LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1411-4 du code du travail et l'article 101 du code de procédure civile ;
Attendu que le caractère exclusif et d'ordre public de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes interdit d'y faire échec pour cause de connexité, sauf en cas d'indivisibilité, laquelle ne peut résulter que d'une impossibilité juridique d'exécution simultanée de deux décisions qui seraient contraires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société SRA Savac ancien employeur de M. X..., reprochant à ce dernier d'avoir travaillé pour une entreprise concurrente alors qu'il était encore son salarié, l'a assigné devant le tribunal de grande instance en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et en restitution des divers éléments soustraits ou détournés et interdiction de les utiliser et devant le conseil de prud'hommes en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Attendu que pour déclarer recevable et bien-fondée l'exception de connexité présentée par le salarié, ordonner le dessaisissement du conseil de prud'hommes de Montargis au profit du tribunal de grande instance de Lyon et la transmission du dossier à cette juridiction, la cour d'appel retient que l'assignation devant le tribunal de grande instance vise des faits commis pendant l'exécution du contrat de travail, qui sont les mêmes que ceux invoqués devant le conseil de prud'hommes, auxquels s'ajoutent d'autres commis après la cessation de celui-ci, qu'il est d'ailleurs très révélateur que les pièces produites devant les deux juridictions soient pour l'essentiel les mêmes, qu'il existe un risque évident de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'aucun comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est prouvé et si l'autre décidait le contraire, qu'ainsi, si les demandes ne sont pas identiques, elles sont non seulement connexes mais indivisibles ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'y avait pas impossibilité d'exécution simultanée de décisions rendues par le tribunal de grande instance et par le conseil de prud'hommes, le premier n'étant compétent que pour se prononcer sur des faits commis postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 16 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la connexité ;
Rejette l'exception de connexité ;
Renvoie sur les points restants en litige la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société SRA Savac
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable et bien fondée l'exception de connexité de Monsieur X... devant le conseil de prud'hommes de MONTARGIS et ordonné le dessaisissement du conseil de prud'hommes de MONTARGIS au profit du tribunal de grande instance de LYON et la transmission du dossier à cette juridiction, qui aura à se prononcer sur la caractère abusif de la procédure et l'indemnisation des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 101 du Code de procédure civile dispose que : « s'il existe entre les affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer l'affaire en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ». Le conseil de prud'hommes ayant compétence exclusive pour les litiges nés de l'exécution du contrat de travail, l'exception de connexité ne peut en principe être soulevée devant lui pour obtenir le renvoi du litige dont il est saisi devant une autre juridiction. Cette exclusion comporte toutefois une exception lorsque les demandes sont indivisibles. Pour soutenir qu'il s'agit de deux actions nettement différenciées, la société prétend que celle devant le conseil de prud'hommes se fonde sur des faits commis au cours de l'exécution du contrat et celle devant le tribunal de grande instance sur ceux commis après sa rupture. Cela est démenti par les éléments suivants. L'assignation devant le tribunal de grande instance indique que la société à découvert que les salariés qui ont donné leur démission (dont M. X...) ont : - commencé à travailler pour le concurrent, la société BCSN, qui les a embauchés, depuis plusieurs mois alors même qu'ils étaient encore salariés ; - emporté de nombreux matériels, documents et plans avant et après avoir quitté l'entreprise. Elle vise donc bien des faits commis pendant l'exécution du contrat de travail qui sont les mêmes que ceux invoqués devant le conseil de prud'hommes, auxquels elle en ajoute d'autres commis après la cessation de celui-ci. Il est d'ailleurs très révélateur que les pièces produites devant les 2 juridictions soient pour l'essentiel les mêmes. Il existe un risque évident de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'aucun comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est prouvé et si l'autre décidait le contraire. Ainsi si les demandes ne sont pas identiques, elles sont non seulement connexes, mais indivisibles. Il convient donc d'ordonner le dessaisissement du conseil des prud'hommes au profit du tribunal de grande instance de LYON, la saisine de celui-ci était plus vaste et chronologiquement la première, et la transmission du dossier à cette juridiction qui aura à se prononcer sur le caractère abusif de la procédure et sur l'indemnisation des frais irrépétibles de l'une ou l'autre des parties » ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut plus être dessaisi après qu'il a vidé sa saisine en prononçant son jugement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a ordonné le dessaisissement du conseil de prud'hommes de MONTARGIS, bien que celui-ci ait pourtant déjà été dessaisi par le prononcé du jugement frappé d'appel, qui avait entièrement tranché le litige et vidé sa saisine ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 481 du Code de procédure civile, ensemble l'article 101 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'autorité de chose jugée s'oppose à ce qu'un juge puisse être saisi d'un litige déjà tranché par une autre juridiction de même degré ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a ordonné le transfert du dossier et de l'affaire au tribunal de grande instance de LYON sans ni infirmer, ni réformer le jugement frappé d'appel, mais revêtu de l'autorité de chose jugée, du conseil de prud'hommes de MONTARGIS ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble l'article 101 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l'exception de connexité ne peut être soulevée que devant la juridiction de degré inférieur ; qu'en l'espèce, en accueillant l'exception de connexité soulevée par Monsieur X..., bien que l'autre juridiction saisie, le tribunal de grande instance de LYON, soit d'un degré inférieur au sien, la cour d'appel a violé les articles 101 et 102 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, si l'exception de connexité peut être soulevée en tout état de cause, elle ne peut pas l'être pour la première fois en appel lorsque ses conditions étaient réunies en première instance ; qu'en l'espèce, Monsieur X... n'ayant pas soulevé l'exception de connexité en première instance, bien que les conditions de celle-ci aient alors été réunies, elle ne pouvait pas être accueillie par la cour d'appel ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles 101, 102 et 103 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE, si l'indivisibilité des demandes soumises à deux juges différents peut conduire à déroger à la compétence exclusive de l'un d'entre eux, l'indivisibilité n'existe qu'au cas où il serait impossible d'exécuter simultanément, en cas de divergence, les deux décisions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les demandes soumises au tribunal de grande instance de LYON et au conseil des prud'hommes de MONTARGIS étaient indivisibles, au motif qu'« il existe un risque évident de contrariété de décisions si l'une des juridictions venait à décider qu'un comportement déloyal avant l'expiration du contrat n'est pas prouvé et si l'autre décidait le contraire » ; qu'en statuant ainsi par un motif inopérant, sans caractériser le fait qu'il aurait été impossible d'exécuter simultanément la décision du tribunal de grande instance et celle du conseil des prud'hommes en cas de divergence, bien que l'un ait pu sans difficulté condamner Monsieur X... à payer les sommes demandées même si l'autre avait rejeté la demande indemnitaire distincte dont il était saisi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 101 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS ENFIN QUE deux demandes ne sont indivisibles que s'il serait impossible d'exécuter simultanément deux jugements les tranchant dans un sens divergeant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le tribunal de grande instance était saisi de demandes d'indemnités et de restitution de matériel, tandis que le conseil des prud'hommes avait statué sur une autre demande indemnitaire, et que ce dernier disposait d'une compétence exclusive d'exception ; qu'en ordonnant pourtant son dessaisissement pour cause de connexité, bien qu'aucune indivisibilité n'existât entre les demandes, la cour d'appel a violé l'article 101 du Code de procédure civile.