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10/12/2014 | FRANCE | N°13-26176

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 décembre 2014, 13-26176


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 juillet 2013), que la banque Tarneaud (la banque) a consenti à M. et Mme X..., le 9 décembre 2004 un prêt personnel de 40 000 euros et le 12 décembre 2007 un découvert temporaire en compte de 25 000 euros ; qu'en raison de leur défaillance dans le remboursement de ces concours, la banque les a assignés en paiement ; que la cour d'appel a condamné Mme X..., seule poursuivie aprè

s la mise en redressement judiciaire de son époux, à payer à la banque d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 juillet 2013), que la banque Tarneaud (la banque) a consenti à M. et Mme X..., le 9 décembre 2004 un prêt personnel de 40 000 euros et le 12 décembre 2007 un découvert temporaire en compte de 25 000 euros ; qu'en raison de leur défaillance dans le remboursement de ces concours, la banque les a assignés en paiement ; que la cour d'appel a condamné Mme X..., seule poursuivie après la mise en redressement judiciaire de son époux, à payer à la banque diverses sommes au titre de ces concours financiers et rejeté sa demande reconventionnelle en indemnisation du préjudice subi du fait du manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire, alors, selon le moyen :
1°/ que si l'emprunteur est non averti, il incombe au banquier de prouver qu'il l'a mis en garde contre le risque de l'endettement né du crédit qu'il lui a octroyé ; qu'il n'est déchargé de son obligation que s'il établit l'absence d'un tel risque ; qu'en jugeant qu'il appartenait à Mme X..., emprunteuse non avertie poursuivie en paiement de crédits octroyés par la Banque Tarneaud dans le remboursement desquels elle était défaillante, de faire la preuve du risque de l'endettement né de l'octroi de ces crédits, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que le juge doit rechercher si le banquier a mis en garde l'emprunteur non averti contre le risque de l'endettement né de l'octroi du crédit, et doit donc vérifier s'il existait un tel risque ; que l'arrêt attaqué a constaté qu'étaient versées aux débats les pièces relatives aux parts de SCI détenues par Mme X..., le justificatif de son Codevi, la déclaration des revenus commune à son époux et elle-même pour l'année 2005 faisant état notamment des revenus immobiliers du couple, les fiches de renseignements remplies par les emprunteurs en 2006 et 2007 indiquant leur patrimoine immobilier, et la preuve de l'achat d'un véhicule par elle en 2006 ; qu'en retenant que Mme X... ne justifiait pas que la Banque Tarneaud était tenue d'un devoir de mise en garde à son égard au prétexte qu'en réponse aux éléments susmentionnés qui étaient fournis par la banque elle ne prouvait pas la consistance exacte de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil pour avoir refusé de rechercher si ces éléments n'établissaient pas le risque de l'endettement né de l'octroi des crédits litigieux sans qu'il faille connaître de façon absolument exacte le patrimoine de Mme X..., et, dans l'affirmative, si la Banque Tarneaud l'avait mise en garde contre ce risque ;
3°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties ; que l'arrêt attaqué a constaté qu'étaient produites les pièces relatives aux parts détenues par l'exposante dans des SCI, le justificatif de son Codevi, la déclaration des revenus commune à son époux et elle-même pour l'année 2005 faisant état notamment des revenus immobiliers du couple, les fiches de renseignements remplies par les emprunteurs en 2006 et 2007 indiquant leur patrimoine immobilier, et la preuve de l'achat d'un véhicule par Mme X... en 2006 ; qu'en refusant d'examiner ces éléments pour trancher la question de savoir s'il existait un risque né de l'octroi des crédits litigieux à l'encontre duquel la Banque Tarneaud avait mis en garde Mme X..., au prétexte qu'en réponse à ces éléments elle ne prouvait pas la consistance exacte de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la banque produisait aux débats diverses pièces accréditant le fait que lors de la souscription des concours bancaires litigieux, Mme X..., emprunteur non averti, disposait de parts sociales et que cette dernière ne fournissait aucune explication sur l'ampleur exacte de son patrimoine au jour de la souscription des crédits, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office, que Mme X... n'établissait pas l'existence d'un risque effectif d'endettement lié à l'octroi des crédits, de sorte que le manquement de la banque à son devoir de mise en garde n'était pas caractérisé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la troisième branche du moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Jacqueline X... de sa demande indemnitaire ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « sur la demande indemnitaire de Mme Jacqueline Y... épouse X..., il convient en premier lieu de relever que l'intimée ne saurait, pour faire obstacle à la recevabilité de la demande indemnitaire présentée par l'appelante, se prévaloir de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal d'instance d'Angers du 6 juin 2011 ayant débouté Mme Jacqueline Y... épouse X... d'une demande de dommages intérêts dirigée contre la Banque Tarneaud pour manquement de cette dernière à son devoir de mise en garde ; qu'en effet, dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal d'instance, l'appelante avait reproché à la banque un manquement à ses obligations concernant d'autres concours financiers que ceux qui sont concernés dans l'instance pendante devant la cour ; que le fait que l'appelante ait eu le statut de conjoint collaborateur de son époux, avocat, et qu'elle ait été gérante de diverses sociétés civiles immobilières, ne lui confère pas, ipso facto, la qualité d'emprunteur averti ; que le banquier a, à l'égard de l'emprunteur non averti un devoir de mise en garde sur les risques d'endettement nés de l'octroi des concours financiers auxquels il consent ; qu'il appartient à l'emprunteur qui se prévaut d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde de rapporter la preuve du risque d'endettement né de l'octroi des concours financiers ; que l'existence de ce risque s'apprécie à la date de souscription des contrats en prenant en considération les revenus, patrimoine et charges de l'emprunteur à cette date ; que les concours bancaires litigieux ont été consentis à l'appelante le 9 décembre 2004 pour le prêt de 40.000 euros et le 12 décembre 2007 pour le découvert temporaire en compte de 25.000 euros ; que s'agissant des charges d'emprunt il ressort du jugement du tribunal d'instance du 6 juin 2011 produit aux débats par la banque que cette dernière, outre les deux ouvertures de crédits litigieuses avait consenti à l'appelante : - un prêt de 10.000 euros le 16 novembre 2005, - une ouverture de crédit de 5.000 euros le 20 septembre 2007 ; que les époux X... étant mariés sous le régime de la séparation des biens, la banque ne peut se prévaloir, comme elle le fait, de la présomption simple d'indivisibilité des sommes déposées sur le compte joint par l'époux alors que dans le même temps elle admet que ces sommes correspondaient aux salaires de ce dernier ; qu'il n'est pas contesté que l'appelante, conjoint collaborateur, ne percevait pas de salaire direct de son activité, les seuls revenus déclarés sur les fiches de renseignements et les documents fiscaux épars ne faisant pas de référence à des salaires perçus par le couple autres que le revenu que l'époux tirait de son activité d'avocat ; qu'il reste que la banque justifie, par les pièces qu'elle produit aux débats que : - en 1989, l'appelante est devenue propriétaire de parts dans la SCI Anotex, - en novembre 2000, cette dernière est devenue propriétaire de 70 % des parts de la SCI Jacot, - en avril 2002, elle est enfin devenue propriétaire de parts de la SCI Prolib, - en mars 2003, le codevi de Mme X... était créditeur de 4600 euros, - en 2005, la déclaration d'impôt du couple faisait état de revenus fonciers de 6500 euros par an laissant présumer de l'existence d'un patrimoine immobilier valorisé, - les fiches de renseignements remplies en novembre 2006 et 2007 font état, sans qu'il soit distingué entre les époux, d'un patrimoine immobilier constitué par des parts dans une SCI Themis d'une valeur de 80.000 euros et de parts dans la SCI Portalis, - l'appelante est devenue propriétaire en 2006 d'un véhicule d'une valeur de 10.090 euros payé comptant ; que la cour ne peut que constater que la société Banque Tarneaud produit aux débats diverses pièces qui accréditent le fait que lors de la souscription des concours bancaires litigieux, l'appelante disposait, a minima, d'un patrimoine sous forme de parts sociales ; que Mme Jacqueline Y... épouse X... ne fournit, au regard des éléments circonstanciés dont la banque fait état, d'aucune explication sur l'ampleur exacte de son patrimoine au jour de la souscription des crédits litigieux ; qu'au regard des éléments de fait plus haut rappelés et faute pour elle de justifier de la consistance exacte de son patrimoine lors de la souscription des emprunts, l'appelante, qui a sur ce point la charge de la preuve, n'établit pas l'existence d'un risque effectif d'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'elle ne justifie donc pas que la banque était tenue à son égard d'un devoir de mise en garde ; que par ailleurs, il n'est pas soutenu que la banque aurait en l'espèce, conseillé l'appelante soit spontanément soit à sa demande étant observé que, au nom du devoir de non-ingérence d u banquier dans la gestion des affaires de son client, celui-ci n'a pas en principe, à l'égard de ce dernier, de devoir de conseil ; qu'aucun manquement fautif ne peut donc lui être reproché de ce chef ; que la décision entreprise ne pourra donc qu'être confirmée en ce qu'elle a justement débouté Mme Jacqueline Y... épouse X... de sa demande indemnitaire » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « sur la demande reconventionnelle, Madame X... oppose à la S.A. BANQUE TARNEAUD un manquement à ses obligations de conseil et de mise en garde, mais ne donne aucune précision sur sa propre situation, à la seule exception de son contrat de mariage de séparation de biens ; qu'il convient pourtant de remarquer que lors de l'octroi des concours, en 2004 et 2007, Madame X... était conjointe collaboratrice d'un avocat ; que ces concours ont été accordés solidairement au couple, alors que Monsieur X... a déclaré pour l'année 2001 des revenus professionnels annuels d'un montant de 42.686 euros et des revenus immobiliers annuels d'un montant de 15.514 euros, puis les fiches de renseignements bancaires des 16 novembre 2006 et 20 septembre 2007 font état de revenus professionnels annuels d'un montant de 69.000 euros et de fermages d'un montant de 1.500 euros ; qu'enfin, le compte de résultat 2004 fait état d'un bénéfice de 70.701 euros ; qu'à titre personnel, Madame X... dispose de parts dans les sociétés civiles immobilières PROLIB, ANOTEX et JACOT ; que dans ces conditions, Madame X... ne justifie pas d'un manquement de la part de la banque à ses obligations de conseil et de mise en garde alors qu'il résulte de ce qui précède que la banque a recueilli les éléments de solvabilité nécessaires auprès des débiteurs et a ouvert des concours compatibles avec leur état de fortune ; qu'il convient donc de la débouter de sa demande reconventionnelle ».
ALORS 1°) QUE si l'emprunteur est non averti, il incombe au banquier de prouver qu'il l'a mis en garde contre le risque de l'endettement né du crédit qu'il lui a octroyé ; qu'il n'est déchargé de son obligation que s'il établit l'absence d'un tel risque ; qu'en jugeant qu'il appartenait à Madame X..., emprunteuse non avertie poursuivie en paiement de crédits octroyés par la BANQUE TARNEAUD dans le remboursement desquels elle était défaillante, de faire la preuve du risque de l'endettement né de l'octroi de ces crédits, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS 2°) QUE le juge doit rechercher si le banquier a mis en garde l'emprunteur non averti contre le risque de l'endettement né de l'octroi du crédit, et doit donc vérifier s'il existait un tel risque ; que l'arrêt attaqué a constaté qu'étaient versés aux débats les pièces relatives aux parts de SCI détenues par Madame X..., le justificatif de son Codevi, la déclaration des revenus commune à son époux et elle-même pour l'année 2005 faisant état notamment des revenus immobiliers du couple, les fiches de renseignements remplies par les emprunteurs en 2006 et 2007 indiquant leur patrimoine immobilier, et la preuve de l'achat d'un véhicule par l'exposante en 2006 ; qu'en retenant que Madame X... ne justifiait pas que la BANQUE TARNEAUD était tenue d'un devoir de mise en garde à son égard au prétexte qu'en réponse aux éléments susmentionnés qui étaient fournis par la banque elle ne prouvait pas la consistance exacte de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil pour avoir refusé de rechercher si ces éléments n'établissaient pas le risque de l'endettement né de l'octroi des crédits litigieux sans qu'il faille connaître de façon absolument exacte le patrimoine de l'exposante, et, dans l'affirmative, si la BANQUE TARNEAUD avait mis en garde Madame X... contre ce risque ;
ALORS 3°) QUE ayant relevé que Madame X... était mariée sous le régime de la séparation de biens, à supposer qu'elle ait adopté les motifs des premiers juges qui ont rejeté sa demande indemnitaire en considération des revenus de Monsieur X... et parce que les prêts auraient été ainsi compatibles avec l'état de fortune des époux, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
ALORS 4°) QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties ; que l'arrêt attaqué a constaté qu'étaient produits les pièces relatives aux parts détenues par l'exposante dans des SCI, le justificatif de son Codevi, la déclaration des revenus commune à son époux et elle-même pour l'année 2005 faisant état notamment des revenus immobiliers du couple, les fiches de renseignements remplies par les emprunteurs en 2006 et 2007 indiquant leur patrimoine immobilier, et la preuve de l'achat d'un véhicule par Madame X... en 2006 ; qu'en refusant d'examiner ces éléments pour trancher la question de savoir s'il existait un risque né de l'octroi des crédits litigieux à l'encontre duquel la BANQUE TARNEAUD avait mis en garde Madame X..., au prétexte qu'en réponse à ces éléments l'exposante ne prouvait pas la consistance exacte de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-26176
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 23 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 déc. 2014, pourvoi n°13-26176


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.26176
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