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16/12/2014 | FRANCE | N°13-84969

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 2014, 13-84969


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jason X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre spéciale des mineurs, en date du 10 juin 2013, qui, pour destruction involontaire du bien d'autrui par l'effet d'un incendie, a prononcé une mesure de réparation et a statué sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la

chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller P...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jason X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre spéciale des mineurs, en date du 10 juin 2013, qui, pour destruction involontaire du bien d'autrui par l'effet d'un incendie, a prononcé une mesure de réparation et a statué sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 novembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de Me BALAT, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-1, 123-1, 322-5 et R. 632-1 du code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jason X...coupable de destruction, dégradation ou détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une explosion ou d'un incendie provoqués par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ;
" aux motifs que le 26 juillet 2009 à 16 heures 20, le commissariat de police de La Roche-sur-Yon était avisé du déclenchement d'une alarme intrusion au magasin Intercycles, rue Ampère ; qu'arrivés rapidement sur place, les enquêteurs constataient un départ d'incendie avec une épaisse fumée noire sur un des côtés du bâtiment, le feu se propageait rapidement sur l'ensemble du site ; que la société Immoland est propriétaire d'un ensemble immobilier situé rue Ampère à La Roche-sur-Yon ; que cet ensemble est composé d'un bâtiment et de plusieurs blocs mis en location à différentes sociétés, dont la société Intercycles, ayant pour activité l'assemblage et la vente de bicyclettes ; que les enquêteurs relevaient l'identité de deux jeunes garçons présents sur place, Jason André et Michaël Y..., âgés de 13 ans, qui mettaient en cause un troisième mineur, Jean-Pierre Z..., âgé de 11 ans ; que les premières déclarations des mis en cause étaient divergentes mais qu'ils finissaient par s'accorder sur la version de l'un d'entre eux selon laquelle Michaël Y...avait ouvert un fût situé à l'extérieur du bâtiment et Jason X...avait posé sa cigarette allumée sur le rebord de ce bidon, les flammes étaient ensuite sorties et le groupe s'était sauvé ; que Jason X...reconnaissait avoir allumé la cigarette qu'il n'avait pas porté à sa bouche en la posant sur le bidon, qu'ils s'étaient ensuite dirigés vers une petite benne puis étaient revenus vers le bidon et qu'à ce moment-là, il avait constaté avec sa main que c'était chaud et que la cigarette avait disparu sans savoir comment, puis avait aperçu une flamme jaune ; qu'il ne se rappelait plus si l'allumette qu'il avait jetée par terre était allumée ou non ; que selon l'expert judiciaire, l'incendie s'est déclaré à partir de l'inflammation en principe involontaire (approche d'une source d'énergie), de vapeurs d'hydrocarbures, de cétones, collectés dans des conteneurs ; que c'est l'écoulement en feu de ces substances sous forme liquide qui a impliqué, jusqu'au quai de chargement proche d'un portail, les divers stockages de palettes bois empilés sur le terre-plein et à proximité de la façade nord-est du bâtiment ; que c'est l'embrasement de ces derniers à l'extérieur qui a permis au processus de se propager via les châssis vitrés du magasin pièces détachées à l'étage, puis ensuite aux autres parties des locaux ; que le représentant de la société Intercycles évaluait son préjudice global à environ 4 700 000 euros ; que le préjudice immobilier concernait en revanche la société Immoland, propriétaire des locaux qu'elle demandait à la juridiction civile de fixer à la somme de 3 794 231 euros HT ; que Jason X...soutient qu'il ne saurait lui être reproché la méconnaissance des dispositions de l'article R. 632-1 du code pénal, pour caractériser le délit de destruction involontaire par incendie dû au manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, dès lors que l'article R. 632-1 ne prescrit pas d'obligation de sécurité ou de prudence au sens de l'article 322-5 du code pénal et qu'en tout état de cause aucun manquement à une obligation imposée par l'article R. 632-1 du code pénal n'a été commise par lui dans la mesure où il n'a déposé ni abandonné ni encore jeté sa cigarette ; qu'il prétend par ailleurs qu'il n'a pas contrevenu à l'article 3 de l'arrêté du préfet de la Vendée du 31 août 2005 en ce qu'il n'a à aucun moment jeté sa cigarette, s'étant limité à la poser sur un bidon ; que l'article R. 632-1 du code pénal dispose : « est puni de l'amende prévue par les contraventions de la deuxième classe le fait de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en un lieu public ou privé, à l'exception des emplacements désignés à cet effet par l'autorité administrative compétente, des ordures, déchets, déjections de matériaux liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit » ; que l'article 3 de l'arrêté du préfet de la Vendée du 31 août 2005 portant réglementation d'usage du feu hors zones de forêts et espaces boisés dans le département de la Vendée rappelle, au visa des articles 322-5 à 322-11 et de l'article R. 632-1 du code pénal que « de façon permanente, il est interdit à toute personne de jeter des allumettes, cigares, cigarettes ou autres matières incandescentes » ; que ces textes imposent bien une obligation de sécurité ou de prudence, le premier destiné à interdire les décharges sauvages susceptibles de nuire à l'environnement et à la santé, le second pour prévenir les risques d'incendie ; que deux hypothèses ont été retenues par l'expert, selon lequel soit l'incendie a été déclenché suite à la chute d'une cendre incandescente dans le fût, soit le feu est issu de l'embrasement des feuilles sèches suite à une allumette non éteinte jetée par Jason X...; qu'en déposant une cigarette incandescente sur le rebord de l'ouverture du bidon, Jason X...a bien contrevenu aux dispositions de l'article R. 632-1 susvisé, de même qu'en abandonnant toute maîtrise sur des matières incandescentes, il a également violé les dispositions de l'arrêté préfectoral du 31 août 2005, une première fois en se débarrassant de la cigarette sur le rebord du bidon et une autre fois en jetant par terre une allumette ; que faute pour le prévenu d'avoir respecté les deux textes susvisés, par l'abandon de la maîtrise de substances incandescentes, il a manqué à une obligation de sécurité et a commis une imprudence qui est à l'origine de l'incendie ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris sur les dispositions pénales, la peine étant adaptée aux circonstances de l'infraction et à la personnalité du prévenu ;
" 1°) alors, que le délit de dégradation involontaire par explosion ou incendie ne peut être caractérisé qu'en cas de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; que l'article R. 632-1 du code pénal, qui interdit de déposer, d'abandonner, de jeter ou de déverser, en lieu public ou privé, « des ordures, déchets, déjections, matériaux, liquides insalubres ou tout autre objet de quelque nature qu'il soit, y compris en urinant sur la voie publique », n'édicte aucune obligation de prudence ou de sécurité au sens de l'article 322-5 du même code mais se borne à prohiber certains agissements susceptibles de porter atteinte à l'environnement ou à la salubrité publique ; qu'en estimant au contraire que ce texte impose bien une obligation de sécurité ou de prudence, pour en déduire que sa méconnaissance, caractérisée par le fait d'avoir déposé une cigarette incandescente sur le rebord d'un bidon contenant des hydrocarbures, était constitutive du délit visé à la prévention, tout en relevant par ailleurs que l'article R. 632-1 se borne à interdire les décharges sauvages susceptibles de nuire à l'environnement et à la santé, ce dont il résulte que ce texte n'édicte aucune obligation de sécurité ou de prudence, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;
" 2°) alors, que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que si l'article 3 de l'arrêté du préfet de la Vendée en date du 31 août 2005 interdit à toute personne de « jeter des allumettes, cigares, cigarettes ou autres matières incandescentes », ce texte n'incrimine nullement le seul fait de déposer momentanément une cigarette sur un bidon, sans aucune intention de l'abandonner ; qu'en estimant au contraire qu'en déposant une cigarette incandescente sur le rebord de l'ouverture d'un bidon contenant des hydrocarbures, le prévenu s'était « débarrassé » de cette cigarette et qu'il avait, ce faisant, méconnu les prescriptions de l'arrêté susvisé, pour en déduire que ce manquement caractérisait le délit de l'article 322-5 du code pénal, sans rechercher comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de l'exposant si, loin de se débarrasser de sa cigarette, ce dernier, qui venait de l'allumer aux fins de la fumer, ne s'était pas borné à la déposer momentanément sur le bidon avant d'en constater la disparition au moment où il souhaitait en reprendre possession, ce qui ne pouvait caractériser une méconnaissance de l'arrêté du préfet de la Vendée du 31 août 2005, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés et de l'article 111-4 du code pénal ;
" 3°) alors, que si, dans son rapport, l'expert judiciaire a envisagé comme cause de l'incendie la thèse du jet au sol d'une allumette dont l'extrémité aurait été en ignition, il a considéré qu'une telle thèse n'était guère plausible dès lors qu'elle n'était compatible ni avec les déclarations constantes des adolescents présents sur place, ni avec l'embrasement des vapeurs d'hydrocarbures émises par le bidon sur lequel avait été momentanément posée la cigarette du prévenu ; qu'ainsi, en estimant que deux hypothèses avaient été retenues par l'expert, notamment celle selon laquelle le feu aurait été issu de l'embrasement de feuilles sèches suite à une allumette non éteinte jetée par Jason X..., pour en déduire que ce dernier avait méconnu les prescriptions de l'arrêté du préfet de la Vendée en date du 31 août 2005 en jetant par terre une allumette et que ces faits étaient en lien de causalité avec l'incendie, la cour d'appel qui a dénaturé le sens et la portée du rapport d'expertise, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
" 4°) alors qu'en relevant que deux hypothèses avaient été retenues par l'expert, notamment celle selon laquelle le feu aurait été issu de l'embrasement de feuilles sèches suite à une allumette non éteinte jetée par Jason X..., pour en déduire que ce dernier avait méconnu les prescriptions de l'arrêté du préfet de la Vendée en date du 31 août 2005 en jetant par terre une allumette, tout en relevant par ailleurs que « selon l'expert judiciaire, l'incendie s'est déclaré à partir de l'inflammation en principe involontaire (approche d'une source d'énergie), de vapeurs d'hydrocarbures, de cétones, collectés dans des conteneurs », ce dont il résulte que l'expert n'avait finalement retenu, comme seule cause plausible de l'incendie, que l'hypothèse d'une chute d'une cendre incandescente dans le fût, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé ce faisant l'article 593 du code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de destruction involontaire du bien d'autrui par l'effet d'un incendie, la cour d'appel retient que les biens des sociétés Immoland et Intercycles, devenue Arcade Cycles, ont brûlé par suite de l'abandon, en violation de l'obligation de prudence et de sécurité résultant de l'article 3 de l'arrêté du préfet de la Vendée du 31 août 2005 portant réglementation d'usage du feu hors zones de forêts et espaces boisés dans le département de la Vendée, de substances incandescentes à proximité de liquides inflammables ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme due par Jason X...à la société Arcade Cycles au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-84969
Date de la décision : 16/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 10 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 2014, pourvoi n°13-84969


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.84969
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