective Nationale des Entreprises Artisanales de la Boulangerie et de Boulangerie-Pâtisserie, en date du 24/04/2006 et étendu par arrêté ministériel du 16/10/2006, a pour objet de mettre en place un régime conventionnel relatif à des prestations complémentaires au régime obligatoire de sécurité sociale en cas de frais médicaux, chirurgicaux et d'hospitalisation, et ce afin de répondre d'une part à la mutualisation des risques au niveau professionnel, laquelle permet de pallier les difficultés rencontrées par les entreprises, notamment les plus petites, lors de la mise en place d'une protection sociale complémentaire et de garantir l'accès aux garanties collectives, sans considération notamment d'âge ou d'état de santé, et d'autre part aux impératifs de gestion des prestations par les centres de gestion régionaux de l'organisme assureur dont les entreprises dépendent géographiquement. Cet avenant , applicable à compter du 1/01/2007, a, en son article 13, désigné AG2R PREVOYANCE en application des dispositions de l'article L.912-1 du code de la sécurité sociale comme organisme assureur exclusif, et a prévu, en son article 14, une clause de migration, qui reprenant les termes de l'article 2, aux termes de laquelle l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective citée supra au régime "remboursement complémentaire des frais de soins et de santé" et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné, soit en l'espèce AG2R PREVOYANCE, ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet de cet avenant, soit à compter du 1/01/2007, ces dispositions ayant vocation à recevoir exécution obligatoire même à l'égard des entreprises qui auraient un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par cet avenant. Si les jurisprudences internes et européennes ont validé de manière absolue et sans condition les clauses de migration, il appartient en revanche au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite. En effet, il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE BEAUDOUT du 3/03/2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique. Or, en l'espèce, si l'existence d'un fort degré de solidarité ne peut faire débat dans la mesure où la nature des prestations servies et l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations versées, où les prestations fournies sont dans certains cas indépendantes du paiement des cotisations dues, où il est prévu le maintien de la couverture sociale pendant une certaine période après la rupture des relations contractuelles liant l'employeur et le salarié et où il est prévu une couverture sociale en faveur des ayants droit en cas de décès du salarié, force est de constater en l'espèce l'absence de tout contrôle effectif de l'Etat dans la désignation D'AG2R PREVOYANCE et dans les modalités de fonctionnement de ce régime complémentaire. Or, seuls les partenaires sociaux ont la faculté de désigner, notamment par le biais de conventions ou d'accords collectifs, l'organisme chargé de la gestion de ce régime complémentaire et les termes de l'avenant en cause confient également aux seuls représentants des employeurs et salariés le soin de réexaminer, dans un délai de 5 ans à compter de la date de prise d'effet de cet avenant, soit du 1/01/2007, les modalités d'organisation de la mutualisation du régime concerné, comme celui de réexaminer le montant des cotisations, et ce sans aucune intervention ou contrôle de l'Etat. De même, la réelle autonomie dont dispose AG2R PREVOYANCE vis à vis des autorités étatiques résultent de l'absence de dispositions légales imposant sa désignation en tant que telle ou son acceptation de la mission confiée et ce alors qu'il est constant et non contesté qu'il existe d'autres institutions de prévoyance et compagnie d'assurances susceptibles de remplir le rôle dévolu à cette dernière. Ainsi, force est de relever, à l'instar du premier juge, qu'une totale opacité demeure sur les modes de désignation d'AG2R PREVOYANCE, sur la marge de négociation dont AG2R PREVOYANCE a pu disposer quant aux modalités de son engagement et sur la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble, de telle sorte que, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, AG2R PREVOYANCE est une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose. Or, faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'AG2R PREVOYANCE est à l'évidence illicite et le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de ses demandes en paiement de cotisations » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT PARTIELLEMENT ADOPTES DU JUGEMENT CONFIRME QUE « Sur la compatibilité des clauses dites de désignation et de migration avec le droit communautaire : selon l'article 101 du TFUE (ex-article 81 TCE) prohibant les "ententes illicites" : " 1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à:a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement, d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. 2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables : - à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises, - à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et - à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans : a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence". L'article 102 du TFUE (ex-article 82 TCE) prohibe les abus de position dominante de la manière suivante : "Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à : a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables, b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs, c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats". Enfin, l'article 106 du TFUE (ex- 86 TCE) précise : "1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus. 2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union. 3. La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres". La CJUE a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire, en particulier avec les articles 101, 102 et 106 du TFUE, du principe de désignation d'un organisme unique de prévoyance auquel l'affiliation est rendue obligatoire ; toutefois, la SARL Holtz et Fils oppose à Ag2r prévoyance l'argument, non tranché par la CJCE puisqu'il relève de l'appréciation du juge national, selon lequel les règles de désignation et de renouvellement de désignation d'Ag2r tous les cinq ans restent opaques de sorte qu'il ne peut être vérifié si cet organisme respecte bien les règles de libre concurrence. Ag2r prévoyance est une entreprise de droit privé exerçant une activité économique, et entre, de ce fait, dans le champ d'application de l'article 86 du Traité de Rome devenue 106 du TFUE puisque la finalité sociale d'un régime d'assurance n'est pas en soi suffisante pour exclure que l'activité concernée soit qualifiée d'activité économique. Le monopole légal accordé par l'État à Ag2r prévoyance doit être considéré comme un droit exclusif au sens de l'article 86 al.1 (devenu 106 al.1 du TFUE), de sorte que Ag2r prévoyance reste soumise aux règles communautaires de concurrence, tant que l'application de ces règles de concurrence ne font pas échec à l'accomplissement de la mission d'intérêt général qui lui a été impartie, et sous réserve que le contrôle de l'État s'exerce de manière effective. Or, ainsi que le fait justement observer la SARL Holtz et Fils, rien ne permet de considérer, en l'état et au vu des pièces produites, que le choix de Ag2r prévoyance par les partenaires sociaux s'est opéré sous un contrôle réel de l'État, alors que divers organismes de prévoyance offrent sur le marché des garanties similaires voire supérieures pour un même niveau de cotisation et que Ag2r prévoyance a une réelle autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics, et rien ne permet d'affirmer péremptoirement comme le fait Ag2r prévoyance, qu'au regard de l'objectif de solidarité poursuivi il ne saurait y avoir ainsi abus de position dominante. Par ailleurs, la même opacité demeure sur les conditions dans lesquelles s'opère le renouvellement de la désignation de Ag2r prévoyance, prévu tous les cinq ans par l'article 13 al.2 de l'avenant n°83, et sur les conditions de réexamen du montant des cotisations prévu par l'article 5 al.4 du même texte. Ag2r prévoyance ne produit aucun élément sur ce point, lequel est pourtant soulevé avec force par le défendeur. Il n'y a pas lieu de procéder à un nouveau renvoi devant la CJCE sur cette dernière question, puisque la Cour a expressément relevé dans son arrêt Beaudout du 3 mars 2011 (point 65 notamment) que, si Ag2r prévoyance était considérée comme une entreprise commerciale, l'appréciation du respect de la mise en concurrence de Ag2r prévoyance avec les autres organismes du marché lors de sa désignation et de son renouvellement, relèverait alors des juridictions nationales. Au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'application au défendeur des dispositions des articles 13 et 14 de l'avenant n 83 à la convention collective des professionnels de la boulangerie et de la boulangerie10 pâtisserie doit être écartée comme contraire au droit interne et au droit communautaire, et Ag2r est déboutée de ses demandes » ;
ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé, par un arrêt du 3 mars 2011, que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; que la CJUE a jugé, par le même arrêt, que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la Cour de justice de l'Union européenne a ainsi considéré que les clauses de désignation étaient valables, que l'organisme gestionnaire soit qualifié ou non d'entreprise ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r à l'encontre de la société Holtz et fils, a toutefois retenu que si les jurisprudences internes et européennes avaient validé de manière absolue et sans condition les clauses de migration, il appartenait en revanche au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite, et qu'il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE Beaudout du 3 mars 2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique ; qu'en considérant ainsi que la clause de désignation en cause n'était valable que si AG2R ne constituait pas une entreprise exerçant une activité économique, la cour d'appel a violé les articles 101, et 106 du TFUE ;
ALORS QUE, subsidiairement, les institutions de prévoyance, régies par des dispositions d'ordre public, sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants définis à l'article L.931-3, à savoir, s'agissant des membres adhérents, la ou les entreprises ayant adhéré à un règlement de l'institution ou souscrit un contrat auprès de celle-ci et, s'agissant des membres participants, les salariés, anciens salariés et leur ayants droits ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était à l'évidence illicite ; qu'en statuant ainsi, malgré le contrôle exercé par les partenaires sociaux sur l'institution, et par l'État dans le cadre de l'extension de l'avenant n°83 désignant Ag2r par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d'appel a violé les articles L.931-1 et L.931-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 101, et 106 du TFUE ;
ALORS QUE tout aussi subsidiairement, Ag2r Prévoyance a fait valoir qu'une institution de prévoyance appartenait aux entreprises ainsi qu'à leurs salariés, lesquels désignaient le conseil d'administration paritaire parmi leur membres, que ledit conseil détenait seul le pouvoir, et que tel n'était pas le cas d'une entreprise d'assurance, prestataire de service et tiers aux entreprises (conclusions récapitulatives, p. 13 et conclusions du 22 mai 2012, p. 11), que grâce au régime mis en place au niveau de la branche, Ag2r avait pu faire évoluer le niveau de ses prestations et financer des actions de prévention à hauteur de 500.000 euros (conclusions récapitulatives, p. 19, conclusions du 22 mai 2012, p. 16 et 17) ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était à l'évidence illicite ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le contrôle exercé par l'État lors de l'extension de l'avenant de désignation par arrêté, ni sur le contrôle exercé par les salariés et entreprises, partenaires sociaux, sur l'organisme qu'ils désignaient, mettant en évidence l'absence de marge de négociation de l'organisme, et permettant le développement d'actions de prévention qui ne pourraient être imposées à une entreprise tierce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QU'encore plus subsidiairement, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence préalable avec d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Ag2r prévoyance, demanderesse au pourvoi n° X 13-26.016.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré non fondé l'appel formé par Ag2r prévoyance contre le jugement du tribunal d'instance de Toulouse du 7 février 2012, et D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Ag2r de ses prétentions,
ALORS QUE le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; que la cour d'appel, qui a statué sur les conclusions d'Ag2r visées du 22 mai 2012, bien qu'Ag2r ait déposé des conclusions récapitulatives invoquant des éléments postérieurs, et tout en visant un « mémoire récapitulatif » de M. Frédéric X... du 14 juin 2013, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré non fondé l'appel formé par Ag2r prévoyance contre le jugement du tribunal d'instance de Toulouse du 7 février 2012, et D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Ag2r de ses prétentions,
AUX MOTIFS QUE « il est constant que l'avenant n°83 à la Convention Collective Nationale des Entreprises Artisanales de la Boulangerie et de Boulangerie-Pâtisserie, en date du 24/04/2006 et étendu par arrêté ministériel du 16/10/2006, a pour objet de mettre en place un régime conventionnel relatif à des prestations complémentaires au régime obligatoire de sécurité sociale en cas de frais médicaux, chirurgicaux et d'hospitalisation, et ce afin de répondre d'une part à la mutualisation des risques au niveau professionnel, laquelle permet de pallier les difficultés rencontrées par les entreprises, notamment les plus petites, lors de la mise en place d'une protection sociale complémentaire et de garantir l'accès aux garanties collectives, sans considération notamment d'âge ou d'état de santé, et d'autre part aux impératifs de gestion des prestations par les centres de gestion régionaux de l'organisme assureur dont les entreprises dépendent géographiquement. Cet avenant , applicable à compter du 1/01/2007, a, en son article 13, désigné AG2R PREVOYANCE en application des dispositions de l'article L 912-1 du code de la sécurité sociale comme organisme assureur exclusif, et a prévu, en son article 14, une clause de migration, qui reprenant les termes de l'article 2, aux termes de laquelle l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective citée supra au régime "remboursement complémentaire des frais de soins et de santé" et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné, soit en l'espèce AG2R PREVOYANCE, ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet de cet avenant, soit à compter du 1/01/2007, ces dispositions ayant vocation à recevoir exécution obligatoire même à l'égard des entreprises qui auraient un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par cet avenant. Si les jurisprudences internes et européennes ont validé de manière absolue et sans condition les clauses de migration, il appartient en revanche au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite. En effet, il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE BEAUDOUT du 3/03/2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique. Or, en l'espèce, si l'existence d'un fort degré de solidarité ne peut faire débat dans la mesure où la nature des prestations servies et l'étendue de la couverture accordée ne sont pas proportionnelles au montant des cotisations versées , où les prestations fournies sont dans certains cas indépendantes du paiement des cotisations dues, où il est prévu le maintien de la couverture sociale pendant une certaine période après la rupture des relations contractuelles liant l'employeur et le salarié et où il est prévu une couverture sociale en faveur des ayants droit en cas de décès du salarié, force est de constater en l'espèce l'absence de tout contrôle effectif de l'Etat dans la désignation D'AG2R PREVOYANCE et dans les modalités de fonctionnement de ce régime complémentaire. Or, seuls les partenaires sociaux ont la faculté de désigner, notamment par le biais de conventions ou d'accords collectifs, l'organisme chargé de la gestion de ce régime complémentaire et les termes de l'avenant en cause confient également aux seuls représentants des employeurs et salariés le soin de réexaminer, dans un délai de 5 ans à compter de la date de prise d'effet de cet avenant, soit du 1/01/2007, les modalités d'organisation de la mutualisation du régime concerné, comme celui de réexaminer le montant des cotisations, et ce sans aucune intervention ou contrôle de l'Etat. De même, la réelle autonomie dont dispose AG2R PREVOYANCE vis à vis des autorités étatiques résultent de l'absence de dispositions légales imposant sa désignation en tant que telle ou son acceptation de la mission confiée et ce alors qu'il est constant et non contesté qu'il existe d'autres institutions de prévoyance et compagnie d'assurances susceptibles de remplir le rôle dévolu à cette dernière. Ainsi, force est de relever, à l'instar du premier juge, qu'une totale opacité demeure sur les modes de désignation d'AG2R PREVOYANCE, sur la marge de négociation dont AG2R PREVOYANCE a pu disposer quant aux modalités de son engagement et sur la répercussion de ces éléments sur le mode de fonctionnement du régime concerné dans son ensemble, de telle sorte que, bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, AG2R PREVOYANCE est une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose. Or, faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'AG2R PREVOYANCE est à l'évidence illicite et le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de ses demandes en paiement de cotisations ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT PARTIELLEMENT ADOPTES DU JUGEMENT CONFIRME QUE « Sur la compatibilité des clauses dites de désignation et de migration avec le droit communautaire : selon l'article 101 du TFUE (ex-article 81 TCE) prohibant les "ententes illicites" : " 1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à :a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement, d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. 2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables : - à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises, - à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et - à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans : a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence". L'article 102 du TFUE (ex-article 82 TCE) prohibe les abus de position dominante de la manière suivante : "Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à : a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables, b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs, c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats". Enfin, l'article 106 du TFUE (ex- 86 TCE) précise : "1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus. 2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de l'Union. 3. La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres". La CJUE a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire, en particulier avec les articles 101, 102 et 106 du TFUE, du principe de désignation d'un organisme unique de prévoyance auquel l'affiliation est rendue obligatoire ; toutefois, Monsieur Frédéric X... oppose à Ag2r prévoyance l'argument, non tranché par la CJCE puisqu'il relève de l'appréciation du juge national, selon lequel les règles de désignation et de renouvellement de désignation d'Ag2r tous les cinq ans restent opaques de sorte qu'il ne peut être vérifié si cet organisme respecte bien les règles de libre concurrence. Ag2r prévoyance est une entreprise de droit privé exerçant une activité économique, et entre, de ce fait, dans le champ d'application de l'article 86 du Traité de Rome devenue 106 du TFUE puisque la finalité sociale d'un régime d'assurance n'est pas en soi suffisante pour exclure que l'activité concernée soit qualifiée d'activité économique. Le monopole légal accordé par l'État à Ag2r prévoyance doit être considéré comme un droit exclusif au sens de l'article 86 al.1 (devenu 106 al.1 du TFUE), de sorte que Ag2r prévoyance reste soumise aux règles communautaires de concurrence, tant que l'application de ces règles de concurrence ne font pas échec à l'accomplissement de la mission d'intérêt général qui lui a été impartie, et sous réserve que le contrôle de l'État s'exerce de manière effective. Or, ainsi que le fait justement observer Monsieur Frédéric X..., rien ne permet de considérer, en l'état et au vu des pièces produites, que le choix de Ag2r prévoyance par les partenaires sociaux s'est opéré sous un contrôle réel de l'État, alors que divers organismes de prévoyance offrent sur le marché des garanties similaires voire supérieures pour un même niveau de cotisation et que Ag2r prévoyance a une réelle autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics, et rien ne permet d'affirmer péremptoirement comme le fait Ag2r prévoyance, qu'au regard de l'objectif de solidarité poursuivi il ne saurait y avoir ainsi abus de position dominante. Par ailleurs, la même opacité demeure sur les conditions dans lesquelles s'opère le renouvellement de la désignation de Ag2r prévoyance, prévu tous les cinq ans par l'article 13 al.2 de l'avenant n° 83, et sur les conditions de réexamen du montant des cotisations prévu par l'article 5 al.4 du même texte. Ag2r prévoyance ne produit aucun élément sur ce point, lequel est pourtant soulevé avec force par le défendeur. Il n'y a pas lieu de procéder à un nouveau renvoi devant la CJCE sur cette dernière question, puisque la Cour a expressément relevé dans son arrêt Beaudout du 3 mars 2011 (point 65 notamment) que, si Ag2r prévoyance était considérée comme une entreprise commerciale, l'appréciation du respect de la mise en concurrence de Ag2r prévoyance avec les autres organismes du marché lors de sa désignation et de son renouvellement, relèverait alors des juridictions nationales. Au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'application au défendeur des dispositions des articles 13 et de l'avenant n° 83 à la convention collective des professionnels de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie doit être écartée comme contraire au droit interne et au droit communautaire, et Ag2r est déboutée de ses demandes ».
ALORS QUE la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a décidé, par un arrêt du 3 mars 2011, que l'affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l'ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; que la CJUE a jugé, par le même arrêt, que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l'affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d'activité concerné d'être dispensées de s'affilier audit régime ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r à l'encontre de Monsieur Frédéric X..., a retenu que si les jurisprudences internes et européennes avaient validé de manière absolue et sans condition les clauses de migration, il appartenait en revanche au juge national de vérifier, notamment au vu de l'état du droit communautaire, la licéité de la clause de désignation, cette vérification lui imposant de déterminer dans un premier temps si AG2R peut être qualifiée d'entreprise exerçant ou non une activité économique au sens de l'article 86 du Traité CE devenu 106 du TFUE, d'examiner dans un second temps la réalité et l'étendue du contrôle opéré par l'Etat et les conditions de désignation de l'organisme gestionnaire et ce afin de déterminer dans un dernier temps si le mode de désignation de cet organisme a ou non pour effet de rendre la clause de désignation litigieuse illicite, et qu'il résulte notamment de l'arrêt de la CJUE Beaudout du 3 mars 2011, que la gestion d'une protection sociale complémentaire obligatoire poursuit un objectif social et qu'il appartient au juge national de déterminer si cette activité peut être qualifiée d'économique selon les critères traditionnels en la matière que sont l'existence d'un fort degré de solidarité et celle d'un contrôle étatique ; qu'en statuant ainsi, bien que l'accord désignant Ag2r ait été rendu obligatoire par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d'appel a violé les articles 101, 102 et 106 du TFUE ;
ALORS QUE, subsidiairement, les institutions de prévoyance, régies par des dispositions d'ordre public, sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants définis à l'article L. 931-3, à savoir, s'agissant des membres adhérents, la ou les entreprises ayant adhéré à un règlement de l'institution ou souscrit un contrat auprès de celle-ci et, s'agissant des membres participants, les salariés, anciens salariés et leur ayants droits ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était à l'évidence illicite ; qu'en statuant ainsi, malgré le contrôle exercé par les partenaires sociaux sur l'institution, et par l'État dans le cadre de l'extension de l'avenant n° 83 désignant Ag2r par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 931-1 et L. 931-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 101, 102 et 106 du TFUE ;
ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, Ag2r Prévoyance a fait valoir qu'une institution de prévoyance appartenait aux entreprises ainsi qu'à leurs salariés, lesquels désignaient le conseil d'administration paritaire parmi leur membres, que ledit conseil détenait seul le pouvoir, et que tel n'était pas le cas d'une entreprise d'assurance, prestataire de service et tiers aux entreprises (conclusions récapitulatives, p. 13 et conclusions du 22 mai 2012, p. 11), que grâce au régime mis en place au niveau de la branche, Ag2r avait pu faire évoluer le niveau de ses prestations et financer des actions de prévention à hauteur de 500 000 euros (conclusions récapitulatives, p. 19, conclusions du 22 mai 2012, p. 16 et 17) ; que la cour d'appel, pour rejeter les demandes d'Ag2r prévoyance, a retenu que bien que n'ayant pas de but lucratif et agissant sur le fondement du principe de solidarité, Ag2r prévoyance était, en l'absence de contrôle de l'État, une entreprise exerçant une activité économique qui se devait d'être choisie par les partenaires sociaux sur la base de considérations financières et économiques et surtout parmi d'autres entreprises avec lesquelles elle était en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle proposait, et que faute de justifier de cette mise en concurrence sur le marché concerné, la désignation d'Ag2r prévoyance était à l'évidence illicite ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le contrôle exercé par l'État lors de l'extension de l'avenant de désignation par arrêté, ni sur le contrôle exercé par les salariés et entreprises, partenaires sociaux, sur l'organisme qu'ils désignaient, mettant en évidence l'absence de marge de négociation de l'organisme, et permettant le développement d'actions de prévention qui ne pourraient être imposées à une entreprise tierce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ET ALORS QU'encore plus subsidiairement, aucun texte n'impose que la désignation d'un organisme de prévoyance complémentaire prévue par une convention collective soit soumise à une mise en concurrence préalable ; qu'il en va ainsi fut-ce dans l'hypothèse où l'organisme de prévoyance complémentaire est qualifié d'entreprise ; qu'en considérant toutefois, pour juger illicite la clause de désignation prévue par l'avenant numéro 83 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie pâtisserie, en date du 24 avril 2006, qu'AG2R Prévoyance ne justifiait pas d'une mise en concurrence préalable avec d'autres entreprises avec lesquelles elle est en concurrence sur le marché des services de prévoyance qu'elle propose, la cour d'appel a violé les articles 18, 56, 102 et 106 du TFUE.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-26015;13-26016
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 08 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2015, pourvoi n°13-26015;13-26016


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.26015
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