LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... était engagée depuis 2005 par contrats à durée déterminée par l'Association d'aide familiale populaire de l'arrondissement (AAFP) du Havre en qualité d'agent à domicile ; que, le 16 mai 2011, le tribunal de grande instance a ordonné la cession, dans un délai de quarante-cinq jours, de l'activité de l'AAFP du Havre au profit de l'AAFP de Rouen, le transfert des emplois attachés à son activité en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et prononcé sa liquidation judiciaire, Mme Y... étant désignée en qualité de liquidateur ; que la salariée dont le contrat de travail a été repris par l'AAFP de Rouen, a sollicité la requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause le CGEA de Rouen, alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire tout à la fois se placer à la date de la fin de la prise d'effet du dernier contrat à durée déterminée conclu entre Mme X... et l'AAFP du Havre pour mettre la CGEA de Rouen hors de cause et se placer à la date de la signature dudit contrat pour mettre l'AAFP de Rouen hors de cause, aboutissant ainsi à retenir en même temps deux faits générateurs différents, pour apprécier les conséquences d'une seule et même rupture du contrat de travail, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que sont garanties les créances résultant de la rupture de contrats de travail intervenues pendant la période d'observation et dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'en retenant comme date de rupture du contrat de travail conclu entre Mme X... et l'AAFP du Havre, non la date de refus de l'AAFP de Rouen de continuer le contrat de travail de Mme X..., après son transfert effectif, mais celle de la fin de la prise d'effet du dernier contrat à durée déterminée, au 30 juin 2011, pour déclarer non due la garantie de la CGEA de Rouen, motif pris que le jugement arrêtant le plan de cession de l'activité de l'AAFP du Havre au profit de l'AAFP de Rouen serait intervenu le 16 mai précédent, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail ;
Mais attendu que la cassation à intervenir rend sans objet ce moyen en ce qu'il critique la mise hors de cause du CGEA de Rouen pour les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de celles qui seraient dues par l'AAFP du Havre au titre de l'exécution du contrat au jour du jugement prononçant la liquidation ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Attendu que pour prononcer la mise hors de cause de l'AAFP de Rouen et pour fixer les indemnités de rupture et de dommages-intérêts de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de l'AAFP du Havre, l'arrêt retient que l'ensemble des contrats à durée déterminée a été conclu avec l'AAFP du Havre, y compris le dernier signé trois semaines après le jugement de liquidation judiciaire, que le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont le contrat de travail subsiste, aux obligations qui incombaient à l'ancien à la date de la modification sauf en cas, notamment, de liquidation judiciaire, que l'indemnité de requalification d'un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des obligations légales et pèse ainsi sur l'employeur l'ayant conclu et que dès lors, l'AAFP de Rouen doit être mise hors de cause, puisque c'est son homologue du Havre qui a signé tous les contrats litigieux et que la cession s'est opérée dans le cadre d'une procédure judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit aux indemnités liées à la rupture du contrat de travail naît à la date de cette rupture et que leur paiement incombe à l'employeur qui a prononcé la rupture, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande en paiement d'une indemnité de requalification mais d'indemnisation de la rupture du contrat de travail et qui avait constaté que le contrat de travail avait pris fin après son transfert à l'AAFP de Rouen, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la mise hors de cause de l'AAFP de Rouen et en ce qu'il fixe au passif de l'AAFP du Havre les créances de la salariée, l'arrêt rendu le 12 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne Mme Y..., ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, ayant prononcé la requalification des contrats à durée déterminée de Mme X... en un contrat à durée indéterminée, d'avoir prononcé la mise hors de cause de l'AAFP de Rouen ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1242-2 en réalité L.1224-2 du code du travail dispose que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf en cas, notamment, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'en droit, l'indemnité de requalification d'un contrat à durée indéterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse ainsi sur l'employeur l'ayant conclu ; qu'en l'espèce, l'ensemble des contrats litigieux a été conclu par Mme X... avec l'AAFP du Havre, y compris les derniers signés en date du 7 juin 2011, soit trois semaines après que le jugement de liquidation judiciaire avait été rendu ; qu'en effet, le tribunal de grande instance avait ordonné que la prise de possession par le cessionnaire intervienne au plus tard dans un délai de quarante-cinq jours à compter du jugement ; que dès lors, l'AAFP de Rouen devait être mise hors cause puisque c'est son homologue du Havre qui avait signé tous les contrats litigieux et que la cession s'était opérée dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire ;
1°/ ALORS QUE tout nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf en cas, notamment, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'en cause d'appel, Mme X... avait sollicité la confirmation du jugement qui avait requalifié ses contrats à durée déterminée conclus avec l'AAFP du Havre en un contrat à duré indéterminée, rompu dès lors qu'aucune procédure de licenciement n'avait été engagée, laquelle rupture produisait en conséquence les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en se fondant sur des motifs inopérants liés à la date à laquelle naissent les indemnités de requalification de contrats à durée déterminée, à savoir celle de la conclusion desdits contrats, pour déclarer en conséquence l'AAFP du Havre débitrice du paiement des indemnités de licenciement, et non l'AAFP du Rouen, cessionnaire des contrats de travail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1224-2 du code du travail ;
2°) ALORS QUE les juges du fond doivent se placer à la date du transfert effectif de l'entité économique pour déterminer lequel des deux employeurs, l'ancien ou le nouveau, cessionnaire, doit être déclaré débiteur du paiement des indemnités de licenciement, consécutivement à la requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, réputé rompu sans cause réelle et sérieuse, faute de procédure de licenciement régulière ; que pour déclarer l'AAFP du Havre, mise en liquidation judiciaire par jugement du 16 mai 2011 ayant ordonné le transfert des contrats dans un délai de quarante-cinq jours à l'AAFP de Rouen, débitrice du paiement des indemnités de licenciement dues à Mme X..., en raison de la requalification en un contrat à durée indéterminée des cent quatre-vingt-trois contrats à durée déterminée, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur la date de signature du dernier de ces contrats à durée déterminée, le 7 juin 2011 ; qu'en se fondant sur un motif inopérant tiré de la date de signature du dernier contrat à durée déterminée sans constater la date du transfert effectif de l'entité économique autonome et, partant, du contrat de travail de Mme X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision de déclarer l'AAFP du Havre, son employeur et à ce titre, débitrice du paiement des indemnités de licenciement, et non l'AAFP de Rouen, au regard de l'article L. 1224-2 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir mis le CGEA de Rouen hors de cause ;
AUX MOTIFS QU'il résulte notamment de l'article L. 3253-8 du code du travail que l'assurance mentionnée à l'article L. 3253-6 couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; qu'en l'espèce, l'effet des derniers contrats signés par Mme X... a pris fin le 30 juin 2011, soit plus d'un mois après le jugement arrêtant le plan de cession du 16 mai 2011 ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire tout à la fois se placer à la date de la fin de la prise d'effet du dernier contrat à durée déterminée conclu entre Mme X... et l'AAFP du Havre pour mettre la CGEA de Rouen hors de cause et se placer à la date de la signature dudit contrat pour mettre l'AAFP de Rouen hors de cause, aboutissant ainsi à retenir en même temps deux faits générateurs différents, pour apprécier les conséquences d'une seule et même rupture du contrat de travail, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE sont garanties les créances résultant de la rupture de contrats de travail intervenues pendant la période d'observation et dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde de redressement ou de liquidation judiciaire ; qu'en retenant comme date de rupture du contrat de travail conclu entre Mme X... et l'AAFP du Havre, non la date de refus de l'AAFP de Rouen de continuer le contrat de travail de Mme X..., après son transfert effectif, mais celle de la fin de la prise d'effet du dernier contrat à durée déterminée, au 30 juin 2011, pour déclarer non due la garantie de la CGEA de Rouen, motif pris que le jugement arrêtant le plan de cession de l'activité de l'AAFP du Havre au profit de l'AAFP de Rouen serait intervenu le 16 mai précédent, la cour d'appel a violé les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail.