LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 août 2013), que par acte du 9 juin 2007, la société Roger and Co Finances a cédé à la société Marolles la totalité des parts représentant le capital de la société L'Alpage, laquelle exploitait un hôtel-restaurant ; qu'un arrêté préfectoral du 9 juin 2009 a retiré à cet établissement le classement en catégorie 2 étoiles ; que reprochant à la société Roger and Co Finances de lui avoir, par des manoeuvres dolosives, cédé un hôtel classé 2 étoiles qui n'était pas conforme à la réglementation en vigueur, la société Marolles l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Marolles fait grief à l'arrêt de dire irrecevables ses demandes alors, selon le moyen, que le dol commis par le cédant de parts sociales ouvre au cessionnaire victime une action en responsabilité délictuelle pour obtenir la réparation du préjudice subi ; qu'en l'espèce, la société Marolles sollicitait, en qualité de cessionnaire des actions de la société L'Alpage, la réparation du préjudice personnel constitué par la perte sur investissement résultant pour elle de la dissimulation par le cédant de la non-conformité de l'hôtel exploité par la société L'Alpage à la réglementation fixant le classement des hôtels en catégorie 2 étoiles et de l'impossibilité pour la société cédée de réaliser le chiffre d'affaires présenté dans les documents comptables lors de la cession des parts en se conformant à cette réglementation ; qu'elle évaluait principalement le gain dont elle avait été privée au montant de la perte d'exploitation de la société L'Alpage du fait de cette non-conformité ; que dès lors, en déclarant irrecevable sa demande d'indemnisation, bien qu'en sa qualité de cessionnaire de l'intégralité des parts de la société L'Alpage, elle justifiât d'un intérêt propre à agir contre le cédant, sur le fondement du dol ou subsidiairement de l'erreur, en réparation du préjudice personnel subi en acquérant les parts sociales, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les demandes de la société Marolles, fondées sur le dol et subsidiairement sur l'erreur, ne tendent qu'à l'allocation directe à son profit de dommages-intérêts en réparation des préjudices d'exploitation, de mise en conformité et d'image subis par la société L'Alpage, personne morale distincte qui exploitait l'hôtel en cause ; qu'il relève encore que ces demandes ne tendent pas à réparer le préjudice qui aurait été directement supporté par la société Marolles ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la société Marolles ne justifiait pas d'un intérêt propre à agir contre le cédant en réparation du préjudice qu'elle aurait personnellement subi en acquérant les parts sociales, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Marolles fait encore grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur le dol et subsidiairement sur l'erreur alors, selon le moyen :
1°/ que commet un dol, le cédant de parts sociales qui dissimule au cessionnaire des faits qui affectent l'usage et la destination du fonds de commerce exploité par la société cédée ; qu'en l'espèce, l'acte de cession de l'intégralité des parts sociales de la société L'Alpage du 9 juin 2007 stipulait que : « Le fonds de commerce satisfait aux normes d'hygiène et de sécurité des biens et des personnes en vigueur permettant l'exploitation actuelle du fonds classé en catégorie 2 étoiles, et le cédant a satisfait à toutes les obligations y afférentes » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le 16 août 2007, la DDCCRF a procédé au contrôle du fonds de commerce d'hôtel et constaté la non-conformité de la plupart des chambres au classement en hôtel 2 étoiles ; que dès lors, en se bornant à affirmer que l'intention dolosive du cédant n'était pas établie, l'hôtel ayant été classé deux étoiles par le passé et encore au moment de la vente, sans rechercher, comme le lui demandait la société Marolles dans ses conclusions d'appel, si le cédant n'avait pas commis un dol en déclarant dans l'acte de cession qu'il avait satisfait à toutes les obligations afférentes au classement de l'hôtel en catégorie 2 étoiles, bien qu'en réalité l'hôtel litigieux n'ait pas été conforme aux normes exigées par la réglementation en vigueur pour bénéficier de ce classement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2°/ que l'erreur du cessionnaire sur la valeur des titres sociaux, dès lors qu'elle a été provoquée par une manoeuvre du cédant, peut donner lieu à une action en responsabilité délictuelle pour dol ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Marolles soutenait qu'en lui cédant l'intégralité des parts de la société qui exploitait un hôtel 2 étoiles sans l'informer de ce que cet hôtel n'était pas aux normes exigées par la réglementation pour un classement 2 étoiles et que le chiffres d'affaires présenté n'aurait pas été réalisé si l'hôtel avait été en conformité avec ce classement, la société Roger and Co Finances l'avait induite en erreur sur la valeur des parts sociales de cette société qu'elle aurait négocié à un prix moindre si elle avait connu la situation ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'erreur commise par l'exposante sur la valeur des parts achetées n'avait pas été provoquée par le défaut d'information du cédant sur la non-conformité de l'hôtel exploité par lui au classement 2 étoiles dont il bénéficiait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant déclaré irrecevables les demandes formées par la société Marolles, le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marolles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Roger and Co Finances la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Marolles
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevables les demandes de la société Marolles ;
AUX MOTIFS QUE les demandes de la société Marolles, fondées sur le dol ou subsidiairement l'erreur, ne tendent qu'à l'allocation directe à son profit des préjudices d'exploitation, de mise en conformité et d'image subis par sa filiale, la société L'Alpage, personne morale distincte qui exploitait l'hôtel litigieux, et non du préjudice qu'elle aurait directement supporté à charge pour elle d'en indiquer et établir le quantum et d'en démontrer le lien de causalité direct et certain avec les faits dénoncés ; que, nul ne plaidant par procureur, ces demandes sont irrecevables ;
ALORS QUE le dol commis par le cédant de parts sociales ouvre au cessionnaire victime une action en responsabilité délictuelle pour obtenir la réparation du préjudice subi ; qu'en l'espèce, la société Marolles sollicitait, en qualité de cessionnaire des actions de la société L'Alpage, la réparation du préjudice personnel constitué par la perte sur investissement résultant pour elle de la dissimulation par le cédant de la non-conformité de l'hôtel exploité par la société L'Alpage à la réglementation fixant le classement des hôtels en catégorie 2 étoiles et de l'impossibilité pour la société cédée de réaliser le chiffre d'affaires présenté dans les documents comptables lors de la cession des parts en se conformant à cette réglementation ; qu'elle évaluait principalement le gain dont elle avait été privée au montant de la perte d'exploitation de la société L'Alpage du fait de cette non-conformité ; que dès lors, en déclarant irrecevable sa demande d'indemnisation, bien qu'en sa qualité de cessionnaire de l'intégralité des parts de la société L'Alpage, elle justifiât d'un intérêt propre à agir contre le cédant, sur le fondement du dol ou subsidiairement de l'erreur, en réparation du préjudice personnel subi en acquérant les parts sociales, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d'avoir débouté la société Marolles de ses demandes tendant à voir condamner la société Roger and Co Finances, à titre principal sur le fondement du dol et subsidiairement sur celui de l'erreur, à lui verser les sommes de 223.340 ¿ au titre de la perte d'exploitation subie, 10.487,27 ¿ TTC au titre de remboursement des frais de mise en conformité et 5.000 ¿ en réparation de son préjudice d'image ;
AUX MOTIFS QUE, surabondamment, c'est à juste titre que les premiers juges n'ont retenu ni le dol, ni l'erreur ; qu'en effet l'intention dolosive du cédant n'est pas établie, l'hôtel ayant été classé deux étoiles par le passé et encore au moment de la vente ; que l'erreur sur la valeur des parts ou sur la rentabilité de l'opération ne constitue pas une erreur sur une qualité substantielle de la chose, étant relevé qu'il n'est pas allégué ni encore moins démontré que la situation de la société cédée, dont il n'est pas soutenu qu'elle n'existerait plus ou ne serait plus « in bonis » à l'heure actuelle, aurait été irrémédiablement compromise ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE commet un dol, le cédant de parts sociales qui dissimule au cessionnaire des faits qui affectent l'usage et la destination du fonds de commerce exploité par la société cédée ; qu'en l'espèce, l'acte de cession de l'intégralité des parts sociales de la société L'Alpage du 9 juin 2007 stipulait que : « Le fonds de commerce satisfait aux normes d'hygiène et de sécurité des biens et des personnes en vigueur permettant l'exploitation actuelle du fonds classé en catégorie 2 étoiles, et le cédant a satisfait à toutes les obligations y afférentes » ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le 16 août 2007, la DDCCRF a procédé au contrôle du fonds de commerce d'hôtel et constaté la non-conformité de la plupart des chambres au classement en hôtel 2 étoiles ; que dès lors, en se bornant à affirmer que l'intention dolosive du cédant n'était pas établie, l'hôtel ayant été classé deux étoiles par le passé et encore au moment de la vente, sans rechercher, comme le lui demandait l'exposante dans ses conclusions d'appel, si le cédant n'avait pas commis un dol en déclarant dans l'acte de cession qu'il avait satisfait à toutes les obligations afférentes au classement de l'hôtel en catégorie 2 étoiles, bien qu'en réalité l'hôtel litigieux n'était pas conforme aux normes exigées par la réglementation en vigueur pour bénéficier de ce classement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;
2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'erreur du cessionnaire sur la valeur des titres sociaux, dès lors qu'elle a été provoquée par une manoeuvre du cédant, peut donner lieu à une action en responsabilité délictuelle pour dol ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, l'exposante soutenait qu'en lui cédant l'intégralité des parts de la société qui exploitait un hôtel 2 étoiles sans l'informer de ce que cet hôtel n'était pas aux normes exigées par la réglementation pour un classement 2 étoiles et que le chiffres d'affaires présenté n'aurait pas été réalisé si l'hôtel avait été en conformité avec ce classement, la société Roger and Co Finances l'avait induite en erreur sur la valeur des parts sociales de cette société qu'elle aurait négocié à un prix moindre si elle avait connu la situation ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si l'erreur commise par l'exposante sur la valeur des parts achetées n'avait pas été provoquée par le défaut d'information du cédant sur la non-conformité de l'hôtel exploité par lui au classement 2 étoiles dont il bénéficiait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil.