LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Pierre-Toussaint X...,
- Mme Corinne Y...,
- M. Patrick Z...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 8 septembre 2014, qui les a renvoyés devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône sous les accusations, pour le premier, de vols avec arme en bande organisée, détention et usage de documents administratifs falsifiés, association de malfaiteurs en récidive, pour la deuxième, de non-justification de ressources, et, pour le troisième, de recel aggravé ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de M. Patrick Z... :
Attendu que le demandeur n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son conseil, un mémoire exposant ses moyens de cassation ; qu'il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 574-1 du code de procédure pénale ;
II - Sur les pourvois de M. Pierre X... et Mme Corinne Y... ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 450-2-1 en vigueur au moment des faits, 321-6, 321-6-1, 321-10 et 321-10-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a mis en accusation Mme A... des chefs d'omission de pouvoir justifier des ressources correspondant à son train de vie ;
"aux motifs que les charges suivantes justifient le renvoi de Mme A... du chef d'omission de pouvoir justifier de ses ressources correspondant à son train de vie, étant en relation habituelle avec MM. X... et B..., personnes composant une association de malfaiteurs en vue de la préparation de deux vols en bande organisée, avec armes ; que Mme Y... ne déclarait aucun revenu en 2002, 2003 et 2004, tout en percevant 8 208 euros de salaires en 2003, ainsi que 2 533 euros des ASSEDIC, et en 2004, 9 501 euros des ASSEDIC ; que, néanmoins, après les deux vols à main armée, une première perquisition effectuée le 13 septembre 2005, permettant la constatation d'un appartement meublé de manière cossue, avec la présence de nombreux vêtements et chaussures de marque Dior encore neufs dans leur emballage, un somme de 2 245 euros et une autre de 830 euros dans son sac ; qu'une deuxième perquisition, le 9 janvier 2007, permettait la constatation d'un ameublement «Roche Bobois, d'un équipement électro-ménager témoignant selon les constatations des policiers d'un «bon niveau de vie» les effets vestimentaires, les accessoires tels que lunettes, sont de marque (Chanel, Prada, Burberry, Gucci) ; que le 15 juillet 2005, elle recevait un chèque de 76 000 euros de la part de M. B... somme non remboursée, lui permettant notamment d'acquérir, neuf, un véhicule BMW X3, le 29 juillet 2005, pour un montant de 43 300 euros ; qu'elle déclarait que «l'on ne pouvait pas essayer d'empêcher les gens de vivre au-dessus de leur moyen» ; que les vêtements avaient été achetés à crédit, et que ses parents l'aidaient alors qu'il était établi qu'un seul versement en chèque d'un montant de 500 euros avait été fait en 2005, par la mère de Mme Y... ; que le 21 juin 2006, le couple X.../Y... obtenait un prêt immobilier auprès du crédit lyonnais pour un montant de 268 559 euros pour la construction d'une villa à Biguglia, leur apport personnel était d'environ 60 000 euros, composé uniquement de gains PMU ; qu'il apparaissait en effet que du 18 juin 2006 au 12 novembre 2006 M. X... avait gagné au PMU, 106 113 euros ; que cette somme permettait notamment le versement d'une somme de 43 000 à un notaire, et la somme de 35 000 euros à une société de construction, l'achat de tickets gagnants par M. X... était très plausible dans la mesure où M. C..., le gérant du bar, ou la plupart des tickets avaient été joués, indiquait que M. X... ne faisait pas partie de sa clientèle habituelle, tout en affirmant que ce dernier jouait avec un nommé M. D..., ce que ce dernier contestait, en affirmant qu'il jouait toujours seul ; qu'au surplus, deux des mises enregistrées au café Riche le 5 septembre 2006 à 20 h 19 ne pouvaient avoir été faites par M. X..., puisqu'il se trouvait sous bracelet électronique, et chez lui, à cette heure-là ; qu'en outre, les policiers constataient que la banque validait le projet, alors même que l'apport n'était pas constitué, et que, donc, M. X... savait, avant son projet immobilier, qu'il gagnerait aux courses ; que l'enquête révélait également des dysfonctionnements dans le montage du dossier, avec notamment la production d'un faux contrat de travail de M. X... ; que Mme Y... acquérait le 16 novembre 2005 un box, dans lequel était retrouvé la somme d'environ 330 000 euros, pour un montant de 12 915 euros, grâce au dépôt sur son compte d'un chèque de 15 000 euros de M. X..., le 20 octobre 2005 ; que cette somme provenait, notamment, de deux chèques de 3 500 et 4 000 euros de M. E... qui avait remis des chèques en blanc à M. B... en échange d'espèces, lequel avait remis ces deux chèques à M. X... ; que si les faits n'avaient pas été découverts, Mme Y... aurait été propriétaire d'une montre M. F..., avec bracelet rose en crocodile, d'une valeur de 79 500 euros, qui, définitivement, ne pouvait provenir de ses faibles ressources ;
"1°) alors que le délit de conséquence prévu à l'article 321-6 du code pénal exige que l'infraction d'origine soit pleinement caractérisée ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait valablement mettre en accusation Mme A... du chef de non-justification de ressources sans s'expliquer sur l'infraction originaire sur lequel ce délit de conséquence était réputé reposer ; qu'en s'en abstenant, la chambre de l'instruction, qui devait vérifier que les faits qualifiés pénalement justifiaient la saisine de la juridiction de jugement, a privé sa décision de toute base légale ;
"2°) alors que l'infraction de non-justification de ressources implique que son auteur soit en relations habituelles avec l'auteur de l'infraction d'origine ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction, qui a affirmé, de manière péremptoire, que l'accusée était en relations habituelles avec MM. X... et B... sans s'en expliquer, n'a pas légalement justifié sa décision» ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-3, 311-1, 311-9, 311-14, 321-1, 321-9, 321-10, 441-2, 441-9, 441-10, 441-11, 450-1, 450-3 et 450-5 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a mis en accusation M. X... des chefs notamment de vols aggravés, de recel, de participation à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, du crime de vol en bande organisée avec arme, détention frauduleuse de faux documents administratifs et usage d'un faux permis de conduire et d'une fausse carte nationale d'identité ;
"aux motifs que, sur les faits commis à Marseille, le 21 février 2005, son empreinte génétique nucléaire et mitochondriale a été retrouvée sur un bonnet devant la béquille latérale de la motocyclette Yamaha RI de couleur bleue, abandonnée à proximité du lieu des faits, et vue comme étant celle qui a suivi le fourgon blindé à la sortie du centre fort, sans qu'il puisse fournir une seule explication plausible sur cette présence, sauf à affirmer, soit qu'il avait pu laisser ce bonnet en prison, tout en indiquant qu'il ne portait pas de bonnet, soit qu'il avait pu toucher ce bonnet dans un magasin, soit qu'il était jalousé, sans vouloir exclure que le bonnet ait pu être mis délibérément sur la scène de crime ; que son téléphone est sur répondeur du 17 février au 24 février 2005, ce qui apparaissait très inhabituel au regard de l'utilisation régulière du téléphone constatée par les enquêteurs du 1er février au 17 février 2005 ; qu'apprenant, semble t-il par un policier, qu'il va être entendu dans le cadre de cette affaire, il s'enfuit en janvier 2007, ce qui paraît être une réaction inappropriée pour quelqu'un qui revendique son innocence ; que l'attestation du curé de Rutali, selon laquelle il était présent le matin du 20 février au village pour la messe anniversaire de la mort de son père, n'est pas incompatible avec une présence à Marseille le lendemain en début d'après-midi ; qu'en outre les déclarations de sa mère sur son activité l'après-midi du 20 février, jusqu' à 19h30 ne correspondaient pas aux propres déclarations de M. X..., et lui permettaient également d'être à Marseille, le lendemain ; que sur les faits commis à Talasani : le 25 juillet 2005, en août 2005, un renseignement anonyme le désignait comme étant l'un des auteurs de cette attaque de fourgon ; qu'en outre des précisions importantes étaient données, qui se révélaient exactes, telles que la possession d'une montre de valeur, l'achat après les faits d'un véhicule 4X4 BMW, l'achat d'une propriété ; que dans un box, dont il avait l'usage, propriété de sa concubine, les policiers découvraient la somme de 328 450 euros qui provenaient du vol à main armée, puisque l'empreinte du pouce droit de Mme G..., l'une des employés ayant compté les billets avant leur remise à l'entreprise de transport de fonds, était découverte sur l'un des billets, sans que M. X... fournisse la moindre explication à la présence de cette empreinte ; que ses explications évolutives et embarrassées sur la provenance de cette somme, le refus initial de donner le nom du «prêteur», l'affirmation tardive selon laquelle cette somme lui avait été remise par le père de M. H..., affirmation contredite par ce dernier qui faisait état de pressions exercées à son encontre, la fourniture de faux documents censés provenir de Cote d'Ivoire, l'intervention de M. I... pour justifier faussement de l'origine de cette somme moyennant 100 000 euros ; que la demande faite à son ami M. B... de lui trouver une villa à Porto Vecchio du 22 au 27 juillet, lequel lui annonce d'office sans aucune concertation «8 couchages» ; que durant cette période, il est établi qu'il ne reste pas présent pendant tout le séjour, sa belle-soeur Mme Y... précisant même qu'elle ne l'avait pas vu à la villa pendant la période considérée ; qu'il n'utilise pas son téléphone du 22 juillet au 28 juillet, si ce n'est pour consulter sa messagerie le 25 juillet 2005 à 13 heures 25 et 14 heures 16 (un relais à Porto Vecchio), ce qui établit qu'il était en Corse le 25 juillet 2005, alors qu'il affirme qu'il se trouvait sur le contient, sans pouvoir en apporter la preuve, puisqu'il reconnaissait avoir voyagé sous le nom de «Pascal J...» ; que le 26 juillet 2005 un nommé M. K... laisse un message sur le répondeur de M. X... : « c'était pour savoir si vous étiez bien rentrés, si ça s'est bien passé rappelle » ; qu'une conversation avec M. L... le 18 août 2005 dans laquelle il est question de « baskets ...avec un sachet » ou un « sac » laissé par M. X..., et qu'un « ami » inconnu devait récupérer pour les remettre au «patron» ; que sur la falsification de documents administratifs lors de son interpellation, M. X... était porteur de faux documents d'identité au nom de M. M... (permis de conduire, carte nationale d'identité), une carte d'assurance-maladie, et une carte bancaire, ce qu'il reconnaît ; qu'il n'est pas établi qu'il ait falsifié les dits documents, et devra être renvoyé de détention de documents administratifs et usage ; que sur l'infraction d'association de malfaiteurs et la circonstance aggravante de bande organisée ; que l'association de malfaiteurs est établie par le nombre de participants aux deux vols avec armes, le vol préalable de plusieurs véhicules, la recherche des armes, des cagoules, la réunion des divers participants pour préparer l'attaque, les repérages évidemment effectués pour la réussite de ces opérations quasi militaires ; que la circonstance aggravante de bande organisée est établie par le rôle assigné à chacun des malfaiteurs, la neutralisation des fourgons en plaçant les divers véhicules, le positionnement des dits véhicules, leur incendie après les faits, la filature du fourgon dès sa sortie du centre fort le positionnement des explosifs et les tirs, s'agissant des faits commis à Marseille ;
"1°) alors qu'il appartenait à la chambre de l'instruction de caractériser la matérialité des infractions reprochées à M. X... réputées justifier son renvoi devant la cour d'assises ; qu'en procédant à sa mise en accusation pour les « faits commis à Talasani le 25 juillet 2005 » et ceux commis « à Marseille, le 21 février 2005 » sans qualifier pénalement ces prétendus faits, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait valablement mettre en accusation le demandeur en se référant à des éléments périphériques, tels qu'une empreinte sur une moto « vue » comme ayant participé à l'attaque du fourgon blindé, l'interruption de son téléphone ou un renseignement anonyme, dont aucun ne constitue une charge suffisante à justifier son renvoi devant la cour d'assises ;
"3°) alors qu'un même fait ne peut être à la fois constitutif d'une infraction autonome et d'une circonstance aggravante, le principe de légalité, dont le but est d'informer les candidats aux infractions des conséquences de leurs actes et des peines encourues, imposant que les personnes poursuivies ne soient pas sujettes à plusieurs qualifications possibles pour les mêmes faits, en fonction du seul arbitraire du juge ; que l'association de malfaiteurs, infraction autonome, et la bande organisée, circonstance aggravante de l'infraction projetée et réalisée, sanctionnent un comportement identique ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité, mettre en accusation M. X... des chefs d'associations de malfaiteurs tout en retenant la circonstance aggravante de bande organisée" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes pour ordonner le renvoi des demandeurs devant la cour d'assises compétente, sous les accusations, contre Mme Y..., de non-justification de ressources et, contre M. X..., d'une part, de vols avec arme en bande organisée, recel de vol, détention et usage de documents administratifs falsifiés en récidive, et, d'autre part, sous celle d'association de malfaiteurs en vue de la préparation de vols à main armée correspondant à des faits distincts, commis courant 2004 et 2005, qu'elle a analysés ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
I- Sur le pourvoi de M. Z... :
Le DÉCLARE déchu de son pourvoi ;
II- Sur les pourvois de M. X... et de Mme A... :
Les REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.