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21/01/2015 | FRANCE | N°13-25759

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 janvier 2015, 13-25759


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 9 janvier 2007 en qualité de concepteur par la société Apside Multimédia, société de services en ingénierie informatique, aux droits de laquelle vient la société Apside ; que son contrat de travail prévoyait, en son article 6 : « La mobilité géographique du salarié est déterminante de son engagement par la société ainsi que de la poursuite d

u contrat de travail pendant toute son exécution ; le lieu de travail indicatif es...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1232-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 9 janvier 2007 en qualité de concepteur par la société Apside Multimédia, société de services en ingénierie informatique, aux droits de laquelle vient la société Apside ; que son contrat de travail prévoyait, en son article 6 : « La mobilité géographique du salarié est déterminante de son engagement par la société ainsi que de la poursuite du contrat de travail pendant toute son exécution ; le lieu de travail indicatif est situé dans la région administrative de signature de votre contrat et ses départements limitrophes, soit dans nos propres bureaux, soit dans les locaux des clients ; cependant, compte tenu de la nature des activités de l'entreprise, vous vous engagez à accepter tout changement de lieu de travail sur l'ensemble du territoire européen où la société exerce son activité » ; qu'ayant refusé d'effectuer une mission à Ploufragan (Côtes d'Armor), la salariée a été licenciée pour faute le 24 novembre 2009, que contestant le bien-fondé de cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, d'abord, que la clause de mobilité, imprécise dans la définition de sa zone géographique d'application qui comprend les locaux des clients et l'ensemble du territoire européen où la société exerce son activité, n'est pas opposable à la salariée, ensuite, que l'employeur a proposé à celle-ci de travailler pour une durée de trois mois renouvelable à Ploufragan, commune des Côtes d'Armor située hors de la région administrative de signature du contrat et de ses départements limitrophes, qu'il n'établit ni que cette affectation était temporaire, ni que cette mission était occasionnelle, enfin, que cette mutation ne constitue pas une simple modification des conditions de travail et que le refus de la salariée n'est pas fautif ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des conditions de validité d'une clause de mobilité, alors qu'il résultait de ses constatations que le déplacement refusé par la salariée s'inscrivait dans le cadre habituel de son activité de concepteur au sein d'une société de services en ingénierie informatique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Apside à payer à Mme X... la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'absence d'information sur le droit individuel à la formation, l'arrêt rendu le 4 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur les points restants en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Apside.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société Apside à payer à Mademoiselle Marion X... la somme de 13 680 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la rupture : le contrat de travail contient une clause de mobilité ainsi rédigée : « la mobilité géographique du salarié est déterminante de son engagement par la société ainsi que de la poursuite du contrat de travail pendant toute son exécution ; le lieu de travail indicatif est situé dans la région administrative de signature de votre contrat et ses départements limitrophes, soit dans nos propres bureaux, soit dans les locaux des clients ; cependant, compte tenu de la nature des activités de l'entreprise, vous vous engagez à accepter tout changement de lieu de travail sur l'ensemble du territoire européen où la société exerce son activité » ; qu'une clause si imprécise dans la zone géographique d'affectation, visant les locaux des clients et l'ensemble du territoire européen où la société exerce son activité, ne peut être opposée à Madame Marion X... et le refus d'exécuter une telle clause ne peut constituer une faute ; que Ploufragan dans les Côtes d'Armor n'est pas situé dans la région administrative de signature du contrat (Toulouse) et ses départements limitrophes ; que s'il convient effectivement de distinguer l'hypothèse du déplacement temporaire et occasionnel de celle du changement de résidence résultant d'une modification du lieu d'exécution de la mission de travail, il n'en reste pas moins que la proposition faite à Madame Marion X... de travailler pour « 3 mois renouvelable » à Ploufragan dans les Côtes d'Armor ne constitue pas une simple modification des conditions de travail, la société Apside ne justifiant pas, par ses seules affirmations, qu'il s'agissait d'une proposition temporaire, voire d'une mission occasionnelle ; que dès lors les refus qui sont opposés à Madame Marion X... dans la lettre de licenciement ne peuvent constituer une faute ; qu'au vu de ces éléments et en l'absence de faute, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en raison de l'ancienneté de la salariée (supérieure à deux ans), de son âge au moment du licenciement (née le 4 mai 1976), du montant de sa rémunération brute (2 200 ¿), du fait que la société Apside emploie habituellement plus de 11 salariés et des précisions et justificatifs sur sa situation ultérieure, il y a lieu à condamnation de la société Apside au paiement de la somme de 13. 680 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi ; que l'article L. 1121-1 du même Code dispose que : Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que la validité d'une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige porte essentiellement sur l'application de la clause de mobilité en situation de crise : « cette attitude de refus systématique devant des propositions de mobilité (qui font partie intégrante de l'article 6- mobilité géographique-inscrite dans votre contrat de travail) et d'autant plus en situation de crise, rend impossible la poursuite de votre contrat de travail et constitue un manquement à vos obligations professionnelles » ; que la clause prévue au contrat de travail signée par Mademoiselle Marion X... est ainsi libellée : « la mobilité géographique du salarié est déterminante de son engagement par la société ainsi que de la poursuite de son contrat de travail pendant toute son exécution ; le lieu de travail indicatif est situé dans la région administrative de signature de votre contrat et ses départements limitrophes, soit dans nos propres bureaux, soit dans les locaux des clients ; cependant compte tenu de la nature des activités de l'entreprise, vous vous engagez à accepter tout changement de lieu de travail sur l'ensemble du territoire européen où la société exerce son activité » ; qu'une telle clause généraliste aussi vague qu'imprécise ne délimitant même pas précisément la zone géographique normale du lieu de travail ne permet pas à la salariée de connaître avec exactitude le périmètre de sa mobilité, en revanche elle permet à l'employeur de l'étendre unilatéralement selon les circonstances notamment en situation de crise, ce qui est contraire à la loi ; que de plus, la possibilité de mutation dans les installations de tous clients, sans détermination de clients habituels ou futurs, y compris sur l'ensemble du territoire européen porte atteinte au principe de délimitation géographique totalement prohibée ; qu'en conséquence, le Conseil dit que l'indétermination de l'étendue géographique de la clause de mobilité définie par l'article 6 du contrat de travail entraîne sa nullité et que le licenciement de Mademoiselle Marion X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif ; que l'article L. 1235-3 du Code du travail dispose que : Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié ; cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ; que tenant à l'ensemble des faits examinés et au salaire brut mensuel de 2 280 ¿ le conseil fixe l'indemnité à 680 ¿ ;
ALORS QUE, d'une part, lorsque le déplacement occasionnel et/ ou temporaire du salarié s'inscrit dans le cadre habituel de son activité, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la validité de la clause de mobilité stipulée au contrat de travail pour apprécier la légitimité du refus du salarié de se déplacer ; qu'en considérant que la clause de mobilité inscrite au contrat de travail était inopposable à la salariée pour en déduire que son refus d'accepter de rejoindre sa nouvelle mission était légitime et ne pouvait pas justifier son licenciement, la Cour d'appel a violé les articles 1129 et 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du Code du travail et les articles 8, 50 et 51 de la Convention collective nationale des bureaux d'études.
ALORS QUE, d'autre part et en toute hypothèse, si la clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application pour les salariés occupant un poste sédentaire, la définition de la zone d'application n'interdit pas, dans le cadre de salariés itinérants, de prendre en considération un espace aussi large que le territoire national ou européen, si l'entreprise est implantée dans différents points de cet espace, et si la modification proposée correspond aux prévisions des parties et qu'elle est dictée par l'intérêt de l'entreprise ; qu'en se bornant à relever que la clause de mobilité était inopposable à la salariée compte tenu de son imprécision dans la zone géographique d'affectation sans même rechercher si la mutation proposée correspondait aux prévisions des parties et si elle était dictée par l'intérêt de l'entreprise, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS QUE, de troisième part, le déplacement temporaire et/ ou occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par l'intéressé implique de sa part une certaine mobilité géographique ; qu'en considérant que le changement d'affectation de la salariée constituait une modification du contrat, de sorte que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, cependant qu'elle avait relevé que la nature des fonctions de consultant en informatique de Mademoiselle X... impliquait une certaine mobilité de sa part dont les parties avaient fait une condition déterminante de leur engagement, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil, et L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS QU'ENFIN, les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en reprochant à la société Apside de ne pas justifier, autrement que par ses allégations, que la proposition de mission à Ploufragan dans les Côtes d'Armor constituait une mission temporaire, voire occasionnelle, quand la société Apside produisait aux débats l'ordre de mission duquel il ressortait que la mission en Bretagne était prévue pour une durée de trois mois renouvelable (Prod), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-25759
Date de la décision : 21/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 04 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 jan. 2015, pourvoi n°13-25759


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.25759
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