LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 15 septembre 2008 en qualité de maçon par la société Perrin, a été licencié pour faute grave le 4 mars 2011 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié et le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, réunis :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur au paiement de sommes à titre d'indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'ayant constaté que le salarié avait exercé son droit de retrait à la suite de l'agression dont il avait été victime de la part d'un collègue de travail et que l'employeur l'avait en conséquence affecté au sein d'une autre équipe avant de changer d'avis six mois plus tard et d'enjoindre au salarié de rejoindre sa précédente équipe aux côtés de son agresseur, la cour d'appel, qui n'en décide pas moins que le licenciement sanctionnant son refus était intervenu pour un motif réel et sérieux, a violé les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail ;
2°/ qu'en excluant la qualification de faute grave, cependant qu'elle avait constaté que le salarié était resté absent pendant plusieurs semaines sans en justifier auprès de son employeur et sans pouvoir se prévaloir a posteriori d'un exercice légitime de son droit de retrait, c'est-à-dire d'une justification valable à son comportement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3°/ que la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, reprochait au salarié d'avoir « refusé l'affectation qui lui était proposée ¿ et d'avoir été absent sans motif » et précisait encore que le non-respect des affectations et les absences injustifiées du salarié avaient déjà été reprochés à ce dernier et sanctionnés par des mesures disciplinaires prises dans le courant des mois de février et mai 2010, soit dans le délai de trois ans de la notification du licenciement ; en s'abstenant cependant de prendre en considération l'aspect réitératif des fautes commises par le salarié pour juger de leur gravité, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire par lequel l'employeur soutenait que devaient être prises en considération les précédentes sanctions disciplinaires pour des faits similaires dont avait fait l'objet le salarié pour retenir à son encontre des fautes graves, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, a fait ressortir que le salarié, qui expliquait son refus, en janvier 2011, d'être intégré dans une équipe de travail où il pouvait rencontrer le chef de chantier avec lequel il avait eu une altercation en juillet 2009, ne justifiait pas, à la date de ce refus, d'un motif raisonnable de penser que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir énoncé les termes de la lettre de licenciement rappelant l'existence de précédentes sanctions disciplinaires, la cour d'appel a apprécié les manquements, qu'elle a caractérisés, du salarié au regard des craintes exprimées par celui-ci et de la position antérieure de l'employeur ; qu'elle a, répondant aux conclusions, d'une part, pu en déduire que les faits reprochés à ce salarié ne constituaient pas, dans ce contexte, une faute grave, d'autre part, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, décidé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt retient, d'une part, qu'il produit un récapitulatif des heures, établi pour la procédure, alors qu'il n'est pas possible de se faire des preuves à soi-même, et deux attestations de collègues de travail qui ne comportent pas la formule obligatoire de l'article 202 du code de procédure civile, d'autre part, que l'un des salariés assure que les horaires étaient payés à partir de 7 heures 30, ce qui va à l'encontre de la thèse de l'intéressé, tandis que l'autre salarié, qui expose que les horaires de prise journalière débutaient à 7 heures 30 sans autre précision, a été licencié pour faute grave à la suite de vols dans l'entreprise, de sorte que son témoignage reste extrêmement circonspect et que ces pièces ne peuvent être retenues ;
Qu'en statuant ainsi, en faisant peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et au titre d'un travail dissimulé, l'arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Perrin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Perrin et la condamne à payer à la SCP Fabiani et Luc-Thaler la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... du 4 mars 2011 reposait sur une cause réelle et sérieuse, et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes en paiement de la somme de 11. 013, 60 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, de celles de 17. 744, 88 € pour les salaires de janvier à novembre 2010, de 1. 835, 40 € par mois suivant jusqu'à la décision constatant la rupture à la charge de l'employeur, outre celle enfin de 1. 774, 48 € pour congés payés sur ces salaires ;
AUX MOTIFS QUE « il n'est pas contesté qu'à compter du mois de juillet 2009, après l'altercation vive qui l'a opposé à un chef de chantier, ce salarié a été affecté dans une autre équipe où il n'aurait pas à rencontrer cet ancien antagoniste et ce, jusqu'en janvier 2010 ; que Monsieur X... ne dénie pas ne pas être resté sur les chantiers litigieux les 24 et 25 janvier 2011 et avoir refusé d'intégrer une équipe jusqu'à son licenciement ; que l'employeur avait reconnu la valeur de sa position pendant six mois, mais avait changé d'attitude en 2011, seuls ces faits de cette date étant cités dans la lettre de licenciement, ce que le salarié concerné n'a pas admis ; qu'il est resté absent, en conséquence, de l'entreprise pendant plusieurs semaines sans justificatif mais il est vrai qu'il pouvait penser que le fait de rencontrer à nouveau son antagoniste au sein d'un chantier pouvait raviver les plaies cicatrisées, mais il devait s'efforcer de surmonter ses appréhensions anciennes, eu égard au temps passé ; que pour ces raisons, la cour estime que l'employeur pouvait conserver ce salarié pendant le préavis ; qu'en conséquence de quoi le licenciement sera considéré comme fondé non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse » ;
ALORS QUE aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'ayant constaté en l'espèce que Monsieur X... avait exercé son droit de retrait à la suite de l'agression dont il avait été victime de la part d'un collègue de travail et que l'employeur l'avait en conséquence affecté au sein d'une autre équipe avant de changer d'avis six mois plus tard et d'enjoindre au salarié de rejoindre sa précédente équipe aux côtés de son agresseur, la cour d'appel qui n'en décide pas moins que le licenciement sanctionnant son refus était intervenu pour un motif réel et sérieux, a violé les articles L. 4131-1 et L. 4131-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à obtenir les sommes de 1. 652, 04 € et 165, 20 € en paiement de ses heures supplémentaires et des congés payés afférents, outre celle de 11. 013, 60 euros à titre de dommage-intérêts pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE « si la preuve des heures supplémentaires est partagée entre les parties, le salarié produit cependant des pièces qui ne peuvent être retenues, savoir un récapitulatif des heures établies pour la procédure, alors qu'il n'est pas possible de se faire des preuves à soi-même, et deux attestations de collègues de travail qui ne comportent pas la formule obligatoire de l'article 202 du code de procédure civile concernant la conscience de ce qui est écrit doit être produit en justice et qu'en cas de faux témoignage une poursuite pénale est possible ; qu'en outre, Monsieur Z... assure que les horaires étaient payés à partir de 7 H 30, ce qui va à l'encontre de la thèse du salarié ; quant à Monsieur Ludovic A..., il expose que les horaires de prise journalière débutaient à 7 H 30 sans autre précision ; qu'il a été licencié pour faute grave à la suite de vols dans l'entreprise ; que son témoignage reste donc extrêmement circonspect ; qu'au total, la demande d'heures supplémentaires n'est pas étayée et aucune réponse positive ne peut y être donnée ; qu'il s'ensuit que le travail dissimulé, en l'absence d'heures supplémentaires caractérisées, ne saurait prospérer » ;
ALORS D'UNE PART QUE en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel qui retient par les motifs sus-rappelés, que la demande d'heures supplémentaires n'est pas étayée, de sorte qu'aucune réponse positive ne peut y être donnée, et qui fait ainsi peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société Perrin, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de monsieur X..., salarié, reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave et d'avoir condamné la société Perrin, employeur, au paiement des sommes de 3. 671, 20 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 367, 12 euros au titre des congés payés y afférents, de 734, 24 euros supplémentaire au titre de l'indemnité légale de licenciement et au remboursement aux organismes concernés de 15 jours d'indemnité de chômage versée au salarié à compter de son licenciement ;
AUX MOTIFS QUE, sur la nature du licenciement, la cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité, elle doit être existante et exacte ; que la cause sérieuse, quant à elle, est celle d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles ; que la faute grave enfin, s'analyse comme une cause réelle et sérieuse mais d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; que la lettre de licenciement pour faute grave du 4 mars 2011 expose : « le 24 janvier dernier, vous vous êtes présenté à votre poste de travail, après plus d'un an d'absence, partiellement justifiée. Après vous être rendu par vos propres moyens sur le chantier de Sermaises où vous étiez affecté, vous avez refusé de travailler et avez quitté le chantier de votre propre gré. Le lendemain matin, mardi 25 janvier dernier, vous vous êtes présenté à l'entreprise pour l'embauche et vous avez à nouveau refusé l'affectation qui vous était proposée, et refusé quelconque autre affectation qui vous était proposé. Vous avez donc à nouveau quitté l'entreprise de votre plein gré. Depuis cette date, vous êtes absent sans motif et vous ne vous êtes jamais présenté au travail. Ces faits se renouvellent et vous avez déjà fait l'objet d'une sanction pour des faits similaires en février et mai 2010..... Au cours de l'entretien préalable du 4 février 2011 vous avez revendiqué votre volonté de ne pas vous intégrer aux équipes constituées. Vous avez clairement indiqué que vous ne souhaitiez pas travailler avec certains salariés présents dans l'entreprise et précisé que les chefs n'étaient pas de bons chefs. Vous avez en outre exigé de pouvoir vous-même constituer l'équipe de votre choix, avec les salariés de votre choix, pour réaliser les chantiers qui vous conviendraient. Vous n'avez enfin jamais voulu admettre ni reconnaître que votre comportement n'était pas adapté pour un compagnon professionnel que vous êtes. Les faits précités constituent des fautes et un préjudice certain pour l'organisation de l'entreprise et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave... » ; que seuls les faits invoqués dans la lettre de licenciement bornent le litige et que la cour n'a pas à évoquer les autres griefs qui sont exclus du débat ; qu'il n'est pas contesté qu'à compter du mois de juillet 2009, après l'altercation vive qui l'a opposé à un chef de chantier, ce salarié a été affecté dans une autre équipe où il n'aurait pas à rencontrer cet ancien antagoniste et ce, jusqu'en janvier 2010 ; que monsieur X... ne dénie pas ne pas être resté sur les chantiers litigieux les 24 et 25 janvier 2011 et avoir refusé d'intégrer une équipe jusqu'à son licenciement ; que l'employeur avait reconnu la valeur de sa position pendant six mois, mais avait changé d'attitude en 2011, seuls ces faits de cette date étant cités dans la lettre de licenciement, ce que le salarié concerné n'a pas admis ; qu'il est resté absent, en conséquence, de l'entreprise pendant plusieurs semaines sans justificatif mais qu'il est vrai qu'il pouvait penser que le fait de rencontrer à nouveau son antagoniste au sein d'un chantier pouvait raviver les plaies cicatrisées, mais qu'il devait s'efforcer de surmonter ses appréhensions anciennes, eu égard au temps passé ; que, pour ces raisons, la cour estime que l'employeur pouvait conserver ce salarié pendant le préavis, en conséquence de quoi le licenciement sera considéré comme fondé non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse (arrêt, p. 4, § § 7 à 11, p. 5, § § 1 à 6) ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QU'en excluant la qualification de faute grave, cependant qu'elle avait constaté que le salarié était resté absent pendant plusieurs semaines sans en justifier auprès de son employeur et sans pouvoir se prévaloir a posteriori d'un exercice légitime de son droit de retrait, c'est-à-dire d'une justification valable à son comportement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE la lettre de licenciement fixe les termes du litige ; que la lettre de licenciement notifiée le 4 mars 2011 reprochait à monsieur X... d'avoir « refusé l'affectation qui lui était proposée ¿ et d'avoir été absent sans motif » et précisait encore que le non-respect des affectations et les absences injustifiées du salarié avaient déjà été reprochés à ce dernier et sanctionnés par des mesures disciplinaires prises dans le courant des mois de février et mai 2010, soit dans le délai de trois ans de la notification du licenciement ; qu'en s'abstenant cependant prendre en considération l'aspect réitératif des fautes commises par le salarié pour juger de leur gravité, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°) ALORS, ENFIN, QU'en répondant pas au moyen péremptoire par lequel l'employeur (conclusions, p. 10, § 9, p. 11, § 8) soutenait que devaient être prises en considération les précédentes sanctions disciplinaires pour des faits similaires dont avait fait l'objet le salarié pour retenir à son encontre des fautes graves, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.