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11/12/2014 | FRANCE | N°13-17661

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2014, 13-17661


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc. 19 mai 2009, n° 08-40101), que M. X..., médecin urgentiste, a conclu avec la Polyclinique Saint-Jean, d'une part, un contrat d'exercice libéral professionnel lui permettant d'intervenir sur tous les patients extérieurs en l'absence de spécialiste concerné, et de percevoir ainsi une rémunération des actes accomplis conformément à la nomenclature, et d'autre part, un contrat de travail pour le rémunérer des soins apportés aux patient

s déjà hospitalisés nécessitant la consultation d'un médecin urgentist...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc. 19 mai 2009, n° 08-40101), que M. X..., médecin urgentiste, a conclu avec la Polyclinique Saint-Jean, d'une part, un contrat d'exercice libéral professionnel lui permettant d'intervenir sur tous les patients extérieurs en l'absence de spécialiste concerné, et de percevoir ainsi une rémunération des actes accomplis conformément à la nomenclature, et d'autre part, un contrat de travail pour le rémunérer des soins apportés aux patients déjà hospitalisés nécessitant la consultation d'un médecin urgentiste ; qu'il devait assurer un service de 24 heures tous les trois jours, soit dix gardes par mois pour un mois de trente jours et bénéficiait d'une chambre de garde en secteur d'hospitalisation ; qu'ayant quitté la Polyclinique Saint-Jean le 30 octobre 2000, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société à payer au médecin diverses sommes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt énonce que les éléments fournis par celui-ci étant suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, la demande est étayée ; que si la société indique maintenant qu'il lui est impossible de déterminer exactement les heures de travail car elle ne pouvait pas faire une répartition entre l'exercice libéral et l'exercice lié au contrat de travail, il n'en demeure pas moins qu'en l'état de l'évolution procédurale, tous les éléments précités se rapportent à l'exécution du contrat de travail dont l'existence a acquis un caractère irrévocable ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui faisait valoir qu'il était établi et non contesté que M. X... n'exerçait, en qualité de médecin libéral au sein de la Polyclinique Saint-Jean, que durant les gardes qu'il y effectuait, qu'il ne déduisait pas de son décompte le temps qu'il avait nécessairement consacré à son activité libérale, et que ses revenus annuels démontraient que le contrat d'exercice libéral n'était pas l'accessoire de son contrat de travail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Polyclinique clinique Saint-Jean
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR, statuant dans les limites de la saisine, condamné la société POLYCLINIQUE SAINT JEAN à payer à Monsieur X... les sommes de 69.510,67 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er mai 1996 à juillet 1999, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2001 et capitalisation des intérêts par année dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, 6.951,06 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, avec intérêts légal et capitalisation comme précédemment, 44.936 € bruts au titre de l'indemnité de repos compensateur pour les heures supplémentaires effectuées du 1er mai 1996 à juillet 1999 et 4.493,60 € au titre des congés payés afférents, 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 4 avril 2007 en application de l'article 1153-1 du Code civil, et 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'AVOIR ordonné la délivrance des documents sociaux y afférents, bulletins de paie, et justificatifs de déclaration aux organismes sociaux,
AUX MOTIFS d'abord QUE la société POLYCLINIQUE SAINT JEAN demande, dans ses dernières conclusions, de constater l'absence de lien de subordination entre le docteur Gilles X... et elle ; qu'ainsi elle remet en cause l'existence d'un contrat de travail ; que cependant d'une part la cour d'appel de Montpellier par arrêt du 3 octobre 2007 avait décidé que Monsieur Gilles X... devait bénéficier du statut de cadre pendant son contrat de travail du 14 novembre 1995 au 2 juillet 1999 et ce en application de la convention collective nationale du 14 mars 1947 et ordonné à la société POLYCLINIQUE SAINT JEAN de déclarer le salarié pour la période susvisée au régime complémentaire institué par ladite convention en prenant en charge les conséquences financières ; que d'autre part la Cour de cassation casse uniquement l'arrêt uniquement en ce qu'il a rejeté la demande de règlement d'heures supplémentaires, de repos compensateurs, d'indemnité de congés payés afférents et de dommages et intérêts ; que sont donc irrecevables les prétentions de la société relativement à l'existence et à la qualification d'un contrat de travail en application des articles 633 et 638 du Code de procédure civile ;
1. ALORS QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, ni à l'oral (arrêt, p. 4-5) ni dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... n'avait soulevé l'irrecevabilité de l'argumentation de la société contestant l'existence d'un contrat de travail en application des articles 633 et 638 du Code de procédure civile ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans provoquer les observations des parties sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE devant la juridiction de renvoi, les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions ; que la recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles applicables devant la juridiction dont la décision a été cassée, et qu'en matière prud'homale, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel ; que seuls les chefs de dispositif non atteints par la cassation ne peuvent être remis en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Montpellier dans les chefs de dispositifs non cassés de son arrêt du 3 octobre 2007 n'a pas statué sur la qualification du contrat dit de travail conclu entre les parties, de sorte que la société exposante était recevable à invoquer, pour faire rejeter les demandes en paiement d'heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateurs, congés payés afférents et dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail ¿ chefs de demande ayant fait l'objet de la cassation ¿, l'absence de lien de subordination et donc la nécessaire requalification du contrat intitulé « de travail » en contrat d'entreprise ; qu'en déclarant irrecevable cette « prétention », comme excédant les limites de sa saisine, la cour d'appel a violé les articles 632, 633 et 638 du Code de procédure civile, ensemble l'article R. 1452-7 du Code du travail ;
AUX MOTIFS ensuite QUE selon les dispositions de l'article L. 212-1-1, créé par la loi 92-1446 du 31 décembre 1992 et devenu L. 3171-4 du Code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments matériels de nature à étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que Monsieur X... en s'appuyant sur les mentions des bulletins de paie expose qu'il a travaillé au-delà des 10 gardes mensuelles et ceci pour les mois suivants: - août 1996 : 12 gardes soit 288 heures mensuelles, - septembre 1996 12 gardes soit 288 heures mensuelles, - janvier 1997 : 11 gardes soit 264 heures mensuelles, - avril 1997 : 11 gardes, soit 264 heures mensuelles, - mai 1997 : 11 gardes soit 264 heures mensuelles, - juillet 1997 : 12 gardes, soit 288 heures mensuelles, - janvier 1998 : 11 gardes, soit 264 heures mensuelles, - juillet 1998 : 11 gardes, soit 264 heures mensuelles, - août 1998 : 12 gardes, soit 288 heures mensuelles, -septembre 1998 :11 gardes soit 264 heures mensuelles, - octobre 1998 : 11 gardes, soit 264 heures mensuelles, - mai 1999 : 11 gardes, soit 264 heures mensuelles; que ces éléments sont suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments fait ; qu'ils étayent donc la demande du salarié ; que si la société indique maintenant qu'il lui est impossible de déterminer exactement les heures de travail car elle ne pouvait pas faire une répartition entre l'exercice libéral et l'exercice lié au contrat de travail, il n'en demeure pas moins qu'en l'état de l'évolution procédurale de la présente instance, tous les éléments précités se rapportent à l'exécution du contrat de travail dont l'existence a acquis un caractère irrévocable ; que, de plus, la société prétend que Monsieur X... s'est fait remplacer pour les gardes suivantes: - des 27 et 30 décembre 1996, - du 31 mars 1999, - les 16, 19 et 21 avril 1999, - les 1er, 22, et 23 mai 1999, - et les 22 et 29 juin 1999 ; qu'elle prétend aussi qu'au mois de décembre 1996 Monsieur X... n'a effectué que 8 gardes, en février 1999 que 9 gardes, au mois d'avril 1999 que 7 gardes; que de même pour les mois de mai et juin 1999 il n'a réalisé que 8 gardes; que, cependant, d'une part il découle des précisions apportées par elle que la société dispose bien d'éléments d'évaluation et de quantification de la durée du travail de Monsieur X... quant aux gardes effectuées, d'autre part les précisions ci-dessus fournies par elle ne correspondent pas à celles invoquées par Monsieur X... qui ne fait, pour sa part, que référence à d'autres périodes ; que, dans de telles conditions, les demandes sont fondées à ce titre, la durée de travail de Monsieur X... pouvant s'établir jusqu'à 72 heures hebdomadaires soit 3 gardes de 24 heures, même que la durée maximale hebdomadaire de travail ne peut dépasser 48 heures; que les demandes de l'appelant à titre subsidiaire sont donc fondées ; que toutefois il doit être alloué la somme de 44.936 euros bruts au titre de l'indemnité de repos compensateur due au titre des heures supplémentaires effectuées, non pas de novembre 1995 comme il est réclamé, mais du mois de mai 1996 au mois de juillet 1999 compte tenu de la prescription ; Sur les autres demandes : qu'il y a lieu au regard du préjudice subi lié au non-respect par l'employeur des règles concernant les horaires et la durée du travail d'allouer en sus à Monsieur X... la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts, sans qu'il y ait lieu de réparer de manière spécifique l'incidence fiscale alléguée, sans aucune démonstration ni justificatif ;
3. ALORS en tout état de cause QUE constitue un travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que constitue au contraire une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, l'exposante faisait valoir que les périodes de garde assurées par Monsieur X... devaient s'analyser en astreintes et non en temps de travail effectif (conclusions d'appel, p. 18-20) ; qu'en analysant l'intégralité des heures de garde comme des heures de travail effectif, sans au préalable caractériser en quoi Monsieur X... était durant ces périodes à la disposition de la société et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du Code du travail ;
4. ALORS encore plus subsidiairement QU'un médecin lié simultanément à un établissement de santé par un contrat d'exercice libéral et par un contrat de travail ne peut solliciter le paiement d'heures de travail salarié pour des heures durant lesquelles il a exercé ses fonctions non salariées et perçu à ce titre des honoraires ; qu'en l'espèce, la société POLYCLINIQUE SAINT JEAN et le docteur X... avaient conclu deux contrats, l'un d'exercice libéral pour les soins apportés aux patients se présentant à l'accueil des urgences de la polyclinique, l'autre dit de travail pour le rémunérer des soins apportés aux patients déjà hospitalisés nécessitant la consultation d'un médecin urgentiste ; qu'il était constant que le docteur X... exerçait au sein de la polyclinique en qualité de médecin libéral les jours pendant lesquels il avait accepté d'être de garde de sorte que ses heures de garde ne pouvaient toutes constituer un temps de travail salarié ; qu'en se bornant à affirmer qu'en l'état de l'évolution procédurale de la présente instance, les éléments apportés par Monsieur X... relatifs à ses gardes se rapportent à l'exécution du contrat de travail dont l'existence a acquis un caractère irrévocable, pour analyser l'intégralité des heures de garde comme des heures de travail salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1 et L. 3121-5 du Code du travail, ensemble l'article L. 6154-4 du Code de la santé publique ;
5. ALORS de même QUE les heures supplémentaires que Monsieur X... prétendait avoir réalisées et dont il demandait le paiement ne concernaient pas les seuls mois où il disait avoir effectué plus de 10 gardes, lesdits mois n'ayant été énumérés que pour contester l'application de la convention de forfait ; qu'il demandait le paiement d'heures supplémentaires sur la base de 10 gardes au moins tous les mois, décompte que l'exposante contestait en démontrant que pour certains mois le nombre de garde réalisé était inférieur ; qu'en écartant cette contestation au prétexte que les précisions fournies ne correspondaient pas aux périodes invoquées par Monsieur X..., qui ne faisait pour sa part référence qu'à d'autres périodes, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-17661
Date de la décision : 11/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 19 mars 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2014, pourvoi n°13-17661


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.17661
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