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10/12/2014 | FRANCE | N°14-13921

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 14-13921


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que, par lettre du 28 octobre 2013 adressée à la société Ethicon, l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir a désigné Mme X... en qualité de « déléguée syndicale de votre entreprise et représentante syndicale Force Ouvrière au comité d'entreprise de votre établissement en remplacement d'Armand Y... » ; que la société a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ces désignations ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :


Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour valider la dés...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que, par lettre du 28 octobre 2013 adressée à la société Ethicon, l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir a désigné Mme X... en qualité de « déléguée syndicale de votre entreprise et représentante syndicale Force Ouvrière au comité d'entreprise de votre établissement en remplacement d'Armand Y... » ; que la société a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ces désignations ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour valider la désignation de Mme X..., le tribunal retient que cette dernière est adhérente de l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir, dont la représentativité n'est pas contestée par l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société qui soutenait que le secrétaire général de l'Union ne disposait pas du pouvoir de procéder à une telle désignation, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, le jugement énonce qu'il a été indiqué à l'audience que l'établissement d'Auneau était fermé depuis le début de l'année, que la période apparaît charnière et stratégique dans la vie de l'entreprise, qu'il est fait état d'un projet de fusion, que l'intervention syndicale dans l'intérêt collectif des salariés est déterminante, que les enjeux de la désignation de Mme X... sont donc très importants, que les moyens soulevés par la société Ethicon pour s'opposer à la désignation de Mme X... ne relèvent pas d'une contestation de fond, désignation en vue de faire échec à une procédure de licenciement, mais d'une contestation de forme, que cette attitude, compte-tenu des circonstances, apparaît fautive et cause un préjudice manifeste à Mme X... et à l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir, contraintes de se défendre en justice, dans l'incertitude de leur sort ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans caractériser l'abus du droit d'agir en justice de la société, le tribunal a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article R. 2143-5 du code du travail ;
Attendu que le tribunal a condamné la société Ethicon aux dépens ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de l'article R. 2143-5 du code du travail, le tribunal d'instance statue sans frais, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 mars 2014, entre les parties, par le tribunal d'instance de Chartres ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Dreux ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Ethicon.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir validé la désignation de Mme X... par l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir en qualité de représentante syndicale au comité d'établissement d'Auneau, de déléguée syndicale de l'établissement d'Auneau et de déléguée syndicale centrale de l'entreprise Ethicon et d'avoir condamné la société Ethicon à payer à Mme X... et à l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir une somme de 500 euros à titre de dommages-et-intérêts, chacun ;
Aux motifs que « la société ETHICON conteste d'abord la capacité pour une union de syndicats de désigner leurs représentants pour l'exercice des droits qui leur sont conférés ; qu'or, les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ; qu'ils sont dotés de la personnalité civile et sont seuls admis à négocier les conventions et accords collectifs de travail ; qu'ils ont le droit d'agir en justice ; qu'ils sont habilités à désigner leurs représentants pour l'exercice des droits qui leur sont légalement conférés ; que les Unions de syndicats sont expressément prévues par l'article L 2133-2 du Code du travail ; qu'elles sont soumises aux dispositions applicables aux syndicats professionnels et jouissent à ce titre de tous les droits qui leur sont conférés ; que le syndicat auquel adhère les salariés de l'entreprise, en l'espèce une union de syndicats, est habilité à désigner un délégué syndical ou un représentant syndical ; que la société ETHICON conteste ensuite l'adhésion d'Isabelle X... au syndicat FORCE OUVRIÈRE ; que les pièces versées aux débats établissent qu'Isabelle X... est adhérente de l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR ; qu'or, la Fédération Nationale FORCE OUVRIÈRE de la Pharmacie est affiliée à l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR (article 2 des statuts) et également à la Confédération Générale du Travail FORCE OUVRIÈRE à laquelle adhère l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR qui n'en est que l'émanation au niveau départemental ; qu'en outre, de nombreux syndicats représentatifs au niveau du département de l'EURE-ET-LOIR dans le secteur de la pharmacie sont adhérents tant de l'UNION DÉPARTEMENTAL FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR que de la Fédération Nationale FORCE OUVRIÈRE de la Pharmacie et de la Confédération Générale du Travail FORCE OUVRIÈRE ; que dès lors, l'adhésion d'Isabelle X... à un syndicat affilié à l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR et couvrant tant le secteur géographique que le secteur d'activité de la pharmacie dont relève la société ETHICON permet à l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR de se prévaloir de cette adhésion et de la désigner en qualité de déléguée syndicale et de représentante syndicale ; que la représentativité de l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR n'est pas contestée par l'employeur ; que celui-ci reconnaît dans ses écritures que depuis de nombreuses années, l'U. D. F. O. d'EURE-ET-LOIR dispose d'élus au Comité d'Etablissement, de délégués du personnel et de délégués syndicaux et a constitué une section syndicale au sein de l'établissement d'AUNEAU de la société ETHICON, section dont fait partie Isabelle X... ; que L'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIÈRE D'EURE-ET-LOIR est indéniablement représentative au sein de l'établissement d'AUNEAU de la société ETHICON ; que la société ETHICON conteste également la régularité du périmètre de désignation d'Isabelle X... en qualité de délégué syndicale ; qu'elle conteste qu'Isabelle X... ait été désignée en qualité de déléguée syndicale centrale de l'entreprise ETHICON ; que le rôle du délégué central d'entreprise est essentiellement de représenter son organisation dans les négociations collectives au niveau de l'entreprise ; que la désignation n'est pas expresse ; que cependant dans la mesure où, sauf indication contraire dans la lettre de notification, la désignation d'un nouveau délégué en remplacement d'un précédent est réputée faite dans un périmètre identique à celui au sein duquel avait été effectuée la désignation de la personne remplacée, la mention du remplacement suffit à rendre la seconde désignation précise dès lors que le périmètre de désignation du premier délégué n'est pas contesté ; qu'il est constant qu'Armand Y... exerçait les mandats de délégué syndical de l'établissement d'AUNEAU et celui de délégué syndical central de l'entreprise ETHICON ; que la mention du remplacement dans la désignation permet de retenir la validité de la désignation en cette qualité dès lors qu'elle est revendiquée et cela malgré l'absence de désignation expresse en cette qualité ; que dans ces conditions, il y a lieu de constater la régularité de la désignation d'Isabelle X... en qualité de représentante syndicale au comité d'établissement d'AUNEAU, de déléguée syndicale de l'établissement d'AUNEAU et de déléguée syndicale centrale de l'entreprise ETHICON » ;
Alors, d'une part, que les unions de syndicats sont constituées de syndicats professionnels qui seuls peuvent y adhérer et à l'exclusion des salariés eux-mêmes ; qu'en retenant, pour valider la désignation de Mme X... par l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir en qualité de représentante syndicale, de déléguée syndicale et de déléguée syndicale centrale, qu'il ressortait des éléments du débat que Mme X... était adhérente de l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir à laquelle pourtant seul un syndicat et non un salarié pouvait adhérer, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2133-1 du code du travail ;
Alors, d'autre part, que les juges doivent procéder à une analyse même sommaire des éléments sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à indiquer que Mme X... était adhérente d'un syndicat affilié à l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir, sans préciser les éléments sur lesquels il fondait cette assertion, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, par ailleurs, que la société Ethicon contestait que le secrétaire général de l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir tire des statuts le pouvoir de procéder lui-même à la désignation des délégués syndicaux (jugement attaqué, p. 2, § 8 et conclusions de la société Ethicon, spé. p. 6, dernier § s.) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, ensuite, qu'une union de syndicats ou un syndicat ne peut désigner un délégué syndical que dans le champ d'application géographique et professionnel déterminé par ses statuts ; qu'en jugeant régulière la désignation de Mme X... en qualité de délégué centrale d'entreprise par l'Union départementale Force ouvrière de l'Eure-et-Loir, sans vérifier, comme il le lui était demandé (conclusions de la société Ethicon, pt. 2-4, spé. p. 7 s.) si le champ d'application géographique de cette union lui donnait vocation à désigner un délégué syndical au sein de la société Ethicon qui comptait, outre le site d'Anneau situé en Eure-et-Loir, un site à Issy-les-Moulineaux, hors de ce champ d'application, le Tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 2121-1, L. 2122-1, L. 2131-3, L. 2143-3 du Code du travail ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Alors, de plus et subsidiairement, que la circonstance qu'un délégué syndical soit désigné dans le même périmètre que son prédécesseur n'interdit pas à l'employeur de contester la régularité du périmètre de cette nouvelle désignation ; qu'à supposer qu'on puisse lire le jugement comme retenant que la circonstance que Mme X... ait été désignée en remplacement d'un délégué syndical qui exerçait au niveau de l'entreprise interdisait pas à la société Ethicon de contester la régularité de son périmètre de désignation, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;
Alors, enfin, que la lettre de désignation d'un délégué syndical fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, par lettre du 28 octobre 2013, l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir a désigné Mme X... en qualité de " déléguée syndicale de votre entreprise et Représentante syndicale FORCE OUVRIERE au comité d'entreprise de votre établissement " ; qu'en validant la désignation de Mme X... par l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir non seulement en qualité de représentante syndicale au comité d'établissement d'Auneau et de déléguée syndicale centrale de l'entreprise Ethicon, mais encore de déléguée syndicale de l'établissement d'Auneau, désignation que ne contenait pas cette lettre, la cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Ethicon à payer à Mme X... et à l'Union départementale Force Ouvrière d'Eure-et-Loir une somme de 500 euros à titre de dommages-et-intérêts, chacun ;
Aux motifs que « il a été indiqué à l'audience que l'établissement d'AUNEAU était fermé depuis le début de l'année ; que la période apparaît charnière et stratégique dans la vie de l'entreprise ; qu'il est fait état d'un projet de fusion ; que l'intervention syndicale dans l'intérêt collectif des salariés est déterminante ; que les enjeux de la désignation d'Isabelle X... sont donc très importants ; que les moyens soulevés par la société ETHICON pour s'opposer à la désignation d'Isabelle X... ne relèvent pas d'une contestation de fond (désignation en vue de faire échec à une procédure prévisible de licenciement) mais d'une contestation de forme ; que cette attitude, compte-tenu des circonstances, apparaît fautive et cause à Isabelle X... et à l'UNION DÉPARTEMENTALE FORCE OUVRIERE contraintes de se défendre en justice, dans l'incertitude de leur sort, qu'il convient d'indemniser par l'octroi d'une somme à titre de dommages-et-intérêts, que les circonstances de la cause et l'équité conduisent à arbitrer à la somme de 500 euros au profit de chacune des défenderesses " ;
Alors, d'une part, que l'exercice d'une action en justice est un droit qui ne peut être sanctionné que s'il dégénère en abus ; que la seule circonstance que les enjeux du litige sont importants pour les parties n'est pas en elle-même susceptible de caractériser un tel abus ; qu'en condamnant la société Ethicon à payer des dommages-intérêts aux défenderesses, au motif impropre que la désignation de Mme X... en qualité de déléguée syndicale était importante au regard de la situation de l'entreprise, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que la contestation de la régularité de la désignation d'un délégué syndical tenant à l'absence de pouvoir de l'auteur de la désignation et à la méconnaissance du périmètre de désignation constitue une contestation de fond ; qu'en retenant, pour dire abusive la contestation élevée par la société Ethicon et allouer des dommages-intérêts aux défenderesses à ce titre, que la société Ethicon s'est bornée à élever une contestation de forme, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir condamné la société Ethicon au paiement des dépens de l'instance ;
Aux motifs que « Les dépens de l'instance seront supportés par la société ETHICON, en application de l'article 696 du code de procédure civile » ;
Alors que l'article R. 2143-5 du code du travail prévoit que, saisi d'une contestation relative aux conditions de désignation d'un délégué syndical, le tribunal d'instance statue sans frais ; qu'il en découle que le tribunal ne peut condamner l'une des parties aux dépens, de telle sorte qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-13921
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Chartres, 04 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°14-13921


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:14.13921
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