LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juillet 2009 par la société Sanofi techniques, aux droits de laquelle se trouve la société Sanofi Aventis Groupe (la société Sanofi), en qualité d'assistant technique ingénieur, a été licencié par lettre du 27 mars 2009 ; que soutenant avoir subi un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et condamner son employeur au paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à cinquième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu que pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt, après avoir jugé que le salarié avait subi de la part de la société Sanofi des agissements constitutifs de harcèlement moral, retient que l'article L. 1152-3 du code du travail sanctionne par la nullité toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, textes applicables à la situation du salarié victime de harcèlement moral et licencié ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le salarié avait été licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement de M. X..., l'arrêt rendu le 20 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Sanofi Aventis Groupe.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement de Monsieur Bruno X..., d'AVOIR ordonné la réintégration de Monsieur Bruno X... au sein de la société SA SANOFI AVENTIS GROUPE aux mêmes conditions fonctionnelles (emploi, classification) et de niveau de rémunération, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, faute par elle d'y satisfaire dans le mois suivant la notification de l'arrêt, d'AVOIR condamné la société SA SANOFI AVENTIS GROUPE à payer à Monsieur Bruno X... la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et moral avec intérêts au taux légal partant de l'arrêt, d'AVOIR condamné la société SA SANOFI AVENTIS GROUPE à verser à Monsieur X... la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et de l'AVOIR condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE « M. Bruno X... a été recruté par la SA SANOFI TECHNIQUES aux termes d'une lettre d'embauche du 25 mai 1989 ayant pris effet le 1er juillet 2009 pour occuper les fonctions d'assistant technique ingénieur et moyennant une rémunération de 8 500 francs bruts mensuels au coefficient 225 ¿ échelon 9, catégorie agent de maîtrise. La SA SANOFI AVENTIS GROUPE a sollicité de l'inspection du travail par courrier du mai 2008 l'autorisation de licencier pour motif personnel M. Bruno X... en sa qualité de salarié protégé. L'inspection du travail a refusé cette autorisation par une décision du 2 juillet 2008. M. Bruno X... n'a pas été réélu aux élections professionnelles des mois de mars et avril 2008. Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. Bruno X... percevait un salaire de base de 3 184,83 € bruts mensuels correspondant à un emploi d'assistant de gestion classifié groupe 6 - niveau C de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique. Par lettre du 13 mars 2009, l'intimée a convoqué M. Bruno X... à un entretien préalable prévu le 24 mars, avant de lui notifier le 27 mars 2009 son licenciement pour motif personnel en raison de son refus d'exécuter sa prestation de travail comme demandé dans le cadre de ses attributions de gestionnaire des oeuvres sociales du comité d'entreprise et malgré deux mises en garde les 18 septembre 2008 et 15 janvier 2009 (« Cette attitude inadmissible et préjudiciable à l'ensemble des salariés de la société se double d'accusations totalement contradictoires de votre part selon lesquelles le service des oeuvres sociales du Comité d'entreprise vous laisserait sans travail¿la persistance de vos errements rend impossible votre maintien plus longtemps dans l'entreprise »).
M. Bruno X... a été dispensé d'effectuer son préavis conventionnel de trois mois. Sur la nullité du licenciement : Au soutien de sa demande aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement sur le fondement des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail, M. Bruno X..., s'estimant avoir été victime d'une pratique de harcèlement moral de la part de l'intimée qui le conteste, produit aux débats les pièces suivantes : - un courrier de son employeur daté du 17 juillet 2008 lui étant adressé et aux termes duquel, prenant acte de ce que l'inspection avait rejeté la demande d'autorisation de licenciement, il lui était recommandé de changer d'attitude (« Nous espérons que cette procédure vous aura fait prendre conscience des contraintes qui s'imposent à tous dans une collectivité de travail. Nous comptons fermement sur un changement radical de comportement à l'avenir et que votre attitude soit désormais constructive et irréprochable tant à l'égard de vos hiérarchies que de vos collègues » (n° 8) ; - un courrier de l'inspection du travail du 16 octobre 2008 par lequel il est rappelé à l'intimée que le refus d'autorisation de licenciement aurait dû la conduire à le réintégrer au service juridique des marques et non aux oeuvres sociales du comité d'entreprise au sein duquel il ne lui est pas donné de responsabilités précises (« Je regrette, alors que je vous proposais de réétudier la situation de M. X... de façon sereine, que la seule position de SANOFI-AVENTIS soit celle qui consiste à maintenir un salarié dans un service, dont il a par ailleurs été retiré pour des malversations frauduleuses non prouvées, dans lequel vous connaissez parfaitement les difficultés relationnelles entretenues avec le responsable du service » (9) ; - une attestation de Mme Y... - relation de voisinage - indiquant « avoir noté un impact direct de cette situation professionnelle sur Bruni X..., se traduisant par une dégradation du moral et de (sa) santé » (19) ; - le témoignage de Mme Z..., médecin, confirmant la dégradation de son état de santé sur plusieurs années dans un contexte professionnel de plus en plus insupportable (« Le paroxysme de la situation a été atteinte au cours de la période de sa procédure de licenciement où il a été particulièrement bouleversé » (18) ; - le certificat du docteur A... du 24 septembre 2009 faisant état de « signes objectifs de dépressions REACTIONNELLE » en lien avec une dégradation sensible de ses conditions de travail au sein de la SA SANOFI AVENTIS GROUPE (21). Sur ces bases factuelles, en application de l'article L. 1152-4 du code du travail, M. Bruno X... établit des faits permettant de laisser présumer qu'il a été victime d'une pratique répétée de harcèlement moral de la part de la SA SANOFI AVENTIS GROUPE qui, au-delà des propres pièces qu'elle produit concernant ses relations professionnelles avec l'appelant, ne démontre pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décision étaient toutes justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sur ce dernier point en effet, la cour observe notamment que la direction des Ressources Humaines Juridique dans une correspondance daté du 5 mars 2008 avait pris la décision de muter M. Bruni X... à compter du 1er avril 2008 en qualité d'assistant au sein de la direction juridique des marques située à Gentilly, mutation de fait annulée par un courrier de la direction des relations sociales du 28 mars 2008 « en raison de (son) comportement inadmissible au sein du service », sans autre précisions qui reposerait sur des constatations objectives et matériellement vérifiables, ce qui conduisit à sa réaffectation au service des oeuvres sociales du comité d'entreprise. Force est ainsi de constater la gestion erratique par l'employeur du parcours professionnel de l'appelant, en l'absence d'explications cohérentes et corroborées par des éléments suffisamment pertinents. M. Bruno X... a donc subi de la part de la SA SANOFI AVENTIS GROUPE des agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail. L'article L. 1152-3 du même code sanctionne par la nullité « toute rupture du contrat intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1552-1 et L. 1152-2 », texte applicable à la situation de l'appelant victime de harcèlement moral et licencié. Infirmant en conséquence le jugement entrepris, la cour prononcera la nullité du licenciement de M. Bruno X... qui, à sa demande, sera réintégré au sein de la SA SANOFI AVENTIS GROUPE aux mêmes conditions fonctionnelles (emploi, classification) et de rémunération qui étaient les siennes en mars 2009, sous astreinte provisoire de 300 € par jour de retard faute par elle d'y satisfaire dans le mois suivant la notification du présent arrêt. Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation intégrale de son préjudice au cours de la période dite d'éviction qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, déduction faite des revenus tirés d'une autre activité et des revenus de remplacement (assurance chômage) ayant pu lui être servis pendant ladite période. La SA SANOFI AVENTIS GROUPE, qui ne discute même pas subsidiairement le quantum sollicité par M. Bruno X... au vu des principes ainsi rappelés en cas de licenciement nul et de demande de réintégration du salarié, sera condamnée à lui payer la somme à ce titre de 60 000 euros toutes causes de préjudices confondues - financier et moral - avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens L'intimée sera condamnée à régler à M. Bruno X... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel » ;
1°) ALORS QUE l'annulation d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a prétendument fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en l'absence au contraire de lien établi avec le harcèlement, le licenciement n'est pas entaché de nullité ; qu'en se bornant à retenir que « l'article L. 1152-3 du même code sanctionne par la nullité « toute rupture du contrat intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1552-1 et L. 1152-2 », texte applicable à la situation de l'appelant victime de harcèlement moral et licencié » pour déduire la nullité du licenciement, sans constater l'existence d'un lien entre le harcèlement reproché et le licenciement du salarié, la cour d'appel a dès lors privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le salarié doit établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel s'est fondée sur un courrier de l'employeur prenant acte du refus d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail et se contentant de demander à Monsieur X... d'adopter à l'avenir une attitude constructive et irréprochable à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues, un courrier de l'inspectrice du travail rappelant que suite au refus d'autorisation de licenciement, le salarié aurait dû être réintégré dans le service juridique des marques alors même qu'il résultait de sa décision du 2 juillet 2008 que le salarié avait adopté un comportement fautif à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues au service des marques, ainsi que deux attestations et un certificat médical ne faisant état d'aucun fait circonstancié mais se contentant d'évoquer la dégradation de l'état de santé de Monsieur X... ; qu'en se bornant à énoncer que « sur ces bases factuelles - M. Bruno X... établit des faits permettant de présumer qu'il a été victime d'une pratique répétée de harcèlement moral », sans préciser la nature et la consistance des faits retenus, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du Code du travail ;
3°) ALORS QU'un rappel à l'ordre adressé à un salarié ne peut laisser présumer un harcèlement moral qu'à la condition d'être injustifié ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que prenant acte de la décision de refus d'autorisation de licenciement la société SA SANOFI AVENTIS GROUPE avait recommandé à Monsieur X... de changer d'attitude, sans constater que ce rappel à l'ordre était infondé, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4°) ALORS QUE constitue l'énonciation d'un grief précis et matériellement vérifiable pouvant être précisé et discuté devant les juges du fond le fait de reprocher à un salarié son comportement inadmissible ; qu'en l'espèce, la lettre d'annulation de mutation reprochait au salarié son « comportement inadmissible au sein du service » juridique des marques ; que l'employeur précisait dans ses écritures la consistance de ce comportement en indiquant que Monsieur X... s'était montré agressif à l'égard de sa supérieure hiérarchique immédiate, Madame B... et avait systématiquement remis en cause les demandes de sa hiérarchie mais aussi qu'il avait poussé à bout une jeune secrétaire (conclusions p. 4 § 3 et 4) ; qu'il produisait aux débats plusieurs éléments permettant de cerner le comportement du salarié et notamment les déclarations d'une représentante du personnel qui affirmait qu'« ayant parlé avec plusieurs personnes de l'équipe Juridique Marques, j'ai eu connaissance d'une jeune collaboratrice toute timide et effacée, qui a fini plus d'une fois en larmes devant l'attitude agressive et les attaques de B. X... » (productions 6, 16, 18) ; qu'ainsi, ladite lettre d'annulation de mutation contenait l'énoncé d'un grief précis et matériellement vérifiable, qui pouvait être précisé et discuté devant les juges du fond ; qu'en considérant cependant que ladite lettre contenait un grief « sans autre précision qui reposerait sur des constatations objectives et matériellement vérifiables », la Cour d'appel a violé les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du Code du travail ;
5°) ALORS QUE, les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'à son retour dans le service des oeuvres sociales, Monsieur X... s'était vu confier la tâche de lancer le site extranet du comité d'entreprise dont le lancement avait été annoncé à l'ensemble du salarié et qu'il devait à ce titre bénéficier d'une formation (conclusions p. 17 dernier §) mais que Monsieur X... avait refusé d'effectuer ; qu'à ce titre, étaient dument versés aux débats un courriel de la responsable hiérarchique de Monsieur X... lui demandant de l'informer de l'état d'avancement du projet, une lettre de la responsable des ressources humaines en date du 18 septembre 2008 déplorant que Monsieur X... n'ait pas commencé son travail ni contacté le formateur, plusieurs courriels de la supérieure hiérarchique de Monsieur X... lui proposant de nouvelles dates de formation suite à ses arrêts de travail (productions 7 à 10 et 17) ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen soulevé par l'employeur tiré de ce que Monsieur X... s'était vu confier des responsabilités à son retour dans le service des oeuvres sociales que ce dernier avait refusé d'effectuer, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.