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11/02/2015 | FRANCE | N°13-22406

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 février 2015, 13-22406


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 4 juin 2013), que M. X..., engagé le 1er octobre 1997 par la société Atelier de bobinage en qualité de magasinier et qui occupait en dernier lieu les fonctions de chef d'atelier, a, après avoir adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 22 décembre 2008, saisi la juridiction prud'homale pour contester le motif économique de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du

salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 4 juin 2013), que M. X..., engagé le 1er octobre 1997 par la société Atelier de bobinage en qualité de magasinier et qui occupait en dernier lieu les fonctions de chef d'atelier, a, après avoir adhéré à la convention de reclassement personnalisé le 22 décembre 2008, saisi la juridiction prud'homale pour contester le motif économique de la rupture du contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une cause économique de licenciement, la mutation technologique ayant entraîné une transformation d'emploi ou modification du contrat qui révèle l'incapacité du salarié à s'adapter à l'évolution de son emploi, même si la compétitivité de l'entreprise n'est pas menacée ; qu'en l'espèce, M. X... a été licencié parce qu'il ne disposait pas « des compétences techniques¿permettant de faire face à d es changements technologiques », soit en raison de la transformation de son emploi consécutive à des mutations technologiques ; qu'en décidant que l'inaptitude du salarié à prendre en charge les nouvelles orientations de l'atelier (maintenance des moteurs à traction) constituait un motif d'ordre personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, la réorganisation de l'entreprise même non liée à des difficultés économiques constitue un motif économique de licenciement, lorsqu'elle est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise; que le juge doit vérifier, peu important qu'elle ne soit pas d'ores et déjà dégradée, si pèse une menace sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en s'étant bornée à constater, de manière inopérante, que l'employeur ne justifiait pas d'une dégradation ou détérioration de sa compétitivité, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le déclin de l'activité traditionnelle de maintenance des moteurs à courant continu au profit du marché lié à la maintenance des moteurs à traction, technologie progressant sur les marchés, n'impliquait pas, préventivement et afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise menacée par l'évolution de ce marché, une restructuration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3°/ qu'en ayant énoncé que le compte rendu de la réunion de délégation unique du personnel du 3 novembre 2008 mentionnait « afin de continuer à répondre aux demandes du marché, l'entreprise a décidé de faire évoluer son activité de maintenance et de réparation vers cette nouvelle technologie » et précisait « le chiffre d'affaires sur les moteurs à bobine a baissé de 15 % en 2008 tandis que le marché lié à la maintenance des moteurs à traction a cru de 8 % », la cour d'appel a dénaturé, par omission, cette pièce, qui mentionnait également clairement que « l'activité traditionnelle de maintenance et de réparation des moteurs courant continu décline au profit de la maintenance des moteurs à traction et que cette évolution était directement liée au progrès de la technique, le nombre des moteurs traditionnels étant appelé à diminuer alors que la technologie plus évoluée des moteurs de traction progresse sur le marché des transports publics », et dont il résultait clairement une modification irréversible du marché sur lequel elle intervenait, en raison de l'évolution technologique ; qu'elle a ainsi méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
4°/ qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ABE ne s'était pas trouvée dans la nécessité d'embaucher immédiatement un deviseur chef d'atelier, spécialiste de la traction, sans avoir la possibilité de maintenir un poste en double, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'employeur ne justifiait pas que des mesures de réorganisation de l'entreprise étaient nécessaires pour la sauvegarde de sa compétitivité, que M. X..., seul salarié licencié sur un effectif de cinquante et un, avait la capacité et la volonté de s'adapter à l'évolution de son emploi, que l'intéressé avait, avant même son licenciement, été remplacé par un autre salarié récemment embauché, ce dont elle a pu déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la véritable cause de la rupture du contrat de travail était inhérente à la personne du salarié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Atelier de bobinage électrique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Atelier de bobinage électrique à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Atelier de bobinage électrique.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs qu' en cas de litige sur les motifs de licenciement, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs au vu des éléments fournis par les parties ; que lorsque l'insuffisance professionnelle du salarié, élément inhérent à sa personne, a été le motif essentiel de son licenciement, le licenciement ne repose pas sur une cause économique ; que l'article 1233-3 du code du travail dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; la réorganisation de l'entreprise ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder sa compétitivité ou celle du groupe auquel elle appartient ; que l'employeur doit alors produire les éléments permettant d'établir que les mesures de réorganisation de l'entreprise sont nécessaires pour la sauvegarde de sa compétitivité ; que ne peut caractériser la nécessité de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la recherche par l'employeur d'une meilleure organisation et le fait de privilégier le niveau de rentabilité de l'entreprise ; que le courrier de convocation à l'entretien préalable mentionne (¿) « plusieurs mesures ont été prises afin de préparer l'atelier à l'évolution de son activité de réparation¿nous avons fait appel à deux spécialistes de la réparation des moteurs, ayant exercée des fonctions d'encadrement en atelier..afin de vous aider à structurer l'organisation de l'atelier et vous permettre d'acquérir le complément technique indispensable à vos fonctions d'encadrement¿il est apparu que seule une formation longue, d'une durée minimale de trois ans, vous permettrait d'acquérir les compétences techniques nécessaires à l'encadrement d'un atelier de réparation de moteurs à traction¿nous vous avons rencontré à l'issue des congés d'été le 8 septembre 2008 pour évoquer¿notre préoccupation quant à vos possibilités d'adaptation face à l'évolution inéluctable des activité de l'atelier¿ » ; que le compte rendu de la réunion de délégation unique du personnel du 3 novembre 2008 mentionne qu'afin de continuer à répondre aux demandes du marché, l'entreprise a décidé de faire évoluer son activité de maintenance et de réparation vers la nouvelle technologie des moteurs à traction et qu'il est précisé que le chiffre d'affaires sur les moteurs à bobine a baissé de 15% en 2008 tandis que celui lié à la maintenance des moteurs à traction a cru de 8%, ce qui ne constitue pas la justification d'une dégradation de la compétitivité du groupe, mais simplement l'expression d'une modification de la structure du chiffre d'affaires ; que de l'ensemble de ces éléments il s'évince d'une part, que l'insuffisance professionnelle de M. X... et son inaptitude à prendre en charge les nouvelles orientations de l'atelier sont le motif essentiel du licenciement, et d'autre part, l'absence de justification par l'employeur que des mesures de réorganisation de l'entreprise étaient nécessaires pour la sauvegarde de la compétitivité ; qu'en effet la baisse du chiffre d'affaires sur les moteurs à bobine ne peut caractériser à elle seule une détérioration de la compétitivité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que le poste de M. X... n'a pas été supprimé mais qu'il a été remplacé par M. Y... avant même d'être licencié ;
Alors 1°) que constitue une cause économique de licenciement, la mutation technologique ayant entraîné une transformation d'emploi ou modification du contrat qui révèle l'incapacité du salarié à s'adapter à l'évolution de son emploi, même si la compétitivité de l'entreprise n'est pas menacée ; qu'en l'espèce, M. X... a été licencié parce qu'il ne disposait pas « des compétences techniques¿permettant de faire face à d es changements technologiques », soit en raison de la transformation de son emploi consécutive à des mutations technologiques ; qu'en décidant que l'inaptitude du salarié à prendre en charge les nouvelles orientations de l'atelier (maintenance des moteurs à traction) constituait un motif d'ordre personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Alors 2°) qu' en tout état de cause, la réorganisation de l'entreprise même non liée à des difficultés économiques constitue un motif économique de licenciement, lorsqu'elle est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que le juge doit vérifier, peu important qu'elle ne soit pas d'ores et déjà dégradée, si pèse une menace sur la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en s'étant bornée à constater, de manière inopérante, que l'employeur ne justifiait pas d'une dégradation ou détérioration de sa compétitivité, au lieu de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le déclin de l'activité traditionnelle de maintenance des moteurs à courant continu au profit du marché lié à la maintenance des moteurs à traction, technologie progressant sur les marchés, n'impliquait pas, préventivement et afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise menacée par l'évolution de ce marché, une restructuration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Alors 3°) qu'en ayant énoncé que le compte rendu de la réunion de délégation unique du personnel du 3 novembre 2008 mentionnait « afin de continuer à répondre aux demandes du marché, l'entreprise a décidé de faire évoluer son activité de maintenance et de réparation vers cette nouvelle technologie » et précisait « le chiffre d'affaires sur les moteurs à bobine a baissé de 15% en 2008 tandis que le marché lié à la maintenance des moteurs à traction a cru de 8% », la cour d'appel a dénaturé, par omission, cette pièce, qui mentionnait également clairement que « l'activité traditionnelle de maintenance et de réparation des moteurs courant continu décline au profit de la maintenance des moteurs à traction et que cette évolution était directement liée au progrès de la technique, le nombre des moteurs traditionnels étant appelé à diminuer alors que la technologie plus évoluée des moteurs de traction progresse sur le marché des transports publics », et dont il résultait clairement une modification irréversible du marché sur lequel elle intervenait, en raison de l'évolution technologique ; qu'elle a ainsi méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 4°) qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ABE ne s'était pas trouvée dans la nécessité d'embaucher immédiatement un deviseur chef d'atelier, spécialiste de la traction, sans avoir la possibilité de maintenir un poste en double, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-22406
Date de la décision : 11/02/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 04 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 fév. 2015, pourvoi n°13-22406


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.22406
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