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10/02/2015 | FRANCE | N°13-27767

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2015, 13-27767


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Balkans Bosphore Logistique Shipping (la société BBL), chargée par la société Fives Stein de l'organisation du transport par conteneurs de matériels devant équiper une usine située à Vyksa (Russie), a confié la partie maritime du déplacement entre les ports de Shanghai (Chine) et Saint-Petersbourg (Russie) à la société Evergeen Shipping Agency, qui a fait appel

pour la réalisation du transport aux sociétés Evergreen Marine UK, Evergreen C...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Balkans Bosphore Logistique Shipping (la société BBL), chargée par la société Fives Stein de l'organisation du transport par conteneurs de matériels devant équiper une usine située à Vyksa (Russie), a confié la partie maritime du déplacement entre les ports de Shanghai (Chine) et Saint-Petersbourg (Russie) à la société Evergeen Shipping Agency, qui a fait appel pour la réalisation du transport aux sociétés Evergreen Marine UK, Evergreen Corporation Taïwan et Evergreen Marine Singapore (les transporteurs maritimes) ; que l'agent Evergreen à Shangai a émis sept connaissements à l'ordre de la société MCT Shipping France (la société MCT), correspondant à Saint-Petersbourg de la société BBL, qui devait assurer le post-acheminement terrestre des conteneurs jusqu'à leur destination finale ; qu'à l'arrivée du navire à Saint-Petersbourg, les transporteurs ont refusé de délivrer les conteneurs à la société MCT, qui avait endossé les connaissements en blanc, tant que cette dernière ne leur fournirait pas un ordre de délivrance et un pouvoir de la société OAO BM3, destinataire final des matériels ; que la société BBL, qui a dû prendre en charge les frais occasionnés par le stationnement prolongé des conteneurs au port de Saint-Petersbourg, a assigné les transporteurs maritimes en remboursement de ses frais et en dommages-intérêts ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la société BBL, l'arrêt, après avoir constaté que les connaissements avait été émis à l'ordre de la société MCT, porteur des originaux qui ont été endossés en blanc par celle-ci, et que la société russe OAO BM3 était désignée comme destinataire final de la marchandise, retient que l'indication du nom de MCT comme destinataire ne devait pas être assortie de la mention à ordre ou, à tout le moins, devait être barrée et remplacée par le nom de la société OAO BM3, véritable bénéficiaire du contrat de transport international et propriétaire des marchandises ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les connaissements avaient été émis à l'ordre de la société MCT, qui les avait endossés en blanc et en était porteur, de sorte que les matériels devaient lui être livrés sans autre exigence que la remise des originaux des connaissements, la cour d'appel, qui a dénaturé ces documents, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne les sociétés Evergreen Shipping Agency France, Evergreen Marine UK, Evergreen Marine Corporation Taïwan et Evergreen Marine Singapore aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société BBL Shipping
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société BBL shipping de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande en paiement des frais de stationnement prolongé des conteneurs au port de Saint-Pétersbourg ;
AUX MOTIFS qu' « il ressort des connaissements maritimes produits aux débats les mentions suivantes : - Evergreen Line Bill of lading - Shipper (chargeur) : Fives Stein Shangai Chine - Consignee : To order of MCT Shipping Service 10/3 Dvinskaya Street St Petersbourg Russia - Notify Party : BBL Shipping - place of discharge and delivery : St Petersburg ¿ Consignee : OAO BM3 ; qu'il en résulte que si les connaissements émis par la société Evergreen étaient à l'ordre de MCT Shipping, porteur des connaissements originaux et que selon la société intimée, ils ont été endossés en blanc par cette dernière, néanmoins la société russe OAO BM3 était désignée comme destinataire final de la marchandise, si bien que l'indication du nom de MCT Shipping comme destinataire ("consignee") ne devait pas être assortie de la mention à ordre ou à tout le moins, devait être barrée et remplacée par le nom de la société OAO BM3, véritable bénéficiaire du contrat de transport international et propriétaire des marchandises, comme la société Evergreen y a procédé ultérieurement ; qu'Evergreen Line a adressé un courrier explicatif en ce sens au conseil de la société BBL Shippping le 16 septembre 2010 pour s'opposer à sa demande tendant au paiement des frais de stationnement prolongé des conteneurs au port de St-Pétersbourg, précisant que dans le souci de protéger les intérêts du client, elle ne peut livrer les marchandises sans avoir les documents requis et que le retard dans la livraison des marchandises est causé par un litige entre clients, non avec le transporteur ; que le connaissement au porteur se transmet par simple tradition alors que c'est l'endossement qui transfère la propriété du titre pour les connaissements à ordre ; que la procédure de livraison imposée à la société BBL Shipping était conforme à la réglementation russe et aux usages au port de St-Pétersbourg ; qu'en effet, la société MCT Shipping n'a pas été en mesure de présenter les documents permettant la délivrance des conteneurs tels que prévus par le code maritime russe (articles 146 et 158) et le code civil russe (articles 182 et 185) dont la traduction française est produite aux débats, selon lesquels tout agent du consignataire doit disposer d'un mandat "power of attorney" ou d'une autorisation de prendre livraison de la cargaison "release order" ; que l'affidavit de l'avocat russe consulté par les appelantes précise que : La loi russe ne permet pas la livraison d'une cargaison à une personne qui bien que détentrice physique des connaissements (connaissement à personne dénommée ou à ordre) n'est pas le consignataire et n'a pas de mandat ou tout document similaire pour livraison de la cargaison. Si le transporteur a livré la cargaison à une telle personne, c'est alors l'équivalent d'une livraison à une personne sans droit ni titre. Dans un tel cas, le consignataire est en droit de réclamer des dommages et intérêts au transporteur et ce dernier ne peut limiter sa responsabilité (article 172 du code maritime russe), concluant que la procédure de réception des conteneurs sous l'empire de la loi russe a été respectée par la société Evergreen Russie, qui est un agent d'Evergreen Allemagne sous couvert d'un contrat d'agence du 2 mai 2006 ; que par ailleurs, dans les ports russes, la société qui est autorisée à recevoir les marchandises pour le compte du consignataire selon les usages locaux doit avoir un contrat de manutention avec la compagnie maritime ou son agent, comme le précise la consultation de l'avocat russe ; qu'un tel contrat, régi par la loi russe, existe entre l'agent Evergreen à St-Pétersbourg, représenté par Evergreen Allemagne et MCT Shipping Service (daté du 1er janvier 2010), qui intègre les règles standard d'Evergreen Allemagne, selon lesquelles celui qui est en charge de la manutention des conteneurs, est responsable du paiement de toutes les charges locales y afférentes ; que comme le font observer les appelantes, la société MCT Shipping qui opère sur le port de St-Pétersbourg était parfaitement au courant des règles pratiquées usuellement et il appartenait à celle-ci de prévenir son cocontractant BBL Shipping de ces usages ; que la consultation de l'avocat russe traduite en français confirme que l'agent russe d'Evergreen ne pouvait qu'exiger de MCT Shipping agissant pour le compte du consignataire OAO BM3, les autorisations de prendre livraison de la cargaison ; qu'en conséquence, il convient de constater que les pièces 25 à 29 produites par les appelantes sont traduites en français contrairement à ce que soutient la société intimée, que la société BBL Shipping ne rapporte pas la preuve d'une faute ou d'une négligence des transporteurs maritimes et de leur agent et par infirmation du jugement entrepris, de débouter ladite société de sa demande tendant au paiement des frais de stationnement prolongé ("surestaries") des conteneurs au port de St-Petersbourg »
1) ALORS que le connaissement représente la marchandise ; que le transporteur maritime est tenu de livrer la marchandise au dernier endossataire du connaissement à ordre ou, en cas d'endos en blanc, au porteur du connaissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « les connaissements émis par la société Evergreen étaient à l'ordre de MCT Shipping, porteur des connaissements originaux et que selon la société intimée, ils ont été endossés en blanc par cette dernière » ; qu'en retenant cependant que les transporteurs maritimes n'avaient pas commis de faute en refusant de livrer la marchandise à la société MCT shipping service, la cour d'appel a violé le principe selon lequel le connaissement représente la marchandise ainsi que l'article 3 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ;
2) ALORS qu'aux termes de l'article 158 du code maritime russe, « les marchandises dont le transport est effectué sur la base d'un connaissement doivent être délivrées par le transporteur au port de déchargement sur présentation du connaissement original : ¿ connaissement à ordre : à la personne à l'ordre duquel le connaissement a été émis, en présence d'endos dans le connaissement à la personne dernier endossataire ou au porteur du connaissement avec un dernier endos en blanc » ; que seule la production du connaissement original est exigée par la réglementation russe de la part du destinataire à l'ordre duquel le connaissement a été émis en cas d'endos en blanc, à l'exclusion de tout autre document ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que « les connaissements émis par la société Evergreen étaient à l'ordre de MCT Shipping, porteur des connaissements originaux et que selon la société intimée, ils ont été endossés en blanc par cette dernière » ; qu'en retenant cependant, pour exclure toute faute ou négligence des transporteurs maritimes et de leur agent, que la société MCT shipping service n'avait pas été en mesure de présenter les documents prévus par la réglementation russe pour obtenir la délivrance des conteneurs ¿ à savoir un mandat ou une autorisation de prendre livraison de la cargaison ¿, la cour d'appel a dénaturé la législation russe et en particulier l'article 158 du code maritime russe, violant ainsi l'article 3 du code civil ;
3) ALORS que les parties au contrat de transport déterminent librement l'identité du destinataire, apte à obtenir la livraison des marchandises à l'issue du transport ; qu'il importe peu qu'il s'agisse ou non du destinataire final des marchandises ; qu'en retenant cependant que, bien que les connaissements aient été émis à l'ordre de la société MCT shipping ¿ dont le nom était mentionné dans la case 3, intitulée « consignee », des connaissements ¿ « l'indication du nom de MCT Shipping comme destinataire ("consignee") ne devait pas être assortie de la mention à ordre ou à tout le moins, devait être barrée et remplacée par le nom de la société OAO BM3 » dès lors que cette dernière était le destinataire final de la marchandise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 3 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement ;
4) ALORS que les parties au litige convenaient que seule la société MCT shipping service avait été désignée comme destinataire de la marchandise au contrat de transport ; que si les sociétés Evergreen contestaient la faculté de cette société de réceptionner la marchandise, ce n'était qu'au regard de sa nationalité, en prétendant qu'elle n'était pas russe mais canadienne, ce qui interdisait de la désigner comme destinataire et justifiait son remplacement sur le connaissement par la société OAO BM3 ainsi que l'exigence de documents supplémentaires pour prendre livraison de la marchandise ; qu'en revanche, il n'était pas prétendu que la société MCT shipping service n'aurait pu prendre livraison de la marchandise en raison de la désignation d'une autre société comme destinataire final ; qu'en retenant cependant que « l'indication du nom de MCT Shipping comme destinataire ("consignee") ne devait pas être assortie de la mention à ordre ou à tout le moins, devait être barrée et remplacée par le nom de la société OAO BM3 » dès lors que cette dernière « était désignée comme destinataire final de la marchandise », la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
5) ALORS que la personne désignée à la case 3 du connaissement intitulée « consignee », c'est-à-dire « destinataire », est le destinataire au contrat de transport, seul habilité à réceptionner la marchandise ; que l'indication de l'identité du destinataire final dans la case 18 du connaissement intitulée «container no and seal no marks et nos », consacrée à la désignation des marchandises, n'a aucune incidence sur la détermination du destinataire au contrat de transport ; qu'en l'espèce, la société MCT shipping service apparaissait dans la case 3, intitulée « consignee », du connaissement ; que la mention « consignee OAO BM3 » figurait dans la case 18, intitulée «container no and seal no marks et nos » du connaissement ; qu'en retenant cependant que la société MCT shipping service intervenait comme agent de la société OAO BM3, destinataire de la marchandise, la cour d'appel a dénaturé le connaissement qui désignait la société MCT shipping comme destinataire de la marchandise au contrat de transport, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
6) ALORS, subsidiairement, que la société BBL shipping soutenait que la société Evergreen shipping agency France avait commis une faute et engagé sa responsabilité à son égard en s'abstenant de l'informer des règles spécifiques appliquées par l'agence Evergreen à Saint-Pétersbourg et en se bornant à lui signaler qu'un destinataire russe devait figurer au connaissement (conclusions de la société BBL shipping, p.15 et 16) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-27767
Date de la décision : 10/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 15 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 fév. 2015, pourvoi n°13-27767


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.27767
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