La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2015 | FRANCE | N°13-16835

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 février 2015, 13-16835


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc. 15 décembre 2011, n° 10-23.483), que M. X... exerçait en dernier lieu les fonctions d'engagement manager, cadre, niveau 3.2, coefficient 210 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques des cabinets d'ingénieurs conseils (dite SYNTEC), dans la société Atos ; que devant la cour d'appel de renvoi, soutenant que l'employeur avait sciemment dissimulé une partie de son emploi salarié par le truchement de la conventi

on de forfait, il a ajouté à des demandes d'indemnités pour licenc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc. 15 décembre 2011, n° 10-23.483), que M. X... exerçait en dernier lieu les fonctions d'engagement manager, cadre, niveau 3.2, coefficient 210 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques des cabinets d'ingénieurs conseils (dite SYNTEC), dans la société Atos ; que devant la cour d'appel de renvoi, soutenant que l'employeur avait sciemment dissimulé une partie de son emploi salarié par le truchement de la convention de forfait, il a ajouté à des demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 8221-5 du code du travail, ensemble l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant au versement d'une indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, l'arrêt énonce que l'affirmation selon laquelle la convention de forfait serait illégitime ne peut permettre de retenir, sauf intention frauduleuse de l'employeur, dont son conseil ne fait pas état, l'existence d'un travail dissimulé préjudiciable à M. X... ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher au préalable, comme il lui était demandé, si la convention de forfait était ou non licite, et dans l'hypothèse où elle serait illicite, si l'employeur avait eu l'intention de dissimuler le travail du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour limiter à la somme de 35 000 euros la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir, par motifs non critiqués, retenu l'absence de bien fondé de la rupture, retient que le salarié était rémunéré à hauteur de la somme brute de 5 505,23 euros par mois ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les parties s'accordaient devant elle sur le montant d'un salaire mensuel supérieur à celui retenu par ses soins, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé, et en ce qu'il limite le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 35 000 euros, l'arrêt rendu le 28 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Atos integration aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... tendant au versement d'une indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

AUX MOTIFS QUE l'affirmation selon laquelle la convention de forfait serait illégitime ne peut permettre de retenir, sauf intention frauduleuse de l'employeur, dont son conseil ne fait pas état, l'existence d'un travail dissimulé préjudiciable à M. X....

ALORS QUE, l'élément intentionnel du travail dissimulé est constitué dès lors que l'employeur se soustrait en connaissance de cause aux obligations que lui impose la loi ; que l'existence d'une convention de forfait ne peut servir à dissimuler une partie de l'activité d'un emploi salarié ; que le respect du droit à la santé et au repos du salarié impose que l'employeur qui a conclu avec le salarié une convention respecte les maxima et minima légaux en matière de durée du travail, et contrôle, par des entretiens réguliers, la charge et l'amplitude de travail ; que le salarié soutenait que l'employeur n'avait pas respecté les exigences légales concernant la validité de sa convention de forfait, ce qui constituait la dissimulation prohibée ; que la Cour d'appel, qui a dit que l'illicéité de la convention de forfait, ayant conduit l'employeur à mentionner sciemment sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement pratiqué, ne caractérisait pas à elle seule la volonté de dissimuler de l'employeur, a violé l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que l'article L. 8221-5 du Code du travail.

QU'en ne recherchant pas si, comme il était soutenu, la convention de forfait était illicite et dissimulait volontairement les heures de travail réelles, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions

Et ALORS enfin QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits des parties ; que pour rejeter la demande d'indemnité pour travail dissimulé, la Cour d'appel a considéré le salarié ne faisait pas état de l'intention frauduleuse de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des écritures d'appel du salarié qu'il avait invoqué et soutenu l'existence d'une intention frauduleuse de travail dissimulé, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant de l'indemnité de
licenciement sans cause réelle et sérieuse à un montant de 35.000 euros

AUX MOTIFS QUE M. X... fut au service de la société Atos Origin, en qualité d'ingénieur en chef, du 1er décembre 1997 au 13 novembre 2008 ; Ce salarié a été licencié par une lettre en date du 13 août 2008 énonçant comme motifs de la mesure un comportement de défiance , délibérément négatif , s'illustrant par des critiques systématiques à l'égard de sa hiérarchie' et teinté d'une ironie visant à déstabiliser la hiérarchie , ce dont il résulte que le licenciement a notamment été prononcé pour des motifs disciplinaires ; Le conseil du salarié, sous une réserve, relève que les faits reprochés remontent pour le plus tardif d'entre eux au mois de mars 2008, de sorte qu'ils sont prescrits ; Au titre des faits non prescrits, la lettre de licenciement énonce : L'entreprise est en droit d'attendre d'un manager une certaine réserve tant sur ses opinions relatives à ses collègues de travail que sur les orientations stratégiques de l'entreprise. Une de ses missions essentielles est de porter les décisions de l'entreprise ; La région Sud Est pilotée par Delphine R. Y... est dans une phase cruciale de repositionnement sur le marché qui requiert une adhésion plus forte que jamais de l'ensemble de ses équipes et plus particulièrement du management. Or, vos divergences de vue avec le Direction sur les décisions prises en matière de stratégie de développement de l'activité Sud Est se traduisent par un manque d'adhésion flagrant à notre politique business et une contestation quasi systématique sur les moyens mis en oeuvre pour développer notre activité ; De surcroît votre défiance vis à vis de l'équipe de management et les critiques récurrentes tant à son égard que vis à vis de vos collègues nuisent au bon fonctionnement de l'agence de Sophia et au climat de travail ; Enfin nous regrettons de constater que vous ne faites pas preuve de professionnalisme dans l'exercice de votre fonction de manager : le ton de votre communication tant écrite qu'orale est souvent agressif et vous semblez avoir du mal à prendre du recul et faire le distinguo entre votre situation personnelle de salarié et votre fonction de manager ; A l'occasion de revues de personnel au cours desquelles les positionnements syntec, GCM et salarial de chaque collaborateur sont examinées, vous n'avez eu de cesse, et ce en présence des autres managers et de la responsable ressources humaines, d'évoquer votre cas personnel, ce qui n'était pas l'objet de ces réunions ; De même à l'occasion du projet AMADEUS S. vous avez démontré votre incapacité à être solidaire des autres managers et de leurs besoins en ressources ; Ce manque de professionnalisme et cet état d'esprit négatif ont pris toute leur mesure au cours des deux derniers mois.' ; Mais l'employeur a sanctionné ce comportement en retirant à M. X..., le 17 juillet 2008, sa fonction de manager, avec la passation de ses dossiers aux directeurs de projet, comme l'énonce la lettre de licenciement ; Cette rétrogradation immédiate constituait une sanction pour des motifs identiques à ceux énoncés au soutien de la rupture ; Ce faisant l'employeur épuisait son pouvoir disciplinaire ; Privé de ses pouvoirs le 17 juillet 2008, M. X... fut placé dans l'incapacité de réitérer les manquements qui lui sont reprochés entre cette date et son départ de l'entreprise ; Il s'ensuit que la cour infirmera le jugement déféré en retenant que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une cause réelle ; M. X... était rémunéré à hauteur de la somme brute de 5 505,23 euros par mois ; Il comptait une ancienneté de près de 11 années au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de 11 salariés ; Âgé de 43 ans au jour de la rupture de son contrat de travail, l'intéressé justifie d'une période de chômage du 23 mars 2009 au 31 janvier 2010 ; La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour arrêter à la somme de 35 000 euros la juste et entière réparation de son nécessaire préjudice

ALORS QUE, l'indemnité versée au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'il y a lieu de tenir compte non pas seulement de la rémunération mensuelle fixe mais de la rémunération variable ; qu'en se fondant uniquement sur la seule rémunération fixe du salarié, sans prendre en considération la partie variable de sa rémunération, la Cour d'appel a violé l'article L. 1235-3 du Code du travail.

ALORS SURTOUT QU'il était acquis aux débats, les parties étant d'accord sur ce point ainsi qu'il résultait de leurs écritures respectives, que la rémunération à prendre en compte était de 10 311.75 euros mensuels ; qu'en n'allouant que 35000 euros, soit moins de 6 mois de la rémunération fixe, la Cour d'appel a derechef violé l'article L. 1235-3 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-16835
Date de la décision : 04/02/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 février 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 fév. 2015, pourvoi n°13-16835


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.16835
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award