LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 11 décembre 2012), que, ouvrier agricole employé par la société Bérard X..., M. Y... a été victime d'un accident du travail le 19 octobre 2000 ayant entraîné une incapacité permanente partielle de 35 % ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable commise par celui-ci doit être la cause nécessaire de l'accident du travail dont a été victime le salarié ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la SCEA Bérard X... a fait procéder par son salarié à une opération de manutention de bottes de foin sans pouvoir ignorer le danger qu'elle lui faisait ainsi courir ; qu'elle a ainsi commis une faute inexcusable ; que M. Y... a été blessé au cours de cette opération ; qu'il devait nécessairement s'en déduire que la faute inexcusable de l'employeur était une des causes nécessaires de l'accident dont M. Y... avait été victime ; qu'en affirmant cependant qu'il n'était pas établi que la faute inexcusable ait été une cause nécessaire de l'accident, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'employeur en confiant à son salarié des travaux de manutention manuelle de bottes de foin sans l'avoir fait bénéficier de l'information sur les risques encourus en cas d'exécution d'une manière techniquement incorrecte et de la formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations, prescrite par l'article R. 231-71, devenu R. 4541-8 du code du travail, avait commis une faute, l'arrêt constate que M. Y... a donné des versions différentes des circonstances de l'accident litigieux, invoquant d'abord un faux mouvement en déchargeant une vingtaine de bottes de fourrage lors de la déclaration, puis un mouvement d'hyper-extension du poignet droit sous l'effet du poids du foin mouillé lors de l'expertise relative à la fixation du taux d'incapacité permanente et enfin le heurt de sa main contre la ridelle de la remorque lors de sa chute causée par la rupture de la fourche lors de la tentative de conciliation ; qu'il en déduit que les causes exactes de l'accident sont indéterminées de sorte qu'il n'est pas établi que la faute préalablement reconnue en ait été une cause nécessaire ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel a pu déduire que l'accident du travail de M. Y... n'était pas dû à la faute inexcusable de son employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Tiffreau-Corlay-Marlange ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Y... de ses demandes tendant notamment à voir juger que l'accident du travail dont il a été victime le 19 octobre 2000 était imputable à la faute inexcusable de son employeur,
AUX MOTIFS QU'« (¿) en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, il suffit qu'elle en ait été la cause nécessaire.
En l'espèce, Monsieur Y... fait valoir d'abord que son employeur avait exigé que le 19 octobre 2000, il décharge des bottes de foin mouillées dont le poids était en conséquence anormalement élevé.
Il produit à l'appui de ses allégations :
- une attestation non datée de Monsieur Z... qui témoigne " être passé à Piolenc chez Madame X... parce que Monsieur Y... (lia) avait dit qu'elle cherchait des ouvriers pour la saison du chicotage ", avoir constaté que " ce jour-là, Monsieur Y... était en conflit avec Madame X..., En effet, il contestait le fait de décharger des bottes de luzerne qui était trop lourde et trop mouillée " et être " reparti en les laissant à leur conflit " ;
- une attestation en date du 16 décembre 2002 de Monsieur A... qui indique : " le jeudi 19 octobre 2000, je suis passé voir Y... sur son lieu de travail car il m'avait dit au quartier que son patron cherchait des ouvriers pour la saison du chicotage. En arrivant à la ferme, j'ai aperçu Monsieur Y... dans un hangar sur une remorque chargée de bottes d'herbes et une femme devant la remorque, En me rapprochant d'eux, j'ai entendu que Monsieur Y... disait à la femme qu'il ne pouvait pas décharger la remorque car les bottes étaient mouillées et lourdes. La femme lui a répondu qu'il fallait les décharger maintenant. Vu la discussion assez bruyante qu'ils avaient, je ne me suis pas imposé, je suis reparti en les laissant en pleine discussion. "
Or, s'agissant de la première attestation, Monsieur Z..., outre qu'il ne donne aucune indication sur l'époque à laquelle il aurait assisté à cette discussion, ne mentionne pas avoir lui-même constaté que les bottes étaient mouillées. Quant à l'attestation de Monsieur A..., si l'information ouverte contre lui et Monsieur Y... pour fausse attestation et usage s'est clôturée par un non-lieu, il demeure qu'il ne donne pas plus d'indication sur l'état des bottes de fourrage que Monsieur Y... se plaignait de devoir décharger. En revanche, ce témoin précise que les bottes à décharger étaient sur une remorque laquelle était dans un hangar. Elles étaient donc, ainsi que le note le premier juge " à l'abri " quand les témoins les ont vues et aucun élément n'établit qu'elles venaient d'être rentrées dans le hangar.
Il en résulte que la preuve n'est pas rapportée de ce que les bottes que l'employeur avait demandé à Monsieur Y... de décharger étaient mouillées et de ce fait anormalement lourdes. D'ailleurs, aucun élément concret n'est avancé s'agissant du poids des bottes.
Monsieur Y... fait valoir ensuite diverses dispositions du Code du travail relatives à la manutention de charges lourdes.
A cet égard, l'article R 231-71 de l'ancien Code du travail (devenu R 4541-8 du Code du travail) prescrit à l'employeur de faire bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles d'une information sur les risques encourus lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière correcte et d'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations.
En l'espèce, la SCEA GIRARD X... qui a fait procéder par son salarié à une opération de manutention de bottes de foin ne pouvait pas ignorer le danger qu'elle lui faisait ainsi courir alors qu'elle ne l'avait pas fait bénéficier des information et formation susvisées, de sorte que sa faute inexcusable de l'employeur est caractérisée.
Cependant, en l'espèce, Monsieur Y... a donné plusieurs versions de l'accident du travail du 19 octobre 2000 ; ainsi :
- sur la déclaration d'accident du travail du 20 octobre 2000, il est mentionné " un faux mouvement en déchargeant une vingtaine de bottes de fourrage " ;
- le 10 avril 2003, lors de l'expertise relative à la fixation de taux d'incapacité permanente, Monsieur Y... a expliqué à l'expert " qu'il déchargeait un camion de foin mouillé, et que sous l'effet du poids, il a eu un mouvement d'hyper-extension du poignet droit " ;
- lors de la tentative de conciliation du 13 juin 2005, les circonstances de l'accident ont été ainsi décrites : " Monsieur Y... devait ranger des bottes de paille entreposées dans la remise depuis quelques jours. Alors qu'il déchargeait les bottes de fourrage de la remorque avec une fourche en bois, cette dernière s'est cassée, faisant perdre l'équilibre de l'assuré, qui, dans sa chute, a heurté sa main contre la ridelle de la remorque. "
Il en résulte que les causes exactes de l'accident sont indéterminées de sorte qu'il n'est pas établi que la faute inexcusable ci-dessus caractérisée en ait été une cause nécessaire.
Enfin, si Monsieur Y... produit un récapitulatif de son dossier médical en date du 7 septembre 2012 obtenu des services de la médecine du travail, ce document portant mention de ce que lors de la visite du 19 mars 2000, le salarié a été reconnu " apte avec restriction ", il n'apporte aucune précision sur les restrictions visées par le médecin du travail de sorte qu'il est impossible de savoir si l'employeur les a méconnues le 19 octobre 2000 en faisant décharger des bottes de foin à Monsieur Y....
Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé (¿) »,
ALORS QUE pour engager la responsabilité de l'employeur, la faute inexcusable commise par celui-ci doit être la cause nécessaire de l'accident du travail dont a été victime le salarié ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la SCEA GIRARD X... a fait procéder par son salarié à une opération de manutention de bottes de foin sans pouvoir ignorer le danger qu'elle lui faisait ainsi courir ; qu'elle a ainsi commis une faute inexcusable ; que Monsieur Y... a été blessé au cours de cette opération ; qu'il devait nécessairement s'en déduire que la faute inexcusable de l'employeur était une des causes nécessaires de l'accident dont Monsieur Y... avait été victime ; qu'en affirmant cependant qu'il n'était pas établi que la faute inexcusable ait été une cause nécessaire de l'accident, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.