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10/12/2014 | FRANCE | N°13-22114;13-22841

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 décembre 2014, 13-22114 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 13-22.114 et W 13-22.841 ;
Donne acte à la société Corsica bobinage du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Axa France IARD et Pramac France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ferme marine de Spano exploite une ferme aquacole comprenant plusieurs bassins remplis d'eau de mer, recyclée et oxygénée par des pompes alimentées en électricité par la société Electricité de France (EDF), équipée en out

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 13-22.114 et W 13-22.841 ;
Donne acte à la société Corsica bobinage du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Axa France IARD et Pramac France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ferme marine de Spano exploite une ferme aquacole comprenant plusieurs bassins remplis d'eau de mer, recyclée et oxygénée par des pompes alimentées en électricité par la société Electricité de France (EDF), équipée en outre d'un groupe électrogène qu'elle a acquis auprès de la société Corsica bobinage ; qu'ayant perdu l'ensemble de ses alevins à la suite d'une interruption de l'alimentation électrique survenue, sans que le groupe électrogène ait pris le relais, elle a assigné ces deux sociétés en réparation de son préjudice ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° F 13-22.114, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
Attendu que pour condamner la société EDF, in solidum avec la société Corsica bobinage, à indemniser la société Ferme marine de Spano de son entier préjudice, l'arrêt retient qu'elle n'a pas délivré une tension suffisante et une énergie électrique adaptée pour assurer un bon fonctionnement des moteurs et des appareils ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société EDF qui soutenait que le syndicat d'électrification rurale de la Balogne était propriétaire du réseau de distribution d'énergie, dont elle n'était que le concessionnaire et n'avait que la charge de son entretien, et qu'elle avait informé le gérant de la société Ferme marine de Spano, comme le syndicat, des travaux à entreprendre sur le réseau pour permettre l'augmentation de puissance nécessaire à la satisfaction des besoins de la ferme aquacole, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° W 13-22.841, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Corsica bobinage, in solidum avec la société EDF, à réparer le préjudice subi par la société Ferme marine de Spano, l'arrêt retient que la société Corsica bobinage, vendeur et installateur du groupe électrogène, qui connaissait l'état du réseau électrique desservant l'exploitation de sa cliente, n'avait pas informé cette dernière des risques que la modification du paramétrage en seuil minimum du groupe électrogène faisait courir aux installations et avait ainsi failli à son obligation de conseil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, mieux informée, la société Ferme marine de Spano aurait renoncé à faire modifier le paramétrage du groupe électrogène, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
Met sur leur demande hors de cause les sociétés Axa France IARD et Pramac France ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Corsica bobinage responsable du sinistre subi par la société Ferme marine de Spano, in solidum avec la société EDF, et les condamne in solidum à lui payer la somme de 656 925 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 15 avril 2011, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Electricité de France (EDF), demanderesse au pourvoi n° F 13-22.114
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société EDF et d'AVOIR en conséquence condamné à la société EDF in solidum avec la société Corsica Bobinage à payer à la société Ferme marine de Spano la somme de 656 925 ¿ avec intérêts de droit à compter du 15 avril 2011, date de prononcé du jugement ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'à défaut d'élément nouveau et après analyse des pièces versées aux débats, notamment du rapport d'expertise judiciaire de M. X... du 26 avril 2010 qui a répondu aux dires de la SA EDF sur les hypothèses, contestations et observations de cette dernière, ainsi que du rapport de l'Apave Sudeurope du 9 mars 2007, portant sur la vérification de l'installation électrique de la Ferme marine de Spano, qui conclut qu'aucun élément ne peut mettre en cause les installations aval, aucune protection n'ayant déclenché, « il y a certitude qu'il n'y a eu aucune surcharge ou aucun court-circuit, y compris dû aux quelconques conditions climatiques », la cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation des éléments de la cause et du droit des parties en ce qu'ils ont retenu la responsabilité de la SA EDF ; qu'en effet, les rapports d'Apave et de l'expert judiciaire permettent d'établir que la société la Ferme marine de Spano est alimentée par un compteur de chantier à l'origine en tarif bleu permettant une puissance maximum de 36 kw et n'a pas de contrat de fourniture d'énergie, ce qui ne dispense pas EDF d'une bonne continuité de service en fourniture d'énergie, laquelle est identique pour tous indépendamment du type de contrat et que la structure des installations de la SARL la Ferme marine de Spano est conforme et que la protection des biens et des personnes est satisfaisante, la réglementation n'imposant pas une source de remplacement pour ce type d'installation ; que par ailleurs, la tension délivrée par EDF au niveau du coffret de comptage ou du Tableau Général Basse Tension (TGBT) n'était pas suffisante pour un bon fonctionnement des moteurs et des appareils en général et l'énergie électrique fournie par EDF était inadaptée ; qu'en outre, l'absence de consuel et d'installation d'une alarme, non obligatoire, n'a pas eu d'incidence directe sur les causes de la réalisation du sinistre ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour confirmera le jugement en toutes ses dispositions relatives à la SA EDF (arrêt, p. 9) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'analyse technique de l'expert met en relief qu'EDF n'a pas fourni une bonne qualité d'énergie électrique et n'a donc pas respecté ses obligations contractuelles (article 5 du contrat) (¿) ; que l'expert précise que la modification du paramétrage d'usine est consécutif à une mauvaise qualité de l'énergie fournie par EDF (¿) ; que la fusion du fusible relevée par l'expert est la conséquence d'un défaut interne des portes fusibles d'EDF ; qu'il ne peut être reproché à la ferme marine de Spano dans la mesure où elle a pris des précautions suffisantes avec la mise en place d'un groupe électrogène et la vérification par l'APAVE des installations électriques qui n'a donné lieu à aucune remarque (jugement, p. 5) ;
1/ ALORS QU'en application de l'arrêté du 30 mars 2000 modifiant l'arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l'élevage, la garde et la détention des animaux, lorsque la santé et le bien-être des animaux dépendent d'un système de ventilation artificielle, l'éleveur doit prévoir un système de secours approprié afin de garantir un renouvellement d'air suffisant pour préserver la santé et le bien-être des animaux en cas de défaillance du système et un système d'alarme pour avertir de la défaillance ; qu'en jugeant, pour écarter l'existence d'une faute de la Ferme marine de Spano ayant contribué à la réalisation de son préjudice, que ce texte n'était pas applicable en l'espèce, la cour d'appel a violé l'arrêté précité du 30 mars 2000 ;
2/ ALORS, en tout état de cause, QU'en se bornant à écarter l'application de l'arrêté du 30 mars 2000 modifiant l'arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l'élevage, la garde et la détention des animaux, sans motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QU'en affirmant que le défaut d'installation d'une alarme n'avait pas eu d'incidence directe sur les causes de la réalisation du sinistre sans rechercher si l'installation d'un système d'alarme approprié, permettant d'avertir l'éleveur de la défaillance du système, n'aurait pas permis de s'assurer du déclenchement du groupe électrogène, dont l'absence a contribué à la réalisation du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4/ ALORS QU'en jugeant que la responsabilité de la société EDF était engagée pour n'avoir pas délivré une tension suffisante et une énergie électrique adaptée au bon fonctionnement des moteurs et des appareils de la Ferme marine de Spano, sans répondre au chef de conclusions de l'exposante selon lequel en sa qualité de concessionnaire, la société EDF ne pouvait être tenue pour responsable de l'insuffisance du réseau en place, dont le renforcement ne pouvait être effectué que par l'autorité concédante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5/ ALORS, au demeurant, QU'en jugeant que la responsabilité de la société EDF était engagée pour n'avoir pas délivré une tension suffisante et une énergie électrique adaptée au bon fonctionnement des moteurs et des appareils de la Ferme marine de Spano, sans répondre au chef de conclusions de l'exposante selon lequel le compteur basse tension préexistait à l'installation de la ferme d'élevage, de sorte que la société Ferme marine de Spano, qui avait connaissance de l'insuffisance de la tension délivrée par ce compteur au regard des appareils nécessaires à son fonctionnement, était seule responsable de l'inadéquation entre l'électricité fournie et les besoins liés à l'activité d'élevage, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6/ ALORS, en toute hypothèse, QU'en jugeant, pour écarter toute faute de la victime en relation de causalité avec la réalisation de son préjudice, que les installations de la Ferme marine de Spano étaient conformes tout en relevant que celle-ci s'était raccordée à un compteur basse tension insuffisant pour un bon fonctionnement des moteurs et appareils en général, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1147 du code civil.Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Corsica bobinage, demanderesse au pourvoi n° W 13-22.841
La société Corsica Bobinage reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée responsable avec la société EDF du sinistre subi par la société Ferme Marine de Spano et de l'avoir en conséquence condamnée in solidum avec la société EDF à payer à cette dernière la somme de 656.925 euros ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal a considéré que la société Corsica Bobinage n'avait eu comme seul rôle d'avoir commandé le groupe électrogène à la société Pramac France qui a procédé à la livraison et à la mise en route ; qu'en cause d'appel, la société Ferme Marine de Spano conteste la mise hors de cause de la société Corsica Bobinage par le tribunal et soutient que la responsabilité de cette dernière devait aussi être retenue, à côté de celle de la société Pramac, leur reprochant, en leur qualité de professionnels intervenants sur la chose d'autrui, de ne pas l'avoir informée ni alertée des risques liés à la modification du paramétrage du groupe électrogène ; qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le gérant de la société Corsica Bobinage, M. Z..., a effectué, en septembre 2006, la mise en service du groupe électrogène qui a fonctionné de façon satisfaisante jusqu'à la modification de son paramétrage voulue par ce dernier et le gérant de la société Ferme Marine de Spano pour réduire les fréquences de démarrage de ce groupe et avait une parfaite connaissance des problèmes de baisse de tension et avait constaté personnellement que « les câbles étaient chauds en amont et en aval du coffret de comptage EDF » ; que l'expert judiciaire relève que M. Z..., en sa qualité de technicien confirmé, avait un devoir de conseil vis-à-vis de son client et ajoute qu'apparemment, il l'a fait lorsqu'il a proposé de diminuer le seuil minimum ; que cependant, cette obligation à la charge de la société Corsica Bobinage, d'une part, porte sur l'information à la société Ferme Marine de Spano des risques générés par la modification du paramétrage effectuée et, d'autre part, existe même si ce réglage a été fait avec l'accord et sur la demande de cette dernière ; qu'or les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne démontrent pas que la société Ferme Marine de Spano avait effectivement eu connaissance des risques encourus par la paramétrage à 180 volts ; qu'en revanche, ils permettent d'établir que la société Corsica Bobinage, vendeur et installateur du groupe électrogène, était particulièrement informée des problèmes sur le réseau électrique de sa cliente, contrairement à la société Pramac France, et que son gérant, M. Z..., technicien compétent, est intervenu en compagnie d'un représentant de son fournisseur pour procéder à ce paramétrage ; que, dès lors, il convient de constater que la société Corsica Bobinage n'a pas attiré l'attention de la société Ferme Marine de Spano sur les risques du paramétrage litigieux et, par conséquent, n'a pas respecté son obligation contractuelle de conseil à l'égard de cette dernière ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société Corsica Bobinage et de retenir la responsabilité de cette dernière sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans le sinistre subi par la société Ferme Marine de Spano ; que la faute imputable à la société Corsica Bobinage et celle mise à la charge de la société EDF ayant contribué à l'entier dommage subi par la société Ferme Marine de Spano, ces deux parties doivent être condamnées in solidum à la réparation du préjudice indemnisable de cette dernière ;
1°) ALORS QUE le manquement d'un professionnel à son devoir de conseil n'engage sa responsabilité que s'il présente un lien de causalité avec le dommage éprouvé ; qu'en retenant qu'en s'abstenant d'informer la société Ferme Marine de Spano sur les conséquences de la modification du paramétrage du groupe électrogène, qui était destiné à en réduire les fréquences de démarrage, la société Corsica Bobinage avait contribué, avec la société EDF, à l'entier dommage consécutif à la panne des pompes d'alimentation et de circulation d'eau de mer des bassins d'élevage des poissons tout en constatant que cette panne était due, selon l'analyse technique de l'expert, outre à la fourniture d'une énergie électrique de mauvaise qualité par la société EDF, à un mauvais paramétrage en seuil minimum du groupe électrogène, ce dont il résultait que le dommage avait notamment pour cause ce mauvais paramétrage et non le défaut d'information sur les risques liés à un tel paramétrage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
2°) ALORS en toute hypothèse QUE les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé, le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse ; qu'en retenant qu'en s'abstenant d'informer la société Ferme Marine de Spano sur les risques liés à la modification du paramétrage du groupe électrogène, la société Corsica Bobinage avait contribué au dommage subi par cette société sans rechercher si mieux informée, celle-ci aurait refusé la modification du paramétrage du groupe électrogène et échappé ainsi aux risques qui se sont réalisés, la cour d'appel, qui l'a pourtant déclarée solidairement responsable de l'entier préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-22114;13-22841
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 15 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 déc. 2014, pourvoi n°13-22114;13-22841


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22114
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