LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon le second de ces textes, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que suivant le premier, si les juges du fond apprécient souverainement, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d'une convention ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. et Mme X...ont confié la défense de leurs intérêts à la société Y... et associés (l'avocat), à l'occasion d'un litige concernant l'exploitation de leur hôtel-restaurant ; que par reconnaissances de dette signées le 1er octobre 2010 puis le 29 février 2012, M. et Mme X...se sont engagés à verser un honoraire de résultat à leur avocat ; que saisi par l'avocat, le bâtonnier de l'ordre a, par décision du 23 janvier 2013, fixé les honoraires dus par M. et Mme X...et la société DS à une certaine somme ;
Attendu que pour infirmer la décision du bâtonnier et renvoyer l'avocat à remettre à M. et Mme X...et la société DS une facture détaillée conforme aux prescriptions du règlement intérieur national de la profession d'avocat, l'ordonnance énonce qu'aucune convention d'honoraires n'a été régularisée entre M. et Mme X...et l'avocat, la reconnaissance de dette signée le 1er octobre 2010 par M. et Mme X...ainsi que la société DS et réitérée le 29 février 2012 ne pouvant être assimilée à une convention d'honoraires ; qu'aucune note d'honoraires n'est produite ni aucun compte détaillé permettant aux appelants de vérifier la justification de l'honoraire sollicité à hauteur de 60 000 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait l'avocat, M. et Mme X...et la société DS n'avaient pas donné leur accord en vue du règlement d'un honoraire de résultat, après service rendu, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré M. et Mme X...et la société DS recevables en leur recours et dit que la société les 2 AS n'était pas concernée par cette procédure, l'ordonnance rendue le 15 janvier 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. et Mme X...et la société DS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X...et de la société DS, les condamne à payer à la société Y... et associés la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Y... et associés
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'ordonnance infirmative attaquée encourt la censure ;
EN CE QU'elle a infirmé la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de VERSAILLES du 23 janvier 2013 et enjoint à la SCP Y... et ASSOCIES d'avoir à remettre à Monsieur et Madame X...et à la SCI DS une facture détaillée conforme aux prescriptions du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;
AUX MOTIFS QUE « la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat ; que dans le cadre de cette procédure, ni le Bâtonnier en première instance ni le premier président ou son délégataire n'ont le pouvoir de se prononcer sur les ou manquements éventuels, à les supposer établis, qu'aurait pu commettre dans le suivi de sa mission qui lui a été confiée ni à plus forte raison procéder à la réduction d'honoraires facturées dont l'exécution est justifiée, aux motifs d'une insuffisance de qualité de celles-ci, ni ordonner le remboursement par l'avocat de condamnations personnelles prononcées à l'encontre du client ; qu'aucune convention été régularisée entre monsieur et madame Michel X...et la SCP Y... et associés, la reconnaissance de dette signée le 1er octobre 2010 par monsieur et Madame Michel X...et la Sci DS et réitérée le 29 février 2012 ne pouvant être assimilée à une convention d'honoraires ; que selon 10 de la loi du 31 décembre 1971, à défaut de convention entre et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que la SCP Y... et associés verse aux débats des pièces justifiant de diligences accomplies dans l'intérêt des requérants ; que néanmoins aucune note n'est produite ni aucune compte détaillé permettant aux appelants de vérifier la justification de l'honoraire sollicité à hauteur de 60 000 euros ; que l'article 11. 7 du règlement intérieur national de la profession d'avocat préconise qu'avant tout règlement définitif, l'avocat remet à son client un compte détaillé faisant ressortir distinctement les frais et déboursés, les émoluments tarifés et les honoraires ; qu'il porte mention des sommes précédemment reçues à titre de provision ou à tout autre titre ; que ce compte doit être délivré par l'avocat à la demande de son client ou du bâtonnier, ou lorsqu'il en est requis par le président du tribunal de grande instance ou le premier président de la cour d'appel, saisi d'une contestation en matière d'honoraires ou débours ou en matière de taxe ; qu'il ne ressort pas des termes de l'ordonnance du bâtonnier que ce compte ait été demandé dans le cadre de la procédure de taxe ; que dans cette hypothèse, la demande de de la SCP Y... et associés était irrecevable ; qu'il y a lieu de renvoyer la SCP Y... associés à remettre à monsieur et madame Michel X...et la SCl DS une facture détaillée conforme aux prescriptions du règlement intérieur national précité quant aux éléments de sa rémunération afin de déterminer précisément ses honoraires ; que ce compte détaillé est d'autant plus nécessaire dans la présente instance que l'honoraire de 60 000 euros réclamé n'est pas précisé comme étant un honoraire de résultat » ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors que le montant de l'honoraire a été accepté par le client, après services rendus, que cette acceptation ait ou non été précédée d'une convention d'honoraires, le juge ne peut manquer de constater que l'honoraire est dû dans la mesure où les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en s'abstenant de rechercher en l'espèce si la reconnaissance de dette du 29 février 2012, comme le soutenait la SCP Y... et ASSOCIES, n'était pas postérieure à la prestation fournie, et si, dès lors, il en résultait que le juge n'avait aucun pouvoir d'appréciation, excluant par suite qu'il puisse être enjoint à l'avocat d'avoir à produire un compte détaillé de ses diligences à l'effet de déterminer l'honoraire susceptible d'être dû, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que le montant de l'honoraire a été accepté par le client, après services rendus, que cette acceptation ait ou non été précédée d'une convention d'honoraires, le juge ne peut manquer de constater que l'honoraire est dû ; qu'à supposer que l'ordonnance puisse être comprise comme étant fondée sur l'idée que le juge a, en toute hypothèse, le pouvoir de contrôler les diligences de l'avocat, pour s'assurer de la conformité de la somme demandée et des diligences accomplies, qu'il y ait ou non accord du client postérieurement aux prestations accomplies, alors même que le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation en cas d'accord du client postérieurement auxdites prestations, les juges du fond ont violé les articles 1134 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'ordonnance infirmative attaquée encourt la censure ;
EN CE QU'elle a infirmé la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de VERSAILLES du 23 janvier 2013 et enjoint à la SCP Y... et ASSOCIES d'avoir à remettre à Monsieur et Madame X...et à la SCI DS une facture détaillée conforme aux prescriptions du règlement intérieur national de la profession d'avocat ;
AUX MOTIFS QUE « la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat ; que dans le cadre de cette procédure, ni le Bâtonnier en première instance ni le premier président ou son délégataire n'ont le pouvoir de se prononcer sur les ou manquements éventuels, à les supposer établis, qu'aurait pu commettre dans le suivi de sa mission qui lui a été confiée ni à plus forte raison procéder à la réduction d'honoraires facturées dont l'exécution est justifiée, aux motifs d'une insuffisance de qualité de celles-ci, ni ordonner le remboursement par l'avocat de condamnations personnelles prononcées à l'encontre du client ; qu'aucune convention été régularisée entre monsieur et madame Michel X...et la SCP Y... et associés, la reconnaissance de dette signée le 1er octobre 2010 par monsieur et Madame Michel X...et la Sci DS et réitérée le 29 février 2012 ne pouvant être assimilée à une convention d'honoraires ; que selon 10 de la loi du 31 décembre 1971, à défaut de convention entre et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que la SCP Y... et associés verse aux débats des pièces justifiant de diligences accomplies dans l'intérêt des requérants ; que néanmoins aucune note n'est produite ni aucune compte détaillé permettant aux appelants de vérifier la justification de l'honoraire sollicité à hauteur de 60 000 euros ; que l'article 11. 7 du règlement intérieur national de la profession d'avocat préconise qu'avant tout règlement définitif, l'avocat remet à son client un compte détaillé faisant ressortir distinctement les frais et déboursés, les émoluments tarifés et les honoraires ; qu'il porte mention des sommes précédemment reçues à titre de provision ou à tout autre titre ; que ce compte doit être délivré par l'avocat à la demande de son client ou du bâtonnier, ou lorsqu'il en est requis par le président du tribunal de grande instance ou le premier président de la cour d'appel, saisi d'une contestation en matière d'honoraires ou débours ou en matière de taxe ; qu'il ne ressort pas des termes de l'ordonnance du bâtonnier que ce compte ait été demandé dans le cadre de la procédure de taxe ; que dans cette hypothèse, la demande de de la SCP Y... et associés était irrecevable ; qu'il y a lieu de renvoyer la SCP Y... associés à remettre à monsieur et madame Michel X...et la SCl DS une facture détaillée conforme aux prescriptions du règlement intérieur national précité quant aux éléments de sa rémunération afin de déterminer précisément ses honoraires ; que ce compte détaillé est d'autant plus nécessaire dans la présente instance que l'honoraire de 60 000 euros réclamé n'est pas précisé comme étant un honoraire de résultat » ;
ALORS QUE, saisi d'une contestation d'honoraires, le magistrat délégataire du premier président doit statuer au fond à l'effet de dire s'il existe ou non une dette d'honoraires au profit de l'avocat ; qu'en se bornant en l'espèce, en mettant fin à l'instance devant lui, à prescrire la production d'un décompte, quand il avait l'obligation, fût-ce après une mesure d'instruction, de statuer au fond, ce qui lui interdisait de se dessaisir, le magistrat délégataire du premier président a violé l'article 4 du Code civil, ensemble l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.