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17/12/2014 | FRANCE | N°13-23795

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 décembre 2014, 13-23795


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Jean-Paul X..., engagé le 27 novembre 1979 en qualité de miroitier par la Société réunionnaise de miroiterie et devenu par la suite chef d'équipe miroitier-poseur, a été licencié pour faute grave par lettre du 2 décembre 2009 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas d

e nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Jean-Paul X..., engagé le 27 novembre 1979 en qualité de miroitier par la Société réunionnaise de miroiterie et devenu par la suite chef d'équipe miroitier-poseur, a été licencié pour faute grave par lettre du 2 décembre 2009 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave l'arrêt retient que les faits du 30 octobre 2009 survenus sur le chantier de l'aéroport, soit le refus de porter les équipements individuels de protection, la pose en hauteur d'un vitrage à l'aide d'un escabeau en haut de l'échafaudage après avoir refusé son rehaussement et l'utilisation de la longe pour hisser le vitrage, caractérisent tant l'insubordination que le non-respect délibéré des règles de sécurité, que le salarié a reconnu lors de l'entretien préalable au licenciement qu'il ne portait pas le harnais de sécurité le 16 novembre 2009, que le travail en hauteur sans protection individuelle est inexcusable et d'une gravité particulière eu égard aux risques encourus et à l'ancienneté du salarié, et ce d'autant qu'à la hauteur s'ajoutait l'absence de cale sur le carrelage, avec un risque de ripage, et de renfort anti basculement ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, oralement soutenues devant elle, qui faisait valoir qu'à la suite de l'avis d'aptitude avec restrictions rendu par le médecin du travail il lui était interdit de travailler en hauteur et qu'ainsi l'employeur, en lui imposant de travailler en hauteur avait manqué à ses obligations en sorte qu'il ne pouvait lui reprocher des fautes commises à l'occasion d'un travail qui lui était interdit, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct de celui résultant de la rupture sans donner aucun motif à sa décision ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le moyen pris en sa quatrième branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne la Société réunionnaise de miroiterie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société réunionnaise de miroiterie à payer à M. Jean-Paul X... la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. Jean-Paul X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Jean-Paul X... de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement vise l'insubordination du salarié rappelant ses antécédents disciplinaires dont une mise à pied du 14 avril 2009 ; qu'elle relève comme fautes le refus délibéré de respecter les règles de sécurité et le refus d'obtempérer aux ordres de son supérieur hiérarchique ; que la première faute vise des faits qui se sont déroulés le 30 octobre 2009 ; qu'il est reproché au salarié d'avoir refusé de porter ses équipements de sécurité sur le chantier de l'aéroport de Saint-Denis en utilisant, une fois arrivé en haut d'un échafaudage, sa longe de sécurité comme une corde pour hisser une vitre ; que les deuxièmes faits se sont déroulés le 16 novembre suivant sur le chantier de " Délices chez Dong ", le courrier de rupture reproche ici au salarié de n'avoir pas rempli le procès-verbal de réception de l'échafaudage, de n'avoir pas sécurisé l'échafaudage avant utilisation et d'avoir refusé de porter ses équipements de protection ; que la deuxième faute concerne des faits survenus sur les chantiers précités mais vise le refus de se conformer aux instructions données par Monsieur Y... ; que l'employeur produit pour justifier de ces faits les rapports de Monsieur Y..., technicien de chantier ; que celui du 16 novembre 2009 relate les faits concernant le chantier " Délices chez Dong " ; qu'il indique avoir informé Messieurs Jean-Paul et José X... que pour un échafaudage fixe, il devait y avoir un PV de réception et que lui-même, vérificateur, devait vérifier le montage ; qu'il ajoute " dès le début, je leur ai dit qu'il faut mettre des cales en bois dessous (ce ne doit pas être directement sur le carrelage), mais ils n'en avaient pas, ensuite le leur ai dit qu'il fallait mettre un renfort pour empêcher l'échafaudage de chavirer, mais ils n'ont pas voulu le mettre, ensuite j'ai dit qu'il faut mettre les harnais et la longe ils n'ont pas voulu les mettre. J'ai dit que si l'échafaudage n'est pas dans les normes, il ne faut pas monter dessus quitte à arrêter le chantier. Ils n'ont rien voulu savoir et sont montés sur l'échafaudage sans harnais, en me disant qu'ils ne signeront rien car l'échafaudage n'est pas dans les normes. Je leur ai rappelé que s'ils considèrent que ce n'est pas dans les normes, ils doivent signaler les points à modifier et que personne ne doit monter avant que les points ne sont pas rectifiés " ; que le lendemain, Monsieur Y... a fait un rapport sur l'incident du 30 octobre survenu sur le chantier de l'aéroport (remplacement des verres de la passerelle) " un échafaudage roulant avait été monté parle CCIR. Jean-Paul a constaté que l'échafaudage était mal monté, la CCIR a rectifié les points soulevés par Jean-Paul. Jean-Paul m'a demandé de monter sur l'échafaudage pour vérifier, mais je lui ai dit que pour les échafaudages roulants, c'est le monteur qui vérifie lui-même. De plus ils avaient déjà les harnais sur eux et je n'en avais pas. Il a dit que l'échafaudage n'était pas suffisamment haut, mais a refusé que la CCIR emmène les pièces supplémentaires pour le fait aller plus haut. Il a commencé à monter sans accrocher la longe. Malgré mes remarques il a continué sans longe. Arrivé en haut, Jean-Paul a décidé de décrocher sa longe et celle de José qui ne servait à rien pour s'en servir de corde accrochée à une ventouse et faire monter le verre avec ; Jean-Paul a commencé à mettre un escabeau sur le dernier niveau de l'échafaudage et refusant de s'accrocher, je lui ai demandé d'arrêter le chantier, de tout laisser comme ça et que la CCIR allait remettre leurs planches. II a mis la longe à ce moment-là 5 minutes et à recommencer à ne plus la mettre à la fois suivante " ; que les faits relatés par ce second rapport, curieusement établi après celui relatant l'incident du 16 novembre, caractérisent tant l'insubordination que le non-respect délibéré aux règles de sécurité ; qu'il convient ici de souligner le refus de porter les équipements individuels de protection, la pose en hauteur d'un vitrage à l'aide d'un escabeau en haut de l'échafaudage après avoir refusé que celui-ci soit rehaussé et l'utilisation de la longe pour hisser le vitrage ; que les attestations produites par le salarié ne sont nullement contraires à ce constat ; que si Monsieur X... a affirmé lors de l'entretien préalable que c'est Monsieur Y... qui lui avait donné l'instruction de faire la pose avec un escabeau mais les attestations qu'il produit ne le démontre pas, étant (curieusement) muette à ce propos ; que sur les faits du 16 novembre, le salarié a retenu lors de l'entretien préalable qu'il ne portait pas le harnais ; que sur la pression invoquée comme excuse, et non justifiée, il convient de souligner que ce n'est pas un motif légitime en matière de respect des règles de sécurité ; que ces règles ne sont pas contestées tout comme le fait que Monsieur X... a réalisé le chantier sur un échafaudage non conforme et sans ses protections individuelles ; qu'il convient ici de préciser que la sécurité est un droit pour le salarié mais aussi une obligation impérative quant au respect des règles édictées à cet effet ; qu'elle l'est d'autant plus que les travailleurs bénéficient d'une protection spécifique tenant au droit de retrait ; que pareillement, pour l'employeur, l'obligation de sécurité est impérieuse s'agissant d'une obligation de résultat ; que l'infraction de l'un ou de l'autre en cette matière constitue une violation grave des obligations découlant du contrat ; que Monsieur X... fonde l'essentiel de son argumentation d'appel sur l'attestation de Monsieur Y... en date du 05 mars 2012 qu'il convient de citer " mes ordres venant de Mr Z...(le directeur) étaient d'être constamment sur Jean-Paul et José X... de tout vérifier et de faire des rapports détaillés en chaque fin de journée sur toutes les moindres petites erreurs qu'ils avaient faites. J'ai constaté que les règles de sécurité qu'ils leurs était demandé de respecter dans le secteur nord étaient tout autre dans le secteur sud (avec l'autre personne qui dirigeait les chantiers dans ce secteur à ce moment-là). Dans le secteur sud, aucune règles de sécurité n'étaient respectées alors que dans le nord, la rn oindre erreur pouvait leur coûter un avertissement ou plus. Ces règles de sécurité très strictes sont arrivées tout d'un coup, et ont disparu aussi vite qu'elles sont arrivées après le licenciement des frères X... " ; qu'il convient de relever en premier lieu que cette attestation n'est pas contraire aux rapports d'incident de Monsieur Y... déjà cités. Par ailleurs, le licenciement n'est pas fondé sur une multiplicité de manquements à tel ou tel détail ; que les fautes retenues par le courrier de rupture sont fondées sur des mises en danger délibérées ; que le travail en hauteur sans protection individuelle est inexcusable et d'une gravité particulière eu égard aux risques encourues et à l'ancienneté du salarié ; qu'elle l'est d'autant plus qu'à la hauteur s'ajoutait l'absence de cale sur le carrelage avec un risque de ripage et de renfort anti basculement ; que l'attitude de Monsieur X... cumule alors l'inconscience à la provocation ; que la gravité des fautes est-encore accentuée par le fait qu'il est chef d'équipe et a pris des risques non seulement pour lui mais aussi pour son frère sous ses ordres ; que la gravité des fautes commises par Monsieur X... est alors retenue comme rendant impossible la poursuite de la relation salariale même durant le préavis ; que la faute grave invoquée par l'employeur est donc retenue ; que le jugement est infirmé et Monsieur X... est débouté de ses demandes ; que la société SOREMIR doit être indemnisée de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 1. 000 euros ; que les dépens sont à la charge de Monsieur X... qui succombe.
ALORS QU'il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; que Monsieur Jean-Paul X... exposait que la véritable cause de son licenciement résidait dans la volonté de l'entreprise de réduire les coûts en faisant l'économie de son salaire dans un contexte de difficultés économiques ; qu'en se bornant à dire établie la faute reprochée au salarié, la Cour d'appel qui n'a pas recherché si la cause véritable du licenciement n'était pas autre que celle énoncée dans la lettre de licenciement, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.
ALORS de plus QUE l'employeur qui fait effectuer au salarié des tâches ne relevant pas de sa qualification et étrangères à l'activité pour laquelle il a été embauché, ne peut lui reprocher les erreurs commises dans son travail ; que Monsieur Jean-Paul X... faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'il était simple ouvrier miroitier, de surcroît interdit de travail en hauteur par la médecine du travail, en sorte que son employeur ne pouvait lui reprocher des fautes commises lors d'un travail en hauteur étranger à ses attributions ; qu'en laissant sans réponse ces moyens déterminants des écritures d'appel du salarié, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
ET ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en retenant que Monsieur Jean-Paul X... aurait été chef d'équipe, sans préciser les éléments desquels elle entendait déduire qu'il aurait effectivement été chef d'équipe, ce que le salarié contestait fermement, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS en outre QUE la méconnaissance par l'employeur de ses obligations contractuelles est de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié dont le comportement sanctionné trouve sa cause dans le propre comportement de son employeur ; que Monsieur Jean-Paul X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que son employeur lui imposait un travail non conforme à sa qualification contractuelle et à son inaptitude médicalement constatée au travail en hauteur, sur du matériel de surcroît non conforme aux règles de sécurité tout en lui imposant des directives qu'il n'imposait pas aux autres salariés ; qu'en retenant la faute du salarié sans tenir aucun compte du contexte dans lequel s'inscrivait le comportement qui lui était reproché, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.
ALORS enfin QUE si le salarié peut se retirer d'une situation dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le défaut d'exercice de ce droit par le salarié ne saurait constituer une faute ni justifier la faute de l'employeur qui l'a placé dans une telle situation ; qu'en opposant au salarié la possibilité d'exercer son droit de retrait, la Cour d'appel a violé l'article L. 4131-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Jean-Paul X... de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
SANS MOTIF
ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que Monsieur Jean-Paul X... poursuivait encore l'indemnisation du préjudice distinct résultant des conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail et du préjudice résultant de l'obligation qui lui avait été faite par son employeur d'effectuer des tâches pour lesquelles il avait été déclaré inapte ; qu'en déboutant le salarié de ce chef de demande sans donner aucun motif à sa décision, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-23795
Date de la décision : 17/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 28 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 déc. 2014, pourvoi n°13-23795


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.23795
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