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10/12/2014 | FRANCE | N°13-22142

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-22142


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2013) et les pièces de la procédure, que M. X..., engagé le 18 décembre 1989 par la société Sopafom en qualité d'assistant technique, a été désigné délégué syndical en mars 2002 par l'union locale CGT du Calaisis ; que des élections se sont déroulées au sein de la société en janvier 2010, à l'issue desquelles le salarié qui avait obtenu au moins de 10 % des suffrages, n'a pas été désigné en qualité de délégué syndical ;

que la société lui a fait connaître, par une lettre du 4 février 2011, qu'il ne pouvait...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 2013) et les pièces de la procédure, que M. X..., engagé le 18 décembre 1989 par la société Sopafom en qualité d'assistant technique, a été désigné délégué syndical en mars 2002 par l'union locale CGT du Calaisis ; que des élections se sont déroulées au sein de la société en janvier 2010, à l'issue desquelles le salarié qui avait obtenu au moins de 10 % des suffrages, n'a pas été désigné en qualité de délégué syndical ; que la société lui a fait connaître, par une lettre du 4 février 2011, qu'il ne pouvait plus se prévaloir de cette qualité depuis la date des élections et l'a convoqué le 7 février 2011 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 février suivant ; que l'autorisation de le licencier a été refusée par décision du 13 mai 2011 ; que l'Union locale CGT du Calaisis l'ayant de nouveau désigné en qualité de délégué syndical le 9 mai 2011, l'employeur a saisi le tribunal d'instance pour que soit constatée la perte par le salarié de son mandat de délégué syndical à l'issue des élections de janvier 2010 et annulée la nouvelle désignation dont il invoquait le caractère frauduleux ; que par jugement du 5 juillet 2011, le tribunal d'instance d'Asnières a considéré que le mandat du salarié était toujours valide et a débouté l'employeur de ses demandes ; que ce jugement a été cassé (Soc., 4 juillet 2012 n° 11-21.286) ; que désigné comme juridiction de renvoi, le tribunal d'instance de Colombes a, par jugement du 2 octobre 2012, constaté que le mandat du salarié avait pris fin le 18 janvier 2010 et annulé comme frauduleuse la désignation effectuée le 9 mai 2011 ; que l'Union locale a, de nouveau, désigné M. X..., cette fois en qualité de représentant de section syndicale, par lettre du 4 octobre 2012 reçue le 9 octobre 2012 par l'employeur qui, le 12 octobre suivant a saisi le tribunal d'instance d'Asnières en annulation de cette désignation ; que le jugement du 19 novembre 2012 qui a dit la demande irrecevable, faute pour la société de justifier d'un intérêt à agir, a été cassé (Soc., 10 juillet 2013 n° 12-28.765) ; que par jugement du 23 septembre 2013, le tribunal d'instance de Courbevoie, juridiction de renvoi a annulé la désignation ; que l'employeur ayant notifié au salarié son licenciement pour faute grave le 10 octobre 2012, celui-ci a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Calais pour obtenir sa réintégration et le paiement de ses salaires ;
Attendu que la société Sopafom fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration du salarié avec paiement des salaires échus depuis le 10 octobre 2012, alors, selon le moyen :
1°/ que la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 mai 2011 refusant d'autoriser le licenciement de M. X..., exprimée en l'état de la désignation de M. X... comme délégué syndical, se trouvant privée de fondement juridique et ne pouvant produire nul effet du fait de l'annulation de cette désignation par le jugement devenu irrévocable du tribunal d'instance de Colombes en date du 2 octobre 2012, la cour d'appel ne pouvait en déduire ni que M. X... bénéficiait à la date à laquelle son licenciement lui a été notifié, par lettre en date du 10 octobre 2012, de la protection instituée au profit des délégués syndicaux, ni la nullité de ce licenciement sans violer par fausse application les articles L. 2142-1-2 et L. 2411-1 du code du travail ;
2°/ que la société Sopafom, dans ses écritures d'appel se prévalait de l'annulation définitive du mandat de délégué syndical de M. X... par le jugement devenu irrévocable du tribunal d'instance de Colombes en date du 2 octobre 2012, la cour d'appel ne pouvait justifier la nullité du licenciement ultérieurement notifié à M. X... par le fait que l'autorité administrative avait estimé que le salarié bénéficiait de la protection instituée en faveur des délégués syndicaux et refusé l'autorisation de le licencier, sans s'expliquer sur les dates respectives de cette décision et de la décision judiciaire irrévocable ayant annulé le mandat de délégué syndical de M. X... ; qu'en cet état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes dispositions ;
Mais attendu qu'ayant relevé à bon droit que la décision de l'autorité administrative du 17 mars 2011, refusant l'autorisation de licencier le salarié s'imposait à elle et que l'annulation, intervenue le 2 octobre 2012, de la désignation de l'intéressé en qualité de délégué syndical n'avait pas d'effet rétroactif, la cour d'appel en a exactement déduit que, sa nouvelle désignation en qualité de représentant de section syndicale emportant application du statut protecteur, peu important qu'elle soit contestée, le licenciement du salarié, en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail, constituait un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sopafom aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger, Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils pour la société Sopafom
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir constaté que Monsieur X... a été désigné représentant syndical de section, dit qu'il a été licencié sans autorisation préalable de l'administration du travail et que son licenciement était nul, ordonné sa réintégration dans un délai maximum de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt, avec paiement des salaires échus depuis le 10 octobre 2012, outre la somme de 1.400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que le licenciement d'un salarié protégé sans autorisation administrative est nul et le juge des référés est compétent pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui en résulte en ordonnant la réintégration de l'intéressé ; qu'en l'espèce, le licenciement a été refusé par l'autorité administrative qui a estimé que le salarié bénéficiait de la protection instituée en faveur des délégués syndicaux ; que cette décision s'impose au juge judiciaire qui ne peut en apprécier la légalité ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a dit que le licenciement de Serge X... nul pour être intervenu sans autorisation administrative, peu important que la désignation en tant que délégué syndical a été annulée et que celle du 4 octobre 2012 soit contestée devant le tribunal d'instance ;
Et aux motifs, implicitement repris des premiers juges, qu'un entretien préalable a eu lieu le 17 février 2011 ; que les services de l'inspection du travail ont exprimé leur refus d'autoriser le licenciement de Mr X... en date du 13 mai 2011 ; que par note d'information sur la situation de la société à fin juin 2011, émise en juillet 2011, l'employeur indique en paragraphe 8, « nous avons renoncé à mener à terme la procédure de licenciement de M. X..., initiée en février, compte tenu du temps écoulée depuis lors » ; que le compte rendu de réunion du comité d'entreprise du 26 juillet 2011 indique en tout dernier paragraphe que « quelle que soit l'issue de la procédure en cours en cassation, Sopafom a pris la décision d'abandonner la procédure de licenciement engagée en février 2011, le délai écoulé depuis lors la rendant de fait inopérante » : que cela démontre bien l'intention volontaire de l'employeur d'abandonner son intention de licencier Mr X... ; qu'en date du 4 octobre 2012, Mr X... a été désigné représentant syndical de section par l'Union locale CGT en vertu des dispositions de l'article L.2143-3 du code du travail ; que son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée du 10 octobre 2012 donc après sa désignation en tant que représentant syndical de section et plus d'1,5 an après l'entretien préalable ; que par lettre du 15 octobre 2012 les services de l'inspection du travail ont émis des réserves sur la régularité de la procédure ; que par jugement du 19 novembre 2012, le Tribunal d'instance d'Asnières a constaté le défaut d'intérêt à agir de la société Sopafom et a déclaré sa demande irrecevable ; que le conseil dit que Mr X... a bien été désigné représentant syndical de section conformément aux dispositions de l'article L.2143-3 et suivants du code du travail, qu'il a été licencié sans autorisation préalable de l'administration du travail et qu'en conséquence son licenciement doit être considéré comme nul ¿ ;
Alors, de première part, que la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 mai 2011 refusant d'autoriser le licenciement de Monsieur X..., exprimée en l'état de la désignation de Monsieur X... comme délégué syndical, se trouvant privée de fondement juridique et ne pouvant produire nul effet du fait de l'annulation de cette désignation par le jugement devenu irrévocable du Tribunal d'instance de Colombes en date du 2 octobre 2012, la Cour d'appel ne pouvait en déduire ni que Monsieur X... bénéficiait à la date à laquelle son licenciement lui a été notifié, par lettre en date du 10 octobre 2012, de la protection instituée au profit des délégués syndicaux, ni la nullité de ce licenciement sans violer par fausse application les articles L.2142-1-2 et L.2411-1 du code du travail ;
Alors, de deuxième part, qu'en toute hypothèse, alors que la société Sopafom, dans ses écritures d'appel se prévalait de l'annulation définitive du mandat de délégué syndical de Monsieur X... par le jugement devenu irrévocable du Tribunal d'instance de Colombes en date du 2 octobre 2012, la Cour d'appel ne pouvait justifier la nullité du licenciement ultérieurement notifié à Monsieur X... par le fait que l'autorité administrative avait estimé que le salarié bénéficiait de la protection instituée en faveur des délégués syndicaux et refusé l'autorisation de le licencier, sans s'expliquer sur les dates respectives de cette décision et de la décision judiciaire irrévocable ayant annulé le mandat de délégué syndical de Monsieur X... ; qu'en cet état, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes dispositions ;
Alors, de troisième part, qu'un représentant du personnel ne peut se prévaloir de la protection attachée à son mandat lorsque la procédure de licenciement a été engagée avant que l'employeur ne soit informé de sa désignation ; que la société Sopafom soutenait que le licenciement de Monsieur X..., notifié le 10 octobre 2012 faisait suite à la procédure de licenciement engagée à son encontre le 7 février 2011, avant que les désignations successives de Monsieur X... d'abord comme délégué syndical, puis comme représentant de section syndicale, ne lui soient notifiées, respectivement le 11 mai 2011, et le 9 octobre 2012 ; que la Cour d'appel, statuant en matière de référé, ne pouvait y opposer la renonciation à cette procédure de licenciement qui aurait été exprimée par l'employeur en juillet 2011, au moment même où celle-ci poursuivait l'annulation de la désignation de Monsieur X... comme délégué syndical et qu'à cette date le licenciement de Monsieur X... se heurtait au refus de l'autorité administrative de l'autoriser, toutes circonstances de nature à rendre équivoque la renonciation prêtée à l'employeur, sans trancher par là même une contestation sérieuse et violer par là-même l'article R.1455-5 du code du travail ;
Alors, de quatrième part, que, le jugement du Tribunal d'instance d'Asnières du 19 novembre 2012 ayant rejeté comme irrecevable l'action de la société Sopafom tendant à l'annulation de la désignation de Monsieur X... comme représentant de section syndicale ayant été cassé, l'arrêt attaqué qui, par motifs adoptés, se revendique de cette décision, doit être cassé par voie de conséquence ;
Alors, enfin, que la désignation d'un salarié comme représentant de section syndicale ne saurait produire aucun effet lorsqu'elle est entachée de fraude ou lorsque les conditions de son efficience ne sont pas réunies ; qu'en l'espèce la société Sopafom faisait valoir que la désignation de Monsieur X... en cette qualité était entachée de la même fraude que sa précédente désignation comme délégué syndical, annulée pour ce motif, et qu'elle était manifestement illicite comme émanant d'une organisation syndicale qui, ayant la qualité de syndicat représentatif dans l'entreprise, n'avait pas qualité pour désigner un représentant de section syndicale ; que le juge des référés ne pouvait en l'état de ces conclusions, estimer que la nullité du licenciement et la réintégration de Monsieur X... ne se heurtaient à aucune contestation sérieuse sans répondre préalablement à ces moyens ; qu'en cet état la Cour d'appel qui n'a pas répondu aux conclusions de la société Sopafom soutenant que la désignation de Monsieur X... était entachée de fraude et manifestement illicite, a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-22142
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-22142


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Roger, Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22142
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