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15/01/2015 | FRANCE | N°13-17374

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-17374


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 23 septembre 2010 en qualité d'employée par la société L'Aber Quick, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 13 janvier 2011 en reprochant à son employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat en raison notamment d'une agression sexuelle commise par un autre salarié le 25 novembre 2010 dans les locaux de l'entreprise ;
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endu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travai...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 4121-1 du code du travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 23 septembre 2010 en qualité d'employée par la société L'Aber Quick, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 13 janvier 2011 en reprochant à son employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat en raison notamment d'une agression sexuelle commise par un autre salarié le 25 novembre 2010 dans les locaux de l'entreprise ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de la salariée produisait les effets d'une démission, l'arrêt retient que la salariée ne soutenait pas avoir précédemment avisé son employeur d'une attitude ambigüe de ce salarié à son égard, et qu'elle ne pouvait donc reprocher à l'employeur de ne pas avoir anticipé un quelconque risque d'agression, au surplus à connotation sexuelle, que la salariée ne pouvait reprocher à l'employeur de l'avoir laissée un soir travailler avec l'autre salarié dans les mêmes conditions que le soir de l'agression, dès lors que l'employeur justifiait qu'aux jours où les deux salariés avaient pu travailler sur des plages horaires similaires, ils n'étaient pas seuls dans l'établissement, et qu'elle n'établissait aucun manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat dont il était tenu à son égard ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime, sur le lieu de travail, de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements, et qu'il lui appartenait d'apprécier si ce manquement de l'employeur était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la lettre de prise d'acte de Mme X... s'analyse en une démission et en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du préjudice moral, l'arrêt rendu le 13 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société L'Aber Quick aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société L'Aber Quick et condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

LE MOYEN DE CASSATION :
fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la lettre de prise d'acte de Mademoiselle X... s'analysait en une démission et de l'avoir déboutée de toutes ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la prise d'acte, par un salarié de la rupture de son contrat de travail produit, lorsque les manquements qu'elle énonce sont établis et suffisamment graves, les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission ; en l'espèce, aux termes de la lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail du 13 janvier 2011, Aurélie X... fait grief à son employeur de ne pas lui avoir fait passer de visite médicale d'embauche, et d'avoir failli à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu à son endroit, suite à l'agression sexuelle et physique qu'elle a subie, de la part d'un coéquipier le 25 novembre 2010 ; par ses écritures elle reproche également à l'employeur de l'avoir ensuite, un soir, laissé travailler seule avec son agresseur ; l'employeur ne conteste pas que sa salariée n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche ; indépendamment de ses explications dont il ne justifie pas, il incombe à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de contrôle et direction d'imposer à son salarié une telle visite, si son salarié ne se rend pas à la convocation de la médecine du travail ; l'absence de visite médicale d'embauche constitue un manquement de l'employeur qui, s'il cause nécessairement un préjudice à son salarié, est insuffisant à rendre imputable à l'employeur la rupture du contrat de travail ; en revanche le préjudice subi par Aurélie X... sera indemnisé par la condamnation de l'employeur au paiement de 200 € ; Aurélie X... fait également grief à son employeur d'avoir failli à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu à son encontre ; il est constant que le 25 novembre 2010, alors qu'elle se trouvait à la plonge, un coéquipier d'Aurélie X... a tenté de l'embrasser sur la bouche ; l'employeur a fait relater à sa salariée les faits ; le 27 novembre 2010 soit deux jours plus tard Aurélie X... explique : « le jeudi 25 novembre 2010, aux alentours de 22 h 00, j'étais en train d'avancer la plonge seule. Après avoir délivré plusieurs invitations à passer une nuit avec lui, Z... arriva pour me dire au revoir. Seule à la plonge, il fait mine de me faire la bise en me serrant contre l'évier, puis m'embrasse de force, en tentant d'introduire sa langue dans ma bouche. Je serre les dents, recule la tête et lui répète « non non non » pour qu'il arrête ; il finit par partir au vestiaire se changer et en redescendant me demande si je suis fâchée. Je réponds « oui ». Il veut que je lui pardonne, ce que je refuse. Sa justification : « je n'ai pas pu me retenir » ; au vu de ces faits, conformément au règlement intérieur, l'employeur, après convocation de son salariée à un entretien préalable, a sanctionné ce comportement inacceptable par une mise à pied disciplinaire ; Aurélie X... ne soutient pas avoir précédemment avisé son employeur d'une attitude ambiguë de son coéquipier à son égard ; elle ne peut donc reprocher à son employeur de ne pas avoir anticipé un quelconque risque d'agression, au surplus à connotation sexuelle alors que la mixité, dans le domaine professionnel est acquise ; elle reproche encore à l'employeur de l'avoir laissé « un soir travailler avec Mr Y... dans les mêmes conditions que le soir de l'agression ; seule, le soir, en binôme avec lui » ; pourtant l'employeur verse aux débats les plannings de ses salariés sur la période courant du 29 novembre au 12 décembre 2010, étant souligné que Aurélie X... sera placée en arrêt maladie à compter du 15 décembre 2010 et n'a pas travaillé au sein de la SARL ABER QUICK entre ces deux dates ; contrairement aux allégations de la salariée, l'employeur justifie qu'aux jours où Mr Y... et Aurélie X... ont pu travailler sur des plages horaires similaires, ils n'étaient pas seuls dans l'établissement ; il n'est pas contesté qu'Aurélie X... a pu être choquée physiquement et psychologiquement par le comportement inacceptable de son collègue ; elle n'établit toutefois aucun manquement de son employeur à l'obligation de sécurité de résultat dont il est tenu à son égard, lui permettant de voir produire à sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; la décision sera confirmée qui a dit que la prise de rupture de son contrat de travail les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ; la décision sera confirmée qui a dit que la prise d'acte formulée par Aurélie X... devait produire les effets d'une démission et débouté la salariée en ses demandes découlant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS TOUT D'ABORD QUE l'absence de visite d'embauche constitue de la part de l'employeur une grave violation de son obligation de sécurité de résultat ; que la cour d'appel qui a estimé que cette visite s'inscrivait dans le cadre du pouvoir de contrôle et de direction de l'employeur et que son absence était insuffisante pour lui rendre imputable la rupture du contrat de travail a violé l'article R 4624-10 du code du travail ;
ALORS ENSUITE QUE l'employeur, tenu d'une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'actes de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ; que la cour d'appel qui a estimé qu'aucun manquement grave à cette obligation ne pouvait être imputé à l'employeur parce que la salariée ne l'avait pas avisé du comportement de son coéquipier avant l'agression sexuelle dont elle a été victime a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;
ALORS ENFIN QUE le fait de n'avoir pas pris de mesures pour protéger la salariée des agissements de son coéquipier autres qu'une mise à pied disciplinaire d'une journée et de l'avoir fait travailler à nouveau en contact avec ce dernier constitue une violation grave de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses travailleurs ; que la cour d'appel qui a constaté que la salariée s'était retrouvée postérieurement à l'agression sexuelle dont elle avait été victime en contact avec son agresseur mais a estimé qu'ils n'étaient pas seuls dans l'établissement a de plus fort violé les articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-17374
Date de la décision : 15/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 13 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2015, pourvoi n°13-17374


Composition du Tribunal
Président : Mme Lambremon (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.17374
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