LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., J..., K..., L..., M..., N..., O..., P..., Q..., R..., S..., T..., U..., V..., W..., XX..., YY..., Mmes E..., F... et aux époux G... du désistement partiel de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Michel H... et M. Alain I... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 16 avril 2013), qu'en vertu d'une convention d'entreprise du 16 mars 1982 modifiée par un accord du 29 janvier 1997, les salariés de la société Eurodif production ayant eu des conditions de travail pénibles bénéficient d'une mise à la retraite anticipée avant l'âge de 60 ans moyennant, selon l'article 53-6, le versement par l'employeur, à partir de la cessation d'activité jusqu'à 60 ans ou jusqu'à l'âge où le bénéficiaire sera en mesure de faire liquider ses droits à la retraite à taux plein, d'une pension de retraite anticipée dont le mode de calcul fait l'objet de la note de service n° 87 DPS du 19 juillet 1982 ; que cette note prévoit que des appointements de retraite anticipée, équivalant à la retraite acquise théoriquement à 65 ans et à la perte des droits résultant de la diminution des cotisations aux régimes de retraite durant la période de retraite anticipée, sont versés par Eurodif production et que ces appointements sont constitués de deux éléments : une somme équivalant à la retraite qui aurait été obtenue à 65 ans par le bénéficiaire dans les régimes auxquels il est affilié par la société (sécurité sociale et régimes de retraite complémentaire) et une indemnité forfaitaire destinée à compenser la perte des droits entraînée par la diminution des cotisations durant la période de retraite anticipée et évaluée compte tenu d'une longévité de 75 ans ; que plusieurs salariés bénéficiaires de ce dispositif dit TB6 ont saisi la juridiction prud'homale d'une contestation portant sur la base de calcul du premier poste de l'indemnité diteTB6 ;
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en paiement de compléments de l'indemnité dite TB6, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 53-6 de la convention d'entreprise d'Eurodif en son état résultant d'un accord du 29 janvier 1997, et la note de service n° 87 DPS à laquelle renvoie cette convention d'entreprise, les salariés d'Eurodif ayant effectué des travaux entraînant une incommodité bénéficient d'une retraite anticipée avant l'âge de soixante ans et, à partir de leur cessation anticipée d'activité et jusqu'à soixante ans ou jusqu'à l'âge où ils seraient en mesure de faire liquider leurs droits à la retraite à taux plein, ils se voient verser par l'employeur une « pension de retraite anticipée » comportant notamment une somme équivalant au montant de la retraite qu'ils auraient perçue à soixante-cinq ans s'ils avaient continué à travailler jusqu'à cet âge ; qu'il en résulte que la pension de retraite anticipée ainsi instituée est calculée sur le fondement des meilleures années de rémunération précédant le soixante-cinquième anniversaire des salariés concernés et non celui des meilleures années précédant leur admission au bénéfice de ce régime de retraite anticipée ; qu'en retenant au contraire que la référence à l'âge de 65 ans aurait « pour but non d'intégrer les années supplémentaires dans la carrière prise en compte mais de se placer pour chaque salarié au moment où il a droit à sa retraite à taux plein », la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;
2°/ que la pension de retraite anticipée instituée par la convention d'entreprise susvisée comporte aussi une seconde composante, savoir une somme équivalant à la perte des droits résultant de la diminution des cotisations aux régimes de retraite durant la période de retraite anticipée et évaluée compte tenu d'une longévité de 75 ans ; qu'il résulte de ces dispositions que cette seconde composante a pour objet de compenser l'amoindrissement des droits à la retraite des salariés concernés au titre de la période courant entre l'âge où ils seront en mesure de faire liquider leurs droits à la retraite à taux plein et l'âge de 75 ans, donc de réparer un préjudice se réalisant postérieurement au moment où les salariés seront en mesure de faire valoir leurs droits à la retraite à taux plein ; qu'en retenant au contraire-pour en déduire de plus fort la prétendue absence de nécessité, pour calculer le montant de la pension de retraite anticipée, de prendre en compte les vingt-cinq meilleures années de salaire par projection jusqu'à l'âge de 65 ans-que la seconde composante de la pension de retraite anticipée aurait eu pour objet de compenser « la perte liée à la diminution des rémunérations prises en compte au titre des cotisations retraites », c'est-à-dire d'améliorer la situation des salariés pendant la période courant entre leur admission au régime de retraite anticipée et l'âge légal de la retraite à taux plein et donc de compenser un préjudice susceptible de se réaliser pendant la période de retraite anticipée, cependant que cette deuxième composante n'a pas pour objet de compenser une perte subie au titre de la période antérieure à l'âge auquel les salariés peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein, la cour d'appel a de plus fort violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;
3°/ que la première composante de la pension de retraite anticipée instituée par la convention d'entreprise susvisée correspond au montant de la retraite que les salariés auraient perçue à 65 ans s'ils avaient continuer à travailler jusqu'à cet âge, le calcul de la pension étant effectué en fonction des paramètres connus au moment du départ en retraite anticipée ; qu'il résulte de ces dispositions que les appointements de retraite anticipée auxquels ont droit les salariés concernés sont calculés, non en fonction d'un salaire figé en l'état de leur situation telle qu'arrêtée au jour de leur départ en retraite anticipée, mais en fonction des éléments connus et déterminables à cette date, ce qui impose la prise en considération du salaire existant à ce moment et son actualisation en fonction de la situation objective des salariés et notamment de leur ancienneté et de son évolution postérieurement au départ en retraite anticipée ; qu'en retenant au contraire que le calcul de la rémunération de retraite anticipée de chaque salarié ne pouvait être opéré que sur la base du seul salaire existant au moment de l'admission au bénéfice de la retraite anticipée, la cour d'appel a derechef violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;
Mais attendu que, faisant une exacte interprétation de l'article 53-6 de la convention d'entreprise en son état résultant d'un accord du 29 janvier 1997 relatif à la retraite anticipée des salariés ayant effectué un service continu ou des travaux entraînant une incommodité et renvoyant, pour le mode de calcul de cette pension, à la note de service n° 87 DPS du 19 juillet 1982, la cour d'appel a retenu que le dispositif de départ à la retraite anticipée suppose le calcul pour chaque salarié, au moment de son entrée dans le dispositif, du montant de la rémunération correspondante sur la base de données objectives et nécessairement connues ou déterminables à cette date, de sorte que ce calcul ne peut être opéré que sur la base du salaire de référence de chacun, seul connu au moment de son entrée dans le dispositif et en tenant compte des droits à la retraite acquis comme s'il avait cotisé jusqu'à l'âge de 65 ans ; que le moyen, qui dans sa deuxième branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et les vingt-six autres demandeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour M. X... et vingt-six autres demandeurs.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté les salariés de leurs demandes formées à l'encontre de la société Eurodif Production, employeur, en paiement de compléments de l'indemnité dite TB6 et de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le litige portait sur la mise en oeuvre du dispositif de départ à la retraite avant 60 ans réservé aux salariés de la SA Eurodif Production ayant effectué un service continu ou des travaux entraînant une incommodité, dispositif prévu par la convention d'entreprise du 16 mars 1982 rappelée ci-dessus ; qu'en particulier, les salariés appelants contestaient le mode de calcul de la part de rémunération dite TB6 ainsi définie par la « note de service n º 87 DPS » à laquelle la convention d'entreprise se référait : « une somme équivalant à la retraite qui aurait été obtenue à ans par le bénéficiaire » ; que les salariés appelants exposaient que le calcul effectué par la SA Eurodif Production de cette indemnité TB6 devant leur revenir à chacun était erroné ; qu'ils produisaient, chacun, un tableau comparatif basé sur une estimation, pour chacun, de leurs droits à la retraite obtenu auprès de Gip Info Retraite ; qu'ils s'appuyaient sur le montant de retraite brute figurant sur ces estimations pour un départ en retraite à 65 ans, pour soutenir qu'ils subissaient un manque à gagner dans le calcul de l'indemnité TB6 qui leur était due ; que l'examen du document de référence du Gip Info Retraite invoqué par chaque salarié révélait qu'il s'agissait d'une « estimation indicative » reposant, notamment, sur « des hypothèses d'évolution économique (salaire, prix) retenues par la Loi de Financement de la Sécurité Sociale et le Conseil d'Orientation des Retraites » ; qu'or, le mécanisme du départ à la retraite anticipée supposait le calcul pour chaque salarié, au moment de son entrée dans le dispositif, du montant de la rémunération correspondante sur la base de données objectives et nécessairement connues ou déterminables à cette date ; que par conséquent, l'estimation du Gip Info Retraite ne pouvait servir de base au calcul de cette rémunération puisqu'elle incluait des hypothèses, c'est-à-dire des données non certaines dont la vérification, en matière économique, ne pouvait être opérée qu'a posteriori ; que le calcul de la rémunération de retraite anticipée de chaque salarié ne pouvait donc être opéré que sur la base du salaire de référence de chacun, seul connu au moment de son entrée dans le dispositif, et en tenant compte des droits à la retraite acquis comme s'il avait cotisé jusqu'à l'âge de 65 ans ; que c'était bien sur cette base que le calcul de la SA Eurodif Production avait été effectué, et les salariés appelants n'invoquaient ni ne démontraient aucune erreur dans les autres postes de compte les concernant, pour parvenir à la rémunération qu'ils avaient perçue ; que c'était donc à bon droit que leur contestation avait été rejetée par les premiers juges (arrêt, p. 8, § § 4 à 8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en vertu d'un accord collectif conclu le 29 janvier 1997, à l'âge de 55 ans les salariés ayant occupé des emplois pénibles entraient obligatoirement dans un dispositif dans lequel, tout en restant salariés de l'entreprise, ils étaient dispensés d'exercer leur activité et percevaient « une pension de retraite anticipée » dont les modalités de calcul variaient selon que le salarié se trouvait avant ou après le moment auquel il pouvait prétendre à une retraite à taux plein ; que la contestation émise par les salariés portait essentiellement sur les modalités de calcul de l'indemnité dite « TB6 », versée de l'âge de 55 ans, soit à l'âge de 60 ans, soit à l'âge auquel le salarié atteignait 37, 5 annuités de cotisations ; que le mode de calcul de cette indemnité TB6 décrite dans une note 87 DPS prévoyait le cumul de deux éléments : « une somme équivalant à la retraite qui aurait été obtenue à 65 ans » et « une indemnité forfaitaire destinée à compenser la perte de droits entraînée par la diminution des cotisations durant la période de retraite anticipée » ; que la difficulté principale provenait de l'interprétation à donner à la formule retenue par les partenaires sociaux « une somme équivalant à la retraite qui aurait été obtenue à 65 ans » reformulée en 2007 dans une note interne comme le « montant de la retraite qu'ils auraient perçue à 65 ans s'ils avaient continué à travailler jusqu'à cet âge » ; que les salariés demandeurs soutenaient que cette formule imposait de prendre en compte, au titre des 25 meilleures années, les années leur restant à travailler jusqu'à 65 ans, comme s'ils les avaient effectivement travaillées, sur la base d'une projection ; que l'employeur de son côté partait, pour le décompte des 25 meilleures années, de la réalité de la carrière à 55 ans, sans faire de projection sur les années restant à travailler ; qu'il y avait lieu de retenir cette deuxième interprétation ; qu'en effet, l'examen des textes et l'équilibre général du système révélait que la référence à l'âge de 65 ans avait pour but non pas d'intégrer des années supplémentaires dans la carrière prise en compte, mais de se placer, pour chaque salarié, au moment où il avait droit à sa retraite à taux plein ; qu'ainsi la référence à la retraite perçue à 65 ans visait à préserver la situation personnelle de chaque salarié, quelle que soit la date à laquelle il avait commencé à travailler ; que la perte liée à la diminution des rémunérations prises en compte au titre des cotisations retraite était ensuite spécifiquement et utilement compensée par la deuxième composante de l'indemnité forfaitaire ; que les demandes des salariés, qui toutes découlaient de l'interprétation ainsi donnée, ne pouvaient donc aboutir (jugement, p. 6, § § 4 et 5, p. 7 § § 1 à 10) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 53-6 de la convention d'entreprise d'Eurodif en son état résultant d'un accord du 29 janvier 1997, et la note de service n° 87 DPS à laquelle renvoie cette convention d'entreprise, les salariés d'Eurodif ayant effectué des travaux entraînant une incommodité bénéficient d'une retraite anticipée avant l'âge de soixante ans et, à partir de leur cessation anticipée d'activité et jusqu'à soixante ans ou jusqu'à l'âge où ils seraient en mesure de faire liquider leurs droits à la retraite à taux plein, ils se voient verser par l'employeur une « pension de retraite anticipée » comportant notamment une somme équivalant au montant de la retraite qu'ils auraient perçue à soixante-cinq ans s'ils avaient continué à travailler jusqu'à cet âge ; qu'il en résulte que la pension de retraite anticipée ainsi instituée est calculée sur le fondement des meilleures années de rémunération précédant le soixante-cinquième anniversaire des salariés concernés et non celui des meilleures années précédant leur admission au bénéfice de ce régime de retraite anticipée ; qu'en retenant au contraire que la référence à l'âge de soixante-cinq ans aurait « pour but non d'intégrer les années supplémentaires dans la carrière prise en compte mais de se placer pour chaque salarié au moment où il a droit à sa retraite à taux plein », la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;
ALORS, DE SURCROÎT, QUE la pension de retraite anticipée instituée par la convention d'entreprise susvisée comporte aussi une seconde composante, savoir une somme équivalant à la perte des droits résultant de la diminution des cotisations aux régimes de retraite durant la période de retraite anticipée et évaluée compte tenu d'une longévité de soixante-quinze ans ; qu'il résulte de ces dispositions que cette seconde composante a pour objet de compenser l'amoindrissement des droits à la retraite des salariés concernés au titre de la période courant entre l'âge où ils seront en mesure de faire liquider leurs droits à la retraite à taux plein et l'âge de soixante-quinze ans, donc de réparer un préjudice se réalisant postérieurement au moment où les salariés seront en mesure de faire valoir leurs droits à la retraite à taux plein ; qu'en retenant au contraire-pour en déduire de plus fort la prétendue absence de nécessité, pour calculer le montant de la pension de retraite anticipée, de prendre en compte les vingt-cinq meilleures années de salaire par projection jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans-que la seconde composante de la pension de retraite anticipée aurait eu pour objet de compenser « la perte liée à la diminution des rémunérations prises en compte au titre des cotisations retraites », c'est-à-dire d'améliorer la situation des salariés pendant la période courant entre leur admission au régime de retraite anticipée et l'âge légal de la retraite à taux plein et donc de compenser un préjudice susceptible de se réaliser pendant la période de retraite anticipée, cependant que cette deuxième composante n'a pas pour objet de compenser une perte subie au titre de la période antérieure à l'âge auquel les salariés peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein, la cour d'appel a de plus fort violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la première composante de la pension de retraite anticipée instituée par la convention d'entreprise susvisée correspond au montant de la retraite que les salariées auraient perçue à 65 ans s'ils avaient continuer à travailler jusqu'à cet âge, le calcul de la pension étant effectué en fonction des paramètres connus au moment du départ en retraite anticipée ; qu'il résulte de ces dispositions que les appointements de retraite anticipée auxquels ont droit les salariés concernés sont calculés, non en fonction d'un salaire figé en l'état de leur situation telle qu'arrêtée au jour de leur départ en retraite anticipée, mais en fonction des éléments connus et déterminables à cette date, ce qui impose la prise en considération du salaire existant à ce moment et son actualisation en fonction de la situation objective des salariés et notamment de leur ancienneté et de son évolution postérieurement au départ en retraite anticipée ; qu'en retenant au contraire que le calcul de la rémunération de retraite anticipée de chaque salariée ne pouvait être opéré que sur la base du seul salaire existant au moment de l'admission au bénéfice de la retraite anticipée, la cour d'appel a derechef violé, par fausse interprétation, les textes susvisés.